7B_170/2024 14.05.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_170/2024  
 
 
Arrêt du 14 mai 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Hurni et Hofmann. 
Greffière : Mme Paris. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Michel De Palma, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office central du Ministère public du canton du Valais, 
case postale 2305, 1950 Sion 2, 
 
Office des sanctions et des mesures d'accompagnement du canton du Valais, case postale 478, 1951 Sion. 
 
Objet 
Exécution de peines; assistance judiciaire, 
 
recours contre l'arrêt du Juge unique de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais du 5 janvier 2024 (A1 23 8). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 4 juillet 2011, A.________ a été condamné en appel à 5 ans de peine privative de liberté pour viol, tentative de viol et contrainte sexuelle. Le Tribunal de l'application des peines et des mesures du canton du Valais (ci-après: le TAPEM) a par la suite ordonné son internement (art. 64 al. 1 CP) qu'il a maintenu par décisions des 24 juin 2015, 12 juillet 2017 et 11 octobre 2018.  
Le 28 mai 2020, le TAPEM a refusé de libérer conditionnellement A.________ et a saisi l'autorité de jugement d'une proposition de mesure thérapeutique institutionnelle. Le 12 novembre 2020, le président du Tribunal du Ile arrondissement pour le district de Sion a astreint A.________ à un traitement institutionnel dans un établissement fermé (art. 59 al. 3 CP), mesure que le TAPEM a maintenue le 1er avril 2022. Le 20 juin 2022, l'Office des sanctions et des mesures d'accompagnement (ci-après: l'OSAMA) a placé A.________ à U.________, à V.________. 
 
A.b. Par courrier du 28 septembre 2022, Me De Palma, conseil de A.________, a indiqué au chef de l'OSAMA qu'il avait pris bonne note de la date du 21 novembre 2022 fixée pour un entretien de réseau au sein de l'établissement de U.________. Le 16 novembre 2022, il a requis l'octroi d'une assistance judiciaire à son client "pour que les frais et le temps consacré à sa défense soient rémunérés au tarif AJ", arguant de la nécessité de sa présence lors dudit entretien.  
Le 30 novembre 2022, le chef de l'OSAMA a rappelé au conseil de A.________ les limites du droit d'un détenu à bénéficier des services d'un avocat lors de l'exécution d'une peine ou d'une mesure privative de liberté. Il a en outre indiqué que dans la mesure où aucun motif ne justifiait l'octroi de l'assistance judiciaire, celle-ci devait être refusée. Il priait par ailleurs Me De Palma de transmettre toute information servant à éclaircir la situation financière de son client, cette requête poursuivant l'un des objectifs de transparence fixés lors du dernier entretien de réseau. 
Le 7 décembre 2022, Me De Palma a indiqué avoir pris note que l'OSAMA estimait que l'assistance judiciaire devait être refusée. Il l'invitait toutefois à lui notifier une décision en bonne et due forme qu'il puisse contester. 
 
A.c. Le 21 décembre 2022, le chef de l'OSAMA a repris les motifs de refus ressortant de sa lettre du 30 novembre 2022 en les complétant par le constat que l'omission de A.________ de renseigner sur ses avoirs et ses dettes avait pour conséquence l'impossibilité de déterminer s'il était indigent; il a confirmé le rejet de l'assistance judiciaire.  
 
B.  
Par arrêt du 5 janvier 2024, la Cour de droit public du Tribunal cantonal valaisan a rejeté le recours formé par A.________ contre la décision de l'OSAMA du 21 décembre 2022 lui refusant l'assistance judiciaire. Constatant par ailleurs que l'issue du recours était d'emblée prévisible, elle a rejeté la demande d'assistance judiciaire pour la procédure de deuxième instance. 
 
C.  
A.________ forme un re cours intitulé "recours en matière de droit public" au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 5 janvier 2024, en concluant à sa réforme en ce sens que l'assistance judiciaire lui soit octroyée tant pour la procédure devant l'OSAMA, en particulier l'entretien de réseau du 21 novembre 2022, que pour la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite en outre l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2).  
 
