2C_948/2021 03.08.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale  
Tribunal federal  
 
 
 
 
2C_948/2021  
 
 
Arrêt du 3 août 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, 
Hänni, Hartmann et Ryter. 
Greffière : Mme Vuadens. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
3. C.________, 
tous les trois représentés par Maîtres David Wallace Wilson et 
Ksenia Iliyash, avocats, 
recourants, 
 
contre  
 
Administration fédérale des contributions AFC, Division principale impôt fédéral direct, impôt anticipé, droits de timbre, 
Eigerstrasse 65, 3003 Berne, 
intimée. 
 
Objet 
Echange automatique de renseignements 
(MAC/MCAA; CH-AR), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 2 novembre 2021 (A-772/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
D.________ et E.________ (ci-après: les trusts) sont des trusts soumis au droit d'Angleterre et du pays de Galles. Leur trustee est la société F.________, sise à U.________. 
Durant l'année 2018, cette société a, en tant qu'institution financière déclarante aux fins de l'échange automatique de renseignements selon la Norme commune de déclaration, transmis à l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale) des informations relatives aux valeurs patrimoniales des trusts et à l'identité des personnes qui y étaient liées. Les noms de A.________, de B.________ et de C.________, protectors des trusts, figuraient dans la déclaration. 
 
B.  
Le 31 juillet 2019, A.________, B.________ et C.________ ont demandé à l'Administration fédérale de suspendre la transmission des données les concernant jusqu'au prononcé d'une décision au sens de l'art. 25a PA, respectivement de renoncer à les transmettre à l'Argentine. 
Par décision du 6 janvier 2020, l'Administration fédérale a rejeté la demande et confirmé la communication des renseignements les concernant à l'Argentine. 
Le 6 février 2020, A.________, B.________ et C.________ ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral, concluant à son annulation. 
Le 14 septembre 2021, l'Administration fédérale a indiqué avoir confirmé à A.________, à B.________ et à C.________ qu'elle ne communiquerait pas de données les concernant pour les périodes ultérieures à celle litigieuse jusqu'à l'entrée en force d'une décision judiciaire définitive et exécutoire. 
Le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours par arrêt du 2 novembre 2021. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________, B.________ et C.________ demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 2 novembre 2021 du Tribunal administratif fédéral, ainsi que la décision du 6 janvier 2020 de l'Administration fédérale, et d'interdire à cette dernière toute transmission de renseignements les concernant à l'Argentine; subsidiairement, d'annuler l'arrêt du 2 novembre 2021 du Tribunal administratif fédéral, ainsi que la décision du 6 janvier 2020 de l'Administration fédérale, et de renvoyer la cause au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal administratif fédéral s'en tient à son arrêt. L'Administration fédérale conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué.  
 
D.  
Par courrier du 15 août 2022, les recourants ont informé le Tribunal fédéral que l'Administration fédérale avait échangé des renseignements les concernant avec l'autorité argentine en 2020 nonobstant son engagement à bloquer l'échange automatique de ces renseignements jusqu'à droit connu sur ladite procédure, vidant ainsi largement la procédure en cours de son objet. Ils ont partant complété leurs conclusions initiales par une conclusion en constatation du caractère illicite de l'échange d'information intervenu. 
L'Administration fédérale a indiqué que la transmission dénoncée était intervenue en raison d'une erreur technique, mais qu'elle avait procédé à "l'annulation de la déclaration correspondante en date du 1er septembre 2022". 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) émanant du Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF). Seul un recours en matière de droit public est donc envisageable (cf. art. 113 LTF a contrario). 
 
1.1. Le litige concerne l'échange automatique de renseignements, soit un domaine relevant de l'assistance administrative internationale en matière fiscale (cf. arrêt 2C_780/2020 du 10 mars 2021 consid. 1.2, in StE 2021 A 32 Nr. 41). Conformément à l'art. 84a LTF, le recours en matière de droit public n'est donc recevable que si une question juridique de principe se pose ou qu'il s'agit pour d'autres motifs d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF.  
 
