9C_487/2022 03.06.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_487/2022  
 
 
Arrêt du 3 juin 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Scherrer Reber. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par M e Alexandre Lehmann, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, 
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 15 septembre 2022 (AI 7/20 - 285/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, née en 1961, est au bénéfice d'un diplôme d'enseignante d'orgue électronique et a donné des cours de musique à titre indépendant. En novembre 1997, elle a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité, invoquant un asthme bronchique responsable d'infections pulmonaires à répétition.  
Sur la base d'une expertise réalisée par le docteur B.________, spécialiste en médecine interne générale et en pneumologie (rapport du 17 juillet 2000), l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a rejeté la demande, par décision du 24 août 2000, car il n'existait pas de maladie physique ou psychique propre à entraîner une diminution permanente de la capacité de gain. Par jugement du 12 juillet 2001, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté le recours que l'assurée avait formé contre cette décision. 
 
A.b. Le 11 octobre 2017, A.________ a déposé une nouvelle demande de prestations, invoquant des allergies à diverses substances et des problèmes respiratoires.  
L'office AI a recueilli l'avis de la doctoresse C.________, spécialiste en médecine interne générale et médecin traitant, qui a notamment indiqué que la santé de sa patiente avait subi une aggravation progressive surtout depuis 10 ans (rapport du 29 décembre 2017) et qu'elle souffrait d'un syndrome de sensibilité chimique multiple à l'origine d'une capacité de travail n'excédant pas 30% (rapport du 4 janvier 2019). L'assurée a aussi déposé des avis médicaux émanant du docteur D.________, spécialiste en génétique médicale (rapport du 21 décembre 2018), du professeur E.________, médecin-chef à l'Hôpital F.________, spécialiste en allergologie et immunologie (rapport du 27 août 2018) et du docteur G.________, spécialiste en médecine interne et en phlébologie (rapport du 22 octobre 2018). 
De son côté, le docteur H.________, spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie, médecin auprès du Service médical régional de l'assurance-invalidité (SMR), a retenu que l'assurée souffrait d'une pathologie immuno-allergique singulière entraînant une sensibilité pathologique à une multitude de substances volatiles presque ubiquitaires dans la majorité des environnements actuels et à l'exposition desquelles l'intéressée développait des réactions allergiques (notamment respiratoires) angoissantes. Comme ce syndrome n'était pas reconnu de façon unanime par les experts en immunologie et allergie et qu'il entrait dans "le terrain délicat des phénomènes somatiques dont la base étiologique n'est pas rigoureusement attestée", il a recommandé la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique (avis du 23 janvier 2019). L'office AI a dès lors mandaté le docteur I.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. L'expert a exclu tout diagnostic psychiatrique; en l'absence de limitation fonctionnelle, il a conclu à une capacité de travail entière dans l'activité habituelle ainsi que dans toute profession accessible à l'assurée sur le plan psychique (rapport du 25 septembre 2019). Le docteur J.________, médecin au SMR, s'est rallié à l'appréciation du docteur I.________ (avis du 5 novembre 2019). 
Par décision du 25 novembre 2019, l'office AI a nié le droit à des prestations de l'assurance-invalidité (mesures professionnelles et rente), car la situation de l'assurée ne s'était pas modifiée de manière à influencer ses droits depuis la décision du 24 août 2000. 
 
