1B_581/2022 01.12.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_581/2022  
 
 
Arrêt du 1er décembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Haag. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Jérôme Reymond, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD. 
 
Objet 
Détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, 
du 7 octobre 2022 (748 - PE22.017325-CPB). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 17 septembre 2022, le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois (ci-après: ministère public) a ouvert une instruction pénale contre A.________ pour menaces et insoumission à une décision de l'autorité. Il lui est reproché d'avoir, le 16 septembre 2022 vers 16h30, dans les locaux de l'Etude de son avocat à Lausanne, déclaré à une collaboratrice de l'Etude Me B.________ qu'il allait s'en prendre à son ex-femme C.________ et à sa belle-famille, en précisant que les obsèques de son ex-belle-mère D.________ auraient lieu la semaine suivante et qu'on parlerait de lui le lendemain dans la presse. Le prévenu a été interpellé le même jour dans un établissement public de Montreux situé à une vingtaine de minutes à pied du domicile de son ex-épouse, de la mère de celle-ci et de son fils; il présentait un taux d'alcool de 1.10 o/oo et n'avait, semble-t-il, pas pris les médicaments (lithium) qui lui étaient prescrits pour traiter un trouble bipolaire. Par ailleurs, à Montreux, entre le 15 juillet et le 12 septembre 2022, A.________ aurait tenté de contacter téléphoniquement son ex-épouse et son fils et se serait rendu à deux reprises, alcoolisé, sur le palier de l'appartement de ces derniers, en violation du jugement du 21 juillet 2022 par lequel le Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois avait interdit au prévenu de prendre contact, de quelque manière que ce soit, avec son fils et son ex-épouse et de s'approcher à moins de 100 mètres de ces derniers et de leur lieu de résidence.  
 
C.________ et D.________ ont déposé plainte pénale respectivement les 16 et 21 septembre 2022. 
 
A.b. A.________ a été entendu par la police le 17 septembre 2022. Il a reconnu avoir communiqué avec son fils par le biais des réseaux sociaux (Facebook), l'avoir contacté téléphoniquement "par erreur" et lui avoir envoyé un message via l'application Whatsapp le 15 juillet 2022, ainsi que d'avoir le même jour appelé "par erreur" son ex-épouse. Il a également admis s'être rendu à une ou deux reprises, depuis sa sortie de prison, en particulier les 9 et 12 septembre 2022, au domicile de cette dernière, alcoolisé, car il avait envie de voir son fils malgré l'interdiction de périmètre prononcée à son encontre, expliquant qu'il s'en "foutait du tribunal civil, car il avait déjà tout perdu". Par ailleurs, il a déclaré qu'il avait effectivement dit à la collaboratrice de son avocat que sa belle-mère allait payer pour le mal qu'elle lui avait fait, précisant qu'il voulait dire par-là qu'il souhaitait qu'elle aille en prison, non sans ajouter que la collaboratrice en question était "une jeune stagiaire stupide". Il a contesté avoir parlé des obsèques de son ex-belle-mère et, plus globalement d'avoir proféré des menaces de mort. Il a ajouté s'agissant de sa belle-mère: "Cette femme est vicieuse, dégueulasse, elle a voulu me tuer plusieurs fois. Toute la journée elle boit et le soir elle consomme de la drogue dans son appartement. Cette femme a voulu foutre la merde dans ma vie, elle a fait en sorte que mon business se casse la gueule". Le même jour, la procureure a procédé à l'audition d'arrestation de A.________ qui a en substance contesté avoir tenu les propos qui lui étaient reprochés.  
 
A.c. A teneur de son casier judiciaire, A.________ a fait l'objet de cinq condamnations depuis février 2013, dont quatre pour menaces et menaces alarmant la population. Il a ainsi été condamné le 28 février 2013, pour faux dans les certificats, conduite en état d'ébriété qualifiée et malgré le refus, le retrait ou l'interdiction de l'usage du permis, à une peine de 400 heures de travail d'intérêt général; le 4 octobre 2016, pour vol, dommages à la propriété, utilisation abusive d'une installation de télécommunications, menaces, violation de domicile, insoumission à une décision de l'autorité, conduite en état d'ébriété qualifiée, vol d'usage et conduite malgré le refus, le retrait ou l'interdiction de l'usage du permis, à une peine privative de liberté de 9 mois et à une amende, ainsi qu'à un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP; le 14 octobre 2016, pour menaces alarmant la population à une peine privative de liberté de 6 mois; le 12 juillet 2018, pour voies de fait, dommages à la propriété, escroquerie, obtention frauduleuse d'une prestation, menaces, tentative de contrainte, violation de domicile et insoumission à une décision de l'autorité, à une peine privative de liberté de 4 mois et à une amende; enfin, le 22 juin 2022, pour dommages à la propriété, injure, menaces, violation de domicile, calomnie et dénonciation calomnieuse, à une peine privative de liberté de 12 mois et à une amende.  
 
B.  
Par ordonnance du 18 septembre 2022, le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) a, sur requête du ministère public, ordonné la détention provisoire de A.________ pour une durée maximale de trois mois, soit au plus tard jusqu'au 16 décembre 2022, en raison du risque de récidive. 
Par arrêt du 7 octobre 2022, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé par A.________ contre cette décision. En substance, elle a retenu l'existence de soupçons suffisants de culpabilité et d'un risque de réitération qu'aucune mesure de substitution n'était susceptible à ce stade de pallier; le principe de la proportionnalité était en outre respecté. 
 
