5A_934/2023 05.06.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_934/2023  
 
 
Arrêt du 5 juin 2024  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, Bovey et De Rossa. 
Greffière : Mme Mairot. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Freddy Rumo, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Loris Magistrini, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
mesures protectrices de l'union conjugale (attribution du domicile conjugal), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 2 novembre 2023 (CACIV.2023.83). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________, né en 1976, et A.________, née en 1973, se sont mariés en 2000. Deux enfants, aujourd'hui majeurs, sont issus de cette union, soit C.________, née en 2000, et D.________, né en 2002.  
En 2010, les conjoints ont acquis en copropriété une ancienne ferme d'environ 400 m2 habitables avec 1'600 m2 de terrain. Selon le contrat de vente, ils ont obtenu une réduction des lods en attestant que l'immeuble leur servirait en totalité d'habitation principale et constituait une première acquisition de ce type dans le canton. 
Cet immeuble a été utilisé comme logement familial. En outre, une surface à l'étage, d'environ 150 m2 (ou un peu moins selon l'épouse), a été affectée à l'activité de la société de conseil aux entreprises du mari, laquelle employait encore trois ou quatre personnes à fin 2021. 
 
A.b. Le 6 janvier 2022, le mari a quitté le domicile familial et s'est installé dans un appartement de 3,5 pièces, dont le bail, renouvelable tacitement, courait du 5 janvier 2023 [recte: 2022] au 31 mars 2024. Peu après son départ, il a déménagé l'activité de son entreprise dans son nouveau logement.  
Le 6 avril 2023, il a déposé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale. 
 
B.  
 
B.a. Par décision du 10 juillet 2023, rendue sous forme de dispositif, le Tribunal civil des Montagnes et du Val-de-Ruz a, notamment, attribué le domicile conjugal au mari, invité l'épouse à quitter ce logement le 15 octobre 2023 au plus tard et sursis à statuer, jusqu'à instruction complémentaire, sur toute autre ou plus ample conclusion. La décision motivée, reprenant le dispositif arrêté le 10 juillet 2023, a été adressée aux parties le 20 septembre 2023.  
 
B.b. Par arrêt du 2 novembre 2023, expédié le 6 suivant, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, l'appel formé par l'épouse et confirmé la décision entreprise, un délai de trois mois dès la fixation de la contribution d'entretien par le premier juge étant imparti à celle-ci pour quitter le domicile familial. L'autorité cantonale a en outre condamné le mari à verser à l'épouse une provisio ad litem de 3'000 fr. pour la procédure d'appel.  
 
C.  
Par acte posté le 7 décembre 2023, l'épouse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 2 novembre 2023. Préalablement, elle requiert d'être dispensée de fournir une avance de frais jusqu'à droit connu sur la requête de provisio ad litem pour la procédure fédérale pendante devant le juge des mesures protectrices de l'union conjugale et, à titre subsidiaire, à ce que l'assistance judiciaire lui soit accordée. Sur le fond, elle conclut, principalement, à ce que le logement conjugal lui soit attribué, à charge pour elle d'en assumer les charges et les annuités hypothécaires, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants.  
Des déterminations sur le fond n'ont pas été requises. 
 
D.  
Par ordonnance du 3 janvier 2024, le Président de la Cour de céans a rejeté la requête d'effet suspensif assortissant le recours. 
Le 16 avril 2024, la recourante a réitéré sa requête, faisant valoir que le Tribunal civil avait statué sur la contribution d'entretien le 16 février 2024, de sorte qu'elle se trouvait exposée à devoir quitter le domicile conjugal " avant le 16 mai prochain ". 
Par ordonnance présidentielle du 25 avril 2024, la nouvelle requête d'effet suspensif a été admise. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le présent recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision qui tranche la question de l'attribution de la jouissance du domicile conjugal, soit une décision finale (art. 90 LTF) prise en matière civile (art. 72 al. 1 LTF), par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale et sur recours (art. 75 LTF). Le litige concernant le domicile conjugal est une affaire pécuniaire (cf. parmi d'autres: arrêt 5A_760/2023 du 19 mars 2024 consid. 1.1 et la référence). Vu notamment les intérêts hypothécaires afférents à ce logement, de 637 fr. 30 par mois (7'647 fr. 80./. 12), la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 51 al. 4 et 74 al. 1 let. b LTF; 7'647 fr. 80 x 20 = 152'956 fr.). La recourante a participé à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt digne de protection à la modification ou l'annulation de la décision entreprise (art. 76 al. 1 let. a et b LTF). Le recours est donc recevable au regard des dispositions qui précèdent. 
 
