1C_609/2023 24.05.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_609/2023  
 
 
Arrêt du 24 mai 2024  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Haag et Merz. 
Greffier : M. Parmelin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Stéphane Grodecki, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), rue Gabrielle-Perret-Gentil 4, 1205 Genève, 
représentés par Me Marc Hochmann Favre, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Droit de la fonction publique; résiliation des rapports de service, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 10 octobre 2023 (A/2044/2023-FPUBL - ATA/1108/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, né en 1968, a été engagé le 17 décembre 2001 par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: les HUG) à plein temps en qualité de cardiomobiliste au Centre d'accueil et d'urgences du Département de médecine communautaire. Le 31 août 2004, il a été nommé fonctionnaire. Le 1 er novembre 2014, il a été promu à la fonction d'ambulancier de la Centrale et du Service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) Cardiomobile.  
Le 17 octobre 2022, peu après 19h00, A.________, la Dre B.________, cheffe de clinique en pédiatrie, et le Dr C.________, chef de clinique des urgences, alors de garde, ont été amenés à intervenir en urgence au domicile d'un enfant de cinq ans qui s'était plaint de douleurs abdominales aiguës, avait fait un malaise, avec perte de connaissance, puis avait cessé de respirer. À leur arrivée sur place, deux ambulanciers, D.________ et E.________, procédaient à la réanimation de l'enfant. La possibilité de ventiler l'enfant par masque laryngé comme alternative à l'intubation avait été écartée au vu des importantes secrétions qu'il aurait fallu aspirer. Celle d'une intubation avait été évoquée, mais les deux médecins présents avaient refusé de l'effectuer, pour la raison qu'ils n'avaient pas l'expérience requise pour pratiquer ce geste sur un enfant de cet âge, bien que l'un d'entre eux soit en rotation en anesthésie depuis six mois. A.________ a alors pris l'initiative d'intuber l'enfant. La Dre F.________, médecin superviseur de la Brigade sanitaire cantonale, arrivée peu après, a constaté que le tube utilisé n'était pas adapté, qu'il avait été mal inséré et que l'appareil de capnographie destiné à s'assurer que le tube était correctement inséré et l'enfant correctement ventilé n'était pas en place. Elle a intubé l'enfant à la seconde tentative. L'enfant a été transporté au Service d'accueil et d'urgences pédiatriques où il est décédé le soir même. 
L'incident a fait l'objet d'un rapport provisoire de médicalisation pré-hospitalière établi par la Dre B.________ le 18 octobre 2022 et d'une déclaration d'évènement indésirable grave (EIG). A.________ a été libéré de son obligation de travailler à partir du 21 octobre 2022. tout en conservant son traitement. À la demande du Dr G.________, médecin adjoint responsable de la Brigade Sanitaire Cantonale concernant le cadre général et particulier de la formation des médecins du SMUR, il a présenté un rapport écrit du déroulement de l'intervention du 17 octobre 2022. Un rapport d'incident a en outre été établi le 22 octobre 2022. 
Par courriel du 1 er novembre 2022, le Dr G.________ a refusé d'envoyer à A.________ le rapport d'intervention du SMUR motif pris qu'une telle transmission irait à l'encontre de l'art. 321 CP sous réserve des cas où le patient ou son représentant légal a donné son accord, respectivement où la commission ad hoc a consenti à la levée du secret professionnel.  
