5D_84/2023 23.02.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5D_84/2023  
 
 
Arrêt du 23 février 2024  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
M. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Hartmann et De Rossa. 
Greffière : Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représenté par Me Jonathan Rey, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.A.________, 
représentée par Me Jean-Lou Maury, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
frais et dépens (modification des mesures protectrices de l'union conjugale), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Ie Cour d'appel civil, du 11 avril 2023 (101 2022 302). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
Par décision de mesures protectrices de l'union conjugale du 15 octobre 2023, confirmée par arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 26 février 2021, le Président du Tribunal civil de la Broye et du Nord Vaudois a notamment autorisé les époux A.________ à vivre séparés et astreint A.A.________ à contribuer à l'entretien de son épouse B.A.________ par le versement d'une pension mensuelle de 380 fr. à compter du 1er décembre 2020. 
 
1.1. Le 28 août 2021, A.A.________ a requis la modification de cette décision, réclamant d'être libéré du paiement de toute contribution d'entretien dès le 1er décembre 2021.  
 
1.1.1. Le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye a rejeté sa requête le 2 août 2022.  
 
1.1.2. Statuant le 11 avril 2023 sur l'appel déposé par A.A.________, la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg l'a partiellement admis, le libérant du paiement de toute contribution d'entretien en faveur de son épouse entre le 1er juin et le 31 octobre 2022 et dès le 1er juillet 2023, mais l'astreignant en revanche au versement d'une pension mensuelle de 350 fr. du 1er février au 31 mai 2022 et de 380 fr. du 1er novembre 2022 au 30 juin 2023.  
Sous réserve de l'assistance judiciaire accordée aux parties, les frais judiciaires liés à la procédure d'appel ont été répartis entre elles à raison de 3/4 à la charge de B.A.________ et d'1/4 à celle de A.A.________. Les dépens d'appel ont suivi la même répartition. Selon les juges cantonaux, le sort de l'appel ne conduisait pas à une modification de la répartition des frais de la procédure de première instance selon l'art. 318 al. 3 CPC
 
1.2. Agissant le 16 mai 2023 par la voie du recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral, A.A.________ (ci-après: le recourant) conclut principalement à ce que le dispositif de l'arrêt cantonal soit réformé en ce sens que, sous réserve de l'assistance judiciaire accordée aux parties, les frais (frais judiciaires et dépens) de première instance sont mis à la charge de B.A.________ (ci-après: l'intimée) à raison de 3/4 (soit: 750 fr. de frais judiciaires et, après compensation, 2'273 fr. 85 fr. de dépens) et à sa charge pour 1/4 (soit: 250 fr. de frais judiciaires). Le recourant demande à titre subsidiaire le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour complément d'instruction et nouvelle décision.  
Invitées à se déterminer, la cour cantonale ne formule pas d'observations tandis que l'intimée indique renoncer à déposer une réponse et s'en remettre à justice s'agissant du sort réservé au recours. 
 
2.  
 
2.1. La recevabilité du recours portant sur une question accessoire, en l'occurrence la répartition des frais judiciaires et dépens de première instance, est en principe déterminée par la cause au fond (ATF 138 III 94 consid. 2.2). La décision entreprise a été rendue dans le contexte d'une procédure de modification des mesures protectrices de l'union conjugale; elle est ainsi soumise au recours en matière civile (art. 72 al. 1 LTF).  
 
2.2. Le recourant soutient que la valeur litigieuse serait ici inférieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), se fondant sur le fait que seul le montant des frais de la procédure de première instance est contesté devant la cour de céans. Ce point de vue est erroné. Conformément à l'art. 51 al. 1 let. a LTF, lorsque, comme en l'espèce, le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF; ATF 149 III 81 consid. 1.1), la valeur litigieuse est déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente; dans la mesure où, devant la dernière instance cantonale, le recourant tendait à la suppression de la contribution d'entretien destinée à son épouse, d'un montant de 380 fr. sur une durée indéterminée, la valeur litigieuse de 30'000 fr. apparaît atteinte (art. 51 al. 4 LTF), même si les frais de première instance, ici exclusivement contestés devant le Tribunal fédéral, sont inférieurs à cette valeur (ATF 137 III 47 consid. 1.2.2). C'est donc la voie du recours en matière civile que devait emprunter le recourant, à l'exclusion du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF). La désignation erronée de la voie de droit ne saurait toutefois lui nuire si son recours remplit les exigences légales de la voie de droit qui leur est ouverte (ATF 138 I 367 consid. 1.1). Tel est ici le cas (art. 75 al. 1 et 2, art. 76, art. 100 al. 1 LTF).  
 
