8C_672/2023 04.06.2024
Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_672/2023  
 
 
Arrêt du 4 juin 2024  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Maillard et Heine. 
Greffière : Mme Castella. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Nathalie Stegmüller, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, 
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 14 septembre 2023 (AI 21/23 - 243/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1966, travaillait comme machiniste depuis mars 1993. Ensuite d'un accident survenu en juin 2001, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud [ci-après: l'office AI] lui a octroyé une rente entière d'invalidité du 1er juin 2002 au 31 octobre 2003 (décision du 4 mai 2005, confirmée sur opposition le 25 octobre 2007).  
 
A.b. Alors qu'il avait repris, en avril 2018, une activité professionnelle en qualité de machiniste, A.________ a chuté d'une machine, avec réception sur le coude gauche, le 18 juillet 2019. Il a développé, dans les suites de cet accident, une épicondylite entraînant une incapacité totale de travail.  
 
A.c. Le 9 janvier 2020, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations de I'assurance-invalidité. L'office AI a recueilli les rapports médicaux des médecins consultés, en particulier les pièces du dossier médical constitué par l'assureur-accidents, et a octroyé des mesures d'intervention précoce ainsi qu'une aide au placement, que l'assuré a toutefois refusée, motif pris de son état de santé.  
Par projet de décision du 19 août 2022, l'office AI a communiqué à l'assuré qu'il entendait rejeter la demande de prestations, ce qu'il a confirmé par décision du 8 décembre 2022, après avoir soumis les objections de l'assuré à son service médical régional (SMR). Il retenait en particulier que l'assuré avait présenté une incapacité de travail et de gain totale dans toute activité lucrative du 19 juillet 2019 au mois de mai 2020, puis avait retrouvé une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (activité physiquement non contraignante et légère, avec alternance des positions, sans port de charges de plus de 5 kg, sans utilisation répétée et/ou prolongée de la force avec le bras gauche et sans marche sur de long trajet ni vibrations constantes; cf. avis du SMR des 4 février et 17 août 2022). Le taux d'invalidité de 20,86 % n'ouvrait pas le droit à une rente et des mesures professionnelles n'entraient pas en ligne de compte, l'assuré ne présentant pas les prérequis pour une formation certifiante susceptible de réduire le préjudice financier. 
 
B.  
Par arrêt du 14 septembre 2023, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé contre la décision de l'office AI du 8 décembre 2022, qu'elle a confirmée. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause à la juridiction cantonale ou à l'intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Compte tenu des motifs et conclusions du recours, le litige porte sur le point de savoir si l'instance cantonale a violé le droit fédéral en renonçant à une instruction complémentaire sur le plan médical.  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente. Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 149 II 337 consid. 2.3) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 et 105 al. 1 et 2 LTF). En ce qui concerne, en particulier, l'évaluation de l'invalidité dans le domaine de l'assurance-invalidité, les constatations de l'autorité précédente sur l'atteinte à la santé, la capacité de travail de l'assuré et l'exigibilité relèvent d'une question de fait et ne peuvent être contrôlées que sous un angle restreint (ATF 142 V 178 consid. 2.4; 132 V 393 consid. 3.2).  
 
2.3. L'arrêt attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables, notamment en relation avec la notion d'invalidité et son évaluation, en particulier s'agissant du caractère invalidant des affections psychiques et psychosomatiques; il rappelle également les règles applicables à la valeur probante des rapports médicaux et à la libre appréciation des preuves (cf. consid. 4 et 5). Il suffit d'y renvoyer.  
 
3.  
 