1.2. L'arrêt attaqué ayant été rendu dans le domaine de l'exécution des peines et des mesures, seule la voie du recours en matière pénale est en l'espèce ouverte (art. 78 al. 2 let. b LTF).  
Un recours mal intitulé ne nuit pas à son auteur mais doit être converti si les conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté sont réunies (ATF 134 III 379 consid. 1.2; arrêts 6B_518/2019 du 20 mai 2019 consid. 1.2; 6B_736/2016 du 9 juin 2017 consid. 1.1). 
En l'espèce, le recours en matière pénale est immédiatement ouvert contre une décision incidente par laquelle l'assistance judiciaire est refusée à une partie à la procédure pénale, dès lors qu'elle est susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 140 IV 202 consid. 2.2). Le recourant peut se prévaloir d'un intérêt juridique à obtenir l'annulation de la décision attaquée et le renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour qu'elle lui désigne un conseil juridique gratuit (art. 81 al. 1 let. b LTF). Le recours a par ailleurs été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF); le recours est donc recevable, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
 
2.1. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir confirmé le refus d'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure devant l'OSAMA. Invoquant l'arbitraire dans l'établissement des faits (art. 9 Cst.) ainsi qu'une violation des art. 29 al. 3 Cst. et 6 par. 3 let. c CEDH en lien avec des dispositions cantonales, il lui reproche en particulier d'avoir retenu à tort que la condition de l'indigence n'était pas réalisée.  
 
2.2.  
 
2.2.1. A teneur de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. Cette disposition - à l'instar de l'art. 6 par. 3 let. c CEDH - confère au justiciable une garantie minimale, dont le Tribunal fédéral examine librement le respect (ATF 142 III 131 consid. 4.1; arrêt 6B_1206/2021 du 30 mars 2023 consid. 6.2 non publié in ATF 149 I 161), à l'exception des constatations de fait qui s'y rapportent, qu'il n'examine que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 135 I 221 consid. 5.1; arrêt 6B_1206/2021 précité consid. 6.2).  
 
2.2.2. Le droit à l'assistance d'un défenseur d'office est soumis aux conditions cumulatives que le recourant soit indigent, que sa cause ne paraisse pas dépourvue de toute chance de succès et que la sauvegarde de ses intérêts justifie une telle assistance (ATF 144 IV 299 consid. 2.1). Le requérant est par ailleurs soumis à une obligation de collaborer étendue; il lui incombe de prouver les faits qui permettent de constater qu'il remplit les conditions de la mesure qu'il sollicite. S'il ne fournit pas des renseignements suffisants (avec pièces à l'appui) pour permettre d'avoir une vision complète de sa situation financière et que la situation demeure confuse, la requête doit être rejetée (ATF 125 IV 161 consid. 4a).  
 
2.2.3. Selon l'art. 2 al. 1 de la loi du 11 février 2009 sur l'assistance judiciaire du canton du Valais (LAJ/VS; RS/VS 177.7), les parties ont droit à l'assistance judiciaire si elles ne disposent pas des ressources suffisantes (let. a) et si leur cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès (let. b).  
Aux termes de l'art. 6 de l'ordonnance du 9 juin 2010 sur l'assistance judiciaire (OAJ/VS; RS/VS 177.700), l'autorité compétente détermine l'ampleur des frais de la cause et établit la situation pécuniaire du requérant sur la base du dossier et d'une instruction appropriée aux circonstances (al. 1). En principe, la preuve s'administre par titres; l'administration d'autres moyens de preuve peut toutefois être ordonnée (al. 2). Le requérant est tenu de libérer les tiers liés par le secret et de fournir les documents et les renseignements qui lui sont demandés; à défaut, il sera réputé avoir échoué à rendre vraisemblable son indigence, sauf si celle-ci ressort du dossier (al. 3). 
 
2.2.4. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 148 IV 409 consid. 2.2 et les arrêts cités). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 143 IV 500 consid. 1.1; arrêt 7B_266/2023 du 6 décembre 2023 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF); les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2).  
Par ailleurs, la violation du droit cantonal ne constituant pas un motif pouvant être invoqué dans le recours en matière pénale (art. 95 LTF), le Tribunal fédéral n'en examine l'application que sous l'angle de l'arbitraire (art. 9 Cst.), ce qui suppose le développement de griefs répondant aux exigences de motivation accrues précitées (art. 106 al. 2 LTF). 
 