C.  
Par acte du 11 novembre 2022, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant en substance à sa libération immédiate et, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Le recourant sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire. 
 
L'instance précédente et le ministère public renoncent à se déterminer, se référant à la décision attaquée. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant, prévenu détenu, a qualité pour recourir. Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Dans deux griefs qu'il convient d'examiner en commun, le recourant se plaint d'une constatation arbitraire des faits et d'une violation de l'art. 221 al. 1 CPP en ce sens qu'il n'existerait pas de sérieux soupçons à son encontre. 
 
2.1.  
 
2.1.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, la partie recourante ne peut critiquer la constatation de faits que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 I 26 consid. 1.3; 142 III 364 consid. 2.4; 139 II 404 consid. 10.1).  
 
2.1.2. Une mesure de détention pour des motifs de sûreté n'est compatible avec la liberté personnelle garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP).  
 
Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH), c'est-à-dire des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis une infraction. Il n'appartient cependant pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2). 
 
2.2. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir retenu de façon arbitraire qu'il aurait menacé en date du 16 septembre 2022 de s'en prendre à son ex-épouse et plus particulièrement à son ex-belle-mère. Il affirme n'avoir jamais évoqué son ex-épouse auprès de la collaboratrice de son avocat, mais admet avoir tenu certains propos à l'encontre de son ex-belle-mère; il précise cependant que les propos qui lui sont reprochés - dont le contenu ne serait pas clairement établi - ne pouvaient pas être compris comme une menace grave et invoque l'absence de lien de causalité entre les prétendues menaces et l'état de frayeur de son ex-belle-mère. Les propos tenus à la collaboratrice de son avocat devaient, selon le recourant, être considérés comme des paroles délirantes et non pas comme des menaces. Ce faisant, le recourant conteste l'appréciation des faits à laquelle la cour cantonale a procédé.  
 
En l'espèce, il ressort de l'arrêt cantonal que la collaboratrice de l'avocat du recourant a déclaré que ce dernier avait menacé de s'en prendre à son ex-épouse et plus particulièrement à son ex-belle-mère et qu'il avait précisé que les obsèques de cette dernière auraient lieu la semaine suivante. Il ressort en outre du rapport de police du 17 octobre 2022 que ladite collaboratrice avait avisé la police que le prévenu avait menacé d'aller s'en prendre à son ex-femme (art. 105 al. 2 LTF). La cour cantonale n'a pas ignoré les dénégations du recourant. Elle pouvait cependant, sans verser dans l'arbitraire, considérer que les menaces étaient dirigées à l'encontre de son ex-belle-mère, mais également de son ex-épouse. Les charges pesant sur le recourant du chef de menaces à l'encontre de son ex-épouse et de son ex-belle-mère étaient en effet fondées sur les déclarations précitées de la collaboratrice de l'avocat du recourant, ainsi que sur le rapport de police du 17 octobre 2022, et apparaissaient suffisantes. 
 
De plus, comme relevé par la cour cantonale, le recourant a clairement fait part à la police, et dans des termes souvent inconvenants, des reproches qu'il nourrissait à l'égard de son ex-belle-mère, ce qui tend à démontrer qu'il estimait avoir des raisons de proférer les menaces qui lui sont attribuées. Le fait que le recourant a déjà été condamné à plusieurs reprises pour des menaces plaide également en sa défaveur. Enfin, quoi qu'en pense le recourant, le dépôt rapide d'une plainte pénale par son ex-femme et son ex-belle-mère, une fois informées des propos qu'il aurait tenus, démontrent que celles-ci se sont senties effrayées. Le fait que les menaces n'ont pas été proférées directement devant celles-ci n'est pas déterminant. 
 
2.3. La cour cantonale n'a donc pas procédé à une constatation arbitraire des faits et elle n'a pas non plus violé l'art. 221 al. 1 CPP en considérant qu'il existait de forts soupçons à l'encontre du recourant.  
 
3.  
Pour le reste, le recourant ne discute pas les motifs avancés par l'instance précédente concernant le risque de récidive. Sur ce point, il peut-être renvoyé aux considérants de l'arrêt cantonal (art. 109 al. 3 LTF) qui expose de manière convaincante la situation juridique: au vu notamment des antécédents du recourant, de ses troubles psychiatriques - étayés par des experts psychiatres - et de son incapacité à maîtriser sa consommation d'alcool, le risque de réitération au sens de l'art. 221 CPP était réalisé; en outre, aucune mesure de substitution ne paraissait suffisante en l'état (cf. arrêt entrepris consid. 4.2 et 5.2). 
 
4.  
Enfin, le recourant invoque en vain une violation du principe de la proportionnalité. Celui-ci n'est à ce jour pas violé par la durée de la détention qu'il a déjà subie (soit moins d'un mois au jour de l'arrêt attaqué), au regard de ses antécédents judiciaires et des infractions qui lui sont reprochées, dont la plus grave est à elle seule passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus (cf. art. 180 al. 1 CP). 
 
5.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. 
 
Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent réunies (art. 64 al. 1 LTF). Il y a lieu de désigner Me Jérôme Raymond en qualité d'avocat d'office et de fixer ses honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Le recourant est en outre dispensé des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est admise. Me Jérôme Reymond est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 1 er décembre 2022  
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Arn