6B_205/2022 29.11.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_205/2022  
 
 
Arrêt du 29 novembre 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Koch et Hurni. 
Greffier : M. Fragnière. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, 
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Indemnité du défenseur d'office, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 26 octobre 2021 (n° 982 PE20.002945-JRU/PBR-jga). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 17 août 2021, le Tribunal correctionnel a condamné B.________ pour vol en bande et par métier (art. 139 ch. 1 à 3 CP), pour dommage à la propriété (art. 144 al. 1 CP), pour violation de domicile (art. 186 CP), pour faux dans les certificats (art. 252 CP), pour infraction à la LEI (art. 115 al. 1 let. b et c LEI) et pour conduite d'un véhicule sans être titulaire du permis valable (art. 95 al. 1 LCR) à une peine privative de 30 mois, dont 15 mois avec sursis pendant 5 ans, le solde de la peine étant à exécuter. 
Le Tribunal correctionnel a en outre fixé l'indemnité due au défenseur d'office de B.________, l'avocat A.________, à un montant de 12'943 fr. 40, réduisant ainsi de 882 fr. 30 le montant réclamé par ce dernier selon sa liste des opérations. 
 
B.  
Statuant par arrêt du 26 octobre 2021, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours du défenseur d'office A.________ contre le jugement du 17 août 2021, qu'elle a confirmé. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 26 octobre 2021. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que son indemnité d'office soit fixée, TVA et débours compris, principalement à 13'825 fr. 70 et subsidiairement à 13'576 fr. 95. Plus subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'indemnité litigieuse a été fixée par une autorité de première instance dont la décision a ensuite fait l'objet d'un recours au plan cantonal. On ne se trouve dès lors pas dans l'hypothèse visée par l'art. 135 al. 3 let. b CPP, qui prévoit un recours devant le Tribunal pénal fédéral lorsque l'indemnité pour la défense d'office est fixée par l'autorité de recours. Le recours en matière pénale au Tribunal fédéral est ouvert (ATF 140 IV 213 consid. 1.7). 
 
2.  
Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu en lien avec une insuffisance de motivation du jugement de première instance. 
 
2.1.  
 
2.1.1. L'obligation de motiver, telle qu'elle découle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst., art. 3 al. 2 let. c et 107 CPP; cf. aussi art. 6 par. 1 CEDH), est respectée lorsque le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 146 II 335 consid. 5.1), de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 139 IV 179 consid. 2.2). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, la motivation pouvant d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).  
Selon la jurisprudence rendue en matière de dépens, qui s'applique aux indemnités dues au défenseur d'office (arrêts 6B_1410/2017 du 15 juin 2018 consid. 3.1; 6B_329/2014 du 30 juin 2014 consid. 2.2), la garantie du droit d'être entendu implique que lorsque le juge statue sur la base d'une liste de frais, il doit, s'il entend s'en écarter, au moins brièvement indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (ATF 143 IV 453 consid. 2.5; arrêts 6B_1049/2021 du 16 août 2022 consid. 2.2; 6B_380/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.2.3). 
 
2.1.2. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu garantit notamment au justiciable le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l'estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 et les réf. citées).  
Il appartient en effet aux parties, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier appelle des observations de leur part. Toute prise de position ou pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de décider si elles veulent ou non faire usage de leur faculté de se déterminer (ATF 138 I 484 consid. 2.1). Le droit de répliquer vise le droit conféré à la partie de se déterminer sur " toute prise de position " versée au dossier, quelle que soit sa dénomination procédurale (réponse, réplique, prise de position, etc.). Même si le juge renonce à ordonner un nouvel échange d'écritures, il doit néanmoins transmettre cette prise de position aux autres parties. Le droit de répliquer n'impose pas à l'autorité judiciaire de fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations, mais uniquement de lui laisser un laps de temps suffisant entre la remise des documents et le prononcé de sa décision pour qu'elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 et les réf. citées). 
 
2.1.3. Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond. Selon la jurisprudence, sa violation peut cependant être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Toutefois, une telle réparation doit rester l'exception et n'est admissible, en principe, que dans l'hypothèse d'une atteinte qui n'est pas particulièrement grave aux droits procéduraux de la partie lésée. Cela étant, une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les arrêts cités). Par ailleurs, le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi. Il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêts 6B_1012/2020 du 8 avril 2021 consid. 1.1; 6B_218/2020 du 17 avril 2020 consid. 2.1).  
 