1.1.1. Selon la jurisprudence, la présence d'une question juridique de principe suppose que la décision en cause soit importante pour la pratique; cette condition est en particulier réalisée lorsque les instances inférieures doivent traiter de nombreuses causes analogues ou lorsqu'il est nécessaire de trancher une question juridique qui se pose pour la première fois et qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral (ATF 139 II 404 consid. 1.3; arrêt 2C_289/2015 du 5 avril 2016 consid. 1.2.1 non publié in ATF 142 II 218). Lorsqu'il entre en matière en raison de l'existence d'une question juridique de principe, le Tribunal fédéral examine l'affaire en application des art. 95 ss et 105 ss LTF dans son ensemble, sans se limiter aux seules questions juridiques de principe qu'elle pose (ATF 141 II 14 consid. 1.2.2.4 et les références). Le Tribunal fédéral entre aussi en matière lorsqu'une cause soulève une question qui justifie une entrée en matière en vertu de l'art. 84a LTF et qui était encore ouverte au moment du dépôt du recours (arrêts 2C_596/2022 du 8 novembre 2022 consid. 1.2; 2C_216/2015 du 8 novembre 2015 consid. 1.3.2).  
 
1.1.2. Les recourants font valoir que la présente cause soulève la question juridique de principe de la portée de l'art. 19 al. 2 2e phrase de la loi fédérale du 18 décembre 2015 sur l'échange international automatique de renseignements en matière fiscale (LEAR; RS 653.1, ci-après aussi abrégée: loi fédérale sur l'échange automatique), qui prévoit une protection individuelle contre l'échange automatique de renseignements. Ils soutiennent que cette disposition leur permet de s'opposer à la transmission de leurs données.  
Dans l'arrêt 2C_946/2021 du 6 juin 2023, le Tribunal fédéral a répondu à cette question juridique de principe. Comme elle était encore ouverte lors du dépôt du recours dans la présente cause, le recours remplit la condition de recevabilité de l'art. 84a LTF en lien avec cette question (supra consid. 1.1.1 in fine), ce qui suffit à entrer en matière. Il n'y a donc pas lieu d'examiner si le recours soulève une autre question juridique de principe. 
 
1.2. Au surplus, les recourants, qui ont qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF), ont agi en temps utile (art. 100 al. 2 let. b LTF) et dans les autres formes prescrites par l'art. 42 LTF, de sorte que leur recours est recevable, sous réserve de la conclusion tendant à l'annulation de la décision de l'Administration fédérale du 6 janvier 2020. Cette conclusion est irrecevable au vu de l'effet dévolutif du recours au Tribunal administratif fédéral, dont seule la décision peut être attaquée devant le Tribunal fédéral (cf. art. 86 al. 1 let. a LTF; arrêt 2C_39/2020 du 3 août 2022 consid. 1.2).  
 
1.3. Dans une écriture déposée après l'expiration du délai de recours, les recourants ont amplifié leurs conclusions, en y ajoutant des conclusions en constatation de l'illicéité de la transmission automatique effectuée en 2020 par l'Administration fédérale. Celle-ci a reconnu qu'une erreur technique avait conduit à la communication dénoncée, qu'elle avait toutefois annulée le 1er septembre 2022. Le point de savoir si la transmission de ces données durant la procédure vide celle-ci de son objet et fait perdre l'intérêt actuel des personnes concernées à recourir, comme le soutiennent les recourants, et, le cas échéant, si elle leur permettrait, à titre exceptionnel, de modifier leurs conclusions initiales passé le délai de recours, ce qui est en principe exclu (cf. art. 42 al. 1 LTF; ATF 135 I 19 consid. 2.2), peut demeurer indécise. En effet, la déclaration erronée ayant été annulée, il y a lieu de considérer que l'intérêt actuel des recourants à la présente procédure demeure intact, sans qu'il y ait besoin de s'interroger sur le bien-fondé de leurs nouvelles conclusions.  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, il n'examine la violation de droits fondamentaux, ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal, que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 147 II 44 consid. 1.2; 146 IV 114 consid. 2.1; 143 II 283 consid. 1.2.2).  
 
2.2. Pour statuer, le Tribunal fédéral se fonde sur les faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des situations visées à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 145 V 188 consid. 2; 142 II 355 consid. 6; 139 II 373 consid. 1.6). Conformément aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF qui viennent d'être rappelées, le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions sont réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergeant de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques appellatoires portant sur l'état de fait ou l'appréciation des preuves (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 140 III 264 consid. 2.3; 137 II 353 consid. 5.1).  
 
