9C_544/2022 04.10.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_544/2022  
 
 
Arrêt du 4 octobre 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Gilles-Antoine Hofstetter, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, 
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 13 octobre 2022 (AI 33/19 - 309/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, née en 1970, a présenté une demande de prestations de l'assurance-invalidité en novembre 2015. Après avoir notamment diligenté une expertise (rapports des docteurs B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, du 22 mars 2018, et C.________, spécialiste en neurologie, du 16 novembre 2017, ainsi que de la neuropsychologue D.________, du 19 janvier 2018), l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a rejeté la demande, au motif que le taux d'invalidité (25%) était insuffisant pour ouvrir le droit à une rente (décision du 7 décembre 2018). 
 
B.  
Saisi d'un recours de A.________ contre cette décision, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, a notamment ordonné une expertise auprès de la neuropsychologue E.________, qui s'est adjoint les services du docteur F.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Dans son rapport du 14 janvier 2021, le docteur F.________ n'a fait état d'aucune atteinte à la santé ayant valeur de maladie. Quant à la neuropsychologue E.________, elle n'a pas retenu de limitations fonctionnelles, compte tenu du manque de validité des résultats mesurés lors de l'expertise psychiatrique, ainsi que des nombreuses incohérences et du manque de plausibilité des plaintes de l'assurée (rapport du 25 janvier 2021). A.________ a ensuite produit plusieurs rapports médicaux (rapports des doctoresses G.________, spécialiste en prévention et santé publique et en psychiatrie et psychothérapie, des 27 avril 2021 et 15 mars 2022, H.________, spécialiste en médecine interne générale, du 4 mai 2021, I.________, spécialiste en neurologie, du 14 juillet 2021, et J.________, spécialiste en rhumatologie, du 6 janvier 2022, notamment). Statuant le 13 octobre 2022, la juridiction cantonale a rejeté le recours. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande la réforme, en ce sens qu'un droit à une rente entière de l'assurance-invalidité, subsidiairement à trois quarts de rente, lui est reconnu à compter du 1er mai 2016. Plus subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour "nouvelle instruction et/ou décision" au sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération. 
 
2.  
Les constatations de l'autorité cantonale de recours sur l'atteinte à la santé, la capacité de travail de la personne assurée et l'exigibilité - pour autant qu'elles ne soient pas fondées sur l'expérience générale de la vie - relèvent d'une question de fait et ne peuvent donc être contrôlées par le Tribunal fédéral que sous un angle restreint (ATF 132 V 393 consid. 3.2). On rappellera, en particulier, qu'il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité cantonale semble concevable, voire préférable (ATF 141 I 70 consid. 2.2; 140 I 201 consid. 6.1). Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4). 
 
3.  
 
3.1. Le litige porte sur le droit de l'assurée à une rente de l'assurance-invalidité à la suite de la demande de prestations qu'elle a présentée en novembre 2015. Compte tenu des motifs du recours, il s'agit plus particulièrement de déterminer si la juridiction cantonale était en droit d'admettre que l'assurée présentait une capacité de travail de 100% avec une diminution de rendement de 25% dans une activité adaptée à son état de santé et respectant ses limitations fonctionnelles somatiques.  
 
3.2. L'arrêt attaqué expose de manière complète les dispositions légales - dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021, applicable en l'espèce (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références) - et les principes jurisprudentiels relatifs à la notion d'invalidité (art. 7 et 8 al. 1 LPGA en relation avec l'art. 4 al. 1 LAI) et à son évaluation (art. 16 LPGA et art. 28a LAI), en particulier s'agissant du caractère invalidant de troubles psychosomatiques ou psychiques (ATF 143 V 409; 143 V 418; 141 V 281). Il rappelle également les règles applicables à la valeur probante des rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3) et à la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA). Il suffit d'y renvoyer.  
 
4.  
 