2.  
 
2.1. La décision attaquée porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 149 III 81 consid. 1.3; 133 III 393 consid. 5), en sorte que le recourant ne peut dénoncer que la violation de ses droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés ("principe d'allégation"; art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1). Le recourant doit ainsi indiquer avec précision quel droit constitutionnel aurait été violé, en le citant par le numéro de la disposition ou par sa dénomination. Il ne peut pas se borner à dresser une liste de droits constitutionnels ou à parler à tort et à travers d'arbitraire. En partant de la décision attaquée, il doit dire quel est le principe constitutionnel qui aurait été violé et, pour chacun des principes invoqués, montrer par une argumentation précise, s'il y a lieu en se référant à des pièces, en quoi cette violation serait réalisée (arrêt 5A_591/2023 du 22 février 2024 consid. 2.1 et la référence). En d'autres termes, le recourant ne peut se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en procédure d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition, notamment en se contentant d'opposer sa thèse à celle de l'autorité précédente; les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 140 III 264 consid. 2.3 et les références). Il ne peut en outre se limiter à reprendre presque mot pour mot l'argumentation formée en instance cantonale; il doit au contraire exposer en quoi son rejet par l'autorité précédente violerait le droit constitutionnel (ATF 134 II 244 consid. 2.1 et 2.3; arrêt 5A_911/2023 du 27 février 2024).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal que s'il démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au principe d'allégation susmentionné (cf. supra consid. 2.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 et la référence). Le recourant ne peut pas se limiter à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (art. 106 al. 2 LTF; ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 264 consid. 2.3 et les références).  
 
2.3. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Postérieur à l'arrêt attaqué, le courrier de l'intimé du 7 mai 2024, selon lequel son contrat de bail ne pourra pas être reconduit au-delà du 30 juin 2024, n'entre pas dans l'exception de l'art. 99 al. 1 in fine LTF; partant, il est irrecevable (ATF 144 I 35 consid. 5.2.4).  
 
3.  
La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir arbitrairement attribué la jouissance de l'immeuble des conjoints à l'intimé. 
 
3.1. Si les époux ne parviennent pas à s'entendre au sujet de la jouissance de l'habitation conjugale, le juge l'attribue provisoirement à l'une des parties en faisant usage de son pouvoir d'appréciation (cf. art. 176 al. 1 ch. 2 CC). Il doit procéder à une pesée des intérêts en présence, de façon à prononcer la mesure la plus adéquate au regard des circonstances concrètes.  
En premier lieu, le juge doit examiner à quel époux le domicile conjugal est le plus utile (" grösserer Nutzen "). Ce critère conduit à attribuer le logement à celui des conjoints qui en tirera objectivement le plus grand bénéfice, vu ses besoins concrets. A cet égard, entrent notamment en considération l'intérêt de l'enfant, confié au parent qui réclame l'attribution du logement, à pouvoir demeurer dans l'environnement qui lui est familier, l'intérêt professionnel d'un époux qui, par exemple, exerce sa profession dans l'immeuble, ou encore l'intérêt d'un époux à pouvoir rester dans l'immeuble qui a été aménagé spécialement en fonction de son état de santé. L'application de ce critère présuppose en principe que les deux conjoints occupent encore le logement dont l'usage doit être attribué. Le fait que l'un d'eux ait par exemple quitté le logement conjugal non pas pour s'installer ailleurs, mais pour échapper provisoirement à un climat particulièrement tendu au sein du foyer, ou encore sur ordre du juge statuant de manière superprovisionnelle, ne saurait toutefois entraîner une attribution systématique de la jouissance du logement à celui des époux qui l'occupe encore (arrêts 5A_760/2023 du 19 mars 2024 consid. 3.1; 5A_524/2017 du 9 octobre 2017 consid. 6.1; 5A_829/2016 du 15 février 2017 consid. 3.1; 5A_470/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5 et les références).  
Si ce premier critère de l'utilité ne donne pas de résultat clair, le juge doit, en second lieu, examiner à quel époux l'on peut le plus raisonnablement imposer de déménager, compte tenu de toutes les circonstances. Sous ce rapport, doivent notamment être pris en compte l'état de santé ou l'âge avancé de l'un des époux ou encore le lien étroit qu'entretient l'un d'eux avec le domicile conjugal, par exemple un lien de nature affective. Des motifs d'ordre économique ne sont en principe pas pertinents, à moins que les ressources financières des époux ne leur permettent pas de conserver ce logement. Si ce deuxième critère ne donne pas non plus de résultat clair, le juge doit alors tenir compte du statut juridique de l'immeuble et l'attribuer à celui des époux qui en est le propriétaire ou qui bénéficie d'autres droits d'usage sur celui-ci (ATF 120 II 1 consid. 2c; parmi plusieurs: arrêts 5A_884/2022 du 14 septembre 2023 consid. 5.2; 5A_344/2022 du 31 août 2022 consid. 3.1 et la jurisprudence citée). 
 
