4A_164/2023 23.05.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_164/2023  
 
 
Arrêt du 23 mai 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Kiss, juge présidant, Hohl et Rüedi. 
Greffière: Mme Raetz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Aba Neeman, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ Sàrl, 
représentée par Me Vincent Hertig, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
restitution de délai (art. 148 CPC), 
 
recours contre la décision rendue le 10 février 2023 par la Cour civile I du Tribunal cantonal du canton du Valais (C3 22 135). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ (ci-après: la locataire) et B.________ Sàrl (ci-après: la bailleresse) ont conclu un contrat de bail portant sur un appartement, pour un loyer mensuel de 1'480 fr. 
 
B.  
 
B.a. Faisant suite à une résiliation du bail signifiée par la bailleresse, la locataire a saisi la Commission de conciliation en matière de bail à loyer du canton du Valais d'une requête tendant notamment à ce que cette résiliation soit considérée comme nulle.  
Une audience a été fixée au 14 juin 2022 à Monthey. La veille, la locataire en a demandé le renvoi, en déposant un certificat médical établi par son médecin, attestant qu'elle était en arrêt de travail à 100 % pour cause de maladie jusqu'au 30 juin 2022. 
Une nouvelle audience a été fixée au 6 septembre 2022 à 10 heures à Monthey. La locataire n'a pas comparu. Seul l'avocat-stagiaire de l'étude de Me Aba Neeman s'y est présenté. 
Par courrier du même jour, Me Aba Neeman a demandé à ce qu'une nouvelle audience soit agendée. Il a exposé que sa mandante avait tout fait pour être présente à l'audience. Sa pathologie et le traitement qu'elle suivait avaient de lourdes conséquences pouvant se répercuter sur son sommeil et son réveil. Elle avait en outre des problèmes de gestion du stress et de mémoire, ce qui expliquait qu'elle n'avait pas fourni un certificat médical du 18 août 2022 plus tôt. En annexe, il a joint ledit certificat, attestant un arrêt de travail à 100 % pour cause de maladie jusqu'au 18 septembre 2022. 
Par décision du 13 septembre 2022, la Commission de conciliation a rejeté la demande de restitution de délai. Elle a constaté que la cause était devenue sans objet et l'a rayée du rôle. 
Le lendemain, la Commission de conciliation a réceptionné un certificat médical émis à une date indéterminée par le Dr C.________, psychiatre de la locataire, faisant état d'un " tableau clinique actuel sévère (...) expliqu (ant) les dysfonctionnements actuels, distraction, trouble de la mémoire, irritabilité, etc. ". 
 
B.b. Par décision du 10 février 2023, la Cour civile I du Tribunal cantonal valaisan a rejeté l'appel déposé par la locataire à l'encontre de la décision du 13 septembre 2022.  
 
C.  
La locataire (ci-après: la recourante) a exercé un recours en matière civile au Tribunal fédéral, assorti d'une requête d'effet suspensif, à l'encontre de la décision de la cour cantonale. En substance, elle a conclu à sa réforme en ce sens que la restitution de délai soit accordée. Elle a présenté une demande d'assistance judiciaire. 
La bailleresse (ci-après: l'intimée) n'a pas été invitée à se déterminer. 
La demande d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance du 21 mars 2023, au motif que le recours apparaissait dénué de toute chance de succès. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF) et au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine d'ordinaire que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2). Le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 140 III 86 consid. 2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions précitées seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). 
En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait envisageable, voire préférable (ATF 136 III 552 consid. 4.2). 
 
3.  
Dans un même grief, la recourante se plaint d'une constatation manifestement inexacte des faits et semble également dénoncer une violation de l'art. 148 al. 1 CPC
 
3.1. Aux termes de l'art. 148 CPC, le tribunal peut accorder un délai supplémentaire ou citer les parties à une nouvelle audience lorsque la partie défaillante en fait la requête et rend vraisemblable que le défaut ne lui est pas imputable ou n'est imputable qu'à une faute légère (al. 1). La requête est présentée dans les dix jours qui suivent celui où la cause du défaut a disparu (al. 2).  
Le défaut doit découler d'une absence de faute ou d'une faute légère. La faute légère vise tout comportement ou manquement qui, sans être acceptable ou excusable, n'est pas particulièrement répréhensible, tandis que la faute grave suppose la violation de règles de prudence vraiment élémentaires qui s'imposent impérieusement à toute personne raisonnable (arrêts 4A_617/2020 du 21 janvier 2021 consid. 3.1; 4A_52/2019 du 20 mars 2019 consid. 3.1). Une maladie subite d'une certaine gravité qui empêche la partie de se présenter ou de prendre à temps les dispositions nécessaires peut justifier une restitution de délai. Seule la maladie survenant à la fin du délai de recours et empêchant la partie de défendre elle-même ses intérêts, ainsi que de recourir à temps aux services d'un tiers, constitue un empêchement non fautif (arrêt précité 4A_617/2020 consid. 3.1). 
Le point de savoir quelles circonstances excusables une partie a rendu vraisemblables concerne l'appréciation des preuves et constitue une question de fait. En revanche, dire si la faute de la partie requérante peut encore être qualifiée de légère au regard des constatations de fait souveraines de l'autorité précédente est une question de droit. Il suffit que les conditions (matérielles) d'application de l'art. 148 CPC soient rendues vraisemblables par le requérant, qui supporte le fardeau de la preuve. La requête de restitution doit ainsi être motivée, c'est-à-dire indiquer l'empêchement, et accompagnée des moyens de preuve disponibles (arrêts précités 4A_617/2020 consid. 3.1; 4A_52/2019 consid. 3.1). 
Le juge appelé à se prononcer sur la requête de restitution dispose d'une marge d'appréciation. Le Tribunal fédéral n'intervient dès lors que si la décision attaquée s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation, si elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle ou, à l'inverse, si elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; il sanctionne en outre les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (arrêts précités 4A_617/2020 consid. 3.1; 4A_52/2019 consid. 3.1). 
 
