6B_66/2024 05.06.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_66/2024  
 
 
Arrêt du 5 juin 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Denys, Muschietti, 
van de Graaf et von Felten. 
Greffière : Mme Corti. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Fabien Gillioz, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
intimé. 
 
Objet 
Fixation de la peine, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre pénale d'appel et de révision, 
du 5 décembre 2023 (P/2825/2023 AARP/461/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 10 mai 2023, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a condamné A.________ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 30 fr. le jour pour rupture de ban (art. 291 al. 1 CP), ainsi qu'à une amende de 300 fr. pour consommation de stupéfiants (art. 19a LStup [RS 812.121]), frais à sa charge en 4'312 fr., émolument complémentaire de jugement de 600 fr. en sus. Le tribunal a encore ordonné la libération immédiate de A.________ qui comparaissait détenu. 
 
B.  
Statuant par arrêt du 5 décembre 2023 sur appel du ministère public et de A.________, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de Genève (ci-après: CPAR) a déclaré irrecevable l'appel formé par ce dernier et partiellement admis l'appel du ministère public. Elle a réformé le jugement de première instance en ce sens qu'elle a déclaré A.________ coupable de rupture de ban et de consommation de stupéfiants, l'a condamné à une peine privative de liberté de 6 mois, sous déduction de 96 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de 300 fr., a prononcé une peine privative de liberté de substitution de 3 jours et dit que cette peine serait mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'était pas payée. Elle a également condamné A.________ aux frais de la procédure préliminaire, de première instance et d'appel, et rejeté ses conclusions en indemnisation. 
Il en ressort les faits suivants: 
 
B.a. Selon l'acte d'accusation du 5 avril 2023, il est reproché ce qui suit à A.________:  
Il a, entre le 12 janvier 2023, lendemain de sa dernière condamnation, et le 4 février 2023, date de son interpellation, intentionnellement persisté à séjourner en Suisse, notamment à U.________, alors qu'il fait l'objet d'une décision d'expulsion judiciaire prononcée le 2 octobre 2020 par la CPAR pour une durée de 8 ans. 
 
B.b. Il a, entre le 12 janvier 2023, lendemain de sa dernière condamnation et le 4 février 2023, à U.________, régulièrement consommé des stupéfiants, notamment du crack.  
 
B.c. A.________ est né en 1988, en Algérie, pays dont il est originaire. Arrivé en Suisse selon ses déclarations en 2006, il ne dispose d'aucun titre de séjour.  
 
B.d. Son expulsion pénale facultative a été ordonnée le 3 avril 2019 pour une durée de 5 ans, une nouvelle expulsion facultative de 8 ans étant prononcée le 2 octobre 2020.  
 
B.e. Dans un courriel du 10 mars 2023, l'Office cantonal de la population et des migrations de Genève (ci-après: OCPM) a indiqué qu'aucune décision n'avait été rendue à l'encontre de A.________ après " le prononcé de son expulsion ", l'intéressé étant démuni de documents d'identité et n'étant pas identifié.  
 
B.f. Devant le premier juge, A.________ a expliqué qu'il n'avait pas pu obtenir ses papiers algériens car ses parents étaient décédés. Il avait contacté les autorités lorsqu'il était détenu à V.________ et le Consul lui avait dit qu'il avait quitté l'Algérie trop jeune et était inconnu d'eux.  
 
B.g. Selon l'extrait de casier judiciaire (état au 5 décembre 2023), A.________ a été condamné en Suisse:  
 
