1B_358/2022 09.08.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_358/2022  
 
 
Arrêt du 9 août 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Jametti et Müller. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Toni Kerelezov, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office cantonal de la détention de la République et canton de Genève, Directeur général, case postale 1229, 1211 Genève 26, 
 
Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, rue de Saint-Léger 10, 1205 Genève. 
 
Objet 
Détention provisoire; placement en régime de sécurité renforcée, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 7 juin 2022 (ACPR/400/2022 - PS/32/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
La détention avant jugement de A.________ à la Prison de Champ-Dollon, prononcée par le Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève dans le cadre de la procédure pénale P/4818/2022, a été prolongée par cette autorité jusqu'au 3 août 2022. 
Par décision du 19 mai 2022, le Directeur général de l'Office cantonal de la détention a ordonné le placement de A.________ en régime de sécurité renforcée pour une durée de trois mois, soit du 20 mai au 20 août 2022. 
Au terme d'un arrêt rendu le 7 juin 2022, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (Chambre pénale de recours) a déclaré irrecevable le recours formé par A.________ contre la décision du 19 mai 2022 précitée; elle a en outre refusé de mettre ce dernier au bénéfice d'une défense d'office pour l'instance de recours et transmis la cause, pour raison de compétence, à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (Chambre administrative). 
 
B.  
Par acte du 8 juillet 2022, A.________ interjette un recours en matière pénale, par lequel il demande au Tribunal fédéral notamment d'annuler l'arrêt rendu le 7 juin 2022 et de constater la compétence de la Chambre pénale de recours pour connaître de son recours formé contre la décision le plaçant en régime de sécurité renforcée. Il sollicite également l'effet suspensif ainsi que le bénéfice de l'assistance judiciaire et la désignation de son mandataire en qualité d'avocat d'office. 
Par ordonnance du 11 juillet 2022, le Président de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a rejeté la demande de mesure superprovisionnelle formée par le recourant tendant à ce qu'il soit immédiatement ordonné, sans audition préalable du Directeur général de l'Office cantonal de la détention, la restitution de l'effet suspensif à son recours. 
Invitée à se déterminer, la Chambre administrative a conclu au rejet du recours, à l'instar du Directeur général de l'Office cantonal de la détention. La Chambre pénale de recours n'a pas formulé d'observations sur le fond. Dans ses déterminations du 3 août 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 89 consid. 1). 
Les décisions concernant l'exécution de la détention provisoire selon les art. 234 ss CPP peuvent en principe faire l'objet d'un recours en matière pénale conformément aux art. 78 ss LTF (ATF 143 I 241 consid. 1; arrêts 1B_141/2020 du 20 août 2020 consid. 2.1; 1B_82/2020 du 31 mars 2020 consid. 1.2). C'est également par cette voie qu'il convient de contester les décisions d'irrecevabilité prises dans ce domaine. 
Selon l'art. 90 LTF, le recours est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure. En vertu de l'art. 92 al. 1 LTF, les décisions préjudicielles et incidentes qui ont été notifiées séparément et qui portent sur la compétence peuvent faire l'objet d'un recours; elles ne peuvent plus être attaquées ultérieurement (art. 92 al. 2 LTF). 
Par sa décision, la Chambre des recours pénale a nié sa compétence pour statuer sur le litige, tout en transmettant la cause à la Chambre administrative. Le refus de compétence constitue en principe une décision finale susceptible de recours au sens de l'art. 90 LTF (ATF 143 V 363 consid. 1; 135 V 153 consid. 1.3; arrêt 1B_252/2013 du 24 janvier 2014 consid. 1.4). Le point de savoir si une décision doit néanmoins être qualifiée de décision incidente au sens de l'art. 92 al. 1 LTF lorsque, comme en l'espèce, le tribunal saisi renvoie en même temps la cause à l'autorité compétente ou si la qualification de décision finale vaut aussi dans ce cas (cf. arrêts 9C_822/2019 du 25 mars 2020 consid. 2.1; 8C_846/2011 du 19 avril 2012 consid. 2.2.1) peut demeurer indécis, puisque la décision est en tous les cas susceptible d'un recours immédiat (art. 90 ou 92 LTF; à ce sujet ATF 143 V 363 consid. 2; arrêts 8C_315/2021 du 2 novembre 2021 consid. 1.2; 9C_1000/2009 du 6 janvier 2010 consid. 1.2), sans restrictions, si les autres conditions de recevabilité sont remplies. 
Le recourant, placé en sécurité renforcée jusqu'au 20 août 2022, est en outre directement touché par l'arrêt attaqué, puisqu'il est contraint de contester cette mesure devant une autorité dont il conteste la compétence. Il a ainsi un intérêt juridiquement protégé, personnel, actuel et pratique à entreprendre une telle décision, ce qui lui confère la qualité pour recourir (art. 81 al. 1 let. b LTF). 
Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF) et les conclusions sont recevables au regard de l'art. 107 LTF
 
2.  
Le recourant débute son écriture par un rappel des faits. Dans cette première partie, il ne cherche pas à démontrer que les faits auraient été établis arbitrairement par l'instance précédente et ne formule ainsi aucun grief recevable au regard des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF. 
 