3.2. Après avoir admis que l'immeuble des parties avait conservé son caractère de logement familial, nonobstant le départ du mari, l'autorité cantonale en a attribué la jouissance à celui-ci, estimant qu'il lui était manifestement plus utile qu'à l'épouse. Il y avait en effet exploité sa société pendant plus de dix ans et son nouvel appartement de 3,5 pièces n'était manifestement pas adapté à son activité professionnelle, qui impliquait de fournir, même occasionnellement, des postes de travail à des collaborateurs et de les rencontrer, ainsi que des clients, l'intéressé devant en outre habiter au même endroit. La jouissance du domicile conjugal présentait donc une utilité certaine pour lui, dans la mesure où il pourrait y vivre et y déployer l'activité de sa société dans des conditions décentes. Même si cet élément n'était pas décisif à lui seul, l'on pouvait de plus retenir, sous l'angle de la vraisemblance, que le transfert de son entreprise dans son nouvel appartement n'avait pas été bénéfique pour ses affaires, puisque, selon des pièces établies par sa fiduciaire, le chiffre d'affaires des ventes avait baissé. L'épouse ne pouvait pas se prévaloir, de bonne foi, de l'attestation des conjoints concernant l'utilisation de l'immeuble figurant dans le contrat de vente pour soutenir qu'aucune activité professionnelle ne pouvait être exercée dans la maison, puisque tel avait bien été le cas, avec son accord, peu de temps après l'achat de cette habitation, et cela d'autant plus qu'elle participait à la société au début de celle-ci: un tel procédé relevait d'un comportement contradictoire ( venire contra factum proprium). La maison serait aussi utile au mari pour y accueillir le fils des parties, qui était d'accord d'habiter avec lui et ne souhaitait pas vivre avec sa mère; l'enfant pourrait ainsi quitter son logement actuel, où il vivait seul, ce qui impliquerait des économies et permettrait à l'un de ses parents de veiller sur lui, ce qui semblait salutaire compte tenu des problèmes de santé qu'il rencontrait.  
L'épouse n'avait quant à elle pas d'utilité pratique à disposer d'une surface de 400 m2 pour se loger, ce d'autant qu'elle paraissait avoir de la peine à entretenir les lieux, certains espaces semblant à l'abandon. Il apparaissait ainsi clairement que la jouissance provisoire de la maison conjugale devait être attribuée au mari, dont l'intérêt à pouvoir vivre et travailler dans cet immeuble était évident et l'emportait manifestement sur celui de l'épouse à y demeurer. 
 
4.  
La recourante soutient d'abord que l'immeuble copropriété des époux a perdu son caractère de domicile conjugal au sens de l'art. 169 CC à la suite du déménagement de l'intimé. 
 
4.1. Selon la jurisprudence, le caractère de logement familial - soit le lieu qui remplit la fonction de logement et de centre de vie de la famille - subsiste tant que dure le mariage, même si les époux sont séparés de fait ou en instance de divorce (ATF 136 III 257 consid. 2.1; parmi d'autres: arrêts 5A_141/2020 du 25 février 2021 consid. 3.1.2; 5A_635/2018 du 14 janvier 2019 consid. 6.1). Si le logement perd son caractère familial lorsque l'un des conjoints le quitte définitivement et se désintéresse du sort de ce logement (cf. pour l'art. 169 CC: ATF 136 III 257 consid. 2.1 et les références; pour l'art. 266n CO: ATF 139 III 7 consid. 2.3.2), le simple fait qu'un époux quitte l'immeuble conjugal ne signifie pas qu'il ait renoncé à son attribution (arrêts 5A_592/2027 du 24 août 2017 consid. 2.3; 5A_78/2012 du 15 mai 2012 consid. 3.2; cf. aussi supra consid. 3.1). Il appartient à l'époux qui allègue la perte du caractère familial du logement d'en apporter la preuve; pour admettre que le conjoint a quitté définitivement le logement familial, le juge doit pouvoir se fonder sur des indices sérieux (ATF 136 III 257 consid. 2.2; arrêts 5A_141/2020 du 25 février 2021 consid. 3.1.2; 5A_635/2018 du 14 janvier 2019 consid. 6.1).  
 
