2C_653/2023 23.04.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_653/2023  
 
 
Arrêt du 23 avril 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Ryter et Kradolfer. 
Greffière : Mme Joseph. 
 
Participants à la procédure 
A.________ Sàrl, 
représentée par Me Charles Piguet, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse de la République et canton de Genève, 
rue de l'Hôtel-de-Ville 6, 1204 Genève. 
 
Objet 
Autorisation d'exploitation d'une structure de la petite enfance, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 10 octobre 2023 (ATA/1105/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ Sàrl, inscrite au registre du commerce du canton de Genève le 25 juin 2020, et depuis le mois d'octobre 2022 au registre du commerce du canton de Vaud à la suite du déménagement de son siège à U.________, a notamment pour but d'exercer en Suisse et à l'étranger toutes les activités dans le domaine de l'exploitation de crèches, jardins d'enfant et écoles et d'organiser des activités parascolaires.  
B.________ est l'associée-gérante et présidente de A.________ Sàrl. Elle possède l'intégralité des parts de la société, tandis que C.________ est gérante. Toutes deux ont le pouvoir de signature individuelle. 
 
A.b. B.________ est titulaire de l'équivalent d'un certificat fédéral de capacité (CFC) d'assistante socio-éducative. Elle est domiciliée au chemin D.________ à V.________, dans le canton de Genève.  
 
A.c. Le 1er décembre 2016, B.________ a transmis au Service d'autorisation et de surveillance de l'accueil de jour du canton de Genève (ci-après: le Service d'autorisation et de surveillance) un "Diplôme de fin d'études théoriques" en "psychologie de Ia petite enfance" et un "Diplôme d'État d'Éducateur de Jeunes Enfants". Elle a été dénoncée au Ministère public du canton de Genève pour avoir fabriqué et fait usage desdits diplômes afin d'exercer une activité d'éducatrice de la petite enfance. Par ordonnance pénale du 14 février 2017, le Ministère public l'a déclarée coupable de faux dans les certificats et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 40 fr. le jour.  
 
A.d. Par décision du 7 février 2020, notifiée à B.________ notamment (art. 105 al. 2 LTF) et déclarée exécutoire nonobstant recours, l'Office des autorisations de construire du canton de Genève a prononcé, avec effet immédiat, l'interdiction d'exploiter le local situé au chemin D.________, à V.________, comme lieu d'accueil de type "crèche".  
 
A.e. Par décision du même jour, déclarée exécutoire nonobstant recours, le Département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du canton de Genève (ci-après: le Département) a fait interdiction à B.________ et à tout autre tiers, d'accueillir des enfants dans les locaux sis chemin D.________, à V.________. Il a également prononcé la fermeture immédiate du lieu.  
 
A.f. Par ordonnance pénale du 25 février 2020, le Service d'autorisation et de surveillance du canton de Genève a condamné B.________ au paiement d'une amende de 1'000 fr., en raison de l'accueil d'enfants dans une structure d'accueil collective sans autorisation (art. 105 al. 2 LTF), et décidé de la fermeture immédiate du local situé au chemin D.________, à V.________.  
 
A.g. Par décision du 4 juin 2020, déclarée exécutoire nonobstant recours, le Département a fait interdiction à B.________ d'accueillir des mineurs pour une durée de deux ans, à titre personnel, dans le cadre d'un groupe ou d'une institution et cela notamment pour les recevoir, les réunir, les héberger, leur donner un enseignement, organiser ou diriger leurs loisirs, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.  
Par arrêt du 22 décembre 2020, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours interjeté par B.________ contre cette décision. 
 
