6B_1127/2023 10.06.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_1127/2023  
 
 
Arrêt du 10 juin 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Denys, Juge présidant, 
Muschietti et van de Graaf. 
Greffière : Mme Rettby. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Ronald Asmar, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Indemnisation du défenseur d'office; arbitraire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre pénale de recours, du 18 juillet 2023 (P/8646/2022 [ACPR/538/2023]). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 19 janvier 2023, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a indemnisé A.________, défenseur d'office de B.________, à hauteur de 5'611 fr. 20 pour la procédure de première instance. 
 
B.  
Par arrêt du 18 juillet 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté le recours formé par A.________ à l'encontre de son indemnisation. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il conclut, en substance, à sa réforme, en ce sens qu'une indemnité de 8'616 fr. lui est allouée, subsidiairement à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst., le recourant dénonce un défaut de motivation, notamment par rapport à l'application du forfait à 10 % lié aux courriers et téléphones. 
 
1.1. L'obligation de motiver, telle qu'elle découle du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.; cf. aussi art. 3 al. 2 let. c et 107 CPP), est respectée lorsque le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 147 IV 409 consid. 5.3.4; 146 II 335 consid. 5.1; 141 IV 249 consid. 1.3.1), de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 p. 46; 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2 p. 157; 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 p. 565).  
Selon la jurisprudence rendue en matière de dépens, qui s'applique aux indemnités dues au défenseur d'office, la garantie du droit d'être entendu implique que lorsque le juge statue sur la base d'une liste de frais, il doit, s'il entend s'en écarter, au moins brièvement indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (ATF 143 IV 453 consid. 2.5; arrêts 6B_646/2022 du 18 janvier 2023 consid. 3.2.1; 7B_35/2022 du 22 février 2024 consid. 5.2.3). 
 
1.2. La cour cantonale a dûment exposé ( infra, consid. 2.2) les motifs qui l'ont conduit à confirmer l'application d'un forfait de 10 % lié aux courriers et téléphones, rappelant la législation et la jurisprudence cantonales à cet égard. Il apparaît en outre que les arguments du recourant ont été discutés, y compris s'agissant du relevé des opérations effectives produit par le recourant. La motivation est suffisante pour comprendre quelles opérations ont été considérées comme non nécessaires à une défense efficace et permettre au recourant d'attaquer utilement la décision. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir affirmé, sans démonstration, q ue plusieurs correspondances étaient comptées à double dans les états de frais. Ce faisant, la cour cantonale a indiqué la raison pour laquelle elle tenait ces prétentions pour injustifiées et le recourant a pu attaquer la décision en conn aissance de cause. La décision entreprise est suffisamment motivée au regard des exigences déduites de la garantie du droit d'être entendu. Mal fondé, le grief est rejeté.  
 
2.  
Le recourant dénonce une violation des art. 135 CPP et 9 Cst. au motif que la cour cantonale se serait écartée du décompte de son activité effective, qui atteignait 15h pour les opérations de communication, en appliquant à la place une majoration forfaitaire arbitraire de 10 %. L'indemnité reçue serait insuffisante dans son résultat; celle-ci aurait dû être plus élevée d'en tout cas 40 % en ajoutant le temps consacré à la correspondance. 
 
2.1.  
 
2.1.1. Aux termes de l'art. 135 al. 1 CPP (teneur inchangée), le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès.  
Dans le canton de Genève, ces tarifs sont fixés par le règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ/GE; RSGE E 2 05.04). À teneur de l'art. 16 RAJ, l'indemnité due à l'avocat et au défenseur d'office en matière pénale est calculée selon le tarif de 110 fr. pour l'avocat stagiaire, 150 fr. pour le collaborateur et 200 fr. pour le chef d'étude (al. 1). Seules les activités nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction, notamment, de la nature, de l'importance, et des difficultés de la cause, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (al. 2). L'art. 3 RAJ indique notamment que l'assistance juridique peut être limitée à certains actes de procédure ou démarches déterminées ainsi que dans la quotité des heures nécessaires à l'activité couverte (al. 1). L'assistance juridique ne couvre que les démarches o u les actes de procédure utiles à la défense de la personne bénéficiaire (al. 2). Elle ne s'étend pas aux activités relevant de l'assistance sociale ou dont d'autres organismes subventionnés directement ou indirectement peuvent se charger à moindre frais (al. 3). L'art. 17 RAJ mentionne que l'état de frais détaille par rubriques les activités donnant lieu à indemnisation, avec indication du temps consacré. Les justificatifs des frais sont joints. Les directives du greffe sont applicables pour le surplus en matière civile et administrative. 
Des instructions du Pouvoir judiciaire des 10 septembre 2002 et 17 décembre 2004 précisent respectivement que les frais de courriers et de téléphones, c'est-à-dire les frais et le temps consacré à ces activités, sont pris en compte sur la base d'un forfait correspondant à 20 % des heures d'activité dont l'autorité admet la nécessité (cf. arrêt 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.1). L'autorité peut s'éloigner du taux de 20 % si les frais et activités sont couverts par un montant inférieur (cf. arrêts 6B_939/2023 du 18 janvier 2024 consid. 2.1.2; 6B_198/2022 du 29 novembre 2022 consid. 2.4.2; 6B_165/2014 du 19 août 2014 consid. 3.5). 
 