2.3. La cour cantonale a confirmé le refus d'assistance judiciaire devant l'OSAMA, faute pour le recourant d'avoir fourni les informations nécessaires quant à sa situation financière. Elle a relevé que le recourant ne pouvait pas s'en dispenser sous prétexte que son indigence aurait été reconnue dans d'autres cas; les instructions réglementées par l'art. 6 OAJ/VS incombaient en effet à chaque autorité traitant une demande d'assistance judiciaire, de sorte que l'autorité saisie devait éclaircir elle-même la situation patrimoniale du requérant et n'était pas liée par des décisions d'assistance judiciaire prises dans d'autres procédures. La juridiction précédente a en outre relevé que pour admettre l'hypothèse où l'indigence ressortait du dossier, il fallait que l'autorité instruisant la demande d'assistance judiciaire ait, dans son propre dossier, des pièces ne provenant pas du requérant décrivant de manière fiable la fortune et le revenu effectif de celui-ci. Or le recourant ne soutenait pas que l'OSAMA détenait de tels documents. L'Office avait clairement indiqué la nécessité d'obtenir les documents requis; le recourant ayant omis de les remettre, sa requête devait être rejetée, conformément à l'art. 6 al. 3 OAJ/VS.  
 
2.4. En l'espèce, le recourant ne conteste pas n'avoir remis aucun document démontrant son indigence. Or l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle l'OSAMA ne disposait pas des éléments nécessaires permettant de confirmer l'impécuniosité du recourant est exempte d'arbitraire. En effet, il ressort du compte-tendu de la séance de réseau du 21 novembre 2022 que le chef d'office de l'OSAMA avait expressément indiqué que les capacités financières du recourant devaient être éclaircies, soulignant que celui-ci ne pouvait pas faire une demande d'aide juridique à l'OSAMA et dans le même temps dire qu'il avait les moyens financiers pour ouvrir une pizzeria; il lui était ainsi demandé de fournir des éléments concernant ses ressources financières. Lors de cette séance, le recourant avait également indiqué qu'il devait toucher de l'argent du canton de Vaud (cf. compte-rendu de la séance de réseau du 21 novembre 2022, p. 5 et 6, pièce 8 du dossier cantonal; art. 105 al. 2 LTF). Est dénuée de pertinence l'argumentation du recourant par laquelle il soutient - de manière largement appellatoire - que les déclarations faites lors de l'entretien de réseau ne permettraient pas de remettre en question son "indigence notoire", connue de l'OSAMA. En effet, le fait que l'Office savait qu'il était incarcéré depuis de nombreuses années et que, partant, son unique source de revenu provenait du pécule qu'il percevait par son entremise, ne voulait pas encore dire qu'il ne disposait pas d'autres ressources financières. Partant, c'est sans arbitraire que la cour cantonale a considéré que l'indigence du recourant ne ressortait pas du dossier. Celui-ci n'ayant apporté aucun renseignement permettant d'avoir une vision complète de sa situation financière, qui apparaissait encore confuse, la juridiction précédente était fondée à considérer qu'il n'avait pas rendu vraisemblable son indigence.  
 
2.5. Dans ces circonstances, la cour cantonale n'a pas violé le droit constitutionnel ni conventionnel, pas plus qu'elle n'a fait preuve d'arbitraire dans l'application du droit cantonal, en confirmant le refus d'accorder au recourant l'assistance judiciaire pour la procédure devant l'OSAMA.  
 
3.  
Invoquant une violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 1 Cst.), le recourant reproche à la cour cantonale de n'avoir pas traité le solde de ses griefs. 
En l'espèce, le fait que l'autorité cantonale se soit limitée à l'examen de la condition de l'indigence, sans se prononcer sur les chances de succès de la cause et la nécessité de l'assistance d'un avocat, ne consacre pas une violation du droit d'être entendu. En effet, dans la mesure où il s'agit de conditions cumulatives, l'exclusion de l'une d'elles suffit à exclure l'assistance d'un avocat (cf. consid. 2.2.2 supra). La juridiction cantonale pouvait donc, sans violer le droit d'être entendu du recourant, rejeter sa requête au seul motif que son indigence n'était pas démontrée.  
 
4.  
S'agissant du refus de l'assistance judiciaire pour la procédure cantonale de recours, le recourant ne développe aucune argumentation satisfaisant aux exigences en la matière (cf. consid. 2.2.4 supra).  
 
5.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était d'emblée dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière (art. 65 al. 2 LTF), laquelle n'apparaît pas favorable. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à l'Office central du Ministère public du canton du Valais, à l'Office des sanctions et des mesures d'accompagnement du canton du Valais et au Juge unique de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
 
 
Lausanne, le 14 mai 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
La Greffière : Paris