3.  
 
3.1. Le recourant fait ensuite valoir, en substance, une violation de l'art. 235 CPP ainsi qu'une interprétation, respectivement une application arbitraire des art. 60 du règlement cantonal du 30 septembre 1985 sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées (RRIP; rsGE F 1 50.04) et 30 de la loi cantonale du 27 août 2009 d'application du code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale (LaCP; rsGE E 4 10). Son placement en régime de sécurité serait une décision relative à l'exécution de sa détention provisoire au sens de l'art. 30 al. 1 LaCP, qui renvoie à l'art. 235 al. 5 CP, de sorte que la Chambre pénale de recours était compétente pour traiter son recours contre cette décision (cf. art. 60 RRIP).  
 
3.2. A teneur de l'art. 235 al. 5 CPP, les cantons règlent les droits et les obligations des prévenus en détention, leurs droits de recours, les mesures disciplinaires ainsi que la surveillance des établissements de détention. Le droit genevois prévoit ainsi, d'une part, un recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice - qui est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi cantonale du 26 septembre 2010 sur l'organisation judiciaire [LOJ; rsGE E 2 05]) - contre toute décision prise par le directeur général de l'office cantonal de la détention, le directeur de la prison ou leur suppléant délégué (art. 60 al. 1 RIPP) et, d'autre part, un recours auprès de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice dans les cas prévus par l'art. 30 LaCP, soit contre les décisions et les mesures relatives à l'exécution de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté (art. 60 al. 2 RIPP). Dans cette seconde hypothèse, les art. 379 à 397 CPP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif (art. 30 al. 2 LaCP).  
S'agissant en particulier de la sécurité renforcée, l'art. 50 al. 1 RRIP prévoit que le procureur général, le directeur de l'office cantonal de la détention et le directeur de la prison sont compétents pour interdire la détention en commun si elle présente des inconvénients ou des risques, notamment pour ce qui concerne la sauvegarde de la sécurité collective. Elle constitue une exception au régime normal (art. 49 RRIP) et ne figure pas dans la liste des sanctions énoncées à l'art. 47 al. 3 RRIP. Selon l'alinéa 1 de cette dernière disposition, si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée. 
 
3.3. Le recourant allègue une violation de l'art. 235 al. 5 CPP en ce sens que toute mesure ou décision se rapportant à l'exécution de la détention provisoire, à l'instar de son placement en sécurité renforcée, devrait être examinée par la Chambre pénale de recours. Il cite l'ATF 143 I 241 (consid. 4.4) pour critiquer la bifurcation des voies de recours contre les décisions et mesures prises dans le cadre de la détention provisoire. Cet arrêt du Tribunal fédéral a certes jugé qu'il était contraire au droit fédéral d'attribuer la décision relative aux autorisations des visites à la direction de la procédure et celle relative aux congés aux autorités d'exécution, en raison d'une bifurcation, respectivement d'une complication des compétences et des voies de droit non prévues par le droit fédéral. On ne peut toutefois pas en déduire la compétence d'une autorité particulière pour toutes les questions liées à l'exécution de la détention provisoire et de la détention pour des motifs de sûreté. L'art. 235 al. 5 CPP ne prescrit en effet pas quelle autorité est compétente pour traiter du présent litige, mais laisse aux cantons le soin de régler cette compétence (cf. arrêt 1B_141/2020 du 20 août 2020 consid. 5.4). Le recourant ne saurait dès lors se prévaloir de cette disposition pour affirmer que seule la Chambre pénale de recours était compétente pour traiter son recours. Quoi qu'il en dise, c'est le droit cantonal pertinent qui s'applique en l'espèce, dont le Tribunal fédéral examine l'interprétation et l'application uniquement sous l'angle de l'arbitraire (cf. ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 141 I 36 consid. 5.4; infra consid. 3.4).  
 
3.4.  
 