À la demande de A.________, les ambulanciers D.________ et E.________ ont adressé le 8 novembre 2022 aux HUG un courriel dans lequel ils exposaient la manière dont s'était déroulée l'intervention. 
Le 14 novembre 2022, A.________ a eu un entretien de service en présence de son mandataire, de son supérieur hiérarchique H.________, de la responsable des ressources humaines des HUG et du Dr G.________. Il lui a été reproché d'avoir pratiqué une intubation sur l'enfant de son propre chef, alors qu'il n'en avait ni la compétence, ni l'expérience, ni la délégation médicale. Le matériel utilisé avait été inadéquat puisque la taille du tube ne correspondait pas à l'âge de l'enfant et qu'il était dépourvu de ballonnet, ce qui n'aurait en aucun cas permis de protéger les voies aériennes, même si le tube avait été en place. Le capteur d'EtCO2 n'était pas connecté. Les principes de sécurité les plus élémentaires applicables lors de toute intubation n'avaient pas été respectés, car la capnographie était le seul moyen qui permettait de s'assurer que le tube était bien en position trachéale et non dans l'oesophage. 
Le 6 décembre 2022, A.________ a fait part de ses remarques sur le compte rendu de l'entretien de service. Il a demandé une copie de la feuille d'intervention préhospitalière de l'équipe ambulancière relative à l'intervention du 17 octobre 2022. 
Les Drs B.________, C.________ et F.________ ont exposé leurs versions des faits dans une note établie le 12 janvier 2023, à la suite de leur entretien avec deux collaboratrices des ressources humaines des HUG. 
Le 3 février 2023, le Dr I.________, responsable de l'Unité des urgences préhospitalières au sein des HUG, a rendu son rapport d'analyse d'incident relatif à l'événement indésirable grave survenu le 17 octobre 2022 (ci-après: le rapport de l'EIG). Ce rapport se fonde, entre autres sources, sur le rapport d'intervention du SMUR, le rapport complémentaire de la Dre F.________ du 20 octobre 2022 et les entretiens avec le Dr G.________. 
A.________ a pu se déterminer sur ces éléments nouveaux à la faveur d'un second entretien de service du 3 février 2023 réalisé en présence de son supérieur hiérarchique, de la responsable des ressources humaines des HUG et du Dr G.________. 
Le 24 février 2023, A.________ a fait part de ses observations sur le compte rendu de l'entretien de service. Il a demandé à pouvoir consulter l'ensemble des annexes mentionnées dans le rapport de l'EIG du 3 février 2023. 
Le 28 mars 2023, le responsable des ressources humaines des HUG a refusé de transmettre ces documents au motif que le rapport de l'EIG avait été établi dans le cadre d'une procédure de contrôle de qualité en vue de l'amélioration des soins indépendante de la procédure en cours. 
Par décision du 12 mai 2023, le Directeur général et le Directeur des ressources humaines des HUG ont résilié les rapports de service de A.________ pour motif fondé avec effet au 31 août 2023, se référant aux entretiens de service des 14 novembre 2022 et 3 février 2023 ainsi qu'à ses observations des 6 décembre 2022 et 24 février 2023. 
Le 16 juin 2023, A.________ a recouru contre son licenciement en concluant à ce que les HUG produisent l'intégralité du dossier concernant l'incident du 17 octobre 2022, à la tenue d'une audience de comparution personnelle et à l'audition des ambulanciers et des médecins présents à cette occasion. 
La Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours par arrêt du 10 octobre 2023. 
 
