2C_135/2024 07.05.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_135/2024  
 
 
Arrêt du 7 mai 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Kradolfer. 
Greffier : M. de Chambrier. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
agissant par sa mère A.________, 
tous les deux représentés par Me Sarah Halpérin, avocate, 
recourants, 
 
contre  
 
Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève, route de Chancy 88, 1213 Onex, 
intimé. 
 
Objet 
autorisation de séjour; non-paiement de l'avance de frais 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 1ère section, du 23 janvier 2024 (ATA/74/2024). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 4 septembre 2023, A.________ et son fils, mineur, B.________, agissant par leur mandataire, ont déposé un recours auprès du Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif de première instance) contre la décision du 2 août 2023 de l'Office cantonal de la population et des migrations de la République et canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal), refusant de leur octroyer une autorisation de séjour de courte durée en vue du mariage, respectivement, au titre du regroupement familial (art. 105 al. 2 L TF). 
Le 11 septembre 2023, le Tribunal administratif de première instance a fixé un délai au 11 octobre 2023 à la mandataire des intéressés pour s'acquitter d'une avance de frais de 500 francs. Par jugement du 1 er novembre 2023, le Tribunal administratif de première instance a déclaré leur recours irrecevable, pour défaut de paiement de l'avance de frais dans le délai imparti.  
 
B.  
Par arrêt du 23 janvier 2024, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours formé le 17 novembre 2023 par A.________ contre le jugement d'irrecevabilité précité. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public et celle du recours constitutionnel subsidiaire, A.________ et B.________, par la même mandataire, demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 23 janvier 2024 et de renvoyer la cause à l'autorité précédente ou au Tribunal administratif de première instance pour nouvelle décision sur le fond. Ils ont joint à leur recours, à titre superprovisoire et provisoire, une demande d'effet suspensif. 
L'effet suspensif au recours a été accordé par ordonnance présidentielle du 29 février 2024. 
La Cour de justice indique n'avoir aucune observation à formuler au sujet du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Office cantonal renonce à se déterminer et se rallie aux motifs exposés dans l'arrêt attaqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont adressés (ATF 149 II 66 consid. 1.3). 
 
1.1. Le recours du 17 novembre 2023 formé auprès de la Cour de justice contre l'arrêt d'irrecevabilité du 1 er novembre 2023 a été interjeté au nom de la recourante et de son fils. Ils ont ainsi tous deux pris part à la procédure devant l'autorité précédente et ont un intérêt digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause pour traitement au fond. Il convient donc de leur reconnaître, à tous deux, la qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF), en dépit du rubrum de l'arrêt attaqué qui ne mentionne que la recourante comme partie recourante.  
 
1.2. Le présent litige porte sur la question de savoir si c'est à juste titre que la Cour de justice a confirmé la décision du Tribunal administratif de première instance prononçant l'irrecevabilité du recours, déposé le 4 septembre 2023, en raison de la tardiveté du paiement de l'avance de frais.  
 
1.3. Dans une procédure administrative, l'auteur d'un recours déclaré irrecevable pour non-paiement de l'avance de frais dans le délai imparti est habilité à contester l'arrêt d'irrecevabilité, respectivement l'arrêt confirmant celui-ci, par un recours en matière de droit public lorsque l'arrêt au fond de l'autorité intimée aurait pu être déféré au Tribunal fédéral par cette voie (ATF 135 II 145 consid. 3.2; 131 II 497 consid. 1; arrêt 2C_882/2019 du 31 octobre 2019 consid. 2.1).  
En l'occurrence, au fond, le litige porte sur le refus d'octroyer une autorisation de séjour au recourant, enfant mineur, et une autorisation de séjour en vue du mariage à sa mère, recourante. Le père du recourant vivant en Suisse au bénéfice d'une autorisation d'établissement (selon décision de l'Office cantonal du 2 août 2023; art. 105 al. 2 LTF), on peut admettre que le recourant se prévaut de façon défendable de l'art. 8 CEDH (cf. ATF 146 I 185 consid. 6.1; 137 I 284 consid. 2.6; 135 I 143 consid. 1.3.1). En outre, un droit à une autorisation de séjour pouvant aussi découler, à certaines conditions, du droit au mariage, la recourante peut aussi se prévaloir d'un droit à une autorisation de séjour de courte durée (cf. arrêt 2C_775/2022 du 26 janvier 2023 consid. 3.1 et les références; art. 105 al. 2 LTF). Le recours échappe donc au motif d'irrecevabilité prévu à l'art. 83 let. c ch. 2 LTF, étant précisé que le point de savoir si les conditions à l'octroi des autorisations requises sont remplies relève du fond et non de la recevabilité (cf. ATF 139 I 330 consid. 1.1). La voie du recours en matière de droit public est ainsi ouverte. Le recours constitutionnel subsidiaire est partant irrecevable (art. 113 LTF a contrario).  
 
