7B_315/2024 10.06.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_315/2024  
 
 
Arrêt du 10 juin 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Koch et Hofmann, 
Greffière : Mme Schwab Eggs. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Johann Fumeaux, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office central du Ministère public du canton du Valais, 
case postale 2305, 1950 Sion 2, 
 
Office des sanctions et des mesures 
d'accompagnement du canton du Valais, 
case postale 478, 1951 Sion. 
 
Objet 
Exécution de la peine sous forme de travail d'intérêt général, 
 
recours contre l'arrêt du Juge unique de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais du 9 février 2024 (A1 23 200). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Par ordonnance pénale du 17 avril 2023, l'Office régional du Valais central du Ministère public (ci-après: le Ministère public) a condamné A.________, ressortissant italien, pour conduite sans autorisation (art. 95 let. b LCR) et vol d'usage (art. 94 al. 1 let. a LCR), à une peine privative de liberté de 50 jours. L'intéressé avait été appréhendé le 3 mars 2023 au volant d'un véhicule de livraison; il s'en était emparé à l'insu de son employeur et le conduisait nonobstant le retrait de son permis.  
 
A.b. Le 18 août 2023, A.________ a demandé à l'Office des sanctions et des mesures d'accompagnement du canton du Valais (ci-après: l'OSAMA) à pouvoir exécuter la peine précitée sous la forme d'un travail d'intérêt général.  
Par décision du 24 août 2023, l'OSAMA a rejeté cette requête, au motif que l'intéressé présentait un risque de récidive en raison des huit condamnations qui figuraient au casier judiciaire et se rapportaient notamment à des infractions à la LCR commises entre 2016 [recte: 2018] et 2022. En outre, il existait un risque de fuite du fait que A.________ n'avait pas donné suite à deux convocations en vue de l'exécution de deux autres peines privatives de liberté de substitution, contraignant l'OSAMA à émettre des mandats d'arrêt à son endroit. Ces risques empêchaient également l'admission d'éventuelles demandes de semi-détention ou de surveillance électronique. 
 
A.c. Le 18 octobre 2023, l'OSAMA a rejeté la réclamation de A.________ contre cette décision.  
 
B.  
Par arrêt du 9 février 2024, la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après : la Cour cantonale) a rejeté le recours formé par A.________ contre la décision sur réclamation du 18 octobre 2023. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière pénale contre l'arrêt du 9 février 2024. Il conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens qu'il soit autorisé à bénéficier d'une exécution de peine sous la forme du travail d'intérêt général. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à la Cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Invités à se déterminer, la Cour cantonale, ainsi que l'OSAMA y ont renoncé. Ces écritures ont été transmises pour information à A.________. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision sur l'exécution de peines et de mesures (art. 78 al. 2 let. b LTF) émanant d'une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF), le recours, interjeté dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF) et satisfaisant aux exigences de forme (art. 42 al. 1 et 2 LTF), est recevable. Le recourant, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, dispose d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise, partant de la qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Dans une première partie de son mémoire de recours, intitulée "Faits", le recourant présente une version personnelle des faits retenus par la Cour cantonale ou les complète, sans soutenir ni à plus forte raison démontrer que l'état de fait de l'arrêt attaqué serait manifestement inexact ou incomplet (cf. art. 97 al. 1 LTF). Son exposé est dès lors appellatoire et, partant, irrecevable (cf. art. 106 al. 2 LTF). 
 
3.  
 
3.1. Le recourant soutient que son droit d'être entendu aurait été violé. L'autorité d'exécution de peines aurait dû l'entendre personnellement, comme c'est le cas lors des débats.  
 
3.2. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. ne comprend pas nécessairement celui d'être entendu oralement (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1; 134 I 140 consid. 5.3; arrêts 7B_156/2023 du 31 juillet 2023 consid. 2.1.3; 7B_505/2023 du 9 octobre 2023 consid. 3.2). Le droit d'être entendu n'empêche en outre pas le juge de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 147 IV 534 consid. 2.5.1; 145 I 167 consid. 4.1). Le refus d'instruire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 147 IV 534 consid. 2.5.1; 144 II 427 consid. 3.1.3).  
 
