4A_395/2022 11.10.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_395/2022  
 
 
Arrêt du 11 octobre 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, Présidente, Rüedi et May Canellas. 
Greffier : M. Douzals. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Claudio Fedele, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP), 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 26 juillet 2022 par la Chambre civile de la 
Cour de justice du canton de Genève 
(C/13153/2018; ACJC/1004/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________et B.________ sont chauffeurs de taxi.  
Le 10 février 2000, ils ont conclu un " contrat de travail " à teneur duquel A.________ mettait à la disposition de B.________ un véhicule de taxi contre paiement de 100 fr. par jour de sortie. Les frais de carburant étaient à la charge de B.________, tandis que les charges patronales légales et les congés payés étaient à la charge de A.________. 
Des décomptes de salaire et des relevés des jours de travail de B.________ ont été établis mensuellement pour la période de mars 2000 à juin 2002 et signés par les deux parties. 
 
A.b. Conformément à un contrat de prêt conclu le 14 février 2000, B.________ a remis 60'000 fr. à A.________. Le taux d'intérêt convenu s'élevait à 15 % l'an et le remboursement du prêt devait intervenir " dans l'année ".  
B.________ n'a pas remboursé le prêt et ne s'est pas acquitté des intérêts. 
 
A.c. À la fin du mois de mars 2002, le véhicule de taxi a été accidenté et déclaré irréparable par la compagnie d'assurance.  
À la suite dudit accident, A.________et B.________ ont mis fin à leur collaboration avec effet au 30 juin 2002. 
 
A.d. Le 22 décembre 2006, B.________ a mis en demeure A.________ de lui rembourser le prêt pour un montant total de 122'250 fr., à savoir le capital en 60'000 fr. et les intérêts en 62'250 fr.  
Par jugement du 11 mai 2007, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A.________ au commandement de payer que B.________ lui avait fait notifier. 
Le 19 octobre 2007, un procès-verbal de saisie, valant acte de défaut de biens à l'encontre de A.________ pour un montant de 130'024 fr. 85, a été délivré à B.________. 
Par jugement du 4 mai 2018, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A.________ à l'encontre d'un nouveau commandement de payer portant sur un montant de 130'024 fr. 85 que B.________ lui avait fait notifier. 
 
B.  
Le 7 juin 2018, A.________ (ci-après: le demandeur ou le recourant) a déposé une action en libération de dette auprès du Tribunal de première instance du canton de Genève. Il a conclu à ce qu'il fût constaté qu'il ne devait pas la somme de 130'024 fr. 85 ni toute autre somme à B.________ (ci-après: le défendeur ou l'intimé) et à ce que la poursuite fût annulée. 
Par jugement du 9 décembre 2021, le tribunal a débouté le demandeur et prononcé la mainlevée définitive de l'opposition litigieuse. En substance, il a considéré que les différentes créances invoquées en compensation par le demandeur pour s'opposer au remboursement du prêt litigieux étaient prescrites avant l'établissement de l'acte de défaut de biens du 19 octobre 2017, de sorte qu'elles ne pouvaient donner lieu à compensation. 
Par arrêt du 26 juillet 2022, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a, en substance, rejeté l'appel formé par le demandeur. Procédant par substitution de motifs, elle a retenu que celui-ci n'avait démontré ni l'existence ni le bien-fondé des créances qu'il invoquait en compensation. 
 
C.  
Contre cet arrêt, qui lui avait été notifié le 4 août 2022, le demandeur a formé un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral le 14 septembre 2022. En substance, il conclut à l'admission de sa demande et, subsidiairement, au renvoi de la cause pour nouvelle décision dans le sens des considérants à la cour cantonale, plus subsidiairement au tribunal. Il sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire. 
L'intimé et la cour cantonale n'ont pas été invités à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté dans le délai fixé par la loi (art. 100 al. 1 et art. 46 al. 1 let. b LTF) par le demandeur, qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF) dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2, 86 consid. 2). Il n'est en revanche pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4).  
 
3.  
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir commis l'arbitraire dans son appréciation des preuves (art. 9 Cst.) et d'avoir violé son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.). 
 
3.1.  
 
3.1.1. L'action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP) est une action de droit matériel tendant à faire constater que la créance déduite en poursuite était inexistante ou inexigible au moment de l'introduction de la poursuite. Quand bien même le créancier poursuivant a le rôle de défendeur dans cette action, la répartition du fardeau de la preuve demeure inchangée. Il échoit ainsi au créancier/défendeur de prouver les faits dont il déduit l'existence et l'exigibilité de la créance, tandis que le débiteur/demandeur peut se défendre en démontrant qu'il ne doit pas les sommes réclamées (ATF 131 III 268 consid. 3.1; 130 III 285 consid. 5.3.1; arrêt 4A_482/2019 du 10 novembre 2020 consid. 3). Les créances invoquées en compensation doivent être prouvées par le débiteur compensant (cf. FABIENNE HOHL, Procédure civile, t. I, 2e éd. 2016, p. 351 s. n. 2112).  
 