3.1. Le recourant soutient que l'existence d'un trouble somatoforme douloureux n'a pas été assez investiguée. Il fait valoir que le diagnostic de suspicion de trouble douloureux somatoforme persistant (F45.4) a été posé par le docteur B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie à la Clinique romande de réadaptation (CRR), dans son rapport du 23 décembre 2021. Or aucune analyse sous l'angle des indicateurs jurisprudentiels développés à l'ATF 141 V 281 n'a été effectuée. Selon le recourant, l'absence d'analyse s'expliquerait par le fait que l'évaluation au sein de la CRR avait été mise en oeuvre pour le compte de l'assureur-accidents qui pouvait, compte tenu des règles applicables en matière de causalité adéquate, ignorer ce diagnostic. La question du lien de causalité adéquate ne se pose toutefois pas en matière d'assurance-invalidité. De plus, les médecins de la CRR qui ont rédigé le rapport de synthèse du 14 janvier 2022 (les docteurs C.________, spécialiste en rhumatologie, et D.________, médecin-assistant) n'ont pas écarté le diagnostic de suspicion d'un trouble douloureux somatoforme persistant et leur analyse de la situation n'a pas tenu compte de l'ensemble des indicateurs applicables en présence de tel diagnostic. Le recourant en conclut qu'en l'absence d'un avis d'un spécialiste en psychiatrie, il n'y a pas eu d'analyse globale de son état de santé.  
 
3.2.  
 
3.2.1. La cour cantonale a considéré que l'intimé avait examiné la situation médicale du recourant de manière exhaustive. Il s'était en partie fondé sur le dossier de l'assureur-accidents, lequel contenait des rapports médicaux qui dépassaient le strict cadre de l'accident du 18 juillet 2019, et l'avait complété dans le cadre de sa propre instruction. Il avait ainsi recueilli des renseignements médicaux concernant les atteintes au niveau du rachis, du genou et du coude gauches, du système cardio-vasculaire, hépatique et de la sphère psychiatrique. Sur le plan psychiatrique, s'agissant du trouble somatoforme douloureux persistant, les juges cantonaux ont retenu en particulier que les médecins de la CRR avaient suspecté un tel trouble chez un patient aux traits de personnalité narcissique, mais sans toutefois retenir de troubles psychiques patents de l'axe |, ni de limitations fonctionnelles (rapport du 14 janvier 2022 p. 5; consilium psychiatrique du 24 novembre 2021). De surcroît, dans son rapport du 19 novembre 2022, le docteur E.________, spécialiste en anesthésiologie, indiquait qu'il ne retenait pas le diagnostic de trouble somatoforme qui ne pourrait être confirmé que par une évaluation psychiatrique, laquelle avait toutefois eu lieu à la CRR. Au final, aucun médecin ne faisait état d'un quelconque trouble psychique invalidant chez un assuré ne bénéficiant pas d'un suivi sur ce plan. Dans ces circonstances, il n'y avait pas d'indice en faveur d'un diagnostic psychiatrique invalidant. Au demeurant, le docteur B.________, qui avait évalué le recourant à la CRR, n'avait identifié aucune limitation fonctionnelle sur le plan psychique, étant rappelé que, du point de vue de l'assurance-invalidité, ce n'était pas fondamentalement le diagnostic, mais l'effet de l'atteinte à la santé sur la capacité de travail qui était déterminant (référence faite aux arrêts 9C_273/2018 du 28 juin 2018 consid. 4.2 et 9C_787/2015 du 31 mai 2016 consid. 6).  
 
3.2.2. L'appréciation des premiers juges n'apparaît pas critiquable. La simple suspicion d'un trouble somatoforme douloureux persistant ne permet pas de tenir ce diagnostic pour établi. Le schéma d'évaluation structurée développé par la jurisprudence à l'ATF 141 V 281 - auquel se réfère le recourant - ne sert pas à établir une atteinte psychique ou psychosomatique mais à vérifier le caractère invalidant de l'atteinte une fois le diagnostic posé. Cela étant, le docteur B.________ et les autres médecins de la CRR n'avaient pas à examiner le cas à l'aune des indicateurs évoqués par le recourant. En outre, il ressort de l'arrêt attaqué que le recourant n'a pas de suivi ni de traitement sur le plan psychiatrique, qu'il a néanmoins fait l'objet d'investigations sur ce plan, lesquelles n'ont toutefois pas abouti à la constatation de limitations fonctionnelles ou d'une incapacité à tout le moins partielle de travail. En l'absence d'incapacité de travail liée à un diagnostic psychique, les premiers juges pouvaient, sans arbitraire ou sans violer le droit, considérer que la seule suspicion d'un trouble somatoforme douloureux retenue par les médecins de la CRR ne justifiait pas une instruction complémentaire.  
 
4.  
 
