6B_1194/2022 23.08.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1194/2022  
 
 
Arrêt du 23 août 2023  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, Muschietti et van de Graaf. 
Greffier : M. Dyens. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public central du canton de Vaud, 
avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Sébastien Pedroli, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Nullité d'une ordonnance pénale 
(violation de domicile, etc.), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal 
du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, 
du 23 septembre 2022 (n° 534 PE21.006006-DSO). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par ordonnance pénale du 31 mars 2021, remise au prévenu en mains propres le même jour, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a déclaré "B.________", coupable de violation de domicile, d'empêchement d'accomplir un acte officiel et d'insoumission à une décision de l'autorité, l'a condamné à une peine privative de liberté de 60 jours, sous déduction d'un jour d'arrestation provisoire, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. le jour et à une amende de 300 fr., convertible en trois jours de peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement dans le délai imparti, et a mis les frais de procédure, par 400 fr., à sa charge.  
Il était reproché au prévenu d'avoir, à U.________/V.________, sur W.________, à tout le moins le 30 mars 2021, refusé de donner suite, dans le délai imparti, à l'injonction de la police de quitter les bâtiments et les parcelles attenantes, propriété de la société C.________ SA, malgré l'ordre d'évacuation de la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte du 24 février 2021, décision exécutoire et assortie de la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP. Il lui était également reproché d'avoir résisté à son évacuation et d'avoir fortement gêné l'intervention de la police chargée de procéder à celle-ci. 
 
A.b. Par acte du 12 avril 2021, Me Sébastien Pedroli, déclarant agir pour "B.________", a formé opposition à cette ordonnance. Il a joint à cet acte une procuration contenant les annotations manuscrites "X.________, [le] x.x. 2021" sous la rubrique du lieu et de la date de la procuration, ainsi que l'annotation manuscrite "B.________" sous la rubrique de la signature du client.  
 
A.c. Après avoir indiqué à Me Sébastien Pedroli qu'il considérait l'opposition et la procuration comme viciée et l'avoir invité à se déterminer, respectivement à réparer le vice, le ministère public a, par avis du 1 er juin 2021, déclaré maintenir son ordonnance pénale et a transmis le dossier au Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte.  
 
A.d. Par prononcé du 20 août 2021, confirmé par arrêt du 27 septembre 2021 (n° 905) de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois, le tribunal de police a déclaré irrecevable l'opposition à l'ordonnance pénale du 31 mars 2021 formée le 12 avril 2021 par Me Sébastien Pedroli, déclarant agir pour "B.________", a dit que l'ordonnance pénale rendue le 31 mars 2021 était exécutoire, a ordonné le retour du dossier au ministère public et a dit que la décision était rendue sans frais.  
Le tribunal de police a retenu que Me Sébastien Pedroli avait agi sans procuration valable, dès lors que l'identité de son client n'était pas dévoilée. 
 
A.e. Le 12 novembre 2021, le ministère public a informé le tribunal de police que le prévenu avait été identifié en la personne de A.________, né en 1995, en précisant qu'il estimait que cela ne changeait rien au fait que l'ordonnance pénale du 31 mars 2021 demeurait exécutoire.  
Le 15 novembre 2021, A.________ s'est opposé à l'ordonnance pénale du 31 mars 2021. 
Par prononcé du 16 décembre 2021, le tribunal de police a déclaré irrecevable l'opposition à l'ordonnance pénale du 31 mars 2021 formée le 15 novembre 2021 par Me Sébastien Pedroli, déclarant agir pour A.________, alias "B.________", a constaté que l'ordonnance pénale rendue le 31 mars 2021 était exécutoire depuis le 20 août 2021, a ordonné le retour du dossier au ministère public et a dit que les frais, par 200 fr., étaient mis à la charge de A.________, alias "B.________". 
Le tribunal de police a en l'espèce retenu que le délai d'opposition à l'ordonnance pénale du 31 mars 2021 était arrivé à échéance le 12 avril 2021, que l'identification ultérieure du prévenu n'avait pas fait partir un nouveau délai d'opposition et que la nouvelle opposition du 15 novembre 2021 était irrecevable, car déposée tardivement. 
 
A.f. Par acte du 27 décembre 2021, A.________, alias "B.________", par son avocat Sébastien Pedroli, a recouru contre le prononcé du 16 décembre 2021, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à son annulation et au constat de la nullité de l'ordonnance pénale du 31 mars 2021, subsidiairement à son annulation et au constat de la recevabilité de son opposition à l'ordonnance pénale du 31 mars 2021.  
 
A.g. Par arrêt du 23 septembre 2022, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a en particulier admis le recours et réformé le prononcé attaqué en ce sens qu'il a été constaté que l'ordonnance pénale rendue le 31 mars 2021 par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne à l'encontre de "B.________" était nulle, et dit que l'opposition formée le 12 avril 2021 par Me Sébastien Pedroli contre cette ordonnance pénale, au nom de cet inconnu était sans objet. La Chambre des recours pénale a en outre renvoyé le dossier de la cause au ministère public pour nouvelle instruction et nouvelle décision, tout en laissant les frais d'arrêt, par 1'540 fr., à la charge de l'État et en octroyant une indemnité de 989 fr. à A.________ pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours.  
 
