4A_285/2023 20.06.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_285/2023  
 
 
Arrêt du 20 juin 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mme la Juge fédérale 
Jametti, présidente. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________ SA, 
2. B.________ SA, 
toutes deux représentées par Mes Hikmat Maleh et Tanja Schmidt, avocats, 
recourantes, 
 
contre  
 
C.________ SA, 
représentée par Mes Philippe Cottier et David Bensimon, avocats, 
intimée. 
 
Objet 
contrat de courtage; arrêt de renvoi, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 25 avril 2023 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/16468/2019 ACJC/537/2023). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
Le 28 février 2020, C.________ SA a assigné A.________ SA et B.________ SA devant le Tribunal de première instance genevois en vue d'obtenir le paiement de 3'446'400 fr. au titre de rémunération de l'activité de courtage qu'elle avait déployée dans le cadre d'une opération immobilière à Genève. 
Dans leur réponse du 28 août 2020, les défenderesses ont conclu au rejet de la demande. 
Par ordonnance du 31 mai 2021, précisée par courrier du 3 juin 2021, le Tribunal de première instance genevois a indiqué aux parties qu'il y avait lieu de les entendre au sujet de la conclusion même d'un contrat de courtage. Il a souligné que les moyens de preuve offerts n'auraient pas à être administrés s'il y avait déjà lieu de débouter la partie demanderesse dans l'hypothèse où ses allégués seraient intégralement admis. 
Statuant par jugement du 16 juin 2021, l'autorité de première instance a débouté la demanderesse des fins de sa demande. En substance, elle a considéré que l'intéressée n'avait pas suffisamment allégué les faits permettant de retenir l'existence d'un contrat de courtage conclu tacitement par les parties ni régulièrement offert de moyens de preuve susceptibles d'étayer cette thèse. 
Par arrêt du 25 avril 2023, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a admis l'appel interjeté par la demanderesse et a renvoyé la cause à l'instance inférieure pour complément d'instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. En bref, elle a considéré que la demanderesse et les défenderesses avaient été liées par un contrat de courtage portant sur l'acquisition de l'immeuble litigieux sis à Genève et que l'activité déployée par l'appelante avait bénéficié aux deux intimées. La cour cantonale a ainsi estimé que les allégués de la demande - contesté par les défenderesses - étaient suffisamment étayés et que l'autorité de première instance ne pouvait pas se dispenser d'entendre les témoins dont l'audition avait été requise avant de statuer. Elle a dès lors renvoyé l'affaire à l'autorité de première instance afin qu'elle complète l'instruction en vue de déterminer si l'activité déployée par l'appelante avait joué un rôle causal dans la vente du bien concerné et d'arrêter, le cas échéant, le montant de la rémunération qui lui était due à ce titre. 
 
2.  
Le 30 mai 2023, les défenderesses (ci-après: les recourantes) ont formé un recours en matière civile à l'encontre de cet arrêt. Elles concluent à la réforme de la décision cantonale querellée en ce sens que les prétentions élevées à leur encontre sont rejetées. Subsidiairement, elles requièrent l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal fédéral n'a pas requis le dépôt d'une réponse au recours. 
 
3.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement les conditions de recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 III 395 consid. 2.1). 
 
3.1. L'arrêt déféré ne met pas fin à la procédure puisqu'il ordonne le renvoi de la cause à l'autorité de première instance pour complément d'instruction. Il ne s'agit pas d'une décision finale, ni d'une décision partielle, mais d'une décision incidente qui ne porte ni sur la compétence ni sur une demande de récusation (cf. art. 92 LTF), et qui tombe ainsi sous le coup de l'art. 93 LTF (ATF 142 III 653 consid. 1.1). Pour des raisons d'économie de procédure, la LTF restreint les possibilités de recours immédiat contre ce type de décision. Le justiciable doit en principe attendre la décision finale pour déférer la cause au Tribunal fédéral, qui n'aura ainsi à statuer qu'une seule fois sur la même affaire (cf. art. 93 al. 3 LTF; ATF 133 III 629 consid. 2.1). La décision querellée est susceptible d'un recours immédiat au Tribunal fédéral uniquement si elle peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). C'est à la partie recourante qu'échoit la tâche de prouver la réalisation de l'une ou l'autre exigence, à moins qu'elle ne soit manifeste (arrêt 4A_603/2020 du 16 novembre 2022 consid. 1.1).  
 