4.2. Pour autant qu'il soit suffisamment motivé (art. 106 al. 2 LTF), le grief soulevé par la recourante est à l'évidence infondé. Ses critiques, de nature largement appellatoire, laissent en effet intactes les constatations de l'autorité cantonale, qui a retenu, d'une part, que le mari avait quitté le domicile conjugal à la suite de problèmes familiaux importants qui avaient impacté sa santé et, d'autre part, que son installation dans son nouvel appartement ne pouvait être que temporaire. Les juges précédents ont à cet égard estimé que, selon les photographies produites, une pièce de ce logement était apparemment occupée par deux places de travail de collaborateurs et qu'une autre comprenait un matelas posé à même le sol, une armoire et une chaise; l'on peinait dès lors à concevoir que, pour le mari, une installation à cet endroit puisse être définitive, que ce soit du point de vue des nécessités liées à son travail ou par comparaison avec son précédent cadre de vie. Il était en outre sans pertinence que l'échéance du bail soit fixée au 31 mars 2024, dès lors que, vu l'urgence relative dans laquelle il se trouvait de conclure un contrat pour un nouveau logement, il pouvait difficilement exiger du bailleur de renoncer à toute durée minimale. Comme le disait elle-même l'épouse, le mari lui avait d'ailleurs demandé avec passablement d'insistance de quitter la maison familiale pour qu'il puisse s'y installer et utiliser les locaux pour son activité professionnelle. En mars 2023, elle lui avait du reste écrit qu'elle s'était engagée à chercher un nouveau logement, " sans pour autant garantir un déménagement prochain ". Pour l'autorité cantonale, ces éléments démontraient bien que le départ du domicile conjugal du mari n'avait pour lui qu'un caractère provisoire. Comme il n'avait pas abandonné définitivement l'immeuble des époux, celui-ci revêtait encore la qualité de logement de famille.  
Hormis répéter quasiment textuellement ce qu'elle avait déjà invoqué sans succès devant la cour cantonale et de faire valoir sa propre opinion, ce qui n'est pas admissible (cf. supra consid. 2.1), la recourante n'apporte aucun élément qui permettrait de considérer que l'autorité cantonale serait, ce faisant, tombée dans l'arbitraire. Contrairement à ce qu'elle prétend, un immeuble ne perd pas ses caractéristiques de logement familial lorsque les époux ne vivent plus ensemble, le séjour d'un conjoint dans un autre endroit, indépendamment de sa durée, ne signifiant pas encore qu'il n'a plus besoin du logement en question. Le départ définitif d'un conjoint du domicile familial ne doit en effet être admis que sur la base d'indices sérieux. En l'occurrence, il n'était pas insoutenable de considérer que le mari avait au contraire montré sa volonté de ne pas abandonner ce logement. A cet égard, il convient en particulier de relever que, selon les constatations de l'autorité précédente, un projet de convention avait été établi entre les époux avant le dépôt de la requête de mesures protectrices de l'union conjugale, projet qu'ils n'avaient pas signé, bien que des échanges soient encore intervenus entre eux à ce sujet en février-mars 2023; or, ledit projet prévoyait que le mari s'installerait au domicile conjugal et qu'une partie de l'immeuble serait à nouveau utilisée pour les activités de sa société, l'épouse s'engageant à effectuer des démarches pour trouver un logement convenable dans les mois suivant la signature de l'accord. 
Autant qu'il est recevable, le grief est par conséquent mal fondé. 
 