B.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ conclut à l'annulation de cet arrêt et de la décision de résiliation des rapports de service du 12 mai 2023, à sa réintégration et subsidiairement à ce que les HUG soient condamnés à lui verser une indemnité correspondant à vingt-quatre mois de son dernier salaire brut, treizième salaire inclus, avec intérêts à 5 % l'an dès le 12 mai 2023 (conclusion n° 5). À titre subsidiaire, il conclut au renvoi de la cause à la Chambre administrative pour nouvelle décision au sens des considérants. 
Les intimés concluent à l'irrecevabilité de la conclusion n° 5 du recours et au rejet de celui-ci pour le surplus. La Chambre administrative s'en remet à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt sans autre observation. 
Le recourant a précisé en réplique la conclusion n° 5 de son recours en ce sens que le dies a quo des intérêts moratoires commence à courir dès le 1 er septembre 2023.  
Les HUG ont déposé des déterminations spontanées. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt entrepris a été rendu en matière de rapports de travail de droit public. S'agissant d'une contestation pécuniaire, le motif d'exclusion du recours en matière de droit public prévu par l'art. 83 let. g LTF ne s'applique pas. La valeur litigieuse atteint par ailleurs largement le seuil de 15'000 fr. ouvrant la voie du recours en matière de droit public en ce domaine (art. 51 al. 2 et 85 al. 1 let. b LTF; cf. arrêt 1C_662/2023 du 2 avril 2024 consid. 1). 
Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il convient en principe d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir commis un déni de justice formel et violé l'art. 29 al. 1 Cst. en ne traitant pas le grief qu'il avait développé selon lequel une enquête administrative aurait dû être mise en oeuvre. Dès lors que les HUG envisageaient de le suspendre provisoirement, une telle enquête s'imposait et le refus d'y procéder consacrerait une violation arbitraire de l'art. 28 de la loi générale du 4 décembre 1997 relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux (LPAC; rs/GE B 5 05). 
Dans leurs observations, les HUG tiennent ce grief pour infondé au motif que l'ouverture d'une enquête administrative ne s'impose pas en cas de licenciement administratif selon la jurisprudence cantonale (ATA/892/2016 du 25 octobre 2016 consid. 4f). Au demeurant, le recourant a admis avoir procédé à une intubation sur un enfant de cinq ans tout en sachant qu'il n'était pas habilité à le faire et au mépris des règles de procédure applicables. Aussi, un renvoi pour complément de motivation s'agissant de la question de l'enquête administrative constituerait une vaine formalité. 
Le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé sur cette question. Il a rappelé que, selon la jurisprudence cantonale, une suspension provisoire d'un fonctionnaire pouvait non seulement être justifiée par les besoins de l'enquête administrative, hypothèse visée à l'art. 28 LPAC, mais aussi en tant qu'exécution anticipée, à titre provisionnel, de la fin des rapports de service en raison d'une faute alléguée de nature à rompre la confiance qu'impliquait l'exercice de la fonction de l'intéressé (arrêt 8C_47/2023 du 14 juin 2023 consid. 5.2.1). Or, l'art. 27 al. 2 LPAC n'impose une enquête administrative pour établir les faits qu'en cas de révocation disciplinaire selon l'art. 16 al. 1 let. c LPAC (cf. arrêt 8C_244/2014 du 17 mars 2015 consid. 5.2). À cet égard, il importe peu qu'à l'issue des deux entretiens de service, les HUG ont informé le recourant qu'il s'exposait à une résiliation des rapports de service ou à une sanction disciplinaire. Dans la mesure où ils ont finalement opté pour un licenciement administratif pour motif fondé sur la base de l'art. 21 al. 3 LPAC, ils n'étaient pas tenus de procéder à une enquête administrative. 
Au demeurant, à l'issue des entretiens de service, le recourant, assisté d'un avocat, a été rendu attentif à la possibilité de faire valoir des observations complémentaires ou des divergences dans une note. Or, que ce soit dans ses déterminations du 6 décembre 2022 ou dans celles du 24 février 2023, il n'a pas requis la mise en oeuvre d'une enquête administrative. Ce n'est que dans le cadre du recours cantonal qu'il a soulevé pour la première fois ce grief. L'allégation de l'absence d'une telle enquête pour la première fois devant le Tribunal fédéral n'apparaît guère conforme aux règles de la bonne foi. 
 