3.2. Selon les recourantes, l'arrêt attaqué est susceptible de leur causer un préjudice irréparable.  
 
3.2.1. Un préjudice ne peut être qualifié d'irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF que s'il cause un inconvénient de nature juridique; tel est le cas lorsqu'une décision finale, même favorable à la partie recourante, ne le ferait pas disparaître entièrement (ATF 142 III 798 consid. 2.2). En revanche, un dommage économique ou de pur fait, tel que l'accroissement des frais de la procédure ou la prolongation de celle-ci, n'est pas considéré comme un préjudice irréparable de ce point de vue (ATF 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2; 133 III 629 consid. 2.3.1 et les références citées). Cette réglementation est fondée sur des motifs d'économie de la procédure, le Tribunal fédéral ne devant en principe s'occuper d'une affaire qu'une seule fois (ATF 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2). Il incombe à la partie recourante d'indiquer de manière détaillée en quoi elle se trouve menacée d'un préjudice juridique irréparable par la décision qu'elle conteste; à ce défaut, le recours est irrecevable (ATF 142 III 798 consid. 2.2; 141 III 80 consid. 1.2; 137 III 324 consid. 1.1).  
 
3.2.2. Selon les recourantes, l'arrêt attaqué est susceptible de leur causer un préjudice irréparable. A cet égard, elles font valoir que la cour cantonale a renvoyé l'affaire à l'autorité de première instance pour complément d'instruction, non sans trancher au passage divers points litigieux n'ayant pourtant fait l'objet d'aucune instruction, alors même que la procédure avait été circonscrite à la seule question afférente à la conclusion tacite d'un contrat de courtage. En statuant de manière définitive sur ces autres questions litigieuses dans le cadre de son arrêt de renvoi, la juridiction cantonale les aurait ainsi exclues de l'instruction de la cause. Il existerait, partant, un risque important que les témoins ne soient entendus ni au sujet de la conclusion du contrat de courtage et son objet ni sur les activités à déployer pour bénéficier d'une rémunération, dans la mesure où la décision attaquée tient pour acquis qu'un contrat de courtage a bel et bien été conclu et que l'intimée était uniquement tenue d'indiquer une occasion d'acquérir l'immeuble litigieux. Selon les recourantes, il ne serait plus concevable d'auditionner une nouvelle fois les témoins à propos des questions litigieuses tranchées dans l'arrêt attaqué, même dans l'hypothèse où elles recourraient avec succès au Tribunal fédéral contre la décision finale. Il en résulterait l'impossibilité pour les intéressées de prouver leurs allégations au moyen de preuves pourtant régulièrement offertes.  
 
3.2.3. Semblable argumentation ne résiste pas à l'examen. Les éléments avancés par les intéressées ne suffisent pas à retenir que l'arrêt querellé serait susceptible de leur causer un préjudice irréparable au sens décrit plus haut. On ne discerne en effet pas en quoi la décision finale rendue dans la présente cause, dans l'hypothèse où celle-ci leur serait favorable, ne permettrait pas de faire disparaître entièrement un éventuel préjudice. En tout état de cause, il sied de rappeler que les intéressées pourront, conformément à l'art. 93 al. 3 LTF, attaquer l'arrêt de renvoi incident lors d'un éventuel recours dirigé contre la décision finale. A cette occasion, il leur sera loisible de soutenir que la cour cantonale a erré en retenant les conclusions auxquelles elle a abouti dans son arrêt de renvoi. Quant à l'affirmation péremptoire des recourantes selon laquelle il ne serait plus concevable d'auditionner une nouvelle fois des témoins ayant déjà été entendus, celle-ci relève de la pure conjecture. La condition du préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF n'est ainsi pas réalisée.  
 