A.h. Le 7 février 2021, B.________, en sa qualité de gérante de A.________ Sàrl, a déposé pour le compte de cette dernière une demande d'aide financière pour les structures d'accueil parascolaire auprès de l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après: l'OFAS). L'OFAS a refusé cette demande le 6 juillet 2022. Il a par ailleurs procédé à une dénonciation pénale, B.________ lui ayant transmis une version tronquée de l'arrêt de la Cour de justice du 22 décembre 2020.  
Par arrêt du 24 janvier 2023, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours déposé par A.________ Sàrl contre la décision de l'OFAS du 6 juillet 2022. Il a retenu que B.________ était la propriétaire de A.________ Sàrl, et sa directrice; à ce titre elle gardait la maîtrise effective de la société. Le fait que B.________ soit en arrêt pour cause de maladie ne l'avait pas empêchée de faire des démarches juridiques. Or, l'interdiction prononcée par le Département à son encontre concernait aussi les tâches de gestion. L'OFAS pouvait dès lors, sans enfreindre le droit fédéral, se fonder sur les décisions administratives et judiciaires cantonales ainsi que sur le préavis cantonal défavorable pour retenir que la structure d'accueil gérée par A.________ Sàrl ne répondait pas aux exigences de qualité prévues par la législation et lui refuser l'aide financière. 
 
A.i. Par décision du 30 mai 2022, le Département a prolongé de deux ans sa décision prononcée le 4 juin 2020 à l'encontre de B.________, lui interdisant d'accueillir des mineurs, à titre personnel, dans le cadre d'un groupe ou d'une institution et cela notamment pour les recevoir, les réunir, les héberger, leur donner un enseignement, organiser ou diriger leurs loisirs, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP. B.________ a interjeté recours contre cette décision auprès de la Cour de justice, lequel a été déclaré irrecevable le 18 août 2022, pour cause de paiement tardif de l'avance de frais.  
 
B.  
Par décision du 8 décembre 2022 déclarée exécutoire nonobstant recours et prononcée sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP, le Département a interdit, avec effet immédiat et pour une durée indéterminée, à A.________ Sàrl d'accueillir des enfants dans les locaux sis chemin D.________ à V.________, prononcé la fermeture immédiate et pour une durée indéterminée du lieu d'accueil précité, ordonné à A.________ Sàrl - soit pour elle B.________ en tant qu'associée-gérante et présidente de la société - de prévenir immédiatement les représentants légaux des enfants accueillis et d'adresser au Département Ia liste de ceux-ci. 
Le 23 décembre 2022, A.________ Sàrl a interjeté recours auprès de la Cour de justice contre la décision du 8 décembre 2022, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours et à la comparution personnelle des parties, et principalement à l'annulation de la décision attaquée. 
La Cour de justice a rejeté le recours, par arrêt du 10 octobre 2023. 
 
C.  
A.________ Sàrl dépose un recours en matière de droit public contre l'arrêt du 10 octobre 2023. Elle conclut principalement à l'annulation de l'arrêt cantonal ainsi que de la décision du 8 décembre 2022, sous suite de frais et dépens. Subsidiairement, elle demande l'annulation de l'arrêt cantonal ainsi que le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. 
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département conclut au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le présent recours en matière de droit public porte sur une décision finale (art. 90 LTF) d'une autorité judiciaire supérieure ayant statué en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) et rendue dans une cause de droit public (art. 82 al. 1 let. a LTF) qui ne tombe pas sous le coup d'une clause d'exception de l'art. 83 LTF. En outre, il a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF), par la destinataire de l'arrêt attaqué qui a qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Le recours est partant recevable, sous réserve de ce qui suit.  
 
1.2. La conclusion tendant à l'annulation de la décision du 8 décembre 2022, à savoir la décision rendue par le Département, est irrecevable compte tenu de l'effet dévolutif complet du recours auprès de la Cour de justice (art. 67 et 69 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative [LPA/GE; RS/GE E 5 10]), l'arrêt de cette autorité se substituant aux prononcés antérieurs (ATF 136 II 539 consid. 1.2).  
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière de droit public (art. 83 ss LTF) peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, il ne connaît toutefois de la violation des droits fondamentaux, ainsi que de celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal, que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 146 I 62 consid. 3; 144 II 313 consid. 5.1; 142 III 364 consid. 2.4).  
 
2.2. Sous réserve des cas visés à l'art. 95 let. c-e LTF, la violation du droit cantonal en tant que tel ne peut être invoquée devant le Tribunal fédéral. Il est néanmoins possible de faire valoir que son application consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou la garantie d'autres droits constitutionnels (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 143 I 321 consid. 6.1; 141 IV 305 consid. 1.2).  
 