3.  
Invoquant les art. 9 et 29 al. 2 Cst., le recourant fait grief à l'autorité cantonale d'avoir procédé à une appréciation anticipée arbitraire des preuves et d'avoir violé son droit d'être entendu en refusant d'ordonner la production du rapport d'intervention du SMUR évoqué dans le rapport de l'EIG et du rapport complémentaire de la Dre F.________ du 20 octobre 2022, respectivement en refusant de procéder à l'audition des intervenants en tant que témoins. 
 
3.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1; 145 I 167 consid. 4.1). De jurisprudence constante, l'autorité peut renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 144 II 427 consid. 3.1.3). Le refus d'une mesure probatoire par appréciation anticipée des preuves ne peut être remis en cause devant le Tribunal fédéral qu'en invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.) de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF).  
 
3.2. La cour cantonale a constaté que les HUG avaient produit les pièces portant sur les éléments recueillis après l'incident du 17 octobre 2022, notamment le rapport de médicalisation pré-hospitalière du 18 octobre 2022, les comptes rendus des deux entretiens de service, les diverses observations, le courriel des deux ambulanciers du 8 novembre 2022, le compte rendu des entretiens du 12 janvier 2023 des trois médecins intervenus sur place avec les ressources humaines et le rapport de l'évènement indésirable grave (EIG) du 3 février 2023. Elle a relevé que le recourant ne remettait pas en cause le constat des HUG selon lequel le rapport d'intervention du SMUR ne lui était pas accessible car il contenait des informations couvertes par le secret professionnel. Il n'était au surplus pas possible de déterminer, sur la base des pièces versées à la procédure, si la Dre F.________ avait établi un rapport complémentaire le 20 octobre 2022, comme le soutenait le recourant.  
 
3.3. Ces considérations ne sont pas soutenables. Le recourant indique avoir pu consulter après l'entretien de service du 3 février 2023 une version provisoire et non signée du rapport d'intervention du SMUR sans qu'il lui soit opposé à cet égard un secret professionnel. Il n'aurait jamais eu accès à la version définitive de ce document sur lequel se base le rapport de l'EIG. Il ne lui était ainsi pas possible de vérifier si le rapport d'intervention, dans sa version définitive, était conforme à sa version provisoire alors qu'il disposait d'un intérêt évident à constater qu'il n'y avait pas de divergence entre les deux versions. Si elle n'entendait pas se prononcer sur l'objection des HUG à la consultation de cette pièce tirée de la protection du secret professionnel, la cour cantonale aurait pu faire venir le rapport d'intervention du SMUR pour s'assurer qu'il correspondait à la version provisoire à laquelle le recourant avait pu accéder et qui était versée au dossier. En omettant d'agir en ce sens et en se prévalant d'un motif formel, tiré de l'absence de motivation suffisante du recours, la cour cantonale a fait preuve d'un formalisme excessif. Il n'appartient au surplus pas à la Cour de céans d'examiner en première et unique instance de recours si le motif invoqué par les HUG pour ne pas transmettre le rapport d'intervention du SMUR était ou non fondé.  
Le rapport complémentaire de la Dre F.________ du 20 octobre 2022 sur le déroulement de l'intervention est cité parmi les éléments considérés dans le rapport d'analyse d'incident établi par le Dr I.________. La Cour de justice n'avait donc aucune raison de mettre en cause l'existence de ce document. Le cas échéant, elle aurait pu requérir sa production en cas de doute sur ce point. En procédant ainsi, elle aurait été en mesure de vérifier si sa teneur correspondait aux déclarations rédigées par la Dre F.________ dans sa note écrite du 12 janvier 2023 à propos de l'incident du 17 octobre 2022. Elle ne pouvait se limiter à constater que l'existence de ce document n'était pas établie sans se prononcer sur sa pertinence, respectivement sur le bien-fondé du motif évoqué par les HUG pour s'opposer à sa consultation, alors qu'elle avait renoncé à entendre les intervenants. Le raisonnement tenu par les juges cantonaux pour écarter le grief du recourant pris de la violation de son droit d'être entendu n'est pas soutenable. Il n'appartient pas davantage à la Cour de céans d'examiner en première et unique instance de recours si la production de cette pièce s'imposait, respectivement si elle aurait pu être écartée pour un autre motif soutenable. 
La cause doit être renvoyée à la Chambre administrative pour qu'elle se prononce à nouveau sur les griefs évoqués par le recourant en lien avec la violation de son droit d'être entendu. Si la cour cantonale devait alors retenir qu'un secret professionnel s'applique à la transmission des documents précités, elle appréciera d'office, en application du principe de la proportionnalité, si et dans quelle mesure (par exemple, dans une version caviardée) elle peut permettre au recourant l'accès à leur contenu. 
 