B.  
A.________ a déféré cette décision au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, qui l'a déboutée par arrêt du 15 septembre 2022. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande l'annulation, en concluant principalement à l'octroi d'une rente entière d'invalidité depuis le 1er avril 2018 jusqu'à l'âge ordinaire de la retraite selon la LAVS, subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance inférieure pour complément d'instruction. 
L'intimé se réfère à l'arrêt cantonal. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit au sens des art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue sur la base des faits retenus par la juridiction précédente (art. 105 al. 1 LTF), qu'il peut rectifier ou compléter d'office si des lacunes et erreurs manifestes apparaissent aussitôt (art. 105 al. 2 LTF). Il n'examine en principe que les griefs allégués et motivés (art. 42 al. 2 LTF) surtout s'ils portent sur la violation des droits fondamentaux (art. 106 al. 2 LTF). Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Le recourant n'est habilité à critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62 et les références). 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente de l'assurance-invalidité dans le cadre d'une nouvelle demande de prestations (art. 87 al. 2 et 3 RAI).  
La juridiction cantonale a exposé de manière complète les notions d'invalidité (art. 8 al. 1 LPGA et art. 4 al. 1 LAI), respectivement d'incapacité de gain (art. 7 LPGA) et d'incapacité de travail (art. 6 LPGA). Elle a aussi rappelé la tâche du médecin dans l'instruction de la demande (cf. ATF 141 V 281 consid. 5.2.1 et les références) et le principe de la libre appréciation des preuves par le juge (art. 61 let. c LPGA). L'arrêt attaqué précise également à juste titre que les modifications intervenues dans le cadre du "développement continu de l'AI", prenant effet au 1er janvier 2022 (RO 2021 705; FF 2017 2535), ne sont pas applicables au présent litige. Comme la décision administrative a été rendue avant cette date, le droit applicable est celui qui était en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021 (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.2.1). 
 
2.2. Se référant à un arrêt 8C_165/2007 du 5 mars 2008, les premiers juges ont retenu que la notion de syndrome de sensibilité chimique multiple (SCM), également désigné par l'expression d'intolérance environnementale idiopathique (IEI) est fortement controversée dans la doctrine médicale spécialisée. D'après cette dernière, l'IEI correspond à une description clinique regroupant des symptômes d'étiologie inconnue attribués par les patients à de multiples expositions environnementales, lorsque toutes les autres explications médicales ont été exclues. Selon l'avis médical pris en compte dans l'affaire précitée, il existe de plus en plus de preuves à l'appui de la thèse selon laquelle l'IEI est souvent le résultat de crises de panique provoquées par des stimuli olfactifs conditionnés psychologiquement.  
Par ailleurs, l'instance précédente s'est référée à une publication, qu'elle a considérée comme sérieuse et exhaustive, de l'Institut national de santé publique du Québec du 29 juin 2021 (Gaétan Carrier [coordinateur]/Marie-Ève Tremblay/Rollande Allard et al., Syndrome de sensibilité chimique multiple, une approche intégrative pour identifier les mécanismes physiopathologiques, Rapport de recherche de la Direction de la santé environnementale et de la toxicologie de l'Institut national de santé publique du Québec, juin 2021 [ci-après: étude québecoise; https://www.inspq.qc.ca/publications/2729, consulté le 21 mai 2024]). Selon cette publication, les altérations observées (altération de l'humeur et des fonctions cognitives, troubles du sommeil, fatigue, perte de motivation et anhédonie) ne sont pas propres au syndrome de sensibilité chimique multiple; elles sont rapportées dans la fatigue chronique, le syndrome de stress post-traumatique, l'électrosensibilité, la fibromyalgie, la dépression, les troubles de somatisation, les troubles phobiques et le trouble panique; tous ces troubles ont en commun la présence d'anxiété chronique, ce qui permet d'expliquer l'ensemble des symptômes du syndrome de sensibilité chimique multiple car les mêmes altérations et dysfonctionnements y sont trouvés et mesurés. Pour la juridiction cantonale, cette recherche autorise à appliquer au syndrome de sensibilité chimique multiple la jurisprudence en matière de syndrome sans pathogenèse ni étiologie claire et sans constat de déficit organique (cf. ATF 141 V 281), ce d'autant que les parties n'ont opposé aucun avis médical contraire à cette étude. 
 