3.3.  
 
3.3.1. Les recourantes soutiennent également que l'admission du présent recours peut conduire immédiatement à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).  
 
3.3.2. La première des deux conditions cumulatives requises par l'art. 93 al. 1 let. b LTF est réalisée si le Tribunal fédéral peut mettre fin à la procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision incidente.  
Quant à la seconde condition, la jurisprudence exige que la partie recourante établisse qu'une décision finale immédiate permettrait d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse; cette partie doit indiquer de manière détaillée, en particulier, quelles questions de fait sont encore litigieuses et quelles preuves, déjà offertes ou requises, doivent encore être administrées, et en quoi celles-ci entraîneraient une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 133 III 629 consid. 2.4.2; arrêts 4A_603/2020, précité, consid. 1.1; 4A_441/2020 du 1er octobre 2020 consid. 2 et les références citées). Tout complément d'instruction entraîne nécessairement des frais et un prolongement de la procédure; cela ne suffit pas pour ouvrir le recours immédiat. Pour que la condition légale soit remplie, il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s'écarte notablement des procès habituels. Un tel cas de figure ne doit être retenu qu'avec réserve (ATF 133 III 629 consid. 2.4.2; 144 III 253 consid. 1.3; arrêt 4A_603/2020, précité, consid. 1.1 et les références citées). Si l'administration des preuves doit se limiter à entendre les parties, à leur permettre de produire des pièces et à procéder à l'interrogatoire de quelques témoins, un recours immédiat n'est pas justifié. Il en va différemment s'il faut envisager une expertise complexe, plusieurs expertises, l'audition de très nombreux témoins ou l'envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (arrêts 4A_441/2020, précité, consid. 2; 4A_480/2019 du 30 octobre 2019 consid. 5.1 et les références citées). L'art. 93 al. 1 let. b LTF doit être appliqué de façon stricte, dès lors que le recours immédiat se conçoit comme une exception et que l'irrecevabilité d'un tel recours ne porte pas préjudice aux parties, qui peuvent contester la décision incidente en même temps que la décision finale (ATF 133 IV 288 consid. 3.2; arrêts 4A_212/2022 du 14 juin 2022 consid. 4.3; 4D_41/2021 du 14 juillet 2021 consid. 5.3;). 
 
3.3.3. En l'espèce, les recourantes font valoir que l'instruction de l'affaire nécessitera d'entendre quinze témoins au sujet de près de 200 allégués. L'audition de plusieurs personnes ne saurait toutefois justifier à elle seule un recours immédiat au Tribunal fédéral, étant précisé que celui-ci a déjà considéré que l'audition de treize témoins et des parties au procès ainsi que l'administration de nombreuses pièces ne remplissaient pas les réquisits de l'art. 93 al. 1 let. b LTF (arrêt 4A_518/2022 du 15 décembre 2022 consid. 6.3.2). Pour le reste, les autres éléments avancés par les recourantes ne permettent pas de retenir l'existence d'une procédure probatoire qui, par sa durée et son coût, s'écarterait notablement des procès habituels. Force est ainsi de constater que la seconde condition posée par l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'est pas réalisée. Il suit de là que le présent recours est manifestement irrecevable, ce qu'il y a lieu de constater selon la procédure simplifiée, conformément à l'art. 108 al. 1 let. a LTF.  
 
4.  
Les frais judiciaires seront mis solidairement à la charge des recourantes qui succombent (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'y a en revanche pas lieu à l'allocation de dépens. 
 
 
Par ces motifs, la Présidente de la Ire Cour de droit civil prononce:  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourantes. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 20 juin 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : O. Carruzzo