3.4.1. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 144 IV 136 consid. 5.8; 144 I 170 consid. 7.3). Le grief d'application arbitraire du droit cantonal est soumis aux exigences de motivation qualifiées définies à l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 142 II 369 consid. 2.1; arrêt 1C_595/2021 du 19 mai 2022 consid. 4.1).  
 
3.4.2. En l'espèce, la Chambre pénale de recours s'est rapportée à sa jurisprudence (ATA/1065//2015 du 6 octobre 2015 consid. 5c et d qui se réfère à d'autres arrêts: ATA/188/2011 du 22 mars 2011; ATA/533/2008 du 28 octobre 2008), selon laquelle le placement en régime de sécurité renforcée ne constitue pas une sanction, mais une mesure visant à sauvegarder la sécurité collective et à réduire les risques de troubles au sein de l'établissement; l'autorité précédente en a déduit qu'il s'agissait d'une décision au sens de l'art. 4 de la loi cantonale du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative (LPA/GE; rsGE E 5 10), susceptible de recours auprès de la Chambre administrative.  
Pour sa part, le recourant se borne à soutenir que la décision de le placer en régime de sécurité renforcée - qui restreint sa liberté personnelle de manière importante - constituerait " une décision ou une mesure relative à l'exécution de la détention préventive ", susceptible de recours auprès de la Chambre pénale de recours. Il ne démontre cependant pas le caractère arbitraire de la jurisprudence cantonale, établie de longue date, sur laquelle s'est fondée cette dernière autorité pour se déclarer incompétente, respectivement n'allègue aucun motif qui aurait commandé qu'elle s'en écarte. Pour le surplus, force est de constater que la mesure de placement en régime de sécurité renforcée au sens de l'art. 50 RRIP ne suppose aucune faute de l'intéressé et ne requiert pas qu'une infraction au règlement ait été commise, au contraire des sanctions prévues à l'art. 47 RRIP. Le placement en régime de sécurité renforcée au sens de l'art. 50 RRIP figure d'ailleurs sous le titre III " Règles particulières ", alors que l'art. 47 RRIP, se trouve au chapitre X " Discipline et sanctions ", sous le titre II intitulé " Régime normal de la détention ". Dès lors, il n'apparaît pas insoutenable de distinguer ces deux mesures et de considérer que le placement litigieux n'est pas de nature pénale, mais qu'il revêt le caractère d'une mesure particulière ne relevant pas de l'exécution de la détention provisoire, respectivement qu'il constitue une décision administrative, susceptible d'un recours auprès de la Chambre administrative. Cette interprétation est en tout cas défendable, même si une autre solution aurait également pu être concevable, voire préférable. 
En tout état de cause, le recourant ne démontre pas concrètement en quoi le résultat auquel abouti l'arrêt entrepris serait arbitraire. En effet, la Chambre pénale de recours a déclaré son recours irrecevable, tout en transmettant la cause à la Chambre administrative (cf. art. 64 al. 2 LPA/GE). Son recours sera donc examiné au fond par une autorité de recours. A cet égard, le recourant fait valoir que la Chambre administrative ne saurait trancher des questions relevant du domaine pénal, respectivement que la procédure prévue par le CPP lui conférerait des droits plus étendus que la procédure administrative. Il cite, à titre d'exemple, l'art. 393 al. 2 let. c CPP, qui prévoit que le recours peut être formé pour inopportunité, ce qui n'est pas le cas devant la Chambre administrative (cf. art. 61 LPA). Or, il ne prétend pas avoir recouru pour ce motif; on ne distingue pour le surplus pas en quoi l'illicéité de son placement en régime de sécurité renforcée alléguée sur le fond constituerait une question d'opportunité. Il apparaît au contraire qu'elle relève du droit. Quant au principe de célérité, le recourant se contente de le mentionner, sans véritablement en tirer de conséquences concrètes. 
Ce grief est donc mal fondé. 
 
3.5. En définitive, la Chambre pénale de recours n'a pas violé le droit en concluant à l'irrecevabilité du recours déposé devant elle.  
 
4.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté, de sorte que la demande d'effet suspensif devient sans objet. 
Le recourant a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Cette demande doit être admise. Il y a lieu de désigner Me Toni Kerelezov en tant qu'avocat d'office du recourant pour la procédure fédérale et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, laquelle sera supportée par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Toni Kerelezov est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office cantonal de la détention de la République et canton de Genève, Directeur général, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 9 août 2022 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge Présidant : Chaix 
 
La Greffière : Nasel