4A_542/2022 19.09.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_542/2022  
 
 
Arrêt du 19 septembre 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl, Kiss, Rüedi et May Canellas. 
Greffier : M. Douzals. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Charles Poncet, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Philippe Juvet, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
recours contre une décision de refus d'exécution, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 21 octobre 2022 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève 
(C/2816/2022, ACJC/1405/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ et son frère, B.________, sont les héritiers de feu leur père, C.________, décédé en 2012.  
Ils sont propriétaires communs de deux immeubles sis à U.________. A.________ y exploite le restaurant " D.________ ". 
 
A.b. Le 25 février 2021, B.________ a déposé auprès du Tribunal de première instance du canton de Genève une requête de conciliation à l'encontre de A.________. Dite requête contient sept conclusions, parmi lesquelles figure la conclusion n o 6, libellée comme suit:  
 
" Ordonner la vente de gré à gré des [immeubles] et répartir le produit net de la vente en parts égales pour B.________ et A.________. 
Donner acte à B.________ de ce qu'il propose de racheter la part de A.________, soit la moitié de la valeur des immeubles estimée par l'expertise, tout en s'engageant à ne pas résilier le contrat de bail du restaurant D.________ et le conserver tel qu'il sera au jour de la vente des immeubles. 
Donner aussi acte à B.________ de ce qu'il accepte que A'.________ [sic] rachète sa propre part, soit la moitié de la valeur des immeubles estimée par l'expertise. " 
 
A.c. Moins de 40 minutes avant l'audience de conciliation prévue le 2 décembre 2021 à 9 h 40, A.________ a déposé au greffe un acte intitulé " Conclusions en acquiescement ", par lesquelles elle a notamment conclu à ce qu'il lui fût donné acte " de ce qu'elle acquies[çait] à la demande de M. B.________ dans le sens de la conclusion 6 paragraphe 3 de sa demande du 25 février 2021 ".  
Lors de ladite audience, A.________ a acquiescé aux conclusions n os 1 à 5, 6 par. 3 et 7 de la requête de conciliation. B.________ a répondu que, dans la mesure où il n'y avait pas d'acquiescement à la conclusion n o 6 dans sa teneur complète, il n'y avait en réalité pas d'accord. Sur quoi, le juge conciliateur a délivré l'autorisation de procéder.  
 
A.d. Par courrier du 6 décembre 2021 adressé au juge en charge de la procédure, le conseil de A.________ s'est, en substance, plaint de ce que l'acquiescement de sa cliente aurait dû être consigné au procès-verbal. Dans l'hypothèse où le premier juge ne devait pas partager sa position, il lui a demandé la notification d'une décision formelle, avec l'indication du délai et de l'autorité de recours, sous peine de saisir le Conseil supérieur de la magistrature du canton de Genève d'une plainte à son encontre.  
 
B.  
Le 11 février 2022, A.________ (ci-après: la requérante ou la recourante) a déposé une requête en exécution contre B.________ (ci-après: l'intimé) auprès du Tribunal de première instance du canton de Genève. Elle a conclu à ce que l'acquiescement intervenu, selon elle, lors de l'audience de conciliation du 2 décembre 2021 fût exécuté. 
Par jugement du 18 juillet 2022, le tribunal a rejeté dite requête, faute de décision entrée en force au sens de l'art. 208 al. 2 CPC ou de l'art. 241 al. 2 CPC par analogie. 
Par arrêt du 21 octobre 2022, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours formé par la requérante. En substance, la cour cantonale a considéré que l'acquiescement formulé par A.________ ne pouvait valoir acquiescement à la demande de B.________ au sens de l'art. 241 CPC, dans la mesure notamment où la conclusion n o 6 de la requête de celui-ci prévoyait la mise en oeuvre d'une vente de gré à gré, puis le rachat par B.________ de la part de A.________ et, enfin, le rachat par celle-ci de la part de son frère. Celle-ci ne pouvait donc sortir l'une des hypothèses énumérées hors de son contexte et se l'approprier. Le juge conciliateur n'avait en outre pas pris acte d'un acquiescement. En tout état, la cour cantonale a retenu que l'acquiescement invoqué par A.________ ne constituait pas une base suffisante pour pouvoir, si nécessaire, exécuter la demande de B.________, dès lors qu'il ne permettait pas au juge chargé de l'exécution de procéder sans avoir au préalable à élucider des questions d'importance majeure. Partant, elle a jugé que c'était à bon droit que le tribunal avait retenu que A.________ ne pouvait se prévaloir d'un acquiescement à la requête de B.________ pour en demander l'exécution.  
 