2.1.2. La fixation des honoraires de manière forfaitaire est admissible. Dans un tel cas, il ne doit être tenu compte du temps de travail effectif que pour fixer le montant des honoraires dans le cadre de l'échelle forfaitaire (ATF 143 IV 453 consid. 2.5; 141 I 124 consid. 4.2). Le forfait est inconstitutionnel lorsqu'il ne tient aucun compte de la situation concrète et que, dans le cas d'espèce, il est hors de toute proportion raisonnable eu égard aux prestations fournies par l'avocat (ATF 143 IV 453 consid. 2.5.1; arrêt 6B_939/2023 du 18 janvier 2024 consid. 2.1.3).  
 
2.1.3. L'autorité cantonale dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation de l'indemnité du défenseur d'office. Le Tribunal fédéral n'intervient qu'en cas d'arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances, est incompatible avec les règles du droit et de l'équité, omet de prendre en considération tous les éléments propres à fonder la décision ou, au contraire, tient compte de critères dénués de pertinence (ATF 125 V 408 consid. 3a p. 409; plus récemment, arrêt 6B_1231/2018 du 20 mars 2019 consid. 2.1.1; cf. ATF 141 I 124 consid. 3.2). Il ne suffit pas que l'autorité ait apprécié de manière erronée un poste de l'état de frais ou qu'elle se soit fondée sur un argument déraisonnable; encore faut-il que le montant global alloué à titre d'indemnité se révèle arbitraire (ATF 109 Ia 107 consid. 3d; arrêt 6B_304/2018 du 5 octobre 2018 consid. 1.1). Le Tribunal fédéral fait preuve de réserve lorsque l'autorité estime exagérés le temps ou les opérations déclarés par l'avocat d'office, car il appartient aux autorités cantonales de juger de l'adéquation entre les activités déployées par ce dernier et celles qui sont justifiées par l'accomplissement de sa tâche (ATF 141 I 124 consid. 3.2; arrêt 6B_1113/2022 du 12 septembre 2023 consid. 2.1 et la référence citée).  
 
2.2. La cour cantonale a notamment observé qu'il appartenait au juge d'apprécier l'activité objectivement nécessaire au regard de la complexité factuelle et juridique de l'affaire. Le recourant perdait de vue qu'il ne suffisait pas de produire une liste détaillée des opérations pour les justifier, le juge étant libre de faire usage d'un forfait pour une catégorie d'opérations si un tel forfait permettait, selon son appréciation, de couvrir l'activité objectivement nécessaire à une défense efficace. La cour cantonale a notamment observé que les états de frais présentés par le recourant portaient sur plus de 30 heures d'activité, de sorte que le forfait "courriers/téléphones" avait été fixé à 10 % par le premier juge en conformité à la jurisprudence, étant rappelé qu'en matière d'indemnisation de l'avocat d'office, l'autorité disposait d'une importante marge d'appréciation. À cet égard, la cause présentait une difficulté toute relative, dès lors que les faits étaient simples et circonscrits et, pour la plupart, admis par le prévenu. Par ailleurs, le temps consacré à la lecture des correspondances des autorités, dont l'intitulé dans les listes d'opérations comprenait généralement l'ajout "gestion des actes et délais de procédure" - même lorsqu'il s'agissait de simples convocations aux audiences - était excessif; aucune des correspondances reçues ne posait de difficulté juridique quant aux différents délais de procédure - qu'il suffisait d'inscrire ou reporter à l'agenda - ni n'impliquait de réflexion approfondie, étant rappelé que le temps consacré ne devait être pris en considération que dans la mesure où il apparaissait raisonnablement nécessaire à l'accomplissement du mandat par un avocat expérimenté. Selon la cour cantonale, plusieurs correspondances étaient en outre comptées à double dans les états de frais du recourant. Enfin, les courriers adressés au tribunal de police, qui consistaient en une brève détermination sur la question du changement de conseil d'office et en une demande d'audition de témoins, ne revêtaient aucune complexité, de sorte que le temps objectivement nécessaire à leur rédaction pouvait être indemnisé par le biais du forfait. Il en allait de même des téléphones à la fiancée du prévenu, à supposer qu'ils entrent dans l'activité du défenseur d'office. Pour la cour cantonale, au vu de la difficulté relative de l'affaire, l'appréciation du premier juge ne prêtait pas le flanc à la critique s'agissant de l'application du forfait de 10 % pour les téléphones et courriers, qui paraissait suffisant pour indemniser le temps consacré à ces postes au regard de la nécessité d'assurer au prévenu une défense efficace.  
 