- le 30 septembre 2011 par la CPAR à une peine privative de liberté de 15 mois pour lésions corporelles simples avec moyen dangereux; 
- le 9 décembre 2011 par le Tribunal de police de Genève à une peine privative de liberté de 2 mois pour séjour illégal; 
- le 10 février 2014 par la CPAR à une peine privative de liberté de 3 ans pour tentative de brigandage en bande; 
- le 30 septembre 2016 par la CPAR à une peine privative de liberté de 4 ans, une peine pécuniaire de 20 jours-amende à 10 fr. le jour et à une amende de 100 fr., pour contravention à la LStup, séjour illégal, tentative de vol, opposition aux actes de l'autorité, dommages à la propriété, vol et lésions corporelles graves; 
- le 18 mai 2017 par la CPAR à une peine privative de liberté de 45 jours pour rixe; 
- le 18 mars 2019 par le ministère public à une peine pécuniaire de 15 jours-amende, à 10 fr. le jour, pour dommages à la propriété; 
- le 3 avril 2019 par la CPAR à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 10 fr. le jour, à une amende de 100 fr. et à l'expulsion du territoire suisse pour une durée de 5 ans, pour contravention à la LStup et séjour illégal; 
- le 2 octobre 2020 par la CPAR à une peine privative de liberté de 10 mois et à l'expulsion du territoire suisse pour une durée de 8 ans, pour tentative de vol, rupture de ban du 19 juin 2019 au 19 juillet 2019, tentatives de lésions corporelles simples, menaces et séjour illégal; 
- le 18 décembre 2020 par le Tribunal de police de Genève à une peine privative de liberté de 5 mois, partiellement complémentaire au jugement du 2 octobre 2020, pour rupture de ban du 20 juillet au 14 août 2020 et vol; 
- le 11 janvier 2023 par le Tribunal de police de Genève à une peine pécuniaire de 240 jours-amende à 10 fr. par jour, et à une amende de 100 fr., pour contravention à la LStup et rupture de ban, le 7 février 2022, du 9 février au 2 août 2022, du 4 août 2022 au 26 septembre 2022, du 23 octobre au 21 novembre 2022 et du 28 septembre au 21 octobre 2022; 
- le 11 juin 2023 par le ministère public à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 10 fr. le jour pour rupture de ban du 11 mai 2023 au 10 juin 2023; 
- le 14 juin 2023 par le ministère public à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 10 fr. le jour ainsi qu'à une amende de 500 fr., pour appropriation illégitime, empêchement d'accomplir un acte officiel, rupture de ban le 12 juin 2023 et consommation de stupéfiants. 
 
B.h. A.________ fait par ailleurs l'objet de deux procédures en cours devant le ministère public pour contravention en matière de stupéfiants, brigandage, infraction à la loi sur les armes et rupture de ban, ainsi que pour lésions corporelles graves, menaces, brigandage, contrainte, séquestration ou enlèvement, ainsi qu'infractions à la loi sur les stupéfiants (LStup; RS 812.121) et à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20).  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 5 décembre 2023. Il conclut, principalement, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et à la confirmation du jugement de première instance en ce sens qu'il est condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 30 fr. le jour, sous déduction de 96 jours-amende, correspondant à 96 jours de détention avant jugement, et à une amende de 300 francs. Subsidiairement, il requiert l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire et la désignation de Me Fabien Gillioz en qualité de défenseur d'office. 
 
D.  
Invité à se déterminer sur le recours, le ministère public a conclu au rejet du recours. La cour cantonale a pour sa part renoncé à présenter des observations, se référant aux considérants de l'arrêt attaqué. 
Dans le délai imparti, le recourant a formulé des observations complémentaires et persisté intégralement dans les développements et conclusions de son recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant ne remet pas en cause sa condamnation pour rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) et consommation de stupéfiants (art. 19a LStup). En revanche, il conteste le prononcé d'une peine privative de liberté à son encontre. 
 
1.1. L'art. 291 al. 1 CP punit d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire celui qui aura contrevenu à une décision d'expulsion du territoire de la Confédération.  
 
1.2. La Directive sur le retour (Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier) a été reprise par la Suisse, par arrêté fédéral du 18 juin 2010 (arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de l'échange de notes du 30 janvier 2009 entre la Suisse et la Communauté européenne concernant la reprise de la Directive 2008/115/CE sur le retour; RS 0.362.380.042; JO L 348 du 24 décembre 2008 p. 98; RO 2010 5925). La LEI a été adaptée en conséquence (cf. ATF 147 IV 232 consid. 1.2 et les arrêts cités; arrêt 6B_1092/2021 du 23 mai 2022 consid. 3.1). Les juridictions suisses doivent faire leur possible pour mettre en oeuvre la jurisprudence européenne relative à cette directive (ATF 147 IV 232 consid. 1.2; 143 IV 264 consid. 2.1; arrêts 6B_275/2022 du 2 septembre 2022 consid. 1.1.2; 1B_211/2023 du 11 mai 2023 consid. 2.2.2; 6B_1092/2021 précité consid. 3.1).  
 