4.1. Examinant d'abord l'état de santé de la recourante sur le plan somatique, la juridiction de première instance a admis, en se fondant sur les conclusions du docteur C.________, qu'elle présentait une incapacité de travail de 25% liée à la fatigabilité et à l'absentéisme engendrés par les migraines chroniques dont elle souffrait. Les premiers juges ont ensuite conclu à l'absence de tout diagnostic sur le plan psychiatrique, en se fondant essentiellement sur l'expertise qu'ils avaient diligentée auprès du docteur F.________ et de la neurpsychologue E.________. Ils ont nié que les observations rapportées par les doctoresses G.________ et H.________ fussent suffisantes pour susciter un doute sur le bien-fondé des conclusions unanimes des différents experts consultés au cours de la procédure, avec pour conséquence qu'ils ont considéré qu'il n'y avait pas lieu de procéder à une évaluation de la situation au regard des indicateurs développés par la jurisprudence. Au vu de la capacité de travail de l'assurée de 100% avec une diminution de rendement de 25% dans toute activité adaptée à son état de santé et respectant ses limitations fonctionnelles somatiques, ils ont confirmé le taux d'invalidité (de 25%) fixé par l'intimé.  
 
4.2. La recourante se prévaut en substance d'une constatation manifestement inexacte et incomplète des faits et d'une appréciation arbitraire des preuves. Sur le plan somatique, elle reproche à la juridiction cantonale d'avoir "écarté" le diagnostic de fibromyalgie, respectivement de syndrome douloureux chronique diffus, en se fondant sur une "absence prétendue" de symptomatologie douloureuse et de suivi pour le traitement des douleurs y relatives. Elle fait également grief aux premiers juges d'avoir exclu tout diagnostic sur le plan psychiatrique, en se prévalant aussi d'une violation de son droit d'être entendue, en ce que la juridiction cantonale n'a pas donné suite à sa requête de mettre en oeuvre une nouvelle expertise.  
 
5.  
 
5.1. S'agissant d'abord du diagnostic rhumatologique de fibromyalgie, respectivement de syndrome douloureux chronique diffus, c'est en vain que la recourante affirme que la juridiction cantonale l'a "à tort [...] exclu". A cet égard, l'instance précédente a constaté que la psychiatre traitante avait indiqué qu'une partie de la symptomatologie présentée par sa patiente était compatible avec un diagnostic de fibromyalgie (rapport de la doctoresse G.________ du 15 mars 2022) et que la rhumatologue traitante n'avait pas retenu ce diagnostic, mais celui de syndrome douloureux chronique diffus, en se référant à des douleurs ubiquitaires et migrantes "depuis environ 10-15 ans" (rapport de la doctoresse J.________ du 6 janvier 2022). Or cette problématique n'avait alors jamais été évoquée précédemment dans les nombreux rapports médicaux versés au dossier, si ce n'est par le docteur F.________, qui avait exclu l'hypothèse d'un syndrome douloureux somatoforme persistant dans son rapport d'expertise judiciaire du 14 janvier 2021. C'est ainsi sans arbitraire que la juridiction cantonale s'est fondée sur les conclusions de l'expert judiciaire, que l'avis opposé de la psychiatre traitante ne suffit pas à mettre en doute. Du reste, les premiers juges ont également considéré qu'en tout état de cause, l'intensité de la symptomatologie douloureuse apparaissait sujette à caution au vu de l'absence - à tout le moins dans le dossier - d'indices relatifs à un suivi régulier, notamment sur le plan rhumatologique, pour le traitement des douleurs et à un traitement antalgique particulier.  
En ce que la recourante se contente d'énumérer les diagnostics posés et troubles attestés par la doctoresse H.________ (migraines chroniques, douleurs ostéoarticulaires diffuses au niveau des membres supérieurs et syndrome d'apnée du sommeil; rapport du 17 septembre 2020) et l'expert C.________ (inappétence sur le plan gastroentérologique, dégénérescence maculaire liée à l'âge [DMLA] sans troubles visuels sur le plan ophtalmique et douleurs matinales sur le plan ostéoarticulaire; rapport du 16 novembre 2017), elle n'établit pas que et en quoi les constatations de la juridiction cantonale, fondées sur celles du docteur F.________, seraient arbitraires ou incomplètes. C'est également en vain qu'elle se prévaut de l'intensité de la symptomatologie douloureuse qu'elle présente en se référant à un traitement de ses douleurs par Tramal, puisque ses médecins traitants ont indiqué qu'il s'agissait d'un traitement occasionnel (rapport du docteur K.________, spécialiste en médecine interne générale et en cardiologie, du 21 avril 2020), respectivement d'un traitement en réserve à prendre à de faibles doses (rapport de la doctoresse J.________ du 6 janvier 2022). La recourante ne saurait pas non plus reprocher aux premiers juges d'avoir "omis de signaler" sa prise en charge auprès du Centre L.________ en 2021, dès lors déjà qu'il s'agit d'un fait survenu postérieurement à la décision administrative du 7 décembre 2018, qui n'est pas de nature à influencer l'appréciation au moment où cette décision a été rendue (sur la période temporelle circonscrivant l'état de fait déterminant pour l'arrêt du 13 octobre 2022, cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1; 132 V 215 consid. 3.1.1; cf. aussi arrêt 9C_34/2017 du 20 avril 2017 consid. 5.2 et les références). 
 
