8C_758/2023 08.05.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_758/2023  
 
 
Arrêt du 8 mai 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Viscione et Bechaalany, Juge suppléante. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Alexandre Lehmann, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents (lien de causalité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 13 octobre 2023 (AA 31/23 - 108/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, née en 1992, travaille comme ingénieure d'exploitation auprès de B.________ SA. A ce titre, elle est assurée contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Par déclaration de sinistre du 9 septembre 2022, l'employeur a annoncé à la CNA que l'assurée avait subi, le 29 août 2022, une luxation de l'épaule droite, une contusion au coude droit et une écorchure aux métacarpes droites à la suite d'une chute à vélo. La CNA a pris en charge le cas. 
Par décision du 2 décembre 2022, confirmée sur opposition le 22 février 2023, la CNA a mis fin au paiement du traitement médical et des indemnités journalières dès le 21 octobre 2022, dans la mesure où l'assurée avait recouvré son état de santé antérieur à l'accident le 20 octobre 2022 au plus tard. 
 
B.  
Par arrêt du 13 octobre 2023, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé contre la décision sur opposition. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que la décision sur opposition du 22 février 2023 soit annulée et que l'intimée doive prendre en charge les suites de l'accident du 29 août 2022 au-delà du 20 octobre 2022. A titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour complément d'instruction et nouvelle décision. 
L'intimée conclut au rejet du recours. La juridiction cantonale se réfère purement et simplement à son arrêt. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le point de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en niant le droit de la recourante à des prestations (traitement médical et indemnités journalières) de l'intimée au-delà du 20 octobre 2022.  
 
2.2. Les prestations en question pouvant être en espèces (cf. art. 15 ss LAA) et en nature (cf. art. 10 ss LAA), le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF) en ce qui concerne les faits pertinents pour les prestations en espèces et ceux communs aux deux types de prestations (arrêt 8C_388/2023 du 10 avril 2024 consid. 2.2 et l'arrêt cité).  
 
3.  
L'arrêt entrepris expose correctement les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables en l'espèce, s'agissant notamment du droit aux prestations de l'assurance-accidents (art. 6 et 36 LAA), de l'exigence d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre l'événement dommageable et l'atteinte à la santé (ATF 148 V 138 consid. 5.1.1; 146 V 51 consid. 5.1; 142 V 435 consid. 1; 129 V 177 consid. 3.1) et de l'appréciation des rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3; cf. aussi ATF 143 V 124 consid. 2.2.2; 139 V 225 consid. 5.2). On peut y renvoyer. 
A la suite du tribunal cantonal, on rappellera que selon le Tribunal fédéral, la question de savoir si un traumatisme consistant en un choc direct sur l'épaule est de nature ou non à causer, respectivement aggraver, une lésion de la coiffe des rotateurs fait l'objet d'une controverse médicale. Le Tribunal fédéral a précisé qu'il n'y avait pas lieu de donner une trop grande importance au critère du mécanisme accidentel pour l'examen du lien de causalité, eu égard aux difficultés à reconstituer avec précision le déroulement de l'accident sur la base des déclarations de la victime. Il convenait bien plutôt, sous l'angle médical, de mettre en présence et de pondérer entre eux les différents critères pertinents plaidant en faveur ou en défaveur du caractère traumatique de la lésion, de manière à déterminer l'état de fait présentant une vraisemblance prépondérante (arrêt 8C_445/2021 du 14 janvier 2022 consid. 4.3 et les arrêts cités). 
 
4.  
En l'espèce, les juges cantonaux ont estimé qu'il n'était pas possible de rattacher, au degré de la vraisemblance prépondérante, les atteintes subsistant au-delà du 20 octobre 2022 à l'accident. S'il était constant que la recourante présentait des lésions de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite, les opinions divergeaient quant à l'origine accidentelle ou dégénérative de ces lésions. 
La recourante avait précisé, à l'occasion d'une consultation auprès de son médecin, qu'elle avait non seulement subi un choc direct sur l'épaule, mais qu'elle avait aussi essayé de se retenir avec le membre supérieur droit en extension. Dans un questionnaire soumis par l'intimée et rempli le 20 décembre 2022, elle avait ajouté qu'elle avait voulu se rattraper dans sa chute et que son bras avait été tiré en arrière sous son corps dans un mouvement de glissade. Or, selon les premiers juges, ces indications avaient été apportées une fois la décision de l'intimée mettant fin aux prestations connue. Au cours des consultations antérieures, la recourante avait indiqué qu'elle s'était réceptionnée sur le moignon de l'épaule droite et qu'elle avait conservé le bras le long du corps. A l'instar de la médecin d'arrondissement de l'intimée, la cour cantonale a constaté que ces premières descriptions étaient intervenues auprès de trois médecins différents et étaient cohérentes les unes avec les autres. Les déclarations postérieures, en revanche, apparaissaient peu vraisemblables. Le mécanisme lésionnel avancé n'explicitait pas la surface contre laquelle l'intéressée aurait essayé de se retenir, ni la manière dont telle aurait procédé, par un geste d'appui ou de préhension, par exemple. Au demeurant, la recourante n'ignorant plus les conséquences juridiques de ses déclarations, les explications nouvelles pouvaient être - consciemment ou non - le produit de réflexions ultérieures. En conséquence, il convenait de privilégier ses premières déclarations. 
Concernant les suites de l'accident, la médecin d'arrondissement avait exposé qu'un traumatisme avec choc direct de l'épaule n'était pas en mesure de provoquer une atteinte de la coiffe des rotateurs ou d'aggraver de manière déterminante une blessure préexistante de cette même coiffe des rotateurs. Le tribunal cantonal s'est alors référé à la jurisprudence fédérale concernant la controverse liée aux lésions des tendons de la coiffe des rotateurs de l'épaule (cf. consid. 3 supra). Il a ensuite relevé que la recourante ne s'était pas plainte immédiatement de douleurs à l'épaule droite et d'une impotence fonctionnelle. Au contraire, plusieurs éléments laissaient à penser que les douleurs à l'épaule droite n'étaient apparues que progressivement et en lien avec des mouvements spécifiques liés à sa pratique sportive habituelle (escalade et danse de couple), à l'exclusion des gestes quotidiens usuels. En tout état de cause, ce n'était que quinze jours après sa chute que la recourante avait consulté pour la première fois et qu'elle présentait des douleurs dans des mouvements spécifiques lors de ses activités sportives. 
Dans ces conditions, les juges cantonaux ont considéré qu'il n'était pas possible de retenir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l'accident du 29 août 2022 était à l'origine de lésions structurelles aiguës de l'épaule droite. Les brèves explications que le docteur C.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, avait fournies ne suffisaient pas à remettre en cause l'analyse convaincante de la situation effectuée par la médecin d'arrondissement de l'intimée. Faute de lien de causalité naturelle entre les lésions subsistant à l'épaule et l'accident du 29 août 2022, c'était à bon droit que l'intimée avait cessé d'allouer à la recourante les prestations d'assurance dès le 21 octobre 2022. 
 