3.  
Le litige concerne l'échange automatique de renseignements avec l'Argentine. Il porte sur le point de savoir si c'est à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a confirmé la décision du 6 janvier 2020 de l'Administration fédérale, laquelle a refusé de bloquer la communication de renseignements concernant les recourants à l'Argentine. 
 
4.  
 
4.1. L'échange automatique de renseignements repose en l'espèce sur l'art. 6 de la Convention du 25 janvier 1988 concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale (communément abrégée " MAC ", pour Mutual Assistance Convention; RS 0.652.1) et sur l'Accord multilatéral du 29 octobre 2014 entre autorités compétentes concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (communément abrégée " MCAA ", pour Multilateral Competent Authority Agreement; RS 0.653.1). L'échange automatique fondé sur la MAC et le MCAA intervient de manière bilatérale. Une activation de l'échange automatique entre deux Etats qui ont adhéré au MCAA est nécessaire (arrêt 2C_946/2021 du 6 juin 2023 consid. 4.6). Entre la Suisse et l'Argentine, il a été activé le 1er janvier 2018, en vue d'un premier échange en 2019 (arrêts 2C_946/2021 du 6 juin 2023 consid. 5.1; 2C_780/2020 du 10 mars 2021 consid. 3.1, in StE 2021 A 32 Nr. 41).  
 
4.2. En droit interne l'exécution de l'échange automatique de renseignements fondé sur la MAC et le MCAA est régie dans la loi fédérale sur l'échange automatique (supra consid. 1.1.2), qui est complétée par l'ordonnance du 23 novembre 2016 sur l'échange international automatique de renseignements en matière fiscale (RS 653.11).  
 
5.  
L 'échange automatique de renseignements fondé sur la MAC et le MCAA implique que les institutions financières d'un Etat collectent des renseignements spécifiques sur les comptes financiers détenus par leurs clients résidant à l'étranger, qu'elles communiquent aux autorités fiscales de l'Etat dans lesquelles elles sont situées. Ces autorités les transmettent ensuite automatiquement aux autorités fiscales des Etats partenaires concernés (pour le détail du mécanisme et des fondements de l'échange automatique de renseignements, cf. arrêt 2C_946/2021 du 6 juin 2023 consid. 4). 
En droit interne, l'art. 19 LEAR règle les prétentions et les procédures en matière de protection des données. L'art. 19 al. 1 LEAR prévoit que, pour ce qui est des renseignements collectés par l'institution financière suisse déclarante et de leur transmission aux autorités compétentes de l'État partenaire, les personnes devant faire l'objet d'une déclaration disposent des droits définis dans la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RS 235.1). Selon l'art. 19 al. 2 1e phrase LEAR, les personnes devant faire l'objet d'une déclaration ne peuvent faire valoir auprès de l'Administration fédérale que leur droit d'accès et ne peuvent demander que la rectification de données inexactes en raison d'une erreur de transmission. Enfin, en vertu de l'art. 19 al. 2 2e phrase LEAR dans sa teneur originelle (RO 2016 1297), si la transmission de données entraîne pour la personne devant faire l'objet d'une déclaration un préjudice déraisonnable par manque de garanties de l'Etat de droit, les prétentions visées à l'art. 25a de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative sont applicables. Depuis le 1er janvier 2022, la formulation de cette phrase a été légèrement modifiée. Y figure désormais la formulation "préjudice déraisonnable faute de garanties de l'état de droit" (RO 2021 673). Comme l'arrêt attaqué a été rendu avant cette date, c'est la version originelle qui s'applique au cas d'espèce. La modification intervenue au 1er janvier 2022 est toutefois purement rédactionnelle et n'a pas changé la portée de la disposition (arrêt 2C_946/2021 du 6 juin 2023 consid. 6.2). 
 