2.3. La recourante soutient que le dossier n'a pas fait l'objet d'une instruction suffisante sur le plan médical dans la mesure où elle souffre d'un syndrome de sensibilité chimique multiple. En particulier, elle fait grief aux juges cantonaux d'avoir résumé de manière très incomplète et arbitraire les avis médicaux favorables à sa cause. Elle relève que la doctoresse C.________ avait fait état d'une aggravation importante de son état de santé et diagnostiqué une hypersensibilité multiple dont elle avait exposé les effets limitatifs. Par ailleurs, le docteur I.________ avait déploré un défaut d'instruction du cas, indiquant qu'il avait été frappé par l'absence d'observation, alors que l'un de ses confrères, le docteur G.________, avait préconisé un testing lors d'une exposition qui n'avait jamais été effectuée. La recourante ajoute que ce dernier avait retenu les diagnostics d'atopie, soit une prédisposition génétique au développement cumulé d'allergies courantes, d'allergies aux produits chimiques environnementaux et à l'aspirine, d'asthme allergique et de maladie réactives des voies respiratoires). En substance, elle reproche aux premiers juges de n'avoir pas retenu l'aggravation "patente" de son état de santé ni donné suite à sa requête tendant à la mise en oeuvre d'une expertise comprenant les aspects immunologique, allergologique et pneumologique, ainsi que le cas échéant un volet psychiatrique avec évaluation psychodynamique lors d'une exposition, afin de déterminer sa capacité de travail réelle. Elle en déduit que l'instance précédente aurait dû retenir que sa maladie a bien un substrat organique, ainsi que la doctoresse C.________, le docteur D.________, le professeur E.________ et la doctrine médicale l'auraient expliqué de manière détaillée. Une expertise psychiatrique n'était donc pas suffisante pour apprécier sa capacité de travail, d'autant que son médecin traitant avait exclu un trouble de cet ordre.  
 
3.  
 
3.1. Plusieurs médecins se sont exprimés sur l'état de santé de l'assurée. La doctoresse C.________ a attesté que la recourante souffrait d'un syndrome de sensibilité chimique multiple à l'origine d'une capacité de travail n'excédant pas 30%; elle a fait état de réaction à certaines odeurs provoquant une dyspnée ou crise d'asthme, un gonflement du visage érythémateux, des céphalées, des troubles de la concentration, une faiblesse musculaire et des palpitations (rapport du 4 janvier 2019). De son côté, dans son rapport du 27 août 2018, le professeur E.________ a aussi mentionné ce syndrome qu'il a mis en relation avec le diagnostic d'hyperréactivité des muqueuses. Ce médecin a évoqué divers symptômes diffus, tels que des vertiges, maux de tête, troubles de la concentration, toux, difficultés respiratoires, ainsi que des troubles circulatoires, indiquant que leur origine découlait probablement de la présence d'odeurs dans la maison de la recourante; il ne s'est pas exprimé sur la capacité de travail. Le docteur G.________ a attesté une sensibilité accrue à des produits chimiques présents dans l'environnement, en particulier la diffusion de parfums, qui affectent la mémoire et le sens de l'orientation de sa patiente (rapport du 22 octobre 2018). Il a aussi diagnostiqué un asthme allergique (rapport du 7 juillet 2021), ce que le docteur H.________ a également relevé en indiquant que la recourante développait des réactions allergiques (notamment respiratoires) angoissantes à l'exposition de substances volatiles (avis du 23 janvier 2019). Quant au docteur I.________, il a conclu à l'absence de tout diagnostic psychiatrique: les quelques indices (tendance neurasthénique, tendance obsessionnelle), faibles et non systématisés, ne suffisaient pas pour établir une véritable hypothèse diagnostique et encore moins pour retenir un trouble ayant un impact sur la capacité de travail. L'expert a précisé qu'il avait été frappé par l'absence d'observation, le testing (psychométrique) lors d'une exposition, proposé par le docteur G.________, n'avait jamais été effectuée (rapport d'expertise psychiatrique du 25 septembre 2019, p. 19).  
 
