1C_112/2022 07.07.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_112/2022  
 
 
Arrêt du 7 juillet 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Müller et Merz. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représentée par Me Gérard Brutsch, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Mise en conformité, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 11 janvier 2022 (ATA/23/2022 - A/3147/2020-LCI). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 6 juin 2006, le département cantonal genevois compétent, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après: le département) a délivré l'autorisation de construire portant sur la construction de seize immeubles d'habitation, avec garages souterrains, sur dix-neuf parcelles situées en zone de développement 4B, dont la parcelle n° 5010 (propriété de A.________) de la commune de Vernier. L'autorisation de construire et son complément du 6 février 2007 fixaient comme condition le respect des dispositions de la loi cantonale sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI; RS/GE L 5 05) et de son règlement d'application. 
Après plusieurs échanges de correspondance entre A.________ et le département, ce dernier a, par décision du 3 septembre 2020, ordonné à la prénommée de mettre en conformité les seuils des portes-fenêtres de l'appartement du rez-de-chaussée, lesquels étaient trop hauts. 
 
B.  
Par jugement du 1 er septembre 2021, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: TAPI) a admis le recours formé par A.________ et a annulé la décision de mise en conformité du département du 3 septembre 2020.  
 
C.  
Sur recours du département, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la cour cantonale ou la Cour de justice) a, par arrêt du 11 janvier 2022, annulé la décision du TAPI, confirmant ainsi l'ordre de mise en conformité du département. 
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande, sous suite de frais et dépens, au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et de confirmer le jugement du TAPI du 1 er septembre 2021. A titre subsidiaire, elle conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.  
La cour cantonale se réfère aux considérants et dispositif de son arrêt. Le département conclut au rejet du recours aux termes de ses observations. La recourante persiste dans ses conclusions. 
Par ordonnance du 2 mars 2022, le Président de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif, présentée par la recourante. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. En tant que destinataire de l'ordre de mise en conformité, la recourante est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué et peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à ce que cette décision soit annulée. Elle a donc qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
 
2.  
Aux termes de l'arrêt entrepris, la Cour de justice a annulé la décision du TAPI, considérant que l'ordre de mise en conformité des seuils des portes-fenêtres était fondé. Elle a retenu que la hauteur actuelle de ces seuils (15 cm à l'intérieur et 12,5 cm à l'extérieur) n'était pas conforme à l'autorisation de construire, plus précisément à l'obligation contenue dans cette dernière de respecter la LCI et son règlement d'application ainsi qu'aux plans de l'autorisation. La cour cantonale a ainsi adopté une double motivation (cf. ATF 142 III 364 consid. 2.4). Elle a, d'une part, considéré que ces seuils ne respectaient pas l'art. 109 al. 1 let. c LCI - dans sa teneur lors de la délivrance de l'autorisation en juin 2006 - et l'art. 5 al. 3 de l'ancien règlement concernant les mesures en faveur des personnes handicapées dans le domaine de la construction du 7 décembre 1992 (ci-après: aRMPHC, abrogé et remplacé par le RACI du 29 janvier 2020; RS/GE L 5 05.06), adopté sur la base de l'art. 109 LCI (cf. arrêt attaqué consid. 3 et 4). D'autre part, la cour cantonale a, à teneur des plans, plus précisément du plan n° 418/08A intitulé "immeuble A, coupes A-A B-B C-C D-D E-E F-F" et d'un agrandissement du détail "coupe partielle 1-1" de ce plan, constaté que les seuils autorisés par le département étaient d'une hauteur de 6 cm; les seuils actuels n'étaient donc pas conformes aux seuils autorisés (cf. arrêt attaqué consid. 5). 
 
3.  
Dans un premier moyen, la recourante se plaint d'une violation du principe de la légalité (art. 5 Cst.). Elle soutient que l'exigence d'une hauteur maximale de 6 cm pour les seuils des portes-fenêtres serait dépourvue de toute base légale. 
 