5.  
La recourante s'en prend en outre vainement au refus de l'autorité précédente de lui attribuer la jouissance du logement conjugal, décision qui serait à son sens arbitraire. 
S'appuyant sur le contrat de vente de l'immeuble, selon lequel cette maison devait être exclusivement réservée au logement de la famille, elle soutient qu'on ne saurait lui dénier le droit de demander le respect de cette clause sous prétexte que pendant dix ans, elle n'avait pas critiqué l'utilisation partielle des locaux à des fins professionnelles. Selon elle, l'autorité cantonale aurait méconnu le fait qu'à l'époque, elle était intéressée à l'entreprise, qu'elle avait même fondée, et qu'ensuite des difficultés survenues entre les parties, leur accord de renoncer à l'affectation totale de la maison à des fins d'habitation avait perdu tout son sens. Par ces affirmations, la recourante substitue cependant sa propre appréciation à celle des juges précédents, ce qui ne remplit pas les exigences de motivation accrues tirées de l'art. 106 al. 2 LTF. Elle ne démontre pas non plus que l'autorité cantonale serait tombée dans l'arbitraire en estimant que le nouvel appartement de l'intimé n'était pas adapté à l'activité professionnelle de celui-ci. Elle se contente d'affirmer que cette opinion serait démentie par le fait que l'intimé y déploie depuis près de deux ans une activité professionnelle, selon elle fructueuse, et que ses collaborateurs, qui travaillent partiellement à distance, n'ont pas besoin de locaux spacieux; elle ajoute que s'il l'avait jugé utile, l'intimé aurait pu sans difficulté louer des locaux mieux adaptés dans la région. Par ces allégations, la recourante ne démontre pas non plus en quoi il était insoutenable de considérer que la jouissance du logement conjugal apportait objectivement plus d'avantages à l'intimé, compte tenu de ses besoins professionnels. Dans la mesure où elle soutient en outre que la référence au fils des parties serait sans pertinence, celui-ci étant majeur et ayant son propre domicile, sa critique n'apparaît pas décisive, la cour cantonale n'ayant formulé ce motif que par surabondance. 
En définitive, l'autorité précédente ne peut se voir reprocher d'avoir fait preuve d'arbitraire ni manifestement abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le premier critère posé par la jurisprudence permettait de décider de l'attribution du logement conjugal au mari. Comme les griefs de la recourante visant le raisonnement de la cour cantonale sur ce point se sont révélés mal fondés, autant que suffisamment motivés, il n'y a pas lieu d'examiner les critiques qu'elle oppose aux développements que les juges précédents ont consacrés au second critère, qui est subsidiaire (cf. supra consid. 3.1). 
 
6.  
Enfin, la recourante se plaint d'une violation des art. 29, 29a et 30 Cst., considérant que la cour cantonale a rendu une décision qui la prive du droit de recourir. 
Elle expose que le chiffre 2 du dispositif de l'arrêt attaqué lui impartit un délai de trois mois dès la fixation de la contribution d'entretien par le juge de première instance pour quitter le domicile familial, étant précisé, dans les considérants de cet arrêt, que ce délai commencerait à courir dès la notification de la décision de première instance sur la contribution d'entretien, "et non dès le [recte: l'expiration du] délai d'appel contre cette décision". Elle serait ainsi exposée à devoir quitter son domicile avant que le Tribunal fédéral ait pu statuer sur le mérite de son recours, qui porte principalement sur la question de l'octroi du domicile concerné, de sorte que l'effet suspensif sollicité devrait être accordé. 
Dès lors que, par ordonnance du 25 avril 2024, le Président de la Cour de céans a admis la requête d'effet suspensif de la recourante (cf. supra let. D), celle-ci n'a plus d'intérêt actuel digne de protection à l'examen de son recours sur ce point. 
 
7.  
En conclusion, le recours apparaît mal fondé et ne peut donc être que rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. Vu cette issue, prévisible, de la procédure, la requête d'assistance judiciaire ne saurait être agréée (art. 64 LTF), étant précisé que l'assistance judiciaire est subsidiaire à la provisio ad litem que la recourante a requise devant le Tribunal civil, dont on ne sait si elle a été accordée (cf. arrêt 5A_972/2021 du 2 février 2023 consid. 2.1.2 et la jurisprudence citée). La recourante, qui succombe, supportera dès lors les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé, qui s'est prononcé sur les requêtes d'effet suspensif, a droit à des dépens à ce titre (art. 68 al. 1 LTF).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Une indemnité de 500 fr., à verser à l'intimé à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 5 juin 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Mairot