1.4. Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité sont remplies (cf. art. 42, 82 let. a, 86 al. 1 let. d et al. 2, 90 et 100 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière.  
 
2.  
Les recourants se plaignent d'arbitraire dans l'établissement des faits. 
 
2.1. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si celles-ci ont été opérées de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (art. 9 Cst.) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 148 I 160 consid. 3; 142 II 355 consid. 6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. À défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 148 I 160 consid. 3; 137 II 353 consid. 5.1). Les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (ATF 145 I 26 consid. 1.3).  
 
2.2. Les recourants reprochent à la Cour de justice de ne ne pas avoir retenu que le paiement de l'avance de frais avait été effectué dans les délais sur le compte bancaire, portant le numéro d'IBAN (International Bank Account Number) CH21 xxx, indiqué sur l'invitation à payer du 11 septembre 2023, et le fait que le montant de l'avance de frais n'avait pas été restitué au mandataire des recourants. Ils font aussi valoir que l'autorité précédente aurait mentionné, à tort, que le numéro de facture inscrit par leur représentant était erroné.  
 
2.3. Dans l'arrêt attaqué, la Cour de justice retient que le montant de l'avance de frais a été débité du compte du conseil des recourants avant l'échéance du délai de paiement fixé par le Tribunal administratif de première instance, mais que celui-ci a été crédité sur le compte de l'Administration fiscale cantonale et non au pouvoir judiciaire du fait que ledit conseil avait inscrit le mauvais numéro de référence.  
La Cour de justice ne nie pas que le bon numéro IBAN a été utilisé. Implicitement, elle estime que cet élément ne suffit toutefois pas à reconnaître le paiement dans les temps de l'avance de frais. La critique des recourants à cet égard porte ainsi plus sur une question de droit que de faits et sera examinée ci-après (cf. infra consid. 3).  
En outre, contrairement à ce que prétendent les recourants, la Cour de justice ne retient pas que le numéro de facture utilisé n'aurait pas été le bon. Elle indique même le contraire lorsqu'elle mentionne que " les indications complé mentaires ajoutées par l'intéressée étaient correctes, à l'instar notamment du numéro de facture " (consid. 3). Enfin, l'argumentation des recourants concernant l'absence de restitution du montant de l'avance de frais à leur mandataire porte plutôt sur une question de droit et sera également traitée ci-après.  
 
3.  
Les recourants dénoncent une violation de l'interdiction du formalisme excessif, en invoquant l'art. 29 al. 1 Cst. 
 
3.1. Selon la jurisprudence, il y a formalisme excessif, constitutif d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 149 IV 9 consid. 7.2; 149 III 12 consid. 3.3.1, tous deux avec références). En tant que l'interdiction du formalisme excessif sanctionne un comportement répréhensible de l'autorité dans ses relations avec le justiciable, elle poursuit le même but que le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.; ATF 149 IV 9 consid. 7.2 et les références). À cet égard, elle commande à l'autorité d'éviter de sanctionner par l'irrecevabilité les vices de procédure aisément reconnaissables qui auraient pu être redressés à temps, lorsque celle-ci pouvait s'en rendre compte assez tôt et les signaler utilement au plaideur (ATF 125 I 166 consid. 3a et les références; arrêts 1C_318/2022 du 12 juillet 2022 consid. 2.1; 5A_741/2016 du 6 décembre 2016 consid. 6.1.1).  
 