5.2. Sur le plan psychiatrique, la recourante reproche essentiellement aux premiers juges d'avoir "écart[é] de nombreux éléments anamnestiques d'importance". Elle critique également la valeur probante de l'expertise judiciaire et affirme, en se référant à l'avis de la doctoresse G.________, qu'elle présente une "incapacité de travail invalidante" de 70%.  
 
5.2.1. S'agissant d'abord de la valeur probante de l'expertise judiciaire, la recourante ne saurait rien déduire en sa faveur d'une "attitude ambiguë" des experts et d'une hostilité ou d'un agacement de leur part à son égard. Contrairement à ce qu'elle allègue en se référant aussi à l'avis de la doctoresse G.________, qui a relevé un certain agacement des experts à l'égard de sa patiente (rapport du 27 avril 2021), les premiers juges n'ont pas constaté que les critiques que l'assurée avait émises quant à l'attitude des experts résultaient de sa "simple perception subjective". Ils ont au contraire retenu que ce sont les propos des experts (et non ceux de la recourante) qui correspondent à des observations reflétant la perception subjective qu'ils ont eue de l'assurée. L'intéressée ne saurait pas non plus se prévaloir d'une attitude ambiguë du docteur F.________, en ce qu'il aurait considéré que "le fait pour [elle] de s'exprimer de façon peu aimable et provocatrice relève d'un comportement adéquat". Quoi qu'en dise la recourante, l'expert judiciaire a constaté qu'elle s'exprimait parfois de façon peu aimable, voire légèrement provocatrice, mais que le contact restait toutefois respectueux et ne traduisait pas de nervosité ou de méfiance (rapport d'expertise du 14 janvier 2021 p. 24 s.). Quant à l'observation de l'expert relative à un comportement "calme et adéquat", elle a été effectuée en relation avec l'absence de signe d'agitation qu'il avait constatée (rapport précité p. 26). C'est également en vain que la recourante affirme que le docteur F.________ aurait fait des "observations contradictoires", au sujet desquelles les premiers juges ne se seraient pas prononcés. En particulier, on ne voit pas qu'un assuré ne pourrait pas donner des réponses "claires et informatives" aux questions générales de l'expert, puis des réponses "hésitantes" lorsque le médecin tente d'approfondir des éléments peu clairs (rapport précité p. 25).  
 
