6B_814/2022 11.10.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_814/2022  
 
 
Arrêt du 11 octobre 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Muschietti et Hofmann, Juge suppléant. 
Greffière : Mme Klinke. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Guy Zwahlen, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 16 mai 2022 
(AARP/144/2022 P/16924/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 8 octobre 2021, le Tribunal de police genevois a reconnu A.________ coupable de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière (art. 90 al. 3 et 4 let. a LCR) et l'a condamné à une peine privative de liberté d'un an, avec sursis durant deux ans. 
 
B.  
Statuant le 16 mai 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté l'appel formé par A.________ et confirmé le jugement du 8 octobre 2021. 
La cour cantonale a retenu en substance les faits suivants. 
 
B.a. Le 10 juillet 2020, à 09h09, A.________ a, au guidon de son motocycle, circulé à la hauteur du numéro xxx de la route de U.________, en direction de la route de V.________, à une vitesse de 70 km/h (marge de sécurité déduite), alors que la vitesse à cet endroit était limitée à 30 km/h.  
 
B.a.a. Au lieu du contrôle radar ayant constaté l'excès de vitesse précité, la route a un tracé rectiligne, peut être empruntée dans les deux sens et est située dans un vaste périmètre où la vitesse prescrite est limitée à 30 km/h. Dans le sens de circulation adopté par A.________, elle comporte, sur la droite, un trottoir bordant un champ et, sur la gauche, des habitations, comprenant des sorties sur la route, ainsi que des places de parking restreignant le passage. Une chapelle se trouve peu après. Sur les photographies radar prises de face, des habitations et des véhicules stationnés apparaissent en arrière-plan du conducteur.  
Lors du contrôle - effectué par un opérateur certifié et un radar disposant d'un certificat de vérification valable -, il faisait beau temps, la visibilité était bonne, la route sèche et les conditions du trafic étaient fluides. 
 
B.a.b. Une reconstitution du trajet effectué par A.________ le jour des faits a permis d'établir que celui-ci avait circulé sur la route de W.________ puis, sur un chemin non carrossable, se trouvant en bordure de champ agricole et ne pouvant être emprunté par une voiture, selon les photographies, pour rejoindre la route de X.________, la route de Y.________, la route de Z.________ et la route de U.________.  
En empruntant le chemin agricole non carrossable, interdit à la circulation, A.________ avait quitté la route à quelque 120 mètres de la matérialisation de la zone 30 de la commune de U.________, créée par arrêté du 10 mars 2015. A la sortie du chemin, il était entré dans la zone 30. Toutes les routes ouvertes à la circulation convergeant sur cette zone étaient équipées de portes "zone 30", les signaux étant placés sur le bord droit de la route. Huit marquages au sol "30 km/h" figuraient sur le parcours emprunté par A.________ jusqu'à l'emplacement du radar. 
 
B.b. A.________ n'a pas d'antécédents judiciaires.  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 16 mai 2022. Il demande au Tribunal fédéral, principalement, de le reconnaître coupable de violation simple des règles de la circulation routière au sens de l'art. 90 al. 1 LCR et de le condamner à une peine d'amende de 500 fr. et, subsidiairement, de renvoyer la cause à la cour cantonale afin qu'elle rende un nouvel arrêt dans le sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant, qui ne conteste pas avoir circulé au guidon de son motocycle à 70 km/h sur un tronçon limité à 30 km/h, conteste toutefois avoir agi intentionnellement au sens de l'art. 90 al. 3 et 4 LCR. Il se prévaut en outre d'une erreur sur les faits (art. 13 CP). 
 
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s.; 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503; sur la notion d'arbitraire v. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 145 IV 154 consid. 1.1 p. 156).  
Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir de faits "internes ", qui, en tant que tels, lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils aient été retenus de manière arbitraire (ATF 147 IV 439 consid. 7.3.1 p. 448; 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375). 
 
