4A_445/2023 17.04.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_445/2023  
 
 
Arrêt du 17 avril 2024  
I  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas, 
greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Basile Schwab, avocat, 
demandeur et recourant, 
 
contre  
 
B.________ S.A., 
représentée par Me Rachel Christinat, avocate, 
défenderesse et intimée. 
 
Objet 
contrat de travail, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 8 août 2023 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel (CACIV.2023.29). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par contrat de travail du 17 novembre 2008, l'entreprise neuchâteloise B.________ S.A. a engagé A.________ (ci-après: l'employé) en qualité de "[c]hauffeur, ouvrier qualifié (avec certificat de capacité) " dès le 19 novembre 2008. Ledit contrat précisait que l'employé devrait assurer l'approvisionnement en bois au moyen des véhicules de l'entreprise, dont un camion-grue.  
 
A.b. Le 20 octobre 2010, l'employé précité a eu un accident avec le camion-grue de l'entreprise. La comptabilité de l'entreprise ne contient nulle trace de réparation dudit véhicule, lequel a ensuite été réutilisé.  
L'employé a fait remplir une déclaration d'accident par une tierce personne le 22 octobre suivant. Souffrant du dos, il a été en incapacité de travail à 100% jusqu'à la mi-janvier 2011 au moins. Il a consulté différents médecins. 
 
A.c. L'entreprise a résilié le contrat de travail une première fois le 23 décembre 2010 pour le 28 février 2011, puis une seconde fois le 27 janvier 2011 pour le 31 mars 2011.  
 
A.d. L'employé a été opéré de la hernie discale dont il souffrait le 22 avril 2011.  
Il a été mis au bénéfice d'une demi-rente ordinaire d'invalidité à compter du 1 er octobre 2016.  
 
A.e. L'employé a tenté d'obtenir le paiement d'heures supplémentaires et de vacances, sans succès.  
 
B.  
 
B.a. Le 20 août 2018, il a vainement réclamé en conciliation des dommages-intérêts, tort moral compris, puis a déposé le 24 janvier 2020 une demande contre l'entreprise en lui réclamant de verser à ce titre 790'147 fr. 50 plus intérêts. Il a notamment allégué que le compteur du camion-grue affichait 743'972 km et, en substance, que l'engin était dangereux et mal entretenu.  
Un double échange d'écritures s'est produit. L 'entreprise précitée a contesté toute responsabilité dans l'accident. 
 
Il a été décidé de traiter dans un premier temps la question de la responsabilité de l'employeuse, l'éventuel calcul du préjudice étant réservé. Le dossier du Service des automobiles lucernois, concernant le camion-grue prémentionné, n'a pas pu être produit; ledit service a expliqué que la plaque d'immatriculation LU xxx, ne correspondait pas à celle d'un camion-grue, mais à celle d'un véhicule ordinaire. 
Le Tribunal civil régional... (NE) a rendu son jugement le 20 février 2023. Il a entièrement rejeté la demande. 
 
B.b. Saisie par l'employé, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a confirmé cette décision le 8 août 2023.  
Les juges cantonaux ont considéré que la recevabilité de l'appel était douteuse, compte tenu de sa motivation lacunaire. En tout état de cause, l'appel devait être rejeté: l'employé soutenait que l'employeuse avait violé son obligation d'instruction mais n'avait pas allégué en procédure les faits qui permettraient de le retenir, sans compter qu'il avait déclaré lors de son interrogatoire être expérimenté dans le domaine (de la conduite de camions-grue). Faute d'avoir obtenu le dossier de mise en circulation dudit camion et sans que des investigations supplémentaires aient été requises, une responsabilité de l'employeuse ne pouvait se concevoir. Quant aux déclarations faites à la SUVA après l'accident, l'employé n'y avait pas évoqué une rupture d'un des pieds de stabilisation de la grue - alors que telle était la cause de l'accident qu'il présentait dans sa demande -, mais le fait que les béquilles de la grue s'étaient enfoncées dans le terrain. Lors de son interrogatoire devant la juge civile, il a encore soutenu une autre version des faits, affirmant que l'axe était sorti, respectivement qu'il présentait "un jeu important sur cette machine en raison de son état" et qu'il avait encaissé le mouvement de balancier subséquent de la grue. Cela étant, rien ne permettait de retenir que le matériel mis à disposition de l'employé était défectueux, d'autant que la comptabilité de l'employeuse ne laissait pas apparaître de trace d'une réparation du camion-grue pourtant réutilisé ensuite. 
 
