1C_593/2022 13.09.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_593/2022  
 
 
Arrêt du 13 septembre 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Haag. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
recourante, 
 
contre  
 
Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, Service juridique, avenue de l'Université 5, 1014 Lausanne, 
Municipalité de Gilly, représentée par Me Alain Sauteur, avocat, 
Municipalité de Bursinel, route du Village 30, 1195 Bursinel. 
 
Objet 
Remise en état, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif 
et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 12 octobre 2022 (AC.2021.0175). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ SA est propriétaire d'un vaste domaine constitué notamment de la parcelle n o 150 du registre foncier, sur le territoire de la Commune de Bursinel, ainsi que de la parcelle n o 104 du registre foncier, sur le territoire de la Commune de Gilly. Ces deux parcelles, adjacentes, sont classées pour l'essentiel en zone agricole (ou zone viticole), selon les plans généraux d'affectation (PGA) des deux communes. Le centre de l'exploitation agricole de A.________ SA se trouve sur la parcelle no 150, avec plusieurs bâtiments classés en zone de hameaux.  
Depuis 2007, différents travaux de transformation des bâtiments existants et d'aménagements extérieurs, en lien avec la garde de chevaux, ont été autorisés par la Municipalité de Bursinel et par le service cantonal chargé de l'aménagement du territoire (actuellement Direction générale du territoire et du logement [ci-après: DGTL]). En relation avec ces procédures, le service cantonal a constaté que certains aménagements n'avaient pas fait l'objet d'une autorisation cantonale. Par décision du 28 avril 2021, la DGTL a en conséquence exigé le dépôt d'une demande de régularisation pour certaines installations et ordonné la suppression de certaines autres. Elle a en particulier - seul point encore litigieux - ordonné la suppression d'un dépôt de terre d'excavation (décision DGTL, dispositif, ch. 9), l'évacuation des matériaux vers un lieu approprié (ch. 10) et le réensemencement des surfaces remises en état (ch. 11). Le 28 mai 2021, A.________ SA a recouru contre cette décision devant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. En cours d'instance de recours, la recourante a produit un projet de valorisation du dépôt de terre; elle l'a également soumis à la DGTL pour examen préalable. Par arrêt du 12 octobre 2022, le Tribunal cantonal a rejeté le recours en tant qu'il portait sur le dépôt de terre (ch. 9 à 11 de la décision de remise en état) et a ordonné à la DGTL la fixation d'un nouveau délai pour la remise en état. 
 
B.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA demande principalement et en substance au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué et "dès retour de l'avis préalable requis de la [DGTL]", de lui impartir un délai "pour déposer une demande de permis pour son projet de valorisation du site". Elle conclut également à ce que l'émolument judiciaire cantonal soit réduit à 1'000 fr. et que l'indemnité en faveur de la Commune de Gilly soit annulée. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Elle sollicite également l'octroi de l'effet suspensif, accordé par ordonnance du 8 décembre 2022. 
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de son arrêt. La DGTL conclut au rejet du recours; en annexe à sa réponse, elle dépose également son préavis négatif au projet. La Municipalité de Bursinel s'en remet à justice. La Municipalité de Gilly considère que le recours devrait être rejeté; par acte du 24 janvier 2022, toute en réservant sa décision finale, elle indique préaviser favorablement le projet de valorisation soumis à l'autorité cantonale pour examen préalable. Le 12 décembre 2022, la recourante s'exprime au sujet des échanges intervenus avec la DGTL relatifs à son projet de valorisation. Sans prendre de conclusions formelles, l'Office fédéral de l'environnement (ci-après: OFEV) estime que le projet de valorisation porté par la recourante, situé en zone agricole, ne peut être autorisé. L'Office fédéral du développement territorial (ARE) conclut au rejet du recours et invite le Tribunal fédéral à fixer à la recourante un nouveau terme pour l'exécution de la remise en état. La recourante réplique et persiste implicitement dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
En procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement, d'une manière qui la lie sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d'un recours (cf. ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 p. 426; 131 V 164 consid. 2.1 p. 164; 125 V 413 consid. 1a p. 414). Le juge n'entre donc pas en matière, sauf exceptions non pertinentes en l'espèce, sur des conclusions qui vont au-delà de l'objet de la contestation (cf. ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 p. 426; arrêt 2C_53/2017 du 21 juillet 2017 consid. 5.1; concernant la procédure devant le Tribunal fédéral, voir ATF 142 I 155 consid. 4.4.2 p. 156). 
Par ailleurs, en vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires de recours doivent être motivés. Conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Pour satisfaire à cette exigence, il appartient au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse et d'expliquer en quoi ceux-ci seraient contraires au droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1). En particulier, la motivation doit se rapporter à l'objet du litige tel qu'il est circonscrit par la décision querellée (ATF 133 IV 119 consid. 6.4). Les griefs de violation des droits fondamentaux et des dispositions de droit cantonal sont en outre soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF). 
 
2.  
La recourante se plaint en l'espèce d'une violation du droit fédéral. Elle reproche en substance au Tribunal cantonal de ne pas avoir examiné son projet de valorisation, conforme selon elle aux art. 12 et 19 de l'ordonnance fédérale sur les déchets du 4 décembre 2015 (OLED; RS 814.600), respectivement de l'empêcher de mener celui-ci à bien. 
 