1.2. Aux termes de l'art. 90 al. 3 LCR, celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles est puni d'une peine privative de liberté d'un à quatre ans. L'al. 3 est toujours applicable lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée d'au moins 40 km/h, là où la limite était fixée à 30 km/h (cf. al. 4).  
Il découle de l'art. 90 al. 4 LCR que lorsque l'excès de vitesse atteint l'un des seuils fixés, la première condition objective de l'art. 90 al. 3 LCR, à savoir la violation d'une règle fondamentale de la circulation routière, est toujours remplie. Selon la jurisprudence, l'excès de vitesse qualifié au sens de l'art. 90 al. 4 LCR suffit déjà en principe à réaliser la seconde condition objective de l'art. 90 al. 3 LCR, à savoir la création d'un danger abstrait qualifié, dès lors que l'atteinte de l'un des seuils visés à l'art. 90 al. 4 LCR implique généralement l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident en cas d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule. Cependant, dans des circonstances exceptionnelles, en particulier lorsque la limitation de vitesse dépassée n'avait pas pour objet la sécurité routière, l'excès de vitesse au sens de l'art. 90 al. 4 LCR peut ne pas avoir entraîné un grand risque d'accident susceptible d'entraîner des blessures graves ou la mort. Ainsi, l'art. 90 al. 4 LCR crée une présomption réfragable de la réalisation de la condition objective du danger qualifié au sens de l'art. 90 al. 3 LCR (ATF 143 IV 508 consid. 1.6 p. 514). 
Par ailleurs, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion d'indiquer que celui qui commettait un excès de vitesse appréhendé par l'art. 90 al. 4 LCR réalisait en principe les conditions subjectives de l'infraction. En effet, il faut considérer que l'atteinte d'un des seuils visés à l'art. 90 al. 4 LCR implique généralement l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident en cas d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule. Cependant, le juge doit conserver une marge de manoeuvre, certes restreinte, afin d'exclure, dans des constellations particulières, la réalisation des conditions subjectives lors d'un dépassement de vitesse particulièrement important au sens de l'art. 90 al. 4 LCR. L'art. 90 al. 4 LCR crée une présomption réfragable de la réalisation de l'élément subjectif de l'infraction réprimée par l'art. 90 al. 3 LCR (ATF 142 IV 137 consid. 11.2 p. 151). A ce titre, les hypothèses d'une défaillance technique du véhicule (dysfonctionnement des freins ou du régulateur de vitesse), d'une pression extérieure (menaces, prise d'otage) ou de problèmes médicaux soudains (une crise d'épilepsie, par exemple) peuvent entrer en considération (arrêt 6B_1084/2018 du 21 novembre 2018 consid. 2.3.1; cf. aussi les cas de figure envisagés par la doctrine dans l'arrêt publié aux ATF 142 IV 137 consid. 10.1 p. 149 s.) 
 
1.3. Selon l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait.  
En vertu de l'art. 13 al. 1 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable. Agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale. L'intention de réaliser la disposition pénale en question fait alors défaut. Dans une telle configuration, l'auteur doit être jugé selon son appréciation erronée, si celle-ci lui est favorable. Par opposition, l'erreur sur l'illicéité (art. 21 CP) vise le cas où l'auteur agit en ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l'infraction, et donc avec intention, mais en croyant par erreur agir de façon licite (arrêt 6B_943/2019 du 7 février 2020 consid. 4.1 non publié in ATF 146 IV 126; cf. ATF 129 IV 238 consid. 3.1). La délimitation entre erreur sur les faits et erreur de droit ne dépend pas du fait que l'appréciation erronée porte sur une question de droit ou des faits. Il s'agit au contraire de qualifier d'erreur sur les faits, et non d'erreur de droit, non seulement l'erreur sur les éléments descriptifs, mais également l'appréciation erronée des éléments de nature juridique constitutifs de l'infraction (arrêts 6B_943/2019 précité consid. 4.1; 6B_220/2015 du 10 février 2016 consid. 3.4.1). 
L'auteur ne se trouve pas dans une erreur sur les faits lorsqu'il est conscient, au moment d'agir, d'ignorer des éléments factuels ou juridiques qui lui seraient importants pour apprécier la portée de son propre comportement (ATF 135 IV 12 consid. 2.3.1 p. 16; arrêt 6B_63/2017 du 17 novembre 2017 consid. 3.3). 
 