6.  
Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif fédéral a confirmé la décision du 6 janvier 2020 de l'Administration fédérale, par laquelle celle-ci a refusé de bloquer la transmission de renseignements concernant les recourants. Il a d'abord relevé que, si les recourants étaient d'avis que l'institution financière déclarante n'aurait pas dû inclure leur nom dans les renseignements à échanger, c'était exclusivement auprès de cette dernière qu'ils devaient agir pour faire corriger les données en faisant valoir leurs droits fondés sur la LPD, comme le prévoit l'art. 19 al. 1 LEAR. C'était donc en vain qu'ils reprochaient à l'Administration fédérale de ne pas avoir vérifié et corrigé elle-même ces données en vertu de l'art. 19 al. 2 1e phrase LEAR, qui ne concernait que la rectification de données inexactes en raison d'une erreur de transmission. Le Tribunal administratif fédéral a ensuite estimé que les recourants n'avaient ni démontré, ni rendu vraisemblable que la transmission de renseignements les concernant leur causerait un préjudice déraisonnable au sens de l'art. 19 al. 2 2e phrase LEAR, de sorte qu'ils ne pouvaient pas non plus reprocher à l'Administration fédérale d'avoir refusé de bloquer la transmission des renseignements à l'Argentine pour ce motif. 
 
6.1. A l'encontre de l'arrêt attaqué, les recourants font d'abord valoir que le Tribunal administratif fédéral aurait dû ordonner à l'Administration fédérale de bloquer la transmission des renseignements les concernant à l'Argentine, parce que l'échange automatique de renseignements ne prévoit pas la communication du nom du protector d'un trust devant être considéré comme une institution financière si, comme en l'espèce, le protector n'a pas de contrôle effectif sur le trust. En confirmant la décision de l'Administration fédérale du 6 janvier 2020, le Tribunal administratif fédéral aurait violé le principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.) et par conséquent leur droit à la protection de la vie privée (art. 13 Cst., art. 8 CEDH et art. 17 du Pacte ONU II).  
 
6.1.1. La question soulevée revient à se demander si une personne peut exiger de l'Administration fédérale qu'elle bloque la transmission d'informations la concernant si elle est d'avis que l'institution financière déclarante les a incluses à tort dans les renseignements devant faire l'objet d'un échange automatique. Le Tribunal fédéral a répondu à cette question dans l'arrêt 2C_780/2020 du 21 mars 2021. Il en ressort que le droit d'exiger de l'Administration fédérale la rectification de données inexactes ne peut intervenir que dans la situation décrite à l'art. 19 al. 2 1e phrase LEAR, à savoir lorsque des données initialement exactes sont devenues inexactes dans le cadre de la procédure de transmission à l'Administration fédérale, en raison d'un erreur intervenue lors de cette transmission. On ne se trouve pas dans une telle situation si l'institution financière déclarante commet une erreur de qualification juridique qui conduit à transmettre à l'Administration fédérale des données erronées sur une personne (arrêt 2C_780/2020 du 21 mars 2021 consid. 5.6.1). Interpréter l'art. 19 al. 2 1e phrase LEAR en ce sens qu'il imposerait à l'Administration fédérale l'obligation de corriger les erreurs de déclaration des institutions financières déclarantes ne serait pas compatible avec la lettre et le but de cette disposition. Au demeurant, l'Administration fédérale n'est pas en mesure de procéder au contrôle matériel des données reçues (arrêt 2C_780/2020 du 21 mars 2021 consid. 5.3 et 5.6.2). Par conséquent, et conformément à l'art. 19 al. 1 LEAR, c'est auprès de l'institution financière déclarante qu'une personne doit requérir la correction d'une donnée inexacte, en faisant valoir ses droits fondés sur la LPD, le cas échéant par la voie de l'action civile. Si l'institution financière déclarante consent à procéder à la correction requise, elle peut directement transmettre les renseignements rectifiés à l'Administration fédérale qui, sur cette base, corrigera les données inexactes ou, si l'échange est déjà intervenu, transmettra les renseignements rectifiés à l'autorité étrangère en vertu de l'art. 19 al. 3 LEAR, applicable par analogie (arrêt 2C_780/2020 du 21 mars 2021 consid. 5.7 et 5.8).  
En conclusion, si une personne faisant l'objet d'un échange automatique de renseignements est d'avis que c'est à tort qu'une donnée la concernant a fait l'objet d'une déclaration à l'Administration fédérale, elle doit s'adresser à l'institution financière déclarante pour faire corriger la donnée correspondante. Elle ne peut demander à l'Administration fédérale ni qu'elle corrige cette donnée, ni qu'elle en bloque la transmission. 
 