2.3. Dans la mesure où la pratique genevoise réserve des exceptions au principe du forfait, charge à l'avocat de justifier l'ampleur des opérations dont la couverture ne serait pas assurée par ce forfait, elle permet de tenir compte des cas qui sortent de l'ordinaire sous l'angle de leur complexité ou de leur volume, ainsi que l'exige la jurisprudence ( supra, consid. 2.1). En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué que la cause ne présentait aucune difficulté, tant sur le plan du droit que des faits, lesquels étaient simples, circonscrits et admis par le prévenu pour la plupart. Il ne suffit pas de présenter une note d'honoraires dont il découle que les opérations du défenseur d'office ne sont pas intégralement couvertes par le montant forfaitaire pour démontrer qu'il se justifie, dans le cas d'espèc e, de s'écarter du forfait (ATF 143 IV 453 consid. 2.5.1 p. 455; 141 I 124 consid. 4.4 p. 129; arrêt 6B_1045/2017 du 27 avril 2018 consid. 3.3). Le recourant ne démontre pas que le dossier aurait été particulièrement complexe ni volumineux, ni en quoi son mandat sortait de l'ordinaire. Aussi, il n'apparaît pas que les honoraires alloués soient hors de tout rapport raisonnable avec les prestations que le recourant a fournies en qualité de défenseur d'office. Compte tenu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas violé le large pouvoir d'appréciation dont elle dispose en appliquant un forfait de 10 % pour les courriers et téléphones divers. Le recourant ne démontre pas non plus que la cour cantonale aurait arbitrairement inclus des postes consacrés à la procédure dans ledit forfait, se contentant de l'affirmer. En particulier, il échoue à démontrer que la cour cantonale aurait arbitrairement considéré, s'agissant de la correspondance avec le tribunal de police, que ces échanges consistaient en une brève détermination sur la question du changement de conseil et une demande d'audition de témoins ne revêtant, dès lors, aucune complexité. Il ne démontre pas non plus le caractère insoutenable de l'appréciation cantonale quant à la lecture des correspondances des autorités, laquelle n'impliquait pas de difficultés juridiques ni de réflexion approfondie. L'invocation, par le recourant, de l'arrêt 6B_165/2014 du 19 août 2014 est vaine, dans la mesure où il s'agissai t d'un cas où la motivation du recourant a été inapte à établir, devant le Tribunal fédéral, un quelconque arbitraire quant à la solution adoptée par la cour cantonale, pour qui le montant versé - forfait courriers/téléphones fixé à 10 % des heures admises au lieu des 20 % demandés - suffisait, dans le cas d'espèce, à couvrir les frais effectifs et le temps consacré aux correspondances et téléphones. Le grief se révèle infondé. Pour le reste, la motivation du recourant est insuffisante sous l'angle de l'art. 106 al. 2 LTF, de sorte qu'elle est irrecevable.  
En tout état, le montant global alloué à titre d'honoraires ne se révèle pas arbitraire dans son résultat. En effet, l'indemnité, arrêtée à 4'801 fr. 50, TVA (369 fr. 70) et débours (440 fr.) non compris, correspond, au tarif genevois, à une activité du recourant de 36h15 (0h45 en tant que chef d'étude, 2h45 en qualité de collaborateur et 32h45 pour l'activité déployée par le stagiaire, soit 4'165 fr. d'indemnité), plus 416 fr. 50 (soit l'équivalant d'environ 2h d'activité de chef d'étude) au titre de forfait 10 % courriers et téléphones, plus 220 fr. de déplacements, ce qui n'apparaît pas insoutenable au vu de la nature du mandat de défense d'office confié, en particulier des infractions reprochées au prévenu, d'une difficulté relative sur le plan du droit et des faits, la plupart des faits étant en outre admis par celui-ci, ainsi que du nombre d'audiences, d'entretiens et d'actes de procédure adéquats dans une telle affaire pénale. La critique du recourant, selon laquelle la difficulté d'une cause ne devrait avoir aucune conséquence sur l'appréciation des correspondances et téléphones rendus nécessaires par le mandat d'office, est irrecevable (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF). Au vu de ce qui précède, il importe peu que la cour cantonale ait, par hypothèse, considéré à tort que certains postes de l'état de frais avaient été comptés à double, puisque cela ne suffit pas à démontrer un quelconque arbitraire quant à la solution adoptée par la cour cantonale. Les griefs sont, partant, rejetés, dans la mesure de leur recevabilité. 
 
3.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 10 juin 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Rettby