4.1. Le recourant invoque ensuite le caractère non exhaustif des avis des médecins externes, s'agissant des atteintes à son rachis. Il fait valoir que, dans son rapport du 6 décembre 2021, le docteur F.________, spécialiste en médecine physique et réadaptation au sein de la CRR, a fait état d'une augmentation des douleurs depuis un an. Le recourant en déduit qu'une appréciation de la capacité de travail devait dès lors avoir lieu, vu que la situation avait évolué au cours de l'année ayant précédé son analyse. En outre, la doctoresse G.________, spécialiste en neurochirurgie, s'est prononcée sur les limitations fonctionnelles mais non sur le taux d'activité exigible. Il devrait dès lors être retenu que divers spécialistes externes se sont positionnés quant aux limitations fonctionnelles en lien avec la problématique du rachis, mais que seul le SMR s'est prononcé sur sa capacité de travail dans une activité adaptée en lien avec ces atteintes. Or les avis des médecins traitants ne sauraient être écartés au vu des contradictions en cause et de l'absence de prise de position claire de leur part.  
 
4.2.  
 
4.2.1. En ce qui concerne le rachis et en particulier les avis des médecins susmentionnés, les juges cantonaux ont retenu que, dans le cadre de la consultation spécialisée de l'appareil locomoteur réalisée à la CRR, le docteur F.________ avait mené un examen clinique complet axé sur les atteintes au rachis marqué par un comportement douloureux et d'importants signes de non-organicité. Ce spécialiste avait conclu que les lombalgies étaient possiblement en lien avec un certain déconditionnement et quelques troubles dégénératifs lombaires, sans toutefois qu'une atteinte spécifique puisse être identifiée. Au final, le docteur F.________ admettait des limitations fonctionnelles concernant le port de charges moyennes répété et le maintien prolongé d'une position en porte-à-faux du tronc (rapport du 6 décembre 2021), lesquelles étaient compatibles avec les activités adaptées décrites par la REA (Unité "partenaires réadaptation" de l'AI). Par la suite, dans un rapport du 30 mai 2022, la doctoresse G.________ avait passé en revue la situation du recourant au niveau du rachis. Elle avait indiqué que les bilans radiologiques avaient toujours montré des discopathies lombaires pluri-étagées associées à un état inflammatoire assez étendu en inter-épineux et en L5-S1, sans pour autant avoir permis d'identifier des hernies discales ou des compressions radiculaires. Considérant qu'il était très difficile de maintenir le recourant dans son activité habituelle de machiniste, elle avait préconisé une reconversion professionnelle pour tenir compte des limitations fonctionnelles (maximum de ports de charges répétés de 5 kg, nécessité d'éviter des activités en position assise ou debout prolongée, impossibilité de marcher sur de longs trajets et de travailler avec des vibrations constantes), sans toutefois se prononcer sur le taux d'activité à envisager. Le docteur H.________, spécialiste en médecine du travail, du SMR avait dûment tenu compte de l'avis de cette spécialiste retenant finalement les limitations fonctionnelles qu'elle énonçait, plus étendues que celles initialement posées par ses soins (avis du SMR du 17 août 2022). A cet égard, aucune des limitations fonctionnelles énoncées par la doctoresse G.________ ne restreignait l'exercice de l'activité adaptée décrite par la REA qui s'était prononcée dans un rapport complémentaire du 2 juin 2022.  
 
4.2.2. En l'occurrence, le seul fait que le docteur F.________ et la doctoresse G.________ ne se soient pas prononcés sur le taux de capacité de travail exigible dans une activité adaptée aux limitations qu'ils ont décrites ne rend pas l'instruction insuffisante et ne permet pas de mettre en doute les conclusions du SMR à cet égard, d'autant moins que le docteur H.________ s'est rallié aux limitations fonctionnelles plus étendues retenues par la doctoresse G.________. En outre, on ne voit pas - et le recourant ne l'explique pas - sur quoi portent les contradictions invoquées par celui-ci. En conclusion, l'argumentation ne permet pas de retenir que la juridiction cantonale aurait apprécié les preuves de façon arbitraire ou établi les faits de manière incomplète en confirmant la pleine capacité de travail dans une activité adaptée.  
 
5.  
Le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté. 
 
6.  
Vu l'issue du litige, le recourant supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 4 juin 2024 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Castella