 
2.2.  
 
2.2.1. En première instance, l'indemnité d'office du recourant a été fixée à 12'943 fr. 40. Les premiers juges ont ainsi réduit de 882 fr. 30 le montant initialement réclamé selon la liste des opérations du 16 août 2021, faisant état, pour seul motif et sans autre indication chiffrée, d'une durée moindre de l'audience de jugement (cf. arrêt attaqué, ad " En fait ", let. A p. 2).  
 
2.2.2. Dans son acte de recours cantonal, le recourant a fait valoir que les seules opérations qui paraissaient avoir été réduites étaient celles relatives à la durée de l'audience de jugement, ce qui ne justifiait manifestement pas la réduction opérée. Il a invoqué, au surplus, une violation de son droit d'être entendu en lien avec un défaut de motivation des premiers juges.  
 
2.2.3. La cour cantonale a estimé que le montant de la réduction opérée par les premiers juges était justifié, en se fondant toutefois sur une pièce versée dans la fourre intitulée " Frais " du dossier pénal, soit en particulier sur la liste des opérations contenant des annotations manuscrites apposées par les premiers juges.  
Sur la base de la liste des opérations annotée, la cour cantonale a estimé que l'autorité de première instance pouvait non seulement réduire le poste " Audience de jugement " (4.5 heures) à 2.5 heures, mais également supprimer le poste " Opérations futures " (1 heure), réduire le poste " Entretien avec le client " (1.3 heure) à 1 heure selon la durée usuellement admise et, en outre, réduire les postes " Recherches juridiques " (2 heures) et " Préparation audience, y compris plaidoirie " (8 heures) à 5 heures au total, vu la nature et la complexité de la cause (cf. arrêt attaqué, consid. 2.3 p. 4 s.). 
 
2.3. Ce faisant, la cour cantonale a considéré que les motifs de la réduction de l'indemnité d'office ressortaient non pas directement du jugement de première instance, mais d'une pièce versée au dossier, sur laquelle figuraient des annotations apposées par les premiers juges. La cour cantonale s'est ainsi attachée à compléter la motivation du jugement de première instance en ce qui concerne des opérations dont la réduction n'avait pas été évoquée dans ce jugement.  
Une telle manière de procéder consacre une violation du droit d'être entendu du recourant, qui n'a pas pu valablement attaquer le jugement de première instance s'agissant en particulier des opérations ainsi nouvellement mises en cause (cf. consid. 2.1.1 supra).  
A tout le moins, il appartenait à la cour cantonale d'offrir au recourant la possibilité de se déterminer sur la liste des opérations annotée dont il n'est nullement fait état dans le jugement de première instance (cf. consid 2.1.2 supra).  
En définitive, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu est fondé, la procédure devant le Tribunal fédéral ne permettant pas de guérir ce vice formel compte tenu du pouvoir d'examen restreint à l'arbitraire (art. 97 al. 1 LTF). La violation du droit d'être entendu entraîne l'annulation de l'arrêt attaqué, indépendamment des chances de succès au fond, ce qui rend sans objet les autres griefs soulevés par le recourant. 
 
3.  
Le recours doit dès lors être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision, après avoir offert la possibilité au recourant de se déterminer sur la liste des opérations annotée et sur les postes ainsi nouvellement mis en cause. 
Le renvoi peut être ordonné sans demander des déterminations à l'autorité précédente et à la partie adverse, car le Tribunal fédéral n'a pas traité la cause sur le fond et n'a pas préjugé de l'issue de la cause (ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2). 
Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supporte pas de frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Eu égard à l'objet du litige, même s'il a plaidé dans sa propre cause, il peut prétendre à des dépens (cf. ATF 125 II 518 consid. 5b; arrêt 6B_659/2016 du 6 mars 2017 consid. 4), à la charge du canton de Vaud (art. 68 al. 1 LTF), lequel est dispensé de frais (art. 66 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le canton de Vaud versera au recourant une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 29 novembre 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
Le Greffier : Fragnière