5A_768/2023 04.06.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_768/2023  
 
 
Arrêt du 4 juin 2024  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
von Werdt et De Rossa. 
Greffière