2.3. Pour le reste, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ces derniers n'aient été établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitrairement (ATF 133 III 393 consid. 7.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. Il appartient à la partie recourante de démontrer dans sa motivation en quoi ces conditions sont réalisées (cf. art. 106 al. 2 LTF). A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 114 consid. 2.1).  
 
3.  
Le litige porte sur le point de savoir si c'est à juste titre que la Cour de justice a confirmé la décision du Département interdisant à la recourante, avec effet immédiat et pour une durée indéterminée, d'accueillir des enfants dans les locaux situés au chemin D.________ à V.________, et prononçant la fermeture immédiate et pour une durée indéterminée de ce lieu d'accueil. 
 
4.  
Dans son arrêt, la Cour de justice a retenu en substance que B.________, associée-gérante et présidente de la société recourante qu'elle contrôlait intégralement, avait commis une fraude à la loi en fondant et gérant la société recourante, alors qu'elle était elle-même sous le coup d'une interdiction d'accueillir des mineurs durant deux ans, prononcée le 4 juin 2020, et qui avait fait l'objet, le 30 mai 2022, d'une prolongation de 2 ans encore en force. La Cour de justice a confirmé que l'interdiction prononcée contre B.________ sur la base de l'art. 32 let. c de la loi genevoise sur l'enfance et la jeunesse (LEJ/GE; rs GE J 6 01) concernait non seulement l'accueil d'enfants, mais aussi le fait d'organiser ou de diriger leurs loisirs, soit des tâches de gestion, tâches que l'intéressée exerçait effectivement au sein de la société recourante. Cette dernière avait ainsi été créée et utilisée afin de contourner la sanction infligée à B.________. Partant, la Cour de justice a confirmé la décision d'interdiction d'accueillir des enfants prononcée contre la société recourante, celle-ci étant conforme au droit. 
 
5.  
Dans un grief formel, qu'il convient d'examiner en premier lieu (ATF 141 V 557 consid. 3), la recourante, invoquant l'art. 29 al. 2 Cst., se plaint d'une violation de son droit d'être entendue. Elle soutient que, dans son recours adressé à la Cour de justice, elle avait fait valoir de manière motivée une violation du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et une violation de sa liberté économique (art. 27 Cst.). Or, l'arrêt entrepris ne traitait d'aucun de ces griefs. 
 
5.1. Le droit d'être entendu comprend l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre et exercer son droit de recours à bon escient (cf. ATF 145 III 324 consid. 6.1 et les arrêts cités). Il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 146 II 335 consid. 5.1; 143 III 65 consid. 5.2; 142 II 154 consid. 4.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt 6B_1246/2022 du 11 octobre 2023 consid. 3.1 et les arrêts cités).  
 
5.2. Dans son recours adressé à la Cour de justice, la société recourante avait invoqué que la décision prononcée à son encontre sur la base de l'art. 32 let. c LEJ/GE ne respectait pas le principe de la proportionnalité. Elle ne serait en effet pas directement concernée par la décision du 4 juin 2020 prise contre B.________ et les faits reprochés à cette dernière ne justifieraient pas une interdiction à son encontre. Les principes de la nécessité et de l'adéquation seraient ainsi violés. En outre, la recourante avait affirmé que la décision entreprise entravait sa liberté économique car l'art. 32 let. c LEJ/GE ne serait pas une base légale suffisante.  
 
5.3. La Cour de justice a raisonné sous l'angle de la fraude à la loi, sans fonder l'interdiction prononcée à l'encontre de la société recourante directement sur l'art. 32 let. c LEJ/GE. Comme indiqué (cf. supra consid. 4), elle a considéré en substance que B.________ avait créé et dirigé la société à responsabilité limitée recourante, dont elle était l'unique propriétaire et dont elle avait la complète maîtrise, à des fins de détourner les sanctions et l'interdiction d'exploiter une structure de la petite enfance, notamment au chemin D.________ à V.________, dont elle faisait l'objet. Dès lors, les juges précédents ont confirmé la position du Département selon laquelle la société recourante avait été utilisée de manière abusive par B.________. Sur la base de ce raisonnement, les griefs de la violation de l'art. 27 Cst. et du principe de la proportionnalité tels que formulés par la recourante n'avaient pas à être examinés, car ils étaient sans pertinence. En revanche, savoir si la motivation fondée sur la fraude à la loi est conforme au droit relève du fond, et sera examiné ci-après.  
 