3.2.  
 
3.2.1. Le syndrome de sensibilité chimique multiple (SCM) a été décrit par l'étude québecoise (p. 3) comme un trouble chronique, caractérisé par de multiples symptômes récurrents non spécifiques; les symptômes du SCM sont mal définis, associés à divers systèmes organiques et seraient provoqués ou exacerbés lors d'une exposition à des odeurs présentes dans l'environnement courant à de faibles concentrations, lesquelles sont tolérées par la plupart des gens. Médicalement, ce syndrome est considéré comme une pathologie inexpliquée dont le diagnostic est posé après une investigation clinique servant à exclure toute autre affection pouvant expliquer les symptômes; il s'agit d'un diagnostic d'exclusion (étude québecoise, p. 9). Parmi les symptômes dont se plaignent les personnes concernées, sont évoqués des symptômes neuropsychiatriques (troubles de la mémoire, troubles de concentration, fatigue et épuisement, etc.), des douleurs comme des céphalées ou des arthralgies, des symptômes gastro-intestinaux, sensoriels, neurovégétatifs et cutanés (étude québecoise, p. 63).  
Comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, le syndrome de sensibilité chimique multiple diagnostiqué par les médecins traitants de la recourante ne constitue pas une maladie reconnue dans la Classification internationale des maladies de l'OMS (CIM), qui ne comporte pas de code y relatif (CIM-10-German Modification). Des tentatives de faire inscrire le SCM au CIM n'ont pas abouti (voir par exemple, les propositions de déclarer le SCM sous un code singulier T78.5 faites au Bundesministerium für Gesundheit [Ministère allemand pour la santé] en 2018, www.dimdi.de, sous Klassifikationen/Downloads/ICD-10-GM/Vorschläge/2019, consulté le 21 mai 2024). En Allemagne, le code T.78.4 CIM-10-GM (Allergie, sans précision) est utilisé pour appréhender le SCM, le code F45.0 (Somatisation) ayant également été évoqué (Katharina Harter/Gertrud Hammel/Megan Fleming/Claudia Traidl-Hoffmann, Multiple Chemikaliensensibilität [MCS] - Ein Leitfaden für die Dermatologie zum Umgang mit Betroffenen, Journal der Deutschen Dermatologischen Gesellschaft, 2020, p. 124). 
 
3.2.2. Les objectifs de l'étude québecoise, effectuée sur mandat du Ministère de la Santé et des Services sociaux à l'Institut national de santé publique du Québec, ont été d'identifier les mécanismes physiopathologiques qui permettraient d'expliquer le syndrome SCM au moyen d'une approche qui intègre l'ensemble des différentes recherches sur toutes les hypothèses proposées et de vérifier, dans le cas où de tels mécanismes ont été identifiés, si l'exposition à des produits chimiques odorants, présents dans l'environnement à de faibles concentrations, pourrait en être la cause (p. 3 de l'étude).  
Au terme d'une analyse de plus de 4'000 articles de la littérature scientifique, les auteurs de l'étude québecoise ont dégagé plusieurs constats, qu'ils ont présentés sous le titre "Messages clés": depuis les années 2000, les avancées réalisées en neurosciences et dans les techniques de mesure des paramètres biologiques et de l'imagerie cérébrale fonctionnelle ont apporté de nouveaux éléments permettant de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques de la SCM; ces avancées confirment que le psychique est absolument indissociable du biologique et du social; les personnes atteintes voient les odeurs comme une menace à leur santé, et la détection de celles-ci provoque chez elles des symptômes de stress aigu, qui se manifestent par des malaises qu'elles attribuent aux produits chimiques associés à l'odeur; cette cascade de réactions provoque des altérations biologiques du fonctionnement normal de l'organisme dans les systèmes immunitaire, endocrinien et nerveux; le système nerveux est altéré principalement dans les structures du système lymbique impliqué dans l'émotion, l'apprentissage et la mémoire; l'ensemble des altérations observées (altération de l'humeur et des fonctions cognitives, troubles du sommeil, fatigue, perte de motivation et anhédonie) explique la chronicité et la polysymptomatologie rapportées par les personnes atteintes de SCM; ces altérations ne sont pas propres au syndrome SCM et sont rapportées dans la fatigue chronique, le syndrome de stress post-traumatique, l'électrosensibilité, la fibromyalgie, l'anxiété chronique et la dépression, les troubles de somatisation, les troubles phobiques et le trouble panique, tous ces troubles ayant en commun la présence d'anxiété chronique; l'anxiété chronique permet d'expliquer l'ensemble des symptômes du syndrome SCM, les mêmes altérations et dysfonctionnements y étant trouvés et mesurés; à la longue, la répétition presque inévitable de ces épisodes de stress aigu entraîne chez les personnes atteintes le développement d'une neuroinflammation, d'un stress oxydatif et conséquemment une anxiété chronique; sur la base de ces nouvelles connaissances, les auteurs invalident l'hypothèse d'une association entre le SCM et la toxicité des produits chimiques trouvés aux concentrations habituelles; cependant, les perturbations biologiques chroniques observées, la sévérité des symptômes ressentis, les impacts sociaux et professionnels en résultant pour les personnes atteintes et la forte prévalence du syndrome SCM en font un réel enjeu de santé ("Messages clés", p. 1 s.). 
 