3.3. La Cour cantonale a estimé que l'audition du recourant en vue d'exprimer "sa bonne volonté et ses bonnes intentions" n'était pas susceptible de prévaloir sur les indices objectifs de risque de récidive. La comparution et l'interrogatoire du recourant n'apporteraient aucun élément pertinent supplémentaire aux faits déjà établis par les pièces du dossier; cette preuve supplémentaire n'avait pas à être administrée. Par conséquent, l'OSAMA pouvait lui aussi s'abstenir d'entendre le recourant oralement.  
 
3.4. Ce raisonnement doit être confirmé. Il ressort de l'arrêt entrepris (cf. arrêt cantonal, let. B, p. 2) que le recourant a déposé une réclamation contre la décision du 24 août 2023 de l'OSAMA. Celui-ci a ainsi eu l'occasion d'user de son droit d'être entendu dans la mesure garantie par l'art. 29 Cst. On ne voit pas qu'il pourrait en déduire un droit à être entendu oralement (cf. consid. 3.2 supra). Pour le surplus, il n'y a pas lieu, faute de tout développement dans le recours, d'examiner s'il serait opportun d'établir un parallélisme entre la nécessité d'entendre le prévenu oralement lors des débats en procédure pénale et au stade de l'exécution de la peine (art. 42 al. 4 et 106 al. 2 LTF).  
En tout état, le recourant se contente d'affirmer que seule son audition permettrait de tenir compte de sa personnalité et de son comportement en général. Il ne démontre cependant pas, ni même ne tente de démontrer, que son audition serait susceptible d'amener des éléments pertinents pour l'issue du litige (cf. consid. 4 infra). A cet égard, le recourant n'expose pas qu'il aurait été arbitraire pour les autorités cantonales de refuser de procéder à son audition lors de l'appréciation anticipée des preuves.  
Il s'ensuit que le grief du recourant doit être rejeté. 
 
4.  
 
4.1. Le recourant fait grief à l'autorité précédente d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation en évaluant le risque de récidive selon l'art. 79a al. 1 CP. Son appréciation serait en effet excessivement rigoureuse et porterait atteinte au principe de la proportionnalité (art. 5 et 36 Cst.).  
 
4.2.  
 
4.2.1. Aux termes de l'art. 79a al. 1 CP, s'il n'y a pas lieu de craindre que le condamné s'enfuie ou commette d'autres infractions, une peine privative de liberté de six mois au plus (let. a), un solde de peine de six mois au plus après imputation de la détention avant jugement (let. b) ou une peine pécuniaire ou une amende (let. c) peuvent être exécutés sous la forme d'un travail d'intérêt général, à la demande de l'intéressé.  
 
4.2.2. Tout comme la semi-détention (art. 77b CP) et la surveillance électronique (art. 79b CP), le travail d'intérêt général est une forme d'exécution alternative à la simple privation de liberté. Les conditions de ces trois modes d'exécution de la peine sont réglées de manière uniforme et selon une même structure (ATF 145 IV 10 consid. 2.3 et la référence citée). Il découle ainsi de la jurisprudence que la condition de l'absence de risque de récidive posée à l'art. 79a al. 1 CP est identique à celle prévue aux art. 77b al. a let. 1 et 79b al. 2 let. a CP et doit être appliquée de la même manière (à propos de la surveillance électronique, cf. arrêts 7B_130/2023 du 9 février 2024 consid. 2.2.3 et les références citées; 6B_1261/2021 du 5 octobre 2022 consid. 2.1; cf. CORNELIA KOLLER, in Basler Kommentar, Strafrecht, 4e éd. 2019, n° 17 ad art. 79b CP).  
Le risque de fuite ou de récidive doit être d'une certaine importance et les nouvelles infractions d'une certaine gravité. Pour poser un pronostic quant au comportement futur du condamné, l'autorité d'exécution des peines doit tenir compte, notamment, de ses antécédents judiciaires, de sa personnalité, de son comportement en général et au travail, ainsi que des conditions dans lesquelles il vivra (en matière de semi-détention, cf. ATF 145 IV 10 consid. 2.2.1 et les références; CORNELIA KOLLER, op. cit., n° 9 ad art. 77b CP; à propos de la surveillance électronique, cf. arrêts 7B_130/2023 du 9 février 2024 consid. 2.2.3; 6B_1261/2021 du 5 octobre 2022 consid. 2.2). L'autorité judiciaire de recours compétente en matière d'exécution des peines dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que le Tribunal fédéral n'intervient qu'en cas d'abus ou d'excès de ce pouvoir (ATF 145 IV 137 consid. 2.2 s'agissant du pronostic à poser selon l'art. 42 al. 1 CP pour l'octroi du sursis à l'exécution de la peine).  
 
