6B_975/2023 29.11.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_975/2023  
 
 
Arrêt du 29 novembre 2023  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Muschietti et van de Graaf. 
Greffier : M. Vallat. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Philippe Rossy, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Entrave aux mesures de constatation de l'incapacité 
de conduire (art. 91a LCR), 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel 
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud 
du 23 mars 2023 (n° 120 AM21.016728-GHE). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ est né en 1977 à U.________, au Portugal où il a grandi et effectué sa scolarité obligatoire. Arrivé en Suisse en 1998, il y a travaillé comme ouvrier agricole, avant d'obtenir six attestations fédérales de formation professionnelle dans le domaine de l'horlogerie. Il exerce actuellement pour les sociétés B.________ SA - dont il est également administrateur - et C.________ SA. Marié, il est père de deux enfants majeurs, dont l'un est encore à sa charge. Son casier judiciaire suisse et l'extrait du Système d'information relatif à l'admission à la circulation (SIAC) ne comportent aucune inscription.  
 
A.b. Le vendredi 2 juillet 2021, vers 17h55, A.________ circulait au volant d'un véhicule Maserati, à une vitesse indéterminée, en direction de V.________. A cet endroit, sur la route cantonale, peu avant W.________, à l'approche d'une courbe à gauche, il a perdu la maîtrise de sa voiture, qui a dévié sur le bord droit de la route en mordant un talus herbeux puis percuté une borne de sécurité à droite de la chaussée. L'automobile a dérapé, traversé la voie de circulation opposée en franchissant une ligne de sécurité continue, heurté une bordure bétonnée à l'extrême gauche de la voie de circulation opposée et terminé sa course dans un champ.  
 
A.c. Statuant sur opposition à une ordonnance pénale du 30 novembre 2021, par jugement du 11 octobre 2022, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a constaté que A.________ s'était rendu coupable de violation simple des règles de la circulation routière, entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (véhicule automobile) et violation des obligations en cas d'accident (II), l'a condamné à 30 jours-amende à 100 fr. le jour (III), avec sursis pendant 2 ans (IV), ainsi qu'à une amende de 1000 fr., convertible en 10 jours de privation de liberté en cas de non-paiement fautif (V), avec suite de frais et sous refus de toute indemnité.  
 
B.  
Saisie d'un appel du condamné et d'un appel joint du ministère public, par arrêt du 23 mars 2023, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois les a rejetés tous deux et a confirmé le jugement de première instance. En bref, cet arrêt auquel on renvoie dans son intégralité, sous réserve de ce qui a été relaté ci-dessus et de ce qui sera encore discuté en droit, retient que malgré les dégâts occasionnés, A.________ a fait appel à une dépanneuse et pris soin d'enlever la plaque d'immatriculation arrière de son véhicule, en la mettant dans l'habitacle. Il a ensuite quitté les lieux sans aviser immédiatement la police, ni se faire connaître des lésés, violant ainsi ses obligations en cas d'accident et se soustrayant au contrôle de sa capacité de conduire. 
 
C.  
Par acte du 15 août 2023, A.________ recourt en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 23 mars 2023. Il conclut, principalement, à la réforme de la décision entreprise en ce sens qu'il soit libéré de l'accusation d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire. A titre subsidiaire, il demande l'annulation de la décision querellée et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle instruction et nouveau jugement au sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Au vu des conclusions prises, l'objet du recours fédéral est restreint à la condamnation du recourant en application de l'art. 91a LCR (art. 107 al. 1 LTF), qui était, de toute manière, le seul point contesté par le recourant en appel (art. 80 al. 1 LTF; arrêt entrepris consid. 3.1 p. 11). 
 
2.  
Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (sur cette notion, v.: ATF 148 IV 356 consid. 2.1; 147 IV 73 consid. 4.1.2). Il en va en particulier ainsi du contenu de la pensée, à savoir de faits "internes" (ATF 148 IV 234 consid. 3.4). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur de tels moyens, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 356 consid. 2.1, 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2). 
 