3.2. La recourante soutient que la cour cantonale aurait dû retenir qu'elle avait rendu vraisemblables les circonstances l'ayant empêchée de se présenter à l'audience du 6 septembre 2022, et qu'elle avait pris toutes les précautions attendues pour s'y rendre. Sa faute devait donc être qualifiée de légère.  
 
3.3. La critique de la recourante mêle les faits et le droit. En outre, elle se fonde essentiellement sur des faits qui n'ont pas été constatés par la cour cantonale, sans pour autant requérir valablement un complètement de l'état de fait sur ces points. Il en va notamment ainsi lorsqu'elle soutient ne pas avoir de proche à qui elle aurait pu demander de l'aide, à l'exception de sa fille.  
Pour le surplus, la recourante se base sur sa propre appréciation de la situation et de son état de santé, sans parvenir à démontrer que celle opérée par la cour cantonale serait arbitraire. En outre, contrairement à ce qu'allègue la recourante, la cour cantonale a pris en compte les troubles décrits par le Dr C.________, tout en expliquant les raisons pour lesquelles elle considérait que le certificat établi par ce médecin était impropre à modifier le sort de la cause. La recourante ne s'en prend pas aux développements opérés par la cour cantonale à ce sujet. 
Au gré de son argumentation, la recourante soutient encore que l'avocat-stagiaire de Me Aba Neeman était présent lors de l'audience, mais que la Commission de conciliation a quand même prononcé le défaut de comparution. Or, elle n'a pas soulevé ce moyen devant la cour cantonale, laquelle a relevé que l'intéressée contestait le refus de restitution, mais pas le défaut (cf. consid. 3.1 de la décision attaquée). Ce moyen est dès lors quoi qu'il en soit irrecevable, faute de satisfaire au principe de l'épuisement des griefs (cf. ATF 143 III 290 consid. 1.1; arrêt 4A_483/2022 du 8 mars 2023 consid. 4). 
Au vu de ce qui précède, les griefs de la recourante doivent être rejetés, pour autant qu'ils soient recevables. La cour cantonale n'a ni sombré dans l'arbitraire, ni violé le droit fédéral, en confirmant le rejet de la requête de restitution. 
 
4.  
Enfin, la recourante dénonce une violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.) et de l'interdiction de l'arbitraire, dans la mesure où la cour cantonale a refusé de procéder à son audition. 
 
4.1. La cour cantonale a relevé que la locataire alléguait nouvellement qu'elle aurait dû prendre les transports en commun pour se rendre à l'audience, et qu'à cause de son pied, elle aurait dû débuter son trajet dès 7 h 18, mais que le jour en question, elle n'avait pas pu se réveiller, bien qu'elle ait tout préparé la veille pour aller prendre le bus; à l'appui de ces faits, elle proposait son interrogatoire. La cour cantonale a retenu qu'il s'agissait là de faits que la locataire aurait pu soumettre à l'autorité de première instance, et qu'elle ne cherchait pas à démontrer qu'il lui était impossible de les présenter. Ces faits étaient ainsi irrecevables, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de mettre en oeuvre l'interrogatoire de l'intéressée, proposé à leur appui.  
 
4.2. La recourante se limite à affirmer que seul son interrogatoire aurait permis de prouver son état de santé, l'intensité et les répercussions de " l'épisode " qu'elle a subi le jour de l'audience, et les efforts qu'elle a entrepris pour s'y rendre. Ce faisant, elle ne discute pas la motivation que la cour cantonale a exposée pour justifier le refus de l'audition.  
La recourante soutient aussi que la cour cantonale a fait preuve d'arbitraire en retenant qu'elle aurait dû demander à un tiers de s'assurer qu'elle s'était réveillée, sans connaître les circonstances de sa vie; cela aurait dû donner lieu à son interrogatoire. Or, il appartient à celui qui demande la restitution de présenter, déjà dans sa requête, l'ensemble des circonstances justifiant l'octroi d'une restitution. La recourante ne saurait ainsi en aucun cas adresser un tel reproche à la cour cantonale. 
 
5.  
En définitive, le recours, manifestement mal fondé aux termes de l'art. 109 al. 2 let. a LTF, doit être rejeté, dans la faible mesure de sa recevabilité. 
Selon l'art. 64 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral peut accorder l'assistance judiciaire à une partie à condition que celle-ci ne dispose pas de ressources suffisantes et que ses conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec. En l'occurrence, la procédure entreprise devant le Tribunal fédéral n'offrait manifestement aucune chance de succès, ce qui entraîne le rejet de la demande d'assistance judiciaire de la recourante. Elle supportera dès lors les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). En revanche, elle n'aura pas à indemniser l'intimée, cette dernière n'ayant pas été invitée à déposer une réponse. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile I du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
 
 
Lausanne, le 23 mai 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Kiss 
 
La Greffière : Raetz