6.1.2. En l'espèce, les recourants font valoir une erreur d'interprétation commise par l'institution financière déclarante. C'est par conséquent sans violer le principe de la légalité que le Tribunal administratif fédéral a retenu que les recourants devaient s'adresser à celle-ci pour obtenir la rectification de sa déclaration, comme le prévoit l'art. 19 al. 1 LEAR, cas échéant par la voie de l'action civile. Le fait que, comme le laissent entendre les recourants, le trustee ait inclus leur nom dans sa déclaration en application d'une directive trop extensive de l'Administration fédérale, ainsi que par craintes de sanctions, n'y change rien. Enfin, les objections des recourants liées aux connaissances prétendument insuffisantes en droit fiscal international des tribunaux civils pour trancher à satisfaction de droit de tels litiges reviennent à remettre en question la répartition des compétences prévues à l'art. 19 LEAR telle qu'elle a été voulue par le législateur.  
 
6.2. Les recourants font également valoir que le Tribunal administratif fédéral a violé l'art. 19 al. 2 2e phrase LEAR en ne retenant pas que l'échange automatique de renseignements les concernant leur causerait un préjudice déraisonnable en raison de l'absence d'Etat de droit en Argentine. Selon eux, la transmission de leurs données les exposerait à des actes criminels constitutifs d'atteintes à la vie (art. 2 CEDH), à l'interdiction de la torture (art. 3 CDEDH) et représenterait une violation de leur droit à la vie privée (art. 8 CEDH).  
 
6.2.1. Le Tribunal fédéral a récemment déterminé la portée de l'art. 19 al. 2 2e phrase LEAR dans une situation proche du cas d'espèce dans l'arrêt 2C_946/2021 du 6 juin 2023. Il en ressort en substance que l'art. 19 al. 2 2e phrase LEAR doit être interprété en ce sens qu'il ne permet à une personne faisant l'objet d'un échange automatique de renseignements de pouvoir obtenir une décision de l'Administration fédérale sur l'échange automatique de renseignements la concernant que si l'échange automatique représenterait une mesure contraire à l'ordre public (arrêt 2C_946/2021 du 6 juin 2023 consid. 6.5; sur les contours de la réserve de l'ordre public, cf. également le même arrêt consid. 6.6 et les références). Une personne ne peut en particulier pas faire valoir une violation de l'art. 8 CEDH pour obtenir une décision de l'Administration fédérale en vertu de l'art. 19 al. 2 2e phrase LEAR, à moins que cette violation ne soit si grave qu'elle se confonde avec une violation de l'ordre public (arrêt 2C_946/2021 du du 6 juin 2023 consid. 6.7).  
 
6.2.2. En l'occurrence, le Tribunal administratif fédéral a considéré qu'il n'y avait pas d'éléments suffisants pour admettre que la transmission de données concernant les recourants serait une mesure contraire à l'ordre public. L'Argentine était un Etat partie au Pacte ONU II. Le niveau de confidentialité et de sécurité des données dans ce pays n'avait jamais fait l'objet de reproches lors des examens par les pairs, et tant la Commission européenne que la Suisse avaient jugé conforme le niveau de protection des données dans ce pays. Les accusations de divulgation de données bancaires formulées par les recourants à l'endroit de l'administration fiscale argentine reposaient sur un rapport rédigé par un avocat argentin, qui n'était pas propre à donner une image objective de la situation, d'autant moins que les accusations qu'il contenait étaient liées à des événements anciens et dont rien n'indiquait qu'ils avaient exposé à de la violence les personnes concernées. L'Argentine devait certes faire face à des problèmes de corruption et de criminalité organisée, ce que les indices cités par les recourants rappelaient, mais il n'y avait pas d'impact concret de ce contexte sur la sécurité des recourants en lien avec la transmission de leurs données bancaires, dès lors qu'ils n'avaient apporté aucun élément propre à faire craindre qu'une éventuelle divulgation de données par l'administration fiscale, dont rien ne permettait de penser qu'elle pourrait avoir lieu, pourrait donner lieu à des persécutions ou exposer particulièrement des contribuables fortunés à la violence.  
 