3.2. Il n'y a pas de formalisme excessif à refuser d'entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé et que le montant requis n'a pas été versé dans ce délai, pour autant que l'auteur du recours ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 133 V 402 consid. 3.3; arrêts 2C_690/2022 du 7 décembre 2022 consid. 6; 2C_837/2021 du 22 décembre 2021 consid. 7.2.5).  
En revanche, selon la jurisprudence, le délai est réputé observé si le compte a été débité dans le délai et, en cas de transfère effectué depuis un compte à l'étranger, si le montant est entré, avant l'échéance, dans la sphère d'influence de l'auxiliaire (banque ou La Poste Suisse), mais que le compte de l'autorité n'a pas pu être crédité en raison d'une erreur excusable dans la transcription du numéro IBAN, de l'adresse ou du numéro de procédure (cf. arrêts 6B_884/2017 du 22 février 2018 consid. 3.3 s.; 6B_890/2016 du 6 mars 2017 consid. 3.2 s.; 5A_61/2014 du 13 mars 2014 consid. 2.4 s.; 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 6.3 s., in RDAF 2013 II p. 186, StE 2013 B 92.8 p. 18; 9C_636/2009 du 26 novembre 2009 consid. 5; 9C_94/2008 du 30 septembre 2008 consid. 6 avec renvois, in SJ 2009 I p. 164; SVR 2009 IV 17 p. 45). 
 
3.3. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué que le montant de l'avance de frais de 500 fr. a été débité du compte de la mandataire des recourants avant l'échéance du délai de paiement fixé par le Tribunal administratif de première instance au 11 octobre 2023. Selon le document bancaire du 28 septembre 2023, l'ordre de paiement a été donné le 26 septembre 2023 et exécuté le 27 septembre 2023 (pièce n° 3 jointe au recours du 17 novembre 2023; art. 105 al. 2 LTF). Dans les informations additionnelles pour le destinataire du paiement, l'avocate a indiqué les éléments suivants: le numéro de facture, la mention qu'il s'agit d'une "avance de frais (LPA) ", la procédure concernée "A/2768/23-TRA-2-OCPM", ainsi que le nom des recourants. Le numéro de compte IBAN utilisé correspondait à celui indiqué dans le courrier du Tribunal administratif de première instance du 11 septembre 2023. La mandataire a en revanche inscrit un numéro de référence erroné, indiquant le numéro 000128 [...], en lieu et place du numéro 000127 [...] mentionné dans le courrier du 11 septembre 2023. En raison de cette erreur, le montant de l'avance de frais a été crédité sur le compte de l'Administration fiscale cantonale et non sur celui du pouvoir judiciaire. Toutefois, les informations transmises par la mandataire des recourants permettaient à l'Administration fiscale cantonale d'identifier sans difficulté le bénéficiaire et la cause du paiement. En outre, contrairement à ce que retient l'autorité précédente, on pouvait difficilement attendre de la mandataire des recourants qu'elle procède à une vérification allant au-delà de celle visant à s'assurer que son compte avait été débité en faveur du compte de l'État de Genève. En outre, elle a procédé à l'ordre de paiement bien avant l'échéance du délai, en fournissant les informations nécessaires à l'identification du bénéficiaire et pouvait partant s'attendre à ce qu'une éventuelle erreur, telle que celle qui est survenue, puisse être corrigée avant l'échéance fixée.  
Dans ces circonstances, l'erreur imputable à la mandataire des recourants est excusable et ne saurait conduire à l'irrecevabilité du recours du 4 septembre 2023 sans verser dans le formalisme excessif. En définitive, en confirmant l'irrecevabilité du recours déposé auprès du Tribunal administratif de première instance, la Cour de justice a violé l'art. 29 al. 1 Cst. 
 
4.  
Le recours en matière de droit public doit ainsi être admis, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs des recourants. L'arrêt cantonal est annulé et la cause renvoyée au Tribunal administratif de première instance pour traitement du recours dirigé contre la décision de l'Office cantonal du 2 août 2023. Dès lors que le montant de l'avance de frais a finalement été crédité sur le compte du pouvoir judiciaire, il n'y a pas lieu d'octroyer un délai aux recourants pour procéder au versement de ladite avance. Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
Le dossier sera également renvoyé à la Cour de justice pour qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure menée devant elle (art. 67 et 68 al. 5 LTF a contrario).  
 
5.  
Les recourants, qui obtiennent gain de cause avec l'aide d'un mandataire professionnel, ont droit à des dépens, à la charge de la République et canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF). Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public est admis; l'arrêt attaqué du 23 janvier 2024 est annulé et la cause est renvoyée au Tribunal administratif de première instance pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
La République et canton de Genève versera aux recourants un montant de 1'500 fr. à titre de dépens. 
 
5.  
La cause est renvoyée à la Cour de justice pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure cantonale. 
 
6.  
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire des recourants, à l'Office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance et à la Chambre administrative, 1ère section, de la Cour de justice de la République et canton de Genève, ainsi qu'au Secrétariat d'État aux migrations. 
 
 
Lausanne, le 7 mai 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : A. de Chambrier