B.  
Par acte daté du 4 octobre 2022, le Procureur général du canton de Vaud forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité. Il conclut, principalement, à l'admission du recours et à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que le recours est rejeté, que les frais d'arrêt, par 1'540 fr., sont mis à la charge du recourant et qu'aucune indemnité n'est accordée à A.________. Subsidiairement, il conclut à l'admission du recours, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
C.  
Invités à se déterminer, la Chambre des recours pénale y a renoncé, se référant aux considérants de son arrêt, tandis que l'intimé a conclu, avec suite de frais et dépens, au rejet pur et simple du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2; ATF 146 IV 185 consid. 2 p. 188). 
 
1.1. L'arrêt attaqué ne met pas fin à la procédure (cf. art. 90 LTF), dès lors que la cause est renvoyée au ministère public pour nouvelle instruction et nouvelle décision. Formellement, il s'agit ainsi d'une décision de renvoi, soit d'une décision incidente qui ne peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral qu'aux conditions de l'art. 93 LTF (ATF 133 V 477 consid. 4.2. et 4.3).  
Selon la jurisprudence constante, il y a matière à retenir l'existence d'un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF lorsqu'une autorité cantonale annule une décision du ministère public et lui renvoie la cause pour nouvelle décision, puisque ce dernier se voit contraint de rendre une décision qu'il considère comme contraire au droit sans pouvoir ensuite la remettre en cause devant l'autorité de recours, respectivement devant le Tribunal fédéral (ATF 144 IV 377 consid. 1; 142 V 26 consid. 1.2; arrêt 6B_1232/2022 du 20 décembre 2022 consid. 2.3 et les arrêts cités). Tel est le cas en l'espèce, dès lors que la cour cantonale a jugé nulle l'ordonnance pénale à la base de la présente procédure et a renvoyé la cause au ministère public, qui n'est cependant plus censé disposer d'aucune latitude de jugement sur cette question précise dans la suite de la procédure. 
Le recours est ainsi recevable quant à son objet (art. 78, 80 et 93 al. 1 let. a LTF) et le recourant, qui dispose d'un intérêt juridique à faire trancher la question litigieuse discutée ci-après, a qualité pour recourir (cf. art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF; cf. aussi art. 27 al. 2 de la loi vaudoise du 19 mai 2009 sur le Ministère public [LMPu/VD; RS/VD 173.21]). Il convient donc d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant conteste que l'ordonnance pénale du 31 mars 2021 rendue à l'encontre de l'intimé puisse être qualifiée de nulle. 
La problématique en question a été traitée par la cour de céans dans son arrêt du 27 septembre 2022 (6B_1325/2021 et 6B_1348/2021, publié aux ATF 149 IV 9), qui concerne le même contexte général que la présente cause. 
Dans cet arrêt, la cour de céans a eu l'occasion de rappeler les principes concernant la nullité d'une décision, en particulier en droit pénal (consid. 6.1 et 6.2), et d'apporter différentes précisions concernant les exigences relatives au contenu d'une ordonnance pénale, s'agissant de la désignation de la personne prévenue (consid. 6.3). Il a en l'occurrence été jugé que lorsque les données personnelles de cette dernière demeurent en tout ou en partie inconnues, il incombe à l'autorité de pallier ces éventuelles carences par toutes mesures utiles permettant de garantir une identification et une désignation claire de celle-ci, propre à prévenir tout risque de confusion. Il a ainsi été retenu que rien n'excluait une désignation générique accompagnée de données signalétiques, pourvu que l'on puisse être certain que la personne qui fait l'objet de la procédure est bien celle que désigne l'ordonnance pénale, à l'exclusion de toute autre. Sous ces conditions, la désignation peut être qualifiée de suffisante, malgré l'absence de données nominatives complètes ( ibid.).  
Sur la base des considérants qui précèdent, la cour de céans a retenu qu'une ordonnance pénale comportant une désignation générique analogue à celle retenue en l'espèce (cf. supra A.a) ne pouvait pas être qualifiée de nulle. Par identité de motifs, les griefs soulevés par le ministère public à l'encontre de l'arrêt attaqué, qui retient une solution opposée à celle de la cour de céans dans l'arrêt précité, s'avèrent fondés.  
 
3.  
Le recours doit en conséquence être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à l'accusateur public qui obtient gain de cause (cf. art. 68 al. 3 LTF). Il est exceptionnellement statué sans frais judiciaires (art. 66 al. 1, 2e phrase, LTF). L'intimé, qui succombe, n'a pas droit à des dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 23 août 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
Le Greffier : Dyens