1.2.1. Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion d'exposer en détail la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) relative à la Directive sur le retour, à laquelle il peut donc être renvoyé (ATF 147 IV 232 consid. 1.4; 143 IV 249 consid. 1.4; arrêts 6B_275/2022 précité consid. 1.1.2; 1B_211/2023 précité consid. 2.2.2; 6B_1092/2021 précité consid. 3.1). Cette dernière pose le principe de la priorité des mesures de refoulement sur le prononcé d'une peine privative de liberté du ressortissant d'un pays tiers qui est en séjour illégal (ATF 147 IV 232 consid. 1.2; 143 IV 249 consid. 1.5 et 1.9; arrêts 6B_275/2022 précité consid. 1.1.2; 1B_211/2023 précité consid. 2.2.2; 6B_1092/2021 précité consid. 3.1). Un tel genre de peine ne peut entrer en ligne de compte que lorsque toutes les mesures raisonnables pour l'exécution de la décision de retour ont été entreprises (ATF 147 IV 232 consid. 1.2; 143 IV 249 consid. 1.6.2; arrêts 6B_275/2022 précité consid. 1.1.2; 1B_211/2023 précité consid. 2.2.2; 6B_1092/2021 précité consid. 3.1). Selon la jurisprudence européenne, les termes " mesures " et " mesures coercitives " se réfèrent à toute intervention qui conduit de manière efficace et proportionnée au retour de l'intéressé (cf. arrêt CJUE du 6 décembre 2011 Achughbabian C-329/11 par. 36; cf. ATF 143 IV 249 consid. 3.1; arrêt 6B_1092/2021 précité consid. 3.1).  
 
1.2.2. Le Tribunal fédéral a également considéré que les principes dégagés de la jurisprudence de la CJUE, examinés par la cour de céans sous l'angle du séjour illégal au sens de l'art. 115 al. 1 let. b LEI, devaient être transposés à la rupture de ban au sens de l'art. 291 CP (ATF 147 IV 232 consid. 1.6; arrêts 6B_275/2022 précité consid. 1.1.2; 1B_211/2023 précité consid. 2.2.2; 6B_1092/2021 précité consid. 3.1).  
 
1.2.3. Se référant à la jurisprudence européenne (arrêt de la CJUE du 6 décembre 2011 C-329/11 Achughbabian, par. 41), le Tribunal fédéral a jugé que la Directive sur le retour n'était pas applicable aux ressortissants des pays tiers qui avaient commis, outre le séjour irrégulier, un ou plusieurs autres délits (art. 2 al. 2 let. b de la Directive sur le retour) en dehors du droit pénal sur les étrangers (ATF 143 IV 264 consid. 2.4 à 2.6; arrêts 1B_211/2023 précité consid. 2.2.2; 6B_275/2022 précité consid. 1.1.2; 6B_931/2016 du 6 juin 2017 consid. 2.3; 6B_1189/2015 du 13 octobre 2016 consid. 2.1), pour autant toutefois que pris individuellement, ces délits justifient une peine privative de liberté (cf. arrêt 6B_275/2022 précité consid. 1.3.2 s'agissant d'une infraction de rupture de ban couplée avec des infractions de vol et de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires; cf. aussi arrêt 1B_211/2023 précité consid. 2.2.2).  
 
1.3. D'après l'art. 124a LEI, en vigueur depuis le 22 novembre 2022, (cf. arrêté fédéral du 18 décembre 2020 portant approbation et mise en oeuvre des échanges de notes entre la Suisse et l'UE concernant la reprise des bases légales concernant l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen [SIS], [RO 2021 365 p. 8; 2022 636; FF 2020 3361 pp. 3414-3416]), la Directive sur le retour ne s'applique pas à la décision et à l'exécution de l'expulsion au sens des art. 66a ou 66a bis CP ou 49a ou 49a bis du Code pénal militaire (CPM; RS 321.0).  
 
