2C_124/2022 01.11.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_124/2022  
 
 
Arrêt du 1er novembre 2022  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Ryter. 
Greffier : M. Ermotti. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Guillaume Grand, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
Pronovo AG. 
 
Objet 
Energie; demande de réexamen, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif 
fédéral, Cour I, du 1er décembre 2021 
(A-468/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ SA (ci-après: A.________ SA ou la Société) exploite depuis 1989 une petite centrale hydraulique (ci-après: la centrale) située dans la commune de U.________. Le 17 mars 2008, Swissgrid SA (ci-après: Swissgrid) a admis la centrale sous le régime de la rétribution à prix coûtant du courant injecté (ci-après: RPC).  
 
A.b. Par décision du 17 (recte: 27; cf. art. 105 al. 2 LTF) mars 2015, Swissgrid, considérant que la centrale ne remplissait plus les conditions pour bénéficier du RPC, lui a imposé une rétribution au prix du marché à compter de l'année 2014. Cette décision a été confirmée sur recours par la Commission fédérale de l'électricité (17 septembre 2015) et par le Tribunal administratif fédéral (21 décembre 2016), lequel a notamment retenu que la centrale ne pouvait pas "se voir maintenir dans le système de la RPC".  
 
B.  
Le 14 mai 2019, la Société a soumis à Pronovo AG (organe d'exécution compétent à partir du 1er janvier 2018; ci-après: Pronovo) une demande de réexamen de la décision de Swissgrid du 27 mars 2015. Par décision du 30 janvier 2020, confirmée sur opposition le 17 décembre 2020, Pronovo a refusé d'entrer en matière sur la demande de réexamen. 
Par arrêt du 1er décembre 2021, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours formé par A.________ SA contre la décision sur opposition de Pronovo du 17 décembre 2020. L'instance précédente a retenu, en substance, que Pronovo n'avait pas l'obligation d'entrer en matière sur la demande de réexamen. Par le dépôt de celle-ci, la Société essayait en réalité de remettre en question l'application du droit effectuée par l'autorité inférieure, ce qui ne constituait pas un motif de réexamen valable. 
 
C.  
Agissant à la fois par la voie du recours en matière de droit public et celle du recours constitutionnel subsidiaire, la Société demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt rendu le 1er décembre 2021 par le Tribunal fédéral (recte: le Tribunal administratif fédéral) et de le réformer en ce sens que la cause est renvoyée à Pronovo pour que cette autorité "soit réins[ère] A.________ SA dans le système RPC (aujourd'hui RI) avec effet rétroactif au jour de la décision [...] et condamn[e] Pronovo SA à rembourser à A.________ SA le montant remboursé par elle pour l'année 2014, soit fr. 333'229.70 auquel s'ajoute le manque à gagner à recalculer depuis 2015 à ce jour; soit [réinsère A.________ SA] dans le système RPC (aujourd'hui RI) avec effet au 1er janvier 2021, l'échéance du droit à la RPC (aujourd'hui RI) étant prolongée de la durée d'interruption soit de 7 ans qui correspond à la période de 2014 à 2020". Subsidiairement, la recourante conclut au renvoi de la cause au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Plus subsidiairement encore, elle requiert le renvoi de la cause à Pronovo pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal administratif fédéral se réfère à son arrêt. Pronovo propose le rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 89 consid. 1). 
 
1.1. La recourante a déposé, dans la même écriture (cf. art. 119 al. 1 LTF), un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire. L'arrêt attaqué émanant du Tribunal administratif fédéral, la voie du recours constitutionnel subsidiaire est d'emblée exclue (art. 113 LTF a contrario). Il convient donc d'examiner la recevabilité du recours en matière de droit public.  
 
1.2. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Il peut donc faire l'objet d'un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.  
 
1.3. Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile, compte tenu des féries (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF), et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) par la destinataire de l'arrêt attaqué qui a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Il est donc recevable, sous réserve de ce qui suit.  
 