5.4. Au vu de ce qui précède, le grief relatif à la violation du droit d'être entendu est rejeté.  
 
6.  
La recourante se plaint d'arbitraire dans la constatation des faits par la Cour de justice. Elle lui reproche d'abord de ne pas avoir établi qu'elle "n'effectuait pas de l'accueil préscolaire" - ce qui serait pertinent afin de déterminer quelle loi cantonale lui est applicable - et que B.________ "n'exerçait aucun rôle dans l'activité de la société". La Cour de justice aurait versé dans l'arbitraire en écartant le grief relatif à la constatation inexacte des faits qu'elle avait formulé sur ces deux points dans son recours cantonal, au motif de l'absence de pertinence de ceux-ci sur le fond, avant de se fonder précisément sur ces éléments dans son raisonnement. A ce titre, la recourante reproche ensuite à la Cour de justice d'avoir retenu de manière inexacte que B.________ était "incontestablement active dans la gestion de la recourante". 
 
6.1. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 148 I 127 consid. 4.3; 143 IV 241 consid. 2.3.1; 142 II 433 consid. 4.4).  
 
6.2. Dans son jugement, la Cour de justice a rejeté le grief de la constatation manifestement inexacte des faits formulé par la recourante, les éléments décrits comme centraux par celle-ci étant sans pertinence.  
Pour établir la fraude à la loi commise par B.________, la Cour de justice a d'abord exposé le droit applicable, d'une manière générale, à l'activité d'accueil et de prise en charge d'enfants dans le canton de Genève. La Cour de justice a ensuite précisé que l'interdiction prononcée contre B.________ était fondée sur l'art. 32 let. c LEJ/GE, qui permet en substance au Département d'interdire à une personne l'accueil de mineurs. Cette disposition concernait non seulement l'accueil d'enfants, mais aussi le fait d'"organiser ou diriger leurs loisirs", selon les termes de la loi, repris dans les décisions des 4 juin 2020 et 30 mai 2022. La Cour de justice a qualifié ces deux éléments de "tâches de gestion". A ce titre, il ressortait du dossier que B.________ était incontestablement active dans la gestion de la société recourante, et ce malgré une incapacité de travail médicalement constatée. Dès lors, la Cour de justice a conclu que B.________ avait commis une fraude à la loi en exerçant les activités qui lui étaient interdites par l'entremise d'une société dotée de la personnalité juridique, soit la recourante, qu'elle contrôlait intégralement. Dans de telles circonstances, la norme éludée par B.________ (soit l'art. 32 let. c LEJ/GE) devait être appliquée directement à la société recourante, conformément à la théorie de la fraude à la loi (cf. infra consid. 7.1). Dès lors, déterminer quel est le droit applicable à l'activité de la société recourante était sans pertinence. 
 
6.3. Comme l'indique la recourante, la Cour de justice n'a pas examiné le point de savoir si la société recourante était uniquement une structure d'accueil "para-scolaire", ou si elle était également une structure d'accueil "pré-scolaire". Toutefois, la recourante n'explique pas précisément pour quel motif il était arbitraire de la part de la Cour de justice de ne pas trancher cette question (art. 106 al. 2 LTF). Au demeurant, au vu du raisonnement fondé sur la fraude à la loi précité, on ne voit pas en quoi ce point serait décisif pour l'issue du litige.  
 