1.4. Dans le jugement entrepris, la cour cantonale a estimé que la zone 30 de la commune de U.________ avait été créée, par l'arrêté du 10 mars 2015, dans le respect des prescriptions légales édictées en la matière. En particulier, toutes les routes ouvertes à la circulation convergeant sur cette zone étaient équipées de portes "zone 30", placées sur le bord droit de la route et plusieurs marquages au sol rappellent la limitation de la vitesse maximale de 30 km/h qui y est applicable. Le recourant n'était pas passé par une route ouverte à la circulation convergeant sur la zone 30 pour y entrer, mais avait emprunté un chemin agricole débouchant sur celle-ci. Au vu de sa situation, ce chemin était non carrossable et interdit à la circulation. Une porte zone 30 ne pouvait donc pas s'y trouver. De son propre aveu, le recourant avait vu un des marquages au sol "30 km/h" en reprenant la route au niveau de l'école de U.________. Au lieu du contrôle radar, il y avait en particulier des habitations, comportant des sorties sur la route, des places de parking et des véhicules stationnés non loin, de sorte qu'il était possible qu'une personne ou un véhicule survienne, étant précisé que la route comportait par ailleurs des rétrécissements pouvant rendre le passage plus difficile. Aussi, le recourant avait-il violé une règle fondamentale de la circulation routière et engendré un danger abstrait qualifié. La condition objective de la création d'un grand risque d'accident était donc réalisée.  
Le recourant n'avait pas contesté avoir vu à tout le moins un marquage au sol "30 km/h". Il n'apparaissait par ailleurs guère plausible qu'il n'en ait vu qu'un seul sur les huit qui jalonnaient son parcours. En commettant un excès de vitesse de 40 km/h, le recourant devait tenir pour possible le risque d'accident et s'en était à tout le moins accommodé. L'infraction étant réalisée de manière intentionnelle, une erreur sur les faits n'était pas envisageable. 
 
1.5. Le recourant relève n'avoir franchi aucune porte "zone 30" en raison de son parcours et prétend ainsi ne pas avoir pris conscience qu'il circulait dans une telle zone. La question de savoir si le recourant avait conscience de circuler dans une zone limitée à 30 km/h est une question de fait, que le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle de l'arbitraire (cf. supra consid. 1.1).  
Or, le recourant ne conteste en rien l'état de fait retenu et l'appréciation effectuée par la cour cantonale. En particulier, il ne conteste pas avoir vu à tout le moins un marquage au sol "30 km/h" et l'avoir explicitement admis en cours de procédure; il ne nie pas non plus que le tracé qu'il a emprunté ce jour-là était jalonné en tout de huit marquages de ce type. Il se borne ainsi, dans une démarche purement appellatoire, à opposer sa propre appréciation des faits à celle opérée par les juges cantonaux, sans démontrer ni même alléguer le caractère arbitraire de cette dernière. 
Il sied donc de retenir que le recourant a agi consciemment, ce qui exclut la reconnaissance d'une erreur sur les faits au sens de l'art. 13 CP
Par ailleurs, le recourant ne fait valoir aucune circonstance exceptionnelle, qui serait susceptible de renverser les présomptions de la réalisation des éléments objectif du danger qualifié et subjectif de l'intention de l'infraction réprimée par l'art. 90 al. 3 LCR (cf. supra consid. 1.2).  
Au surplus, le recourant mentionne en fin de mémoire qu'une révision de l'art. 90 LCR est en cours au Parlement. A défaut d'être en vigueur, elle ne saurait avoir quelque influence sur le sort de la présente cause (cf. art. 2 et 333 al. 1 CP; ATF 135 IV 113 consid. 2.1). 
En définitive, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en jugeant le recourant coupable de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière (art. 93 al. 3 et 4 LCR). 
 
2.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 11 octobre 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Klinke