1.4. En tant que l'arrêt entrepris confirme une décision de refus d'entrer en matière de Pronovo sur la demande de réexamen de la recourante du 14 mai 2019, la présente procédure ne peut porter que sur le bien-fondé de ce refus (cf. arrêts 2C_529/2021 du 23 novembre 2021 consid. 4.2; 1C_317/2021 du 8 novembre 2021 consid. 3.2). L'intéressée peut donc uniquement conclure à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à Pronovo pour que celle-ci entre en matière, des conclusions au fond n'étant en principe pas admissibles (cf. arrêt 2D_11/2018 du 12 juin 2018 consid. 1.3). En l'espèce, la recourante a notamment conclu à la reforme de l'arrêt entrepris en ce sens que la cause est renvoyée à Pronovo pour que celle-ci entre en matière sur sa demande de réexamen du 14 mai 2019. Cette conclusion, en soi admissible, est toutefois assortie de plusieurs requêtes au fond (réinsertion de A.________ SA "dans le système RPC", demande de remboursement à hauteur de fr. 333'229.70, etc.; cf. supra let. C) et elle est dans cette mesure irrecevable. En effet, une telle conclusion revient à demander au Tribunal fédéral de se prononcer sur le fond du litige, rendant un arrêt qui lie au fond l'autorité de première instance auquel la cause devrait être renvoyée pour qu'elle entre en matière, ce qui n'est pas possible.  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), alors qu'il n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant, conformément au principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF). Dans ce cas, l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des droits fondamentaux violés et préciser en quoi consiste la violation (cf. ATF 145 I 121 consid. 2.1).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 142 II 355 consid. 6; 139 II 373 consid. 1.6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (cf. arrêt 2C_300/2019 du 31 janvier 2020 consid. 2.2, non publié in ATF 146 II 309).  
En l'espèce, dans la mesure où la recourante présente une argumentation partiellement appellatoire, en complétant librement l'état de fait retenu dans l'arrêt entrepris, sans invoquer ni l'arbitraire, ni une constatation manifestement inexacte des faits, le Tribunal fédéral ne peut pas en tenir compte. Il statuera donc sur la base des faits tels qu'ils ressortent de l'arrêt attaqué. 
 
3.  
Le présent litige porte sur la confirmation, par le Tribunal administratif fédéral, du refus de Pronovo d'entrer en matière sur la demande de réexamen de la décision du 27 mars 2015 imposant à la Société une rétribution au prix du marché à compter de l'année 2014 (cf. supra let. A.b). 
 
3.1. La recourante invoque l'art. 29 Cst. et la jurisprudence y relative en matière de droit au réexamen d'une décision administrative. En particulier, elle se prévaut - comme devant les instances précédentes - d'un rapport explicatif publié par l'Office fédéral de l'énergie en juillet 2018 concernant la révision partielle de l'ordonnance fédérale du 1er novembre 2017 sur l'encouragement de la production d'électricité issue d'énergies renouvelables (OEneR; RS 730.03). L'intéressée soutient que ce rapport contient une interprétation des règles relatives aux conditions pour bénéficier du RPC différente de celle suivie par Swissgrid dans sa décision du 27 mars 2015 (cf. supra let. A.b.) et que, si l'autorité de première instance avait pu disposer du rapport en question, sa décision aurait été différente. Selon la recourante, la publication dudit rapport constituerait donc un fait nouveau imposant à l'autorité administrative un réexamen de la décision en question (cf. recours, p. 10).  
 