3.4. Le recourant se plaint de ne jamais avoir pu poser de questions aux autres intervenants au sujet des contradictions qui émaillaient leurs déclarations respectives. La motivation de la Cour de justice pour écarter cette mesure d'instruction serait clairement insuffisante et contreviendrait aux exigences découlant du droit d'être entendu.  
La Chambre administrative s'est considérée suffisamment informée sur la base des éléments figurant au dossier pour pouvoir trancher la cause sans devoir entendre les parties en comparution personnelle. L'audition des divers intervenants sur place le 17 octobre 2022, pas plus que celles des six médecins sollicitée par le recourant, sans d'ailleurs indiquer les éléments au sujet desquels ils étaient censés s'exprimer, n'apparaissaient nécessaires. 
Cette motivation est pour le moins sommaire. Toutefois, l'audition requise en réplique des six médecins, qui n'étaient impliqué d'aucune façon dans l'incident du 17 octobre 2023, n'était aucunement motivée; dans cette mesure, elle n'était pas nécessaire pour élucider les faits pertinents et c'est sans arbitraire que la cour cantonale pouvait renoncer à les entendre. Dans son mémoire de recours cantonal, le recourant justifiait l'audition des intervenants par les contradictions émaillant les déclarations des médecins, ses propres déclarations et celles des ambulanciers, notamment quant aux circonstances ayant précédé la décision du recourant d'intuber l'enfant. La motivation retenue pour écarter cette mesure d'instruction n'est pas suffisante au regard des graves conséquences induites pour le recourant par son licenciement et du fait que la Cour de justice a confirmé, de manière soutenable, qu'une enquête administrative ne se justifiait pas pour élucider les faits. 
 
3.5. Les griefs du recourant tirés d'une motivation insuffisante quant à l'appréciation anticipée des preuves sont fondés. Les conditions pour admettre que le vice aurait été réparé dans la procédure de recours devant le Tribunal fédéral ne sont pas réunies. Il appartiendra à la cour cantonale de statuer à nouveau par une décision motivée sur les moyens du recourant en lien avec la violation de son droit d'être entendu. L'admission du recours sur ce point dispense la Cour de céans d'examiner si le licenciement administratif pour motifs fondés résiste aux griefs qui lui sont adressés.  
 
4.  
Le recourant soutient qu'iI n'était pas possible de se dispenser de la procédure de reclassement avant de prononcer son licenciement pour motif fondé. Il dénonce à ce propos une application arbitraire des art. 21 al. 3 LPAC et 46A du règlement d'application de cette loi du 24 février 1999 (RPAC; rsGE B 5 05.01). Il sied d'examiner ce grief dans la mesure où la question d'un éventuel reclassement se poserait à nouveau si la cour cantonale devait rejeter les moyens du recourant pris d'une violation du droit d'être entendu. 
 
4.1. En vertu de l'art. 21 al. 3 LPAC, l'autorité compétente peut résilier les rapports de service pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale répond aux capacités de l'intéressé.  
À teneur de l'art. 48A al. 1 du Statut du personnel des HUG du 16 décembre 1999, lorsque les éléments constitutifs d'un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d'entretiens de service, un reclassement selon l'art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu'un poste soit disponible au sein des établissements publics médicaux et que l'intéressé au bénéfice d'une nomination dispose des capacités nécessaires pour l'occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L'intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). Il bénéficie d'un délai de dix jours ouvrables pour accepter ou refuser la proposition de reclassement (al. 4). En cas de reclassement, un délai n'excédant pas six mois est fixé pour permettre à l'intéressé d'assumer sa nouvelle fonction (al. 5). En cas de refus, d'échec ou d'absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6). Le service des ressources humaines du département, agissant d'entente avec l'office du personnel de l'État, est l'organe responsable (al. 7). L'art. 46A RPAC a la même teneur, sous réserve de l'alinéa 1, qui prévoit qu'un reclassement est proposé pour autant qu'un poste soit disponible au sein de l'administration et que l'intéressé au bénéfice d'une nomination dispose des capacités nécessaires pour l'occuper. 
Selon le Tribunal fédéral, lorsqu'un reclassement revient en fin de compte à reporter dans un autre service des problèmes de comportement reprochés au recourant, il paraît illusoire et l'employeur peut se dispenser d'y recourir (arrêt 8C_839/2014 du 5 mai 2015 consid. 7.1). La Chambre administrative a précisé que seules les circonstances particulières, dûment établies à satisfaction de droit, peuvent justifier une exception au principe légal du reclassement et faire primer l'intérêt public et privé de nombreux employés de l'État sur l'intérêt privé de la personne licenciée (ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 9c; ATA/1579/2019 du 29 octobre 2019 consid. 12h). 
Il y a arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., lorsque la décision attaquée viole gravement une règle ou un principe juridique clair et indiscuté ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle est insoutenable ou en contradiction évidente avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Par ailleurs, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 148 II 465 consid. 8.1). 
 