3.1.2. Le droit d'être entendu garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 53 CPC, qui ont à cet égard la même portée, comprend notamment l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse apprécier la portée de celle-ci et exercer son droit de recours à bon escient. Pour satisfaire à cette exigence, il lui suffit d'exposer, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé son raisonnement (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 138 I 232 consid. 5.1 et les arrêts cités; 133 III 439 consid. 3.3 et les arrêts cités).  
 
3.2. La cour cantonale a, en substance, retenu que les allégations du demandeur, selon lesquelles il aurait été convenu que le défendeur lui versât un montant mensuel de 4'300 fr. pour la mise à disposition d'un véhicule de taxi, en sus d'une indemnité kilométrique, n'étaient nullement vérifiées et étaient notamment contredites par les termes du " contrat de travail " du 10 février 2000. Elle a relevé, d'une part, que le seul témoin entendu par le tribunal n'avait pas confirmé les chiffres avancés par le demandeur et ses allégations selon lesquelles personne n'aurait accepté un forfait de 100 fr. par jour de sortie et, d'autre part, que la signature du demandeur au bas des décomptes de salaire et des relevés horaires établis mensuellement indiquait que les sommes lui revenant lui avaient effectivement été versées et/ou avaient été compensées avec certaines charges assumées par le défendeur.  
 
3.3. Selon le recourant, le témoin aurait indiqué qu'il appliquait lui-même à l'époque des faits des " forfaits par kilomètre qui allaient de CHF 2.- à CHF 3.- ", qu'il estimait les distances parcourues par les chauffeurs de taxi travaillant à 100 % à 3'500 km par mois, qu'il pouvait obtenir un revenu substantiellement supérieur à celui du demandeur contre la mise à disposition de son véhicule - soit un montant journalier compris entre 225 fr. et 338 fr. -, et qu'il n'avait jamais vu un contrat similaire à celui ici litigieux.  
Le recourant invoque qu'aucune raison n'aurait justifié qu'il appliquât dans sa relation avec l'intimé un tarif jusqu'à trois fois inférieur à celui pratiqué par les autres chauffeurs de taxi de la place et que le montant de 100 fr. par jour, tel qu'il est mentionné dans le " contrat de travail " simulé, ne pouvait en aucun cas refléter la réalité. 
En outre, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir omis d'intégrer dans son raisonnement le forfait kilométrique compris entre 2 fr. et 3 fr. qu'aurait pratiqué le témoin et d'avoir ainsi violé son droit d'être entendu. 
 
3.4. Le recourant se fonde sur des faits qui n'ont pas été constatés par la cour cantonale. Dans la mesure où il n'invoque ni n'établit avoir allégué les faits litigieux, il ne requiert pas valablement le complètement de l'état de fait (cf. supra consid. 2.1). La Cour de céans ne peut dès lors pas tenir compte de ces faits, dont fait partie le forfait par kilomètre compris entre 2 fr. et 3 fr. qu'aurait pratiqué le témoin.  
En tout état de cause, le recourant ne saurait déduire d'une éventuelle pratique du témoin une convention avec l'intimé différente de celle attestée tant par le " contrat de travail " que par les décomptes de salaire et les relevés horaires. Partant, c'est sans arbitraire que la cour cantonale a apprécié les déclarations du témoin et constaté que le demandeur n'avait démontré ni l'existence ni le bien-fondé des créances qu'il invoquait en compensation, de sorte que le grief doit être rejeté. En tant qu'il soutient par ailleurs que le contrat de travail a été simulé, son affirmation ne repose sur aucun fait constaté. 
La cour cantonale n'a pas non plus violé le droit d'être entendu du demandeur recourant, dès lors que le tarif kilométrique litigieux n'est pas déterminant pour l'issue du litige. 
 
4.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. 
Le recours étant manifestement dépourvu de chances de succès, l'une des conditions pour l'octroi de l'assistance judiciaire n'est pas remplie (art. 64 al. 1 LTF). Il convient dès lors de rejeter la demande d'assistance judiciaire du recourant, sur laquelle il n'était par ailleurs pas nécessaire de se prononcer préalablement au vu des circonstances du cas d'espèce (cf. arrêt 4A_20/2011 du 11 avril 2011 consid. 7.2.2). 
Les frais judiciaires seront mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF). Dans la mesure où l'intimé n'a pas été invité à se déterminer sur le recours, il ne lui sera pas alloué de dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire du recourant est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 11 octobre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
Le Greffier : Douzals