1.3.1. Il ressort des débats parlementaires que, avec cette disposition, la Suisse a voulu se réserver explicitement le droit d'expulser les ressortissants criminels d'États tiers de manière souveraine, indépendamment de l'évolution du droit de l'UE, concrètement de la Directive sur le retour. L'art. 124a LEI a été introduit afin d'exclure notamment que les tribunaux et les autorités suisses soient tenus de respecter, lors du prononcé d'une décision d'expulsion ou de son exécution, les motifs d'empêchement prévus à l'art. 5 de la Directive sur le retour ainsi que d'autres garanties ou prescriptions minimales qui y figurent. Cela vaut également pour l'interprétation de cette dernière disposition par la CJUE et pour les modifications de la Directive sur le retour qui seront décidées à l'avenir (cf. BO CE 2020 1195).  
L'art. 5 de la Directive sur le retour, ayant comme intitulé "Non-refoulement, intérêt supérieur de l'enfant, vie familiale" prévoit que, lorsqu'ils mettent en oeuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte: a) de l'intérêt supérieur de l'enfant, b) de la vie familiale, c) de l'état de santé du ressortissant concerné d'un pays tiers, et respectent le principe de non-refoulement. 
Selon la volonté parlementaire, les tribunaux et les autorités suisses doivent uniquement se baser sur le droit national et sur les dispositions de droit international effectivement contraignantes comme la CEDH pour prendre leurs décisions (d'expulsion, respectivement en lien avec son exécution) et non sur la Directive sur le retour (cf. BO CE 2020 1195). Avec l'adoption de l'art. 124a LEI, l'objectif du législateur était d'empêcher que, par la mise en oeuvre de la Directive sur le retour, on paralyse l'initiative "pour le renvoi des étrangers criminels" acceptée par le peuple. L'art. 124a LEI a ainsi été proposé comme solution pour restaurer, dans ce domaine particulier, une forme de primauté du droit interne, de sorte que la Directive sur le retour ne s'appliquera pas à la décision ni à l'exécution des expulsions judiciaires (cf. BO CN 2020 2309). 
Par ce biais, la Suisse a fait usage de la possibilité laissée aux États membres de ne pas appliquer la Directive sur le retour aux ressortissants de pays tiers faisant l'objet d'une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national, ou faisant l'objet de procédures d'extradition (cf. art. 2 ch. 2 let. b de la Directive sur le retour; BO CE 2020 1195; cf. aussi Modification de la directive LEI, Directives Domaines des étrangers, état au 1er octobre 2022, ch. 8.2 et 8.4.2.1.2). 
 
1.3.2. Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de préciser que l'art. 124a LEI ne s'applique que, comme son libellé l'indique, aux décisions d'expulsion, respectivement à leur exécution (cf. arrêt 1B_211/2023 précité consid. 2.4).  
 
1.4. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 148 IV 148 consid. 7.3.1; 147 V 35 consid. 7.1; 145 IV 17 consid. 1.2 et les références citées).  
 
1.5. La cour cantonale a estimé que la question pourrait rester ouverte de savoir si les mesures raisonnables avaient été entreprises en vue de l'éloignement du recourant, respectivement si celui-ci avait échoué en raison du comportement de l'intéressé. L'autorité précédente a considéré que la période pénale visée dans l'acte d'accusation était postérieure à l'entrée en vigueur de l'art. 124a LEI et que, par conséquent, la Directive sur le retour n'était désormais plus applicable et le prononcé d'une peine privative de liberté était possible. La cour cantonale a ainsi condamné le recourant à une peine privative de liberté ferme de 6 mois en lieu et place de la peine pécuniaire de 180 jours-amende à 30 fr. le jour fixée par le tribunal de première instance pour l'infraction de rupture de ban.  
 
1.6. Le raisonnement de la cour cantonale ne peut pas être suivi.  
 
1.6.1. La cour cantonale se méprend sur la portée, dans le cas d'espèce, de l'art. 124a LEI. En effet, comme le Tribunal fédéral l'a déjà rappelé (cf. supra consid. 1.3.2), cette disposition ne s'applique qu'aux décisions d'expulsion, respectivement à leur exécution. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, étant donné que la présente cause a pour objet une condamnation pour rupture de ban (et pour consommation de stupéfiants), soit la transgression intentionnelle d'une décision d'expulsion et non pas la décision d'expulsion elle-même. Du reste, contrairement à ce que semble soutenir le ministère public dans ses déterminations, il ne ressort aucunement des travaux parlementaires que, avec l'adoption de l'art. 124a LEI, la volonté du législateur était celle de s'affranchir de la Directive sur le retour lorsque le prévenu est condamné, comme en l'espèce, pour rupture de ban, ni que cette disposition devait s'appliquer dans le cadre de la fixation de la peine d'une telle infraction. Rien ne plaide donc, en l'occurrence, en faveur d'une interprétation extensive de cette norme. Au contraire, il ressort clairement des débats parlementaires que l'objectif poursuivi par le législateur était celui d'exclure du champ d'application de la Directive sur le retour les décisions d'expulsion et leur exécution afin de renforcer l'application du droit interne suite à l'acceptation par le peuple suisse de l'initiative "pour le renvoi des étrangers criminels" ("initiative sur le renvoi"; FF 2011 2593; cf. art. 121 al. 3 à 6 Cst.). Comme susmentionné, l'art. 124a LEI a en effet notamment été adopté afin que les tribunaux suisses puissent ne pas être liés, lors du prononcé d'une décision d'expulsion ou de son exécution, par les motifs d'empêchement prévus à l'art. 5 de la Directive sur le retour et par l'interprétation de cette disposition faite par la CJUE. L'art. 124a LEI a également été introduit pour se prémunir d'éventuelles modifications de la Directive sur le retour qui seront décidées à l'avenir touchant aux décisions d'expulsion et à leur exécution, sur lesquelles la Suisse souhaite garder sa souveraineté (cf. supra consid. 1.3.1).  
 