3.2. La jurisprudence a déduit des garanties générales de procédure de l'art. 29 al. 1 et 2 Cst. (ancien art. 4 aCst.) l'obligation pour une autorité administrative d'entrer en matière sur une demande de réexamen (ou de reconsidération), notamment, lorsque, en cas de décision déployant des effets durables, les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis le prononcé de la décision matérielle mettant fin à la procédure ordinaire ou si la situation juridique a changé de manière telle que l'on peut sérieusement s'attendre à ce qu'un résultat différent puisse se réaliser (arrêts 2C_337/2017 du 10 juillet 2017 consid. 3.1; 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 4.2.1; cf. ATF 136 II 177 consid. 2.1 et 2.2). Le réexamen de décisions administratives entrées en force ne doit pas être admis trop facilement. Il ne saurait en particulier servir à remettre sans cesse en cause des décisions exécutoires ou à détourner les délais prévus pour les voies de droit ordinaires (cf. ATF 136 II 177 consid. 2.1; arrêts 2C_203/2020 du 8 mai 2020 consid. 4.2; 2D_5/2017 du 14 février 2017 consid. 6.1; HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, ALLGEMEINES VERWALTUNGSRECHT, 8E ÉD., 2020, n. 1279 p. 283 s.; JACQUES DUBEY, Droits fondamentaux, vol. II, 2018, n. 4052 p. 808).  
 
3.3. En l'espèce, il ressort de l'arrêt entrepris que le rapport explicatif dont se prévaut la recourante contient des indications relatives à la manière d'appliquer les règles sur l'admission au RPC qui auraient pu conduire l'autorité administrative à procéder à une interprétation du droit différente de celle retenue dans la décision du 27 mars 2015. Selon l'intéressée, ce rapport (publié en 2018) exprime en effet un changement dans l'approche juridique qui prévalait auparavant et pourrait être susceptible de conduire à une autre solution juridique pour le futur. Le point de savoir si tel est effectivement le cas est une question qui relève du fond et qu'il n'y a pas lieu d'examiner dans le cadre de la présente procédure. Ce qui est déterminant en l'occurrence est que la publication du rapport de l'Office fédéral de l'énergie constitue une modification notable des circonstances au sens de la jurisprudence exposée ci-dessus (consid. 3.2). Du moment que la décision de Swissgrid du 27 mars 2015 déploie des effets durables, puisqu'elle impose à la Société une rétribution au prix du marché à compter de l'année 2014, la modification des circonstances due à la publication du rapport susmentionné suffisait à obliger l'autorité administrative à entrer en matière sur la demande de réexamen. En effet, même si cet élément ne justifiait pas une modification rétroactive de la décision du 27 mars 2015, il était suffisamment important pour que l'autorité compétente soit tenue d'examiner au fond si cette nouvelle approche juridique justifiait de revoir la situation de la recourante pour le futur. En confirmant le refus de Pronovo d'entrer en matière sur ladite demande, le Tribunal administratif fédéral a donc violé l'art. 29 al. 1 et 2 Cst. Le grief de l'intéressée à ce sujet est bien fondé.  
 
4.  
Il découle de ce qui précède que le recours constitutionnel subsidiaire doit être déclaré irrecevable et que le recours en matière de droit public doit être admis dans la mesure où il est recevable. La décision entreprise sera annulée et la cause renvoyée à Pronovo pour qu'elle entre en matière sur la demande de réexamen déposée le 14 mai 2019 par la Société. 
Compte tenu de l'issue du litige et du fait que Pronovo est chargée de tâches de droit public en ce qui concerne l'octroi des RPC (cf. arrêt 1C_532/2016 du 21 juin 2017 consid. 1.3), il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Ayant obtenu gain de cause avec l'aide d'un mandataire professionnel, la recourante a droit à des dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF), à charge de Pronovo. Le Tribunal fédéral ne fera pas usage de la faculté prévue aux art. 67 et 68 al. 5 LTF et renverra la cause à l'autorité précédente pour qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure accomplie devant elle. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
Le recours en matière de droit public est admis dans la mesure où il est recevable. La décision du Tribunal administratif fédéral du 1er décembre 2021 est annulée et la cause est renvoyée à Pronovo pour qu'elle entre en matière sur la demande de réexamen déposée le 14 mai 2019 par la recourante. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Pronovo versera à la recourante une indemnité de 10'000 fr. à titre de dépens. 
 
5.  
La cause est renvoyée au Tribunal administratif fédéral afin qu'il statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure accomplie devant lui. 
 
6.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à Pronovo AG et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 1er novembre 2022 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : A. Ermotti