4A_173/2023 07.07.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_173/2023  
 
 
Arrêt du 7 juillet 2023  
I  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas, 
greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
recourante, 
 
contre  
 
Vice-présidente de la Cour de justice du canton de Genève, 
Assistance judiciaire, place du Bourg-de-Four 1, 1204 Genève, 
intimée 
 
dans la cause opposant la recourante à 
Z.________ SA, 
représentée par Me Gregory Strohmeier, avocat, 
 
Objet 
assistance judiciaire, 
 
recours en matière civile contre la décision du 2 mars 2023 rendue par la Vice-présidente de la Cour de justice du canton de Genève (AC/3456/2022; DAAJ/22/2023). 
 
 
Vu :  
l'action en responsabilité intentée le 14 novembre 2022 par A.________ SA à l'encontre de Z.________ SA Pour un montant de 9'948'195 fr. 15 devant le Tribunal de première instance du canton de Genève; 
l'avance de frais requise, ascendant à 100'000 fr.; 
la décision du 19 décembre 2022, par laquelle la Vice-présidente du Tribunal de première instance a refusé l'assistance judiciaire à A.________ SA; 
le rejet, par la Vice-présidente de la Cour de justice, du recours cantonal formé par A.________ SA à l'encontre de cette décision; 
le recours en matière civile déposé par A.________ SA (ci-après: la recourante) - agissant par son administrateur-avocat -, en vue d'obtenir l'assistance judiciaire au niveau cantonal; 
 
Considérant que :  
les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe; 
selon l'art. 117 CPC, une personne a droit à l'assistance judiciaire lorsqu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes (a) et lorsque sa cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès (b); 
en principe, une personne morale ne peut pas prétendre à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 328 consid. 3.1; 131 II 306 consid. 5.2.1; 126 V 42 consid. 4; 116 II 651 consid. 2a; 88 II 386 consid. 3; INGRID JENT-SØRENSEN, in Kurzkommentar Schweizerische Zivilprozessordnung, 3 e éd. 2021, n os 6 ss ad art. 117 CPC; RÜEGG/RÜEGG, in Basler Kommentar [ZPO], 3 e éd. 2017, n° 3 ad art. 117 CPC);  
l'assistance judiciaire n'est certes pas totalement exclue pour les personnes morales - le législateur a finalement renoncé à cette solution radicale dans sa dernière mouture du CPC -, mais cette institution demeure avant tout taillée pour les personnes physiques (RÜEGG/RÜEGG, op. cit., n° 3 ad art. 117 CPC; THOMAS GEISER, in Basler Kommentar [BGG], 3 e éd. 2018, n° 9 ad art. 117 CPC);  
s'inspirant du droit allemand (§ 116 al. 1 ch. 2 dZPO), la jurisprudence conçoit d'accorder une telle assistance à titre exceptionnel, soit lorsque l'unique actif de la personne morale est en litige et que les « personnes intéressées économiquement à la société » (« die wirtschaftlich Beteiligten » /« le persone interessate economicamente alla società ») sont, comme elle, sans ressources financières (ATF 119 Ia 337 consid. 4e; 131 II 306 consid. 5.2; 143 I 328 consid. 3.1; arrêts 5A_446/2009 du 19 avril 2013 consid. 4.2.1 et 5.1; ordonnance 4A_322/2020 du 7 juillet 2020);  
l'exigence de l'indigence des « personnes intéressées économiquement » n'est pas sans attirer quelques critiques doctrinales (DENIS TAPPY, in Commentaire romand [CPC], 2e éd. 2019, n° 17 ad art. 117 CPC; WUFFLI/FUHRER, Handbuch unentgeltliche Rechtspflege im Zivilprozess, Zurich/St Gall 2019, n. 84); 
néanmoins, la jurisprudence prescrit de ne pas distinguer entre les différents types de personnes morales, soit de ne pas différencier celles qui ont un but commercial de celles qui n'en n'ont pas (arrêt 2D_41/2018 du 8 janvier 2019 consid. 3.5, cité par GRÉGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3 e éd. 2022, n° 9 i.f. ad art. 64 LTF);  
il incombe ainsi à la personne morale de définir quelles sont les « personnes intéressées économiquement » et d'établir leur indigence (JEAN-LUC COLOMBINI, in Code de procédure civile, Petit commentaire, 2020, n° 7 i.f. ad art. 117 CPC en référence à l'arrêt 4A_665/2014 du 2 avril 2015 consid. 3);  
en l'occurrence, l'on apprend tout au plus que l'administrateur-avocat est aussi l'actionnaire unique de la société anonyme recourante, à la faveur du procès-verbal de l'assemblée générale qui s'est tenue le 20 mars 2023; 
rien n'indique que cette personne serait indigente; 
au contraire, dans le recours, l'administrateur-actionnaire unique s'abrite derrière des considérations d'anonymité pour ne pas en dire plus; 
de semblables réflexions se heurtent à la jurisprudence qui n'a pas été développée contra legem, n'en déplaise à la recourante, qui oublie qu'elle réclame l'assistance financière de l'Etat;  
l'importance de l'avance de frais requise (100'000 fr.) ne saurait non plus la dispenser de prouver l'indigence des personnes économiquement intéressées, sous prétexte qu'un tel montant ne pourrait forcément pas être payé par un particulier; 
ce, d'autant moins que l'administrateur soutient dans le recours que c'est en fait l'actionnaire - c'est-à-dire lui-même - qui aurait versé la somme de 904'188 fr. à la recourante en 2020, et non l'inverse; 
au surplus, la recourante méconnaît les exigences strictes requises pour espérer faire rectifier les constatations d'un arrêt cantonal (voir par ex. ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et, récemment, arrêt 4A_88/2023 du 29 juin 2023 consid. 2.1); 
par ses simples critiques appellatoires, elle ne contrecarre pas valablement l'argument central constatant l'absence de preuve censée établir que les actifs de la société seraient bloqués par la banque, ce qui suffit déjà à priver le recours de tout fondement; 
dans ce contexte, la cour cantonale a dressé un exposé exact de la jurisprudence, qu'elle a appliquée à bon escient au cas concret; 
la recourante revendique vainement le droit d'accéder à la justice; 
la pratique a déjà souligné que cette garantie n'empêchait nullement de limiter l'octroi de l'assistance judiciaire (arrêt précité 5A_446/2009 consid. 3.3); 
en définitive, le recours se révèle manifestement mal fondé et peut être rejeté selon la procédure simplifiée de l'art. 109 al. 2 let. a LTF
la recourante, qui n'a pas demandé l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale, supportera les frais judiciaires, fixés à 2'000 fr. (art. 66 al. 1 LTF); 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, fixés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à la Vice-présidente de la Cour de justice du canton de Genève et, pour information, à la partie défenderesse Z.________ SA. 
 
 
Lausanne, le 7 juillet 2023 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil  
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Monti