3.  
La décision attaquée porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 149 III 81 consid. 1.3), en sorte que la partie recourante ne peut ainsi dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant ("principe d'allégation"; art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 149 III 81 consid. 1.3). En particulier, une décision ne peut être qualifiée d'arbitraire (art. 9 Cst.) que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité ou s'écarte de la jurisprudence du Tribunal fédéral sans motif pertinent (ATF 148 III 95 consid. 4.1); il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 148 III 95 consid. 4.1; 147 I 170 précité consid. 7.3). 
 
4.  
Le recourant invoque l'application arbitraire des art. 318 al. 3 et 106 al. 1 et 2 CPC. 
 
4.1. La seconde instance cantonale a ici arrêté les frais d'appel selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC) et non en équité comme le lui permettait l'art. 107 al. 1 let. c CPC; se référant à l'art. 318 al. 3 CPC, elle a estimé que le sort de l'appel ne conduisait pas à une modification de la répartition des frais de la procédure de première instance.  
 
4.2. Le recourant rappelle que la cour cantonale lui a pourtant donné en large partie gain de cause. Sa motivation serait dès lors en contradiction directe avec la situation effective et conduirait au résultat arbitraire qu'il se retrouverait à devoir indemniser sa partie adverse pour la totalité des frais de première instance alors que l'intimée avait pourtant succombé dans une large mesure.  
 
4.3. Les frais sont en principe mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC). Cette disposition suppose une répartition des frais judiciaires et des dépens "en fonction de l'issue du litige comparé avec les conclusions prises par chacune des parties" (arrêt 5D_108/2020 du 28 janvier 2021 consid. 3.2 et la référence); le poids accordé à ces conclusions peut être apprécié d'après divers critères: leur importance dans le litige, ce qui a été alloué ou le travail occasionné (arrêts 5D_108/2020 précité ibid.; 5A_5/2019 du 4 juin 2019 consid. 3.3.1). Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (parmi d'autres: arrêts 5D_108/2020 précité consid. 3.1; 5A_80/2020 du 19 août 2020 consid. 4.3; 5D_43/2019 du 24 mai 2019 consid. 8.2).  
 
4.4. Au regard de ces principes, il faut admettre le bien-fondé de la critique soulevée par le recourant. L'on ne saisit en effet pas le motif pour lequel la cour cantonale n'a pas aligné la répartition des frais de la procédure de première instance sur le raisonnement suivi pour le partage des frais de la procédure d'appel, dans la mesure où, tant en première qu'en seconde instance, le litige ne portait que sur la seule contribution d'entretien destinée à l'épouse et qu'à l'issue de la procédure d'appel, l'intimée succombait dans une large mesure. Dans ces circonstances et à défaut de comprendre l'appréciation cantonale justifiant la décision de ne procéder à aucune modification de la répartition des frais de première instance, il faut admettre qu'imputer l'intégralité de ceux-ci au recourant apparaît arbitraire. La cause doit en conséquence être renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur ce point.  
 
5.  
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours, en application de la procédure de l'art. 109 al. 2 let. b et al. 3 LTF. L'arrêt cantonal est annulé en tant qu'il refuse de modifier la répartition des frais de première instance et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur ce point. Les frais judiciaires et dépens de la procédure (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF) sont mis à la charge de l'intimée, même si elle a renoncé à répondre (ATF 123 V 156 consid. 3c et 159 consid. 4b; arrêt 5D_108/2020 précité consid. 4 et les références). Dans la mesure où elle a toutefois procédé en instance cantonale au bénéfice de l'assistance judiciaire, il convient de prévoir l'indemnisation du conseil du recourant pour le cas où les dépens alloués ne pourraient être recouvrés. En tant qu'elle n'est pas sans objet, la requête d'assistance judiciaire du recourant est donc admise. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt cantonal est annulé en tant qu'il s'abstient de modifier la répartition des frais judiciaires et dépens de première instance et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur ce point. 
 
2.  
Autant qu'elle n'est pas sans objet, la requête d'assistance judiciaire du recourant est admise; Me Jonathan Rey lui est désigné comme avocat d'office pour la procédure fédérale. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
4.  
Une indemnité de 1'500 fr., à verser au recourant à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimée; au cas où les dépens ne pourraient pas être recouvrés, la Caisse du Tribunal fédéral versera au conseil du recourant une indemnité de 1'500 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, I e Cour d'appel civil, et au Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye.  
 
 
Lausanne, le 23 février 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : de Poret Bortolaso