3.1. Le principe de la légalité consacré à l'art. 5 al. 1 Cst. exige de façon générale que l'ensemble de l'activité étatique se fonde sur la loi et repose ainsi sur une base légale. L'exigence de la base légale signifie que les actes étatiques doivent trouver leur fondement dans une loi au sens matériel, qui soit suffisamment précise et déterminée et qui émane de l'autorité constitutionnellement compétente. L'exigence de précision de la norme (ou de densité normative) est relative et varie selon les domaines. Elle dépend notamment de la gravité des atteintes qu'elle comporte aux droits fondamentaux (ATF 131 II 13 consid. 6.5.1; arrêt 2C_134/2018 du 24 septembre 2018 consid. 4.1 et les références citées).  
Hormis en matière pénale et dans le domaine fiscal, le principe de la légalité ne constitue pas un droit constitutionnel distinct, mais uniquement un principe constitutionnel. Le recours en matière de droit public permet de se plaindre directement d'une violation de ce principe, au même titre que du principe de la proportionnalité ancré à l'art. 5 al. 2 Cst. (ATF 146 II 56 consid. 6.2.1; arrêt 1C_292/2019 du 12 mai 2020 consid. 4.1). Toutefois, dans l'application du droit cantonal, à part les restrictions des droits fondamentaux (art. 36 al. 1 Cst.), le Tribunal fédéral n'intervient en cas de violation du principe de la légalité que si la mesure de droit cantonal viole simultanément l'interdiction de l'arbitraire (ATF 134 I 153 consid. 4; arrêts 1C_557/2019 du 21 avril 2020 consid. 2.1; 2C_342/2019 du 11 octobre 2019 consid. 5.1; 2C_613/2017 du 16 avril 2018 consid. 3.2). 
Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 318 consid. 5.4; 141 III 564 consid. 4.1; 138 I 305 consid. 4.3). 
 
3.2. Dans une première motivation exposée ci-dessus (cf. consid. 2), la cour cantonale a considéré que les seuils de portes-fenêtres n'étaient pas conformes à l'art. 109 al. 1 let. c LCI, concrétisé par l'art. 5 al. 3 aRMPHC, dans leur teneur au moment de la délivrance de l'autorisation de construire en juin 2006.  
Selon l'art. 109 al. 1 let. c LCI, les constructions et installations doivent être conçues et aménagées de manière à favoriser l'autonomie des personnes handicapées, notamment de celles se déplaçant en fauteuil roulant, plus particulièrement dans les nouveaux immeubles collectifs de logements. 
Quant à l'art. 5 al. 3 aRMPHC, applicable à la construction des nouveaux immeubles de logements subventionnés ou non subventionnés (art. 1 al. 1 let. d aRMPHC), il disposait que "les seuils, s'ils ne peuvent pas être évités (portes extérieures exposées aux intempéries et portes de balcons notamment), doivent être aussi bas que possible (maximum 25 mm dans les logements adaptés aux handicapés) ". 
En se fondant sur ces dispositions, la cour cantonale a considéré, à l'instar du département, qu'un seuil de porte-fenêtre de 15 cm n'était pas considéré comme "aussi bas que possible"; selon la cour cantonale, la notion "aussi bas que possible" se référait à des seuils d'une hauteur de 6 cm au plus, conformément à la pratique. 
 
3.3. Pour se plaindre de la violation du principe de la légalité par l'instance précédente, la recourante doit motiver la violation de ce principe conformément aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF et en particulier exposer concrètement en quoi l'interprétation et l'application du droit cantonal par la Cour de justice est insoutenable, ce qu'elle ne fait pas. En effet, la recourante se limite à affirmer que la législation cantonale applicable ne contiendrait aucune indication de hauteur. Elle ne prend à cet égard même pas la peine de mentionner, à l'appui de son grief, les dispositions appliquées par la cour cantonale, à savoir l'ancien art. 109 al. 1 let. c LCI et l'art. 5 al. 3 aRMPHC; la recourante n'expose a fortiori pas concrètement en quoi l'interprétation de ces dispositions par la cour cantonale serait arbitraire, et en particulier arbitraire dans le résultat. En l'occurrence, tel qu'il est exposé son grief ne répond pas aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF et est donc irrecevable. Au demeurant, il n'apparaît pas insoutenable d'interpréter la notion "aussi bas que possible" de l'art. 5 al. 3 aRMPHC, en ce sens que les seuils de portes-fenêtres ne doivent pas dépasser 6 cm.  
 
3.4. Le grief tiré d'une violation du principe de la légalité est donc irrecevable, ce qui suffit à sceller le sort du présent recours (cf. ATF 142 III 364 consid. 2.4 in fine). Point n'est ainsi besoin d'examiner la critique soulevée par la recourante à l'encontre de la motivation alternative développée par les juges cantonaux, à savoir que les seuils autorisés par le département étaient, à teneur des plans, d'une hauteur de 6 cm.  
 
4.  
Il s'ensuit que le recours est irrecevable. La recourante, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Aucun dépens n'est alloué (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 7 juillet 2023 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Arn