C.  
L'employé interjette un recours en matière civile par lequel il prie le Tribunal fédéral d'admettre la responsabilité contractuelle de l'entreprise intimée, c'est-à-dire son ex-employeuse, et de renvoyer la cause à l'autorité inférieure pour qu'elle complète l'instruction et rende une nouvelle décision. 
L'entreprise intimée n'a pas été invitée à se déterminer. L'autorité précédente a produit le dossier de la cause. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites sur le principe, en ce qui concerne notamment le respect du délai de recours (art. 100 al. 1 LTF) et celui de la valeur litigieuse minimale, dépassant 15'000 fr. dans ce conflit de droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF en lien avec l'art. 51 al. 1 let. a LTF). 
Demeure réservée, à ce stade, la recevabilité des griefs en particulier. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier des constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes (c'est-à-dire arbitraires au sens de l'art. 9 Cst., ATF 140 III 115 consid. 2) ou ont été établies en violation du droit selon l'art. 95 LTF, et le justiciable doit brandir des faits pertinents, c'est-à-dire propres à influencer le sort de la cause, en montrant qu'il les a régulièrement introduits selon les lois de procédure applicables, respectivement prouvés (cf. art. 97 al. 1 LTF).  
 
2.2. L'autorité de céans n'est donc pas liée par le "rappel des faits" que s'évertue à effectuer le recourant, en tant que ledit rappel s'écarterait des constatations de l'autorité précédente.  
Le recourant échoue par ailleurs à établir la moindre trace d'arbitraire ou de violation du droit dans l'arrêt entrepris quant à l'établissement des faits. Il ne suffit pas, notamment, de "fermement contester" les faits pour asseoir un tel vice, ni de soutenir qu'on ne saurait exiger de lui qu'il "allègu[e] tout ce qu'il n'a pas", quant à son absence de permis de grutier, par exemple, ou encore d'affirmer que les faits étaient dans le dossier. La Cour d'appel neuchâteloise lui a d'ailleurs déjà rappelé les règles idoines et a notamment retenu, sans arbitraire ni violation du droit, que la thèse d'un pied de grue se cassant figurait uniquement dans les écritures du demandeur, qui avait soutenu une autre version lors de son interrogatoire par le premier juge. 
 
3.  
Le recourant dénonce aussi une prétendue violation de son droit d'être entendu, au sens des art. 29 al. 2 Cst. et 6 § 1 CEDH
Las pour lui, il ne parvient pas davantage à établir une telle transgression, respectivement une violation du devoir de rendre une décision motivée. Il se réfère inutilement à des photographies censées "démontre[r] clairement" l'existence d'une route goudronnée, moyen que la Cour d'appel a aussi contré en droit. L'on rappellera que le droit d'être entendu, bien que de nature formelle, n'est pas une fin en soi: il doit permettre d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1). Et, en l'occurrence, la cour de céans ne discerne nulle violation du droit d'obtenir une décision motivée. L'arrêt entrepris explique clairement ses motifs de rejeter la demande et, n'en déplaise au recourant, n'était pas tenu de prendre position par le menu sur tous ses arguments, pertinents ou non. 
Quant à savoir si la motivation fournie par la cour cantonale est ou non convaincante, il ne s'agit plus d'une question ayant trait au droit d'être entendu, mais d'une pure question de fond (cf. par ex. arrêt 4A_239/2011 du 22 novembre 2011 consid. 4 in fine).  
 
4.  
Le recourant croit encore être victime d'une violation de l'art. 328 CO, plus spécifiquement de son deuxième alinéa. 
Une fois de plus, il échoue à établir une telle transgression, même en répétant - de façon purement appellatoire, et au mépris des constatations de l'autorité précédente, qui lient la cour de céans (cf. supra, consid. 2) - qu'il était certes chauffeur, mais sans aucun permis de grutier, suisse ou étranger, et exerçait, au moment de l'accident, une tâche dangereuse. L'employé recourant entend en vain asseoir une responsabilité de l'entreprise ex-employeuse, respectivement une violation du droit fédéral, qui est inexistante en l'espèce.  
Ses moyens sont d'essence principalement appellatoire. L'autorité d'appel neuchâteloise avait d'ailleurs déjà mis en doute la recevabilité de l'appel, lequel avait de toute façon été rejeté. 
 
5.  
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
Les frais judiciaires, fixés d'après la valeur litigieuse au fond, s eront à la charge du recourant succombant, qui ne devra aucuns dépens à son adverse partie, faute pour celle-ci d'avoir eu à se déterminer. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 9'500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 17 avril 2024 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil  
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Monti