3.  
Le recourant reproche à la cour cantonale de n'avoir pas expliqué pourquoi elle considérait données les conditions subjectives de l'art. 91a LCR
 
3.1. Après avoir rappelé la teneur de cette disposition, la cour cantonale a souligné que la dérobade était constituée de deux éléments objectifs: L'auteur doit, d'une part, avoir violé une obligation d'aviser la police en cas d'accident, alors que cette annonce est destinée à l'établissement des circonstances de l'accident et est concrètement possible; l'ordre de se soumettre à une mesure de constatation de l'état d'incapacité de conduire doit, d'autre part, apparaître objectivement comme hautement vraisemblable au vu des circonstances (ATF 142 IV 324 consid. 1.1.1). Quant au volet subjectif, elle a indiqué que l'infraction était intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant, qu'aucun dessein spécial n'était requis et qu'il n'était pas déterminant que l'auteur se soit senti ou non en incapacité de conduire ou qu'il soit finalement constaté qu'il se trouvait dans cet état. La cour cantonale a ensuite rappelé, en se référant à la jurisprudence topique de la cour de céans, que depuis son entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, l'art. 55 al. 1 LCR permet, en cas d'accident, d'ordonner un alcootest même en l'absence de tout soupçon préalable. Depuis le 1er janvier 2008, l'art. 10 al. 1 OCCR, permet en outre à la police de procéder de manière systématique à des tests préliminaires pour déterminer s'il y a eu consommation d'alcool. Selon la jurisprudence, compte tenu de cette évolution législative, il y a, de manière générale, lieu de s'attendre à un contrôle de l'alcoolémie à l'alcootest en cas d'accident, sous réserve que celui-ci soit indubitablement imputable à une cause totalement indépendante du conducteur (ATF 142 IV 234 consid. 1.1.2 et 1.1.3).  
 
3.2. Dans la suite, la cour cantonale a relevé que le recourant avait admis une faute de circulation, soit une vitesse inadaptée, ce qui avait conduit à une perte de maîtrise de son véhicule. On comprend ainsi aisément que la cour cantonale a exclu que l'accident fût indubitablement imputable à une cause totalement indépendante du conducteur, si bien que l'on se trouvait, au plan objectif, dans la situation où il y avait, selon la jurisprudence, lieu de s'attendre, de manière générale, à un contrôle d'alcoolémie.  
 
La suite du raisonnement, introduite par la locution "par ailleurs", porte sur le comportement du recourant avant les faits, soit sa présence à une fête avant de prendre la route, même s'il ne pouvait en être déduit qu'il y aurait consommé de l'alcool. Quant à son comportement après les faits, il avait évoqué être sous traitement anxiolytique et n'être pas parvenu à expliquer le processus accidentel, au point qu'il avait effectué des analyses médicales immédiatement après. Enfin, il avait pris grand soin d'effacer toute trace de l'accident, en faisant appel à une dépanneuse qui avait débarrassé son véhicule. La cour cantonale en a conclu qu'il était hautement vraisemblable qu'en cas d'intervention, la police aurait soumis le recourant à un contrôle de son état physique et que cette mesure ne pouvait pas lui échapper puisqu'il avait, de son propre aveu, mis l'accident sur le compte d'une déficience physique et/ou psychique (arrêt entrepris, consid. 3.3 p. 12 s.).  
 
3.3. On comprend sans difficulté de cette motivation que la cour cantonale a établi un certain nombre de circonstances extérieures, relatives au comportement du recourant avant et après les faits et en a tiré une conclusion sur ce que le recourant avait conçu, de manière interne ("ne pouvait lui échapper"), de la possibilité d'être soumis à un contrôle de son état physique en cas d'intervention de la police.  
 