6.4. Contrairement à ce qu'invoque la société recourante dans son mémoire déposé au Tribunal fédéral, la Cour de justice n'a pas laissé ouvert le point de savoir si B.________ "n'exerçait aucun rôle dans l'activité de la société" mais uniquement celui de savoir si elle était concrètement active dans l'accueil effectif d'enfants, au sein de la société recourante, ce qui est différent.  
La Cour de justice a en revanche retenu que B.________ exerçait des tâches de gestion au sein de la société recourante et, comme indiqué, s'est appuyée sur ce fait dans le cadre de son raisonnement au fond. Dès lors et contrairement à ce qu'invoque la recourante, la Cour de justice n'a pas fondé son raisonnement relatif à la fraude à la loi sur des faits jugés comme non pertinents. 
Au surplus, la recourante se contente d'affirmer que B.________ n'exerçait pas de tâche de gestion pour son compte, sans indiquer en quoi les preuves auraient été appréciées et interprétées de manière arbitraire. Sa critique sur ce point est ainsi formulée de manière purement appellatoire, ce qui n'est pas admissible (cf. supra consid. 2.3). 
Pour la recourante, il serait encore arbitraire d'assimiler les termes "organiser et diriger les loisirs" à des tâches de gestion. Or, savoir si l'on peut résumer les termes "organiser ou diriger" les loisirs des enfants, sous le terme "activité de gestion" n'a pas d'incidence. Ce qui est déterminant est le fait que la recourante, alors qu'elle était entièrement gérée par B.________, exerçait de telles activités, qui avait pourtant été interdite à cette dernière. 
 
6.5. Au vu de ce qui précède, le grief d'arbitraire dans l'établissement des faits soulevé par la recourante doit être rejeté.  
Dans la suite de son raisonnement, le Tribunal fédéral se fondera uniquement sur les faits retenus dans l'arrêt attaqué. 
 
7.  
La recourante se prévaut d'une application arbitraire du principe de fraude à la loi. 
 
7.1. Il y a fraude à la loi - forme particulière d'abus de droit - lorsqu'un justiciable évite l'application d'une norme imposant ou interdisant un certain résultat par le biais d'une autre norme permettant d'aboutir à ce résultat de manière apparemment conforme au droit (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.3; arrêt 1C_132/2022 du 20 mars 2023 consid. 4.1). La norme éludée doit être appliquée nonobstant la construction destinée à la contourner (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.3; 134 I 65 consid. 5.1; arrêt 1C_132/2022 du 20 mars 2023 consid. 4.1). Pour être sanctionné, un abus de droit doit apparaître manifeste. L'autorité qui entend faire appliquer la norme éludée doit établir l'existence d'une fraude à la loi, ou du moins démontrer l'existence de soupçons sérieux dans ce sens. Cette appréciation doit se faire au cas par cas, en fonction des circonstances d'espèce (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.5; arrêt 1C_132/2022 du 20 mars 2023 consid. 4.1).  
 
7.2. En l'occurrence, il est donc nécessaire d'examiner le but de la décision d'interdiction prononcée par le Département le 4 juin 2020 et prolongée le 30 mai 2022, à l'encontre de B.________, associée-gérante et présidente de la recourante, afin de déterminer si la norme éludée tendait à éviter un résultat que l'utilisation de la société permettait de contourner.  
 