1.6.2. Au demeurant, la lettre de l'art. 124a LEI est claire et ne fait aucune référence au genre de peine sanctionnant les infractions en lien avec le prononcé d'une expulsion. Par ailleurs, sous l'angle systématique, l'art. 124a LEI figure au chapitre intitulé "Dispositions finales" et non dans celui énonçant les dispositions pénales (cf. ch. 16: art. 115 à 120e LEI), concernant le type de peines prononcé en cas d'infraction au droit des étrangers.  
 
1.6.3. Au vu de l'ensemble de ce qui précède, la jurisprudence rendue à ce jour par le Tribunal fédéral en lien avec la Directive sur le retour et le genre de peine pouvant sanctionner les infractions de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) ainsi que de rupture de ban (art. 291 CP) reste d'actualité (cf. supra consid. 1.2).  
 
1.6.4. La cour cantonale ainsi que le ministère public semblent également se méprendre sur la portée de la jurisprudence 6B_1092/2021 du 23 mai 2022, laquelle spécifie uniquement que le prononcé d'une décision d'expulsion au sens de l'art. 66a CP ne faisait alors pas obstacle à l'application de la Directive sur le retour et renvoie dans ce sens à l'entrée en vigueur ultérieure, en date du 22 novembre 2022, de l'art. 124a LEI.  
 
1.6.5. Pour le reste, il est à relever que le Tribunal fédéral a déjà jugé que la Directive sur le retour n'était pas applicable aux ressortissants des pays tiers qui avaient commis, outre une infraction de rupture de ban, un ou plusieurs autres délits en dehors du droit pénal sur les étrangers, pour autant toutefois que, pris individuellement, ces délits justifient une peine privative de liberté (cf. supra consid. 1.2.3), ce qui n'est pas le cas en l'occurrence. En effet, le recourant est mis en cause, dans la présente procédure, pour rupture de ban (cf. art. 291 al. 1 CP) et consommation illicite de stupéfiants (cf. art. 19a LStup), cette dernière infraction étant passible uniquement d'une amende. Dès lors, dans la mesure où le comportement appréhendé passible d'une peine privative de liberté est en l'espèce uniquement une infraction de rupture de ban, la Directive sur le retour reste applicable.  
 
1.6.6. Enfin, il ressort de l'arrêt attaqué que, selon les précisions obtenues auprès de l'OCPM, aucune décision n'a été rendue à l'encontre du recourant après " le prononcé de son expulsion " en 2020, l'intéressé étant démuni de documents d'identité et n'étant pas identifié (cf. supra consid. B.e en fait). Ainsi, il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que des mesures en vue de l'exécution de la décision du retour - ou toute autre démarche utile dans ce sens - ont été entreprises par les autorités compétentes en vue du renvoi du recourant. De la sorte, la cour cantonale ne pouvait pas condamner le recourant à une peine privative de liberté pour avoir séjourné illégalement en Suisse malgré une décision d'expulsion, sans violer les principes dégagés par la jurisprudence européenne et fédérale relative à la Directive sur le retour, applicables au cas d'espèce.  
 
2.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis. L'arrêt entrepris est réformé (art. 107 al. 2 1re phrase LTF) en ce sens que le recourant est condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 30 fr. le jour pour rupture de ban (art. 291 al. 1 CP), sous déduction de 96 jours-amende correspondant à la détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de 300 fr. pour consommation de stupéfiants (art. 19a LStup), la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 3 jours. La cause doit cependant être renvoyée à la CPAR afin qu'elle statue sur les frais et dépens de deuxième instance. 
Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens pour la procédure fédérale, à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF). Sa requête d'assistance judiciaire est ainsi sans objet. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. Le jugement attaqué est réformé en ce sens que le recourant est condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 30 fr. le jour pour rupture de ban (art. 291 al. 1 CP), sous déduction de 96 jours-amende correspondant à la détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de 300 fr. pour consommation de stupéfiants (art. 19a LStup), la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 3 jours. La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision concernant les frais et dépens de deuxième instance. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le canton de Genève versera au conseil du recourant une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 5 juin 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Corti