Quant à l'omission d'aviser cette dernière, il convient, tout d'abord de relever que le recourant n'a contesté sa condamnation pour violation de ses devoirs en cas d'accident (art. 92 LCR) ni en première ni en seconde instances cantonales et que le jugement du tribunal de police retient que, les lésés (soit le propriétaire du champ où le véhicule a terminé sa course et la commune) n'étant pas immédiatement atteignables, le recourant avait omis d'informer la police (jugement du 11 octobre 2022 consid. 3.1). Il suffit dès lors de rappeler, en droit, que la commission d'une telle infraction n'est guère concevable sous la forme de la négligence que si l'auteur n'a pas conscience d'avoir causé un dommage (ATF 114 IV 148 consid. 2b), ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce puisque le recourant a tenté de contacter les lésés, en vain le soir-même, puis avec succès. Il est ainsi patent que la cour cantonale a bien tenu les deux éléments subjectifs de l'infraction réprimée par l'art. 91a LCR pour réunis après avoir instruit ce point. Dans la mesure où le recourant n'invoque aucune violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) résultant d'une motivation insuffisante, mais reproche uniquement à la cour cantonale d'avoir constaté de manière incomplète les faits, il n'y a pas lieu d'examiner la cause sous le premier angle (art. 106 al. 2 LTF) et le grief doit être rejeté sous le second.  
 
3.4. En droit, le recourant objecte encore que selon un auteur (YVAN JEANNERET, Les dispositions pénales de la Loi sur la Circulation routière, 2007, no 28 ad art. 91a LCR), la vraisemblance de devoir se soumettre à des investigations devrait être appréciée à l'aune des circonstances de l'accident ainsi que du comportement général du conducteur avant et après les faits et qu'aucune des circonstances citées par cet auteur, plaidant en faveur de l'hypothèse de telles investigations, ne serait réalisée en l'espèce.  
 
La contribution citée est toutefois antérieure à l'entrée en vigueur de l'art. 10 al. 1 OCCR qui a renforcé le dispositif introduit par l'art. 55 al. 3 LCR. Ni cet avis de doctrine, ni l'argumentaire développé par le recourant n'imposent, par conséquent, de revenir sur les principes posés dans l'arrêt publié aux ATF 142 IV 234, qui n'exclut, du reste, pas la prise en considération des circonstances de l'accident, mais part de la prémisse que, dans la règle, l'intervention de la police sur les lieux d'un accident conduira à des mesures d'investigation de la capacité de conduire, sous réserve que l'accident soit indubitablement imputable à une cause totalement indépendante du conducteur. Or, cet élément n'est manifestement pas réalisé en l'espèce. Du reste, dans une contribution ultérieure, le même auteur considère l'évolution jurisprudentielle survenue dans l'arrêt précité comme "cohérente au regard de l'évolution du droit, dont il découle d'ailleurs que, en pratique, la police procède de manière quasi-systématique à un contrôle d'alcoolémie au moyen d'un éthylotest lorsqu'elle intervient sur un accident". Il demeure certes critique face à la répression de la dérobade, qu'il taxe d'incongrue, mais sa conclusion de lege ferenda s'adresse au législateur (YVAN JEANNERET, Boire, conduire et s'enfuir: faut-il choisir? Circulation routière 2021 p. 49 ss, spéc. p. 56). Elle ne saurait imposer au Tribunal fédéral de modifier sa jurisprudence (art. 190 Cst.).  
 
3.5. Pour le surplus, tout l'argumentaire développé à l'appui du recours procède d'une vaste rediscussion des faits retenus par la cour cantonale, en particulier de ce que le recourant avait pu savoir ou penser, de ses habitudes en matière de consommation d'alcool, de la nature (somnifère ou anxiolytique) du médicament qu'il prend le soir, de la chronologie des faits, en particulier entre son départ, la survenance de l'accident, le moment où il a quitté les lieux puis celui où la police est arrivée. Le recourant procède par hypothèses, rediscussion de témoignages et affirmation de circonstances prévalant localement, que ne constate pas la décision entreprise et qui ne sont pas notoires. Son argumentaire essentiellement appellatoire n'est pas recevable dans un recours en matière pénale (v. supra consid. 2).  
 
4.  
Le recourant succombe. Il supporte les frais de la procédure (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 29 novembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
Le Greffier : Vallat