7.2.1. Par décision du 4 juin 2020, prolongée de 2 ans le 30 mai 2022, B.________, en tant que personne physique, s'est vue interdire d'accueillir des mineurs, à titre personnel, dans le cadre d'un groupe ou d'une institution et cela notamment pour les recevoir, les réunir, les héberger, leur donner un enseignement, organiser ou diriger leurs loisirs, sur le fondement de l'art. 32 let. c LEJ/GE.  
Comme l'a indiqué la Cour de justice, la LEJ/GE a notamment pour but de promouvoir des conditions propres à favoriser la santé des enfants qui, entre autres, fréquentent des structures d'accueil préscolaire (cf. art. 1 et 2 LEJ/GE ainsi que Projet de loi sur l'enfance et la jeunesse du 25 janvier 2017, PL 12054, p. 29). En se référant à l'exposé des motifs du projet de loi, elle a également précisé que la délivrance et le maintien de l'autorisation d'ouvrir une structure d'accueil préscolaire où une institution de placement d'enfants sont notamment subordonnés au respect des normes relatives à la santé des enfants, en particulier la prévention des maladies transmissibles, l'hygiène et l'alimentation. En outre, toute décision prise en vertu de cette loi doit l'être dans l'intérêt supérieur de l'enfant ou du jeune (art. 3 LEJ/GE). 
Dans ce contexte, il peut être retenu que le but de l'art. 32 let. c LEJ/GE, qui fonde la décision d'interdiction prononcée à l'encontre de B.________, consiste à empêcher qu'une personne qui ne remplit pas les conditions minimales légales puisse réaliser une activité dans l'accueil d'enfants, notamment afin de les protéger, en particulier dans leur santé. Selon le texte de la loi, toutes activités dans le domaine de l'accueil de mineurs, que ce soit l'accueil effectif - soit les activités avec les enfants - ou des tâches organisationnelles ou de gestion ("organiser ou diriger leurs loisirs") peuvent être interdites, l'usage du terme "notamment" allant dans le sens d'une interprétation large. 
 
7.2.2. Dès lors, les décisions des 4 juin 2020 et 30 mai 2022, fondées sur l'art. 32 let. c LEJ/GE, avaient pour but d'empêcher B.________, qui ne remplissait pas les exigences attendues d'une personne qui accueille des enfants et qui avait été sanctionnée tant sur le plan administratif que pénal, pour plusieurs manquements concrets (accueil de mineurs dans des conditions insatisfaisantes, défaut d'autorisation, exploitation malgré des interdictions en force, etc.), de réaliser une activité dans le domaine de l'accueil d'enfants, et ce peu importe la forme de celle-ci (accueil effectif d'enfants ou gestion d'une structure). C'est partant en vain que la recourante soutient que la sanction prononcée à l'encontre de B.________ ne concernait que les tâches "avec les enfants", et non la gestion administrative.  
 
7.3. Dans ces circonstances, reste encore à déterminer si c'est à raison que la Cour de justice a retenu que B.________ avait utilisé la recourante pour parvenir au résultat que la sanction prononcée à son encontre en application de l'art. 32 let. c LEJ/GE tendait à éviter.  
Comme cela ressort de la décision entreprise, B.________ a créé la société recourante, soit une société à responsabilité limitée dotée de la personnalité morale (art. 772 al. 1 et 779 CO), alors qu'elle était sous le coup d'une interdiction de pratiquer son activité. Elle est l'unique détentrice des parts de la société, et a donc la complète maîtrise de sa destinée, quelle que soit l'étendue des pouvoirs qu'elle pourrait déléguer à sa gérante qui, selon les faits constatés, disposait certes, au moment de l'arrêt attaqué, de la signature individuelle mais ne pouvait aucunement s'opposer à une décision de B.________. Comme on l'a vu, la Cour de justice a en outre retenu, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral, que B.________ était effectivement active au sein de la recourante, à tout le moins par des activités de gestion (cf. supra consid. 2.3 et 6). 
Il ressort encore de l'état de fait que la société recourante exerçait son activité au chemin D.________ à V.________, qui est au demeurant l'adresse de domicile de B.________ et le lieu où elle-même était active dans l'accueil des enfants avant que l'interdiction générale d'exercer une activité dans ce domaine ne soit prononcée à son encontre, le 4 juin 2020. En outre, le 7 février 2020 déjà, le Département avait fait interdiction à B.________ d'accueillir des mineurs dans les locaux sis chemin D.________ à V.________ et prononcé la fermeture immédiate de ce lieu. A cette même date, l'Office des autorisations de construire du canton de Genève avait pour sa part prononcé à l'encontre de B.________ une interdiction d'exploiter le local situé au chemin D.________ à V.________. Le 25 février 2020, le Service d'autorisation et de surveillance avait également prononcé la fermeture immédiate de ce lieu et condamné B.________ au paiement d'une amende. 
Dès lors, on ne peut reprocher à la Cour de justice d'avoir retenu que B.________ avait commis une fraude à la loi. En effet, par le biais d'une société à responsabilité limitée qu'elle contrôle intégralement, elle a tenté de contourner précisément l'interdiction prononcée à son encontre peu de temps auparavant, afin de pratiquer exactement les activités que la sanction avait pour but de lui interdire d'exercer et donc de parvenir au résultat que l'interdiction prononcée à son encontre tendait à éviter. 
 