4.3. La Cour cantonale a considéré que le risque de récidive était avéré, notamment en raison d'une infraction récente de conduite malgré le retrait de permis. En effet, l'ordonnance pénale du 17 avril 2023 condamnait le recourant de ce chef pour les faits du 3 mars 2023 et mentionnait plusieurs antécédents en lien avec des faits datant des 16 mai, 19 août et 26 septembre 2022. Le recourant prétendait que ces récidives étaient motivées par des besoins professionnels stricts; or la condamnation pour les faits du 19 août 2022 avait également été infligée pour conduite en état d'ébriété et les faits du 3 mars 2023 incluaient le vol d'usage du véhicule de l'employeur du recourant. En outre, tout automobiliste était censé connaître les conséquences - tant pénales qu'administratives - de violations de la LCR; la prise de conscience tardive - grâce à son défenseur - dont se prévalait le recourant ne pouvait dès lors pas être prise en considération. En définitive, aucune atteinte disproportionnée n'avait été portée aux intérêts personnels du recourant. A cet égard, les intérêts de l'entreprise récemment créée par le recourant ainsi que ceux de l'entreprise dans laquelle il travaillait n'avaient pas d'influence directe sur l'application des art. 77a à 79b CP.  
 
4.4. En l'espèce, l'autorité cantonale s'est penchée sur les modalités d'exécution d'une peine prononcée à la suite d'infractions à la LCR commises en mars 2023. Elle a relevé que le recourant avait alors déjà été condamné pour trois infractions à cette loi perpétrées entre les mois de mai et septembre 2022 et que celles-ci avaient été précédées de quatre autres condamnations notamment pour des infractions à la LCR commises depuis 2018. Le recourant a ainsi été condamné pour huit infractions en moins de six ans, dont quatre infractions à la LCR en moins d'une année (mai 2022 à mars 2023). Il en résulte que de multiples condamnations sur un laps de temps relativement court n'ont manifestement pas dissuadé le recourant de s'obstiner dans son comportement délictuel et que celui-là ne fait preuve d'aucune prise de conscience. Bien au contraire, il ressort de l'arrêt cantonal que le recourant persiste à excuser ses agissements par de prétendus motifs professionnels; outre que cela ne justifie pas les infractions en cause, la Cour cantonale a relevé que les agissements n'étaient pas liés au seul cadre professionnel (ivresse au volant et vol d'usage). Au vu de ces éléments, contrairement à ce que soutient le recourant, l'autorité précédente a pris en compte tant ses antécédents judiciaires que son comportement.  
Dans ce contexte, l'argument du "changement de vision" dont le recourant se prévaut depuis sa condamnation est appellatoire et, partant, irrecevable. Au surplus, il n'apparaît pas suffisant pour retenir une - tardive - prise de conscience susceptible d'exclure le risque de récidive. En effet, le recourant a subi de nombreuses condamnations pour des infractions similaires depuis 2018 et s'est d'ailleurs déjà dérobé à l'exécution de deux peines privatives de liberté de substitution (cf. let. A.b supra). Au surplus, l'absence de risque de récidive - respectivement de fuite - est une condition à l'exécution de la peine sous la forme d'un travail d'intérêt général (art. 79a al. 1 CP); le principe de la proportionnalité invoqué par le recourant ne saurait dès lors conduire à faire abstraction de cette condition impérative.  
Au vu des nombreux antécédents du recourant et de sa persistance à commettre des infractions à la LCR, l'autorité précédente n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en confirmant le pronostic défavorable quant à son comportement futur posé par l'OSAMA et en confirmant le rejet de la demande d'exécution de la peine sous la forme d'un travail d'intérêt général. 
 
4.5. Le risque de récidive est confirmé, de sorte que c'est à juste titre que l'autorité précédente n'a pas examiné un éventuel risque de fuite.  
 
5.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. 
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à l'Office central du Ministère public du canton du Valais, à l'Office des sanctions et des mesures d'accompagnement du canton du Valais et au Juge unique de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
 
 
Lausanne, le 10 juin 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
La Greffière : Schwab Eggs