5.  
La recourante reproche aux juges cantonaux d'avoir établi les faits de façon incomplète ou erronée. Selon elle, ils auraient ignoré ses allégations et les éléments ressortant des rapports médicaux indiquant que les douleurs auraient été déclenchées par la chute, mais se seraient surtout révélées à la suite de tentatives de reprise d'activités sportives. Contrairement à ce qu'allègue la recourante, les premiers juges (de même que la médecin d'arrondissement de l'intimée) ont bien retenu qu'elle invoquait une perte de mobilité immédiate avec une amplification des douleurs, lesquelles l'avaient amenée à consulter pour la première fois le 14 septembre 2022 (cf. arrêt attaqué, p. 4 s.). Après avoir rappelé la controverse médicale et la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière, ils ont cependant aussi relevé que plusieurs éléments, dont les rapports médicaux des deux premiers médecins consultés (à savoir le rapport du 14 septembre 2022 mentionnant une "douleur épaule apparue à distance de la chute et se péjorant progressivement" et celui du 29 septembre 2022 faisant bien état d'une "apparition progressive de douleurs"), donnaient à penser que les douleurs à l'épaule droite n'étaient apparues que progressivement. Mal fondé, le grief doit être rejeté. 
 
6.  
La recourante conteste ensuite la négation par les premiers juges du lien de causalité entre ses lésions à l'épaule droite et l'accident du 29 août 2022. Elle fait valoir que la médecin d'arrondissement de l'intimée manquerait d'indépendance et que ses conclusions n'emporteraient pas conviction. A cet effet, la recourante met à nouveau en avant sa description de l'accident et l'existence de douleurs immédiates et persistantes. Plusieurs autres éléments plaideraient également en faveur du caractère traumatique et non dégénératif de la lésion, en particulier l'âge de 30 ans de la recourante au moment de la chute, sa bonne santé, la bonne santé initiale de son épaule, ses activités physiques saines pour les articulations et le rapport médical du 6 décembre 2022 établi par son chirurgien, constatant l'absence d'atrophie musculaire. La recourante expose encore que dans le doute, une expertise orthopédique aurait dû être mise en oeuvre. 
Ce faisant, la recourante échoue à démontrer, au degré de la vraisemblance prépondérante, que les atteintes subsistant au-delà du 20 octobre 2022 peuvent être rattachées à l'accident. Les critiques liées à la partialité de la médecin d'arrondissement apparaissent purement appellatoires et ne reposent sur aucun élément tangible. En particulier, le fait que cette médecin a affirmé que le mécanisme de la chute n'était pas susceptible de provoquer les lésions de l'épaule ne permet pas de remettre en cause la valeur probante de son appréciation. L'existence d'une controverse médicale sur le sujet suppose en effet que certains médecins défendent la possibilité d'un lien de causalité entre un impact direct et une atteinte des tendons de la coiffe des rotateurs de l'épaule, et que d'autres, comme la médecin d'arrondissement, la nient. 
Avec la juridiction cantonale, force est ensuite de constater que les premières descriptions établies par trois médecins différents, qui rapportent l'apparition progressive de douleurs, semblent plus cohérentes que les explications fournies ultérieurement. La médecin d'arrondissement a par ailleurs exposé de manière détaillée pour quelles raisons le lien de causalité entre la lésion de la coiffe des rotateurs et l'accident devait être nié, malgré la proximité temporelle entre les douleurs et l'événement accidentel. Elle a notamment indiqué que la localisation de la déchirure partielle du tendon supra-épineux était typique des atteintes dégénératives et qu'elle était transfixiante, ce qui démontrait une rupture progressive. Les brèves explications du docteur C.________ - qui ne s'est pas prononcé sur les arguments précités de sa confrère - ne sont pas de nature à remettre en question les conclusions de la médecin d'arrondissement. 
Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que la cour cantonale a nié à la recourante le droit à des prestations de l'assurance-accidents au-delà du 20 octobre 2022, sans ordonner une expertise orthopédique. 
 
7.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 8 mai 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
Le Greffier : Ourny