7.4. C'est partant à raison que la Cour de justice a confirmé la décision d'interdiction rendue le 8 décembre 2022 par le Département, à l'encontre de la recourante, et a rejeté le recours sous l'angle de l'abus de droit (fraude à la loi).  
 
8.  
Dans ce contexte, le grief de la recourante concernant une application arbitraire du droit cantonal, à savoir de l'art. 32 let. c LEJ/GE, est sans fondement. A suivre son raisonnement, cette disposition ne pourrait pas lui être appliquée, en tant que personne morale, puisque le but de cette norme serait d'empêcher une personne physique de travailler dans l'accueil d'enfants parce qu'elle aurait commis au préalable des actes de violence et d'abus sexuels. 
Or, comme on l'a vu (cf. supra consid. 7), on est en présence d'une fraude à la loi. Ainsi, la norme éludée, à savoir l'interdiction d'accueillir des mineurs prononcée sur le fondement de l'art. 32 let. c LEJ/GE, doit être appliquée nonobstant la construction destinée à la contourner. Il n'y a donc pas lieu d'interpréter plus avant cette disposition de droit cantonal afin de déterminer si elle peut être appliquée directement à une personne morale. Au demeurant et comme cela ressort de ce qui précède (cf. supra consid. 7.2.1), le but de l'art. 32 let. c LEJ/GE est quoi qu'il en soit plus large que ce que soutient la recourante. 
 
9.  
La recourante invoque encore une violation de sa liberté économique (art. 27 Cst.). 
Or, la société utilisée abusivement par la personne qui la domine ne peut plus, dans le contexte d'abus de droit décrit (cf. supra consid. 7), se prévaloir d'une indépendance juridique entre elle et son associée-gérante et ainsi invoquer une violation de sa propre liberté économique pour tenter de contourner, par ce biais également, l'interdiction formulée à l'encontre de son associée-gérante et présidente, B.________. La recourante ne peut donc rien tirer de l'art. 27 Cst. dans le cas d'espèce. Ce grief doit être rejeté. 
 
10.  
La recourante invoque enfin une violation arbitraire du principe général de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.). 
 
10.1. Le Tribunal fédéral ne contrôle le respect du principe de proportionnalité que sous l'angle de l'arbitraire en cas de recours contre une décision portant application du droit cantonal, à moins qu'une restriction aux droits fondamentaux ne soit en cause (cf. ATF 134 I 153 consid. 4.3; arrêts 2C_67/2023 du 20 septembre 2023 consid. 8.6.1; 2C_508/2022 du 16 février 2023 consid. 5.1).  
 
10.2. En l'occurrence, l'interdiction prononcée à l'encontre de B.________ sur le fondement de l'art. 32 let. c LEJ/GE est certes actuellement de durée limitée (2 ans), contrairement à celle prononcée à l'encontre de la recourante. Toutefois, cette dernière décision est limitée au lieu d'accueil situé au chemin D.________ à V.________, soit le lieu où B.________ gérait l'accueil des enfants avant son interdiction d'exercer toute activité dans ce domaine, prononcée le 4 juin 2020 et prolongée le 30 mai 2022. Comme on l'a vu, il ressort encore de l'état de fait que le local situé au chemin D.________ à V.________ avait déjà été fermé par décisions des 7 février 2020 et 25 février 2020. Dans ces circonstances, c'est à tort que la recourante invoque que la décision entreprise violerait arbitrairement le principe de la proportionnalité, car elle l'empêcherait, pour une durée indéterminée, de poursuivre son but tel que défini par ses statuts, puisque l'interdiction est limitée à un lieu.  
 
11.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. 
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, au Département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse de la République et canton de Genève, et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 23 avril 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : M. Joseph