5.2.2. Contrairement à ce qu'allègue ensuite la recourante, les premiers juges ont tenu compte des "nombreux éléments anamnestiques d'importance" auxquels elle s'est référée dans ses déterminations du 17 mars 2021, postérieurement à l'expertise judiciaire (abus sexuels durant l'enfance, suivi psychiatrique à l'adolescence, troubles alimentaires ayant nécessité la prescription de médicaments antiémétiques et anxiolytiques durant une longue période, et problèmes d'intégration scolaire durant l'enfance dû à un déménagement, notamment). L'instance précédente a considéré que dans la mesure où il n'y avait aucune trace au dossier des éléments évoqués par la recourante (autres que la problématique de la rupture douloureuse avec un lieu de vie et son passé probable d'anorexie, qui avaient été mentionnés notamment par la neuropsychologue E.________, dans son rapport du 25 janvier 2021), tout laissait à penser qu'elle n'avait pas allégué ces faits dans le cadre des différents entretiens qu'elle avait eus avec les experts. Les premiers juges ont précisé que cette considération valait d'autant plus que la doctoresse G.________, qui suivait l'assurée depuis le mois de mai 2011 et avait précédemment adressé des rapports à l'intimé (les 4 janvier 2016 et 17 octobre 2018), n'avait fait mention d'une "anamnèse incomplète [qui] omet[tait] des points importants de la vie de [s]a patiente" que dans son rapport du 27 avril 2021. En ce qu'elle se limite à affirmer de manière péremptoire que le docteur F.________ "a décidé de ne pas citer" les abus et autres antécédents traumatiques qu'elle avait pourtant évoqués durant l'expertise et que la doctoresse G.________ ne les avait pas signalés afin de la préserver, la recourante substitue de manière appellatoire sa propre vision des circonstances à l'appréciation de la juridiction cantonale, sans établir en quoi celle-ci serait arbitraire. Compte tenu de l'absence des éléments biographiques en cause avant leur mention, le 27 avril 2021, par la psychiatre traitante, à un stade avancé de la procédure de recours cantonale, il n'est pas arbitraire de retenir que les conclusions de l'expertise judiciaire reposaient sur une anamnèse complète.  
Quant à l'argumentation de l'assurée, également appellatoire, à l'appui d'antécédents psychiatriques dans sa famille, d'une absence de réseau social et d'activités de détente ou de loisir ou encore de son incapacité à assurer la propreté de son logement, on peine à comprendre précisément ce qu'elle entend en déduire en sa faveur. Des allégations formulées dans l'écriture de recours, on peut néanmoins supposer que l'assurée fait grief aux premiers juges d'avoir violé le droit fédéral en se fondant sur les conclusions de l'expertise judiciaire au détriment de celles de la doctoresse G.________ et en renonçant à donner suite à sa demande de nouvelle expertise, en violation également de son droit d'être entendue. Or en ce qu'elle se contente d'affirmer qu'il est "incompréhensible" que la juridiction de première instance n'ait pas pris en considération les observations faites par la doctoresse G.________ dans ses rapports des 27 avril 2021 et 15 mars 2022, à l'appui d'une "incapacité de travail invalidante" de 70%, l'assurée ne fait pas état d'éléments cliniques ou diagnostiques concrets et objectifs qui auraient été ignorés par l'instance précédente ou qui seraient susceptibles d'établir le caractère arbitraire de son appréciation. Elle n'allègue en particulier pas que les premiers juges auraient omis d'apprécier l'évaluation de sa psychiatre traitante (y compris les diagnostics retenus). Dans ces circonstances, le refus de la juridiction cantonale de donner suite à la demande de nouvelle expertise de la recourante n'est pas constitutif d'une violation de son droit d'être entendue, ni ne relève d'une appréciation anticipée arbitraire des preuves (sur ce point voir ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). 
 
5.3. Ensuite de ce qui précède, le recours se révèle en tous points mal fondé.  
 
6.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires seront supportés par la recourante (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 4 octobre 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
La Greffière : Perrenoud