C.  
Contre cet arrêt, qui lui avait été notifié le 28 octobre 2022, la requérante a formé un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral le 28 novembre 2022. En substance, elle conclut à ce que l'arrêt entrepris soit annulé et réformé, en ce sens que l'acquiescement prétendument intervenu le 2 décembre 2021 soit exécuté, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
L'intimé conclut, en substance, au rejet du recours. 
Les parties ont chacune déposé des observations complémentaires. 
La cour cantonale s'en rapporte à justice. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté dans le délai fixé par la loi (art. 100 al. 1 et art. 45 al. 1 LTF) par la requérante, qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur recours (art. 319 ss CPC) par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF) au sujet de l'exécution d'une décision rendue en Suisse au sens des art. 335 ss CPC (art. 72 al. 2 let. b ch. 1 LTF; arrêt 5A_1047/2017 du 3 mai 2018 consid. 1) et dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2, 86 consid. 2).  
Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris le droit constitutionnel (ATF 134 III 379 consid. 1.2; 133 III 446 consid. 4.1, 462 consid. 2.3). Il ne peut en revanche pas être interjeté pour violation du droit cantonal en tant que tel. Il est toutefois possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 138 I 1 consid. 2.1; 134 III 379 consid. 1.2; 133 III 462 consid. 2.3). 
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4). 
 
3.  
La recourante reproche, en substance, à la cour cantonale de ne pas avoir retenu l'existence d'un acquiescement lors de l'audience de conciliation du 2 décembre 2021, dans la mesure notamment où il n'y aurait aucune forme de priorité ou de subsidiarité entre les trois hypothèses mentionnées à la conclusion n o 6 de la requête de conciliation litigieuse. Selon elle, le juge conciliateur a pris acte de son acquiescement en le consignant au procès-verbal. La recourante sollicite, en vertu de l'art. 338 al. 1 CPC, l'exécution du prétendu acquiescement et se prévaut d'une constatation arbitraire des faits et d'une violation de l'art. 1 CO et des art. 208 et 241 CPC.  
 
3.1. À teneur de l'art. 336 al. 1 let. a CPC, une décision est exécutoire lorsqu'elle est entrée en force et que le tribunal n'a pas suspendu l'exécution. La jurisprudence a précisé que, pour être exécutoire au sens de l'art. 336 CPC, la décision doit décrire l'obligation à exécuter avec une précision suffisante sous l'angle matériel, local et temporel, de façon à ce que le juge chargé de l'exécution n'ait pas à élucider lui-même ces questions (arrêts 4A_287/2020 du 24 mars 2021 consid. 2.2; 4A_640/2016 du 25 septembre 2017 consid. 2.2 et les arrêts cités).  
Suite à la délivrance de l'autorisation de procéder, le demandeur a la faculté (" [l]e demandeur est en droit ", " [...] berechtigt die Klagebewilligung ", " [l]'autorizzazione ad agire permette ") de porter l'action devant le tribunal (art. 209 al. 3 CPC). Il n'en a toutefois pas l'obligation. 
 
3.2. En l'espèce, l'autorité de conciliation a délivré une autorisation de procéder. Ce faisant, elle a constaté que la tentative de conciliation n'avait pas abouti et, donc, contrairement à ce que soutient la recourante, que celle-ci n'avait pas valablement acquiescé à l'action (art. 209 al. 1 et art. 208 al. 1 a contrario CPC).  
La recourante entend ici faire exécuter ladite autorisation de procéder. Dans la mesure où celle-ci ne prévoit pas d'obligation à la charge de l'intimé (cf. supra consid. 3.1), force est de constater que la décision dont la recourante sollicite l'exécution ne remplit pas les conditions de l'art. 336 CPC et n'est donc pas exécutoire.  
C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté ladite requête, faute de décision exécutoire, et que la cour cantonale a rejeté le recours formé par la requérante. 
 
4.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. 
Les frais judiciaires et les dépens seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 7'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 19 septembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Douzals