6.2.3. Les recourants reprochent au Tribunal administratif fédéral de ne pas avoir retenu qu'il n'y avait pas d'Etat de droit en Argentine, alors qu'ils avaient produit de nombreux rapports internationaux et articles de presse faisant état du mépris des autorités argentines pour la protection des données personnelles, de fuite de données, de la corruption endémique parmi les fonctionnaires argentins, de l'activité croissante de groupes criminels et de l'absence d'intégrité du gouvernement argentin. Au vu de cette réalité concrète, le fait que l'Argentine ait ratifié le Pacte ONU II et qu'elle n'ait pas fait l'objet de reproches lors des examens par les pairs n'était pas relevant. Le Tribunal administratif fédéral avait par ailleurs décrédibilisé à tort le rapport rédigé par les avocats argentins qu'ils avaient produit devant lui et qui relatait des fuites de données personnelles fiscales. L'absence d'Etat de droit en Argentine compromettait la sécurité des données et mettait en péril la vie, la liberté et le patrimoine des personnes sujettes à l'échange automatique. Dans leur cas, l'échange automatique les associerait, au sein de l'administration fiscale argentine, à la fortune colossale détenue par les trusts, qui ne leur appartenait pourtant pas, ce qui les exposerait à des actes criminels, tels que la divulgation illicite de leurs données, l'enlèvement, l'extorsion et "tout autre abus", soit à des actes constitutifs d'atteinte à la vie (art. 2 CEDH), à l'interdiction de la torture (art. 3 CEDH), à la liberté et à la sûreté (art. 5 CEDH), ainsi qu'au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH)  
 
6.2.4. Par cette argumentation, qui correspond du reste en grande partie à la motivation de leur recours devant le Tribunal administratif fédéral, les recourants s'en prennent avant tout à l'appréciation des preuves effectuée par les juges précédents, en leur reprochant d'avoir mal apprécié la portée des pièces qu'ils avaient produites devant eux et, au premier chef, le rapport rédigé par des avocats argentins concernant des fuites de données fiscales qui étaient intervenues dans le passé. Les recourants se limitent toutefois à opposer leur propre interprétation à celle des juges précédents, sans alléguer ni démontrer en quoi ces derniers auraient apprécié ces preuves de manière arbitraire (art. 106 al. 2 LTF). Les critiques relatives à l'absence de protection des données en Argentine, purement appellatoires, sont partant irrecevables (cf. supra consid. 2.2).  
Au demeurant, il convient de rappeler que le système d'échange automatique de renseignements comprend, en amont, une série de garanties et d'analyses, avant d'être mis en oeuvre entre deux Etats. Ainsi, avant d'activer l'échange automatique avec l'Argentine, la Suisse s'est notamment reposée sur les appréciations du Forum mondial et de la Commission européenne, qui ont contribué à motiver le Conseil fédéral à proposer à l'Assemblée fédérale d'activer l'échange automa-tique avec l'Argentine (à ce sujet cf. arrêt 2C_946/2021 du 6 juin 2023 consid. 5.1). 
Au surplus, même si l'on devait craindre pour la sécurité des données en Argentine, ce qui n'est pas retenu par le Tribunal administratif fédéral, il faudrait encore que les recourants puissent s'opposer à l'échange automatique de renseignements en application de l'art. 19 al. 2 2e phrase LEAR, à savoir qu'ils rendent vraissemblable que ce risque puisse aboutir à une violation de l'ordre public. Or, sur ce point, les recourants n'allèguent pas qu'ils seraient exposés concrètement à des actes contraires à l'ordre public de la part de l'Etat argentin. 
 
6.2.5. En définitive, les recourants n'ont pas rendu vraisemblable que l'échange automatique de renseignements les concernant risquerait de porter atteinte à l'ordre public. On ne peut par conséquent pas reprocher aux juges précédents d'avoir violé l'art. 19 al. 2 2e phrase LEAR en considérant que les conditions d'application de cette disposition n'étaient pas remplies et par conséquent en confirmant la décision du 6 janvier 2020 de l'Administration fédérale.  
 
7.  
Ce qui précède conduit au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
Succombant, les recourants doivent supporter les frais de justice devant le Tribunal fédéral, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 3 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al.1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, à l'Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 3 août 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : S. Vuadens