2.1. La cour cantonale a considéré que le maintien du dépôt de terre nécessitait un permis de construire au sens de l'art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700), y compris une autorisation spéciale de la DGTL puisqu'il est situé en zone agricole (cf. art. 25 al. 2 LAT). Or, une telle autorisation n'avait en l'occurrence pas été requise. Les importants frais d'évacuation allégués par la recourante auraient dû être pris en compte dans le coût du chantier de création d'un garage souterrain, dont sont issus les déchets d'excavation; il ne s'agissait pas d'une dépense imprévisible. La recourante admettait qu'elle devait trouver une solution pour mettre fin à cet entreposage et reconnaissait que le projet de valorisation qu'elle envisageait ne coûterait pas sensiblement moins cher que l'évacuation des matériaux dans une décharge. Dans ces conditions, l'intérêt public manifeste à remettre en état ce secteur de zone agricole devait l'emporter; le grief de violation du principe de la proportionnalité était mal fondé.  
 
2.2. La recourante soutient que la réalisation de son projet permettrait de valoriser les matériaux composant le dépôt de terre d'excavation de type A présent sur son site. Ce procédé serait fortement encouragé par la législation; elle se prévaut à cet égard de l'art. 19 al. 1 let. d OLED. Elle reproche à l'arrêt attaqué de confirmer l'ordre d'évacuation sans exposer en quoi son projet alternatif de valorisation n'aurait pas de chance raisonnable de succès ou serait moins opportun sur le plan des intérêts publics. Selon elle, l'intérêt public à la valorisation des déchets devrait prévaloir sur l'intérêt public à la restauration du terrain agricole.  
Ce faisant et au mépris des exigences de motivation du recours fédéral, la recourante ne discute pas en tant que telle l'appréciation de l'instance précédente (cf. art. 42 al. 2 LTF); elle ne fait en particulier pas valoir une violation du principe de proportionnalité, grief que le Tribunal fédéral n'examine pas d'office (cf. art. 106 al. 2 LTF). Elle se prévaut uniquement de son projet de valorisation du dépôt de terre. Selon les constatations cantonales, la recourante savait dès le début que ces matériaux d'excavation devaient en principe être évacués dans une décharge ou un autre site approprié. Elle a néanmoins - sous réserve d'un projet avorté de 2008 - attendu l'ordre de remise en état de la DGTL, respectivement la procédure de recours cantonal pour agir, en établissant un projet de valorisation. Or, contrairement à ce qu'elle soutient en lien avec un établissement prétendument arbitraire des faits (cf. art. 105 al. 2 LTF; ATF 145 I 26 consid. 1.3), ce projet n'a fait l'objet d'aucune demande d'autorisation au sens des art. 22 al. 1 et 25 al. 2 LAT; la demande d'examen préalable à la DGTL ne saurait en particulier y être assimilée. L'examen de ce projet de valorisation excède ainsi l'objet de la contestation, limité à la question de la remise en état du terrain agricole par la suppression du dépôt de terre. Le Tribunal cantonal n'avait ainsi pas à examiner en détail ce projet et sa conformité à l'OLED, contrairement à ce que lui reproche la recourante. La recourante perd d'ailleurs de vue que la conformité de son projet à l'OLED - fût-elle avérée - ne serait pas le seul critère déterminant; il faudrait encore que le projet, situé en zone agricole, réponde aux exigences strictes des art. 16a et 16a bis LAT, respectivement aux conditions dérogatoires des art. 24 ss LAT, ce que la DGTL a expressément nié aux termes de son préavis négatif du 19 janvier 2023. Enfin et au surplus, la recourante reconnaît l'intérêt public à la remise en état du secteur agricole et ne conteste pas la contrariété du dépôt litigieux à l'affectation de la zone. Rien ne commande ainsi de s'écarter de l'appréciation de la cour cantonale, qui repose en particulier sur le caractère inconstructible de la zone agricole et, plus largement, sur le principe cardinal - de rang constitutionnel - de la séparation entre le territoire bâti et non bâti, qui procède d'un intérêt public important (cf. ATF 147 II 309 consid. 5.5; arrêt 1C_189/2022 du 13 janvier 2023 consid. 2.2). 
 
2.3. Insuffisamment motivé, le grief est irrecevable.  
 
3.  
Le recours ne contient enfin aucune motivation en lien avec les conclusions en réduction de l'émolument judiciaire cantonal et les dépens cantonaux mis à la charge de la recourante, si bien qu'il est, sous cet angle également, irrecevable. 
 
4.  
Pour ces motifs, le recours doit être déclaré irrecevable aux frais de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). Le délai au 31 octobre 2021 initialement fixé à la recourante pour procéder aux mesures de remises en état ordonnées par la DGTL le 28 avril 2021 est reporté au 31 mars 2024 dans la mesure où il concerne l'évacuation du dépôt de terre présent sur la parcelle no 104. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Le délai au 31 octobre 2021 initialement fixé au recourant pour procéder aux mesures de remise en état ordonnées par la DGTL le 28 avril 2021 est reporté au 31 mars 2024 dans la mesure où il concerne l'évacuation du dépôt de terre présent sur la parcelle no 104. 
 
3.  
Les frais de justice, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à la Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, au mandataire de la Municipalité de Gilly, à la Municipalité de Bursinel, à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, à l'Office fédéral de l'environnement ainsi qu'à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 13 septembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
Le Greffier : Alvarez