3.2.3. L'étude québecoise met aussi en évidence que le sujet du SCM divise deux écoles de pensées médicales, la première "psychologique" ("psychological school of thought" [cf. Adrianna Tetley, Do no harm: Multiple chemical sensitivity is not psychological, J. Allergy Clin Immunol Pract 2024, p. 266]) définissant ce syndrome comme une anxiété (p. ex. Karen E. Binkley, Multiple Chemical Sensitivity/Idiopathic Environmental Intolerance: A Practical Approach to Diagnosis and Management, J. Allergy Clin Immunol Pract. 2021, p. 3645 ss, à laquelle se réfère Tetley, op. cit.); la seconde, "biophysique-toxicologique" ("biophysical-toxicologic school of thought"), voit ce syndrome comme un trouble environnemental grave, complexe et récurrent avec un processus pathologique ayant des symptômes et signes notamment neurologiques, immunologiques, dermatologiques et allergiques (p. ex. Shahir Mari/Claudia S. Miller/Raymond F. Palmer/Nicholas Ashford, Perte de tolérance induite par les substances toxiques pour les produits chimiques, les aliments et les médicaments: évaluation des modèles d'exposition derrière un phénomène mondial [traduction française], Environ Sciences Europe 2021, 33, p. 1 ss, auxquels se réfère Tetley, op. cit.).  
 