4.2. Les juges précédents ont retenu que le comportement du recourant, tant dans le cadre de l'incident du 17 octobre 2022 que par la suite, était de nature à rompre le lien de confiance et que sa faute était grave. Ils ont en outre relevé que sa hiérarchie lui avait reproché en 2016 d'agir comme «un électron libre», bien qu'un net progrès avait été constaté, à savoir une attitude beaucoup plus loyale par le respect des règles et des procédures de l'unité. Or, le 17 octobre 2022, c'est bien en dehors des règles de procédure qu'il avait agi. Son employeur pouvait ainsi légitimement nourrir des doutes quant aux risques que d'autres patients pourraient courir, dont la santé voire la vie sont concernées. La problématique ne saurait dès lors être résolue par une procédure de reclassement. Au contraire, transférer le recourant dans un autre service, y compris administratif, reviendrait à déplacer le problème. Pour ces motifs, la cour cantonale a considéré qu'un reclassement était illusoire.  
 
4.3. L'incident survenu le 17 octobre 2022 apparaît comme isolé dans le parcours professionnel du recourant qui a travaillé pendant plus de vingt ans aux services de l'État en donnant en principe satisfaction. Aucun manquement du même genre ne lui est d'ailleurs reproché. L'hypothèse qu'il se retrouve dans la même situation et prenne une décision analogue peut raisonnablement être écartée. Certes, il a été qualifié d'électron libre lors d'une évaluation intervenue en 2016. L'intubation pratiquée de sa propre initiative et en dehors du cadre protocolaire pouvait confirmer dans une certaine mesure cette appréciation et faire craindre qu'il puisse à nouveau agir sans tenir compte des règles et des procédures à suivre au sein de l'unité d'intervention et mettre ainsi en péril la santé voire la vie des patients. En ce sens, les HUG pouvaient faire prévaloir la sécurité, la santé et la vie des patients et considérer qu'un reclassement du recourant dans sa fonction actuelle dans un autre établissement public médical n'était d'emblée pas envisageable. On ne voit pas pour autant que le comportement du recourant manifesté lors de l'incident du 17 octobre 2022 empêchait de manière rédhibitoire un éventuel reclassement dans une autre fonction ou à un autre poste au sein des HUG ou d'un autre établissement public médical, voire au sein de l'administration cantonale, qui ne mette pas en jeu la sécurité, la santé ou la vie des patients. Sans vouloir minimiser la gravité des manquements reprochés au recourant, ce dernier avait procédé à l'intubation de l'enfant dans l'intention non pas de lui nuire, mais de le sauver. L'évènement du 17 octobre 2022 revêt un caractère extraordinaire. On observera encore que ce n'est qu'en présence de circonstances exceptionnelles que l'État en tant qu'employeur peut ordonner un licenciement administratif sans procéder préalablement à des mesures de reclassement.  
La Chambre administrative a donc versé dans l'arbitraire en confirmant que les HUG n'étaient pas tenus de procéder à l'examen de mesures de reclassement dans un autre poste au sein d'un établissement public médical ou dans un autre poste de l'administration cantonale. Si elle devait conclure que les griefs tirés de la violation du droit d'être entendu devaient être rejetés et que les conditions posées pour prononcer un licenciement pour motifs fondés étaient réalisées, elle renverra la cause aux HUG pour qu'ils ouvrent la procédure de reclassement. 
 
5.  
Le recours doit par conséquent être admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants qui précèdent. 
Les intimés, qui succombent, sont dispensés des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Ils verseront en revanche au recourant une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Les Hôpitaux universitaires de Genève verseront au recourant la somme de 3'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 24 mai 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Parmelin