3.2.4. À ce stade de la controverse médicale, et en l'espèce, la Cour de céans n'a pas à prendre position sur celle-ci. Il suffit de constater que la science médicale reconnaît en tous les cas la survenance d'un trouble chronique ou mécanisme pathologique sous la forme de symptômes récurrents non spécifiques, semblables à ceux de l'allergie (qui ne correspondent cependant pas à la définition classique de l'allergie), observés, provoqués ou exacerbés, lors d'expositions à des odeurs (ou à des produits chimiques) présentes dans l'environnement à de faibles concentrations (qui sont tolérées par la majorité des gens). Ce trouble peut, selon le degré de sévérité des symptômes, affecter le fonctionnement normal des personnes atteintes.  
Même si ce trouble n'est pas catégorisé en tant que tel dans la CIM ni saisi sous un code CIM singulier, il est, selon les pratiques médicales, décrit sous les codes T78.4 ou F45.0, ce qui reflète le débat mené par la science médicale sur sa nature somatique ou psychosomatique (sur les deux modèles, voir aussi Heinz Bolliger-Salzmann et al., Evaluation des MCS-Pilotprojetks der Wohnbaugenossenschaft Gesundes Wohnen MCS, Eine explorative Studie, Schlussbericht, mars 2015, p. 15 ss [Office fédéral du logement OFL; www.bwo.admin.ch, sous Le logement aujourd'hui/Études et publications"Le logement aujourd'hui"], consulté le 21 mai 2024). Nonobstant ce débat, et l'absence d'attribution d'un code CIM particulier, la réalité du trouble et des symptômes le caractérisant font l'objet d'un consensus scientifique, aucune des études consultées ne mettant en doute l'existence d'une pathologie pouvant, selon le degré de gravité, occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante et l'environnement professionnel. Dès lors que ce trouble peut être décrit selon une définition largement reconnue dans le milieu médical, en référence à un code CIM-10 somatique ou psychique, en fonction des pratiques et courants médicaux, on peut admettre qu'il repose sur un diagnostic pouvant être établi en fonction de critères médicaux suffisants, dont la validité peut être contrôlée (sur l'importance, sous l'angle juridique, d'un diagnostic posé lege artis sur les critères d'un système de classification reconnu, cf. ATF 141 V 281 consid. 2.1). 
 
3.2.5. Il y a lieu, ensuite, de relever que le diagnostic en cause constitue un diagnostic d'exclusion, qui ne peut être posé qu'à l'issue d'un examen interdisciplinaire du cas particulier, une évaluation consensuelle et l'exclusion d'autres causes des troubles (Harter et al., op. cit., p. 124). Différents schémas d'évaluation ont été proposés (cf. Harter et al., op. cit., p. 122, tableau 1 "Konsensus-Kriterien zur Definition von multipler Chemikaliensensibilität [MCS]; Giovanni Damiani et al., Italian Expert Consensus on Clinical and Therapeutic Management of Multiple Chemical Sensitivity [MCS], International Journal of Environmental Research and Public Health 2021, 18, p. 5).  
Or une telle évaluation n'a pas eu lieu en l'occurrence. En particulier, l'expertise psychiatrique a été rendue sans qu'il y ait eu un échange avec les médecins traitants (somaticiens) de l'assurée. Elle relève en outre, quoi qu'en dise la juridiction cantonale, d'une approche superficielle de la problématique médicale en cause. Ainsi, l'expert s'est limité à de strictes constatations sur l'attitude de la recourante pendant son entretien, au sujet duquel il a indiqué que "par la force des choses et imposées par l'assurée, nous étions dans un entretien extrêmement précis et rapide et Mme A.________ a répondu à cela avec autant de précision et de rapidité que possible" (p. 19 de l'expertise du 25 septembre 2019). Il n'a pas pris position sur les limitations rapportées par la recourante en relation avec son hypersensibilité, dont elle a donné un exemple en signalant son inconfort à cause de certaines émanations et odeurs sur le lieu de l'examen. 
 
3.3. Dans ces circonstances, la mise en oeuvre d'une expertise médicale pluridisciplinaire, incluant notamment les volets immunologique, allergologique, pneumologique et psychiatrique, s'impose. Ce complément d'instruction est de la compétence de l'office AI, auquel la cause est renvoyée à cette fin et à l'issue duquel il se prononcera une nouvelle fois sur le droit éventuel de la recourante à une rente d'invalidité, prestation dont elle demande l'octroi à partir du 1er janvier 2018. La conclusion subsidiaire du recours est bien fondée.  
 
4.  
L'intimé, qui succombe, supportera les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) ainsi que les dépens de la recourante (art. 68 al. 1 LTF). La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure (art. 67 et 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 15 septembre 2022, ainsi que la décision de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, du 25 novembre 2019, sont annulés, la cause étant renvoyée audit office pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
L'intimé versera à la recourante une indemnité de dépens de 2'800 fr. pour la procédure fédérale. 
 
4.  
Le dossier est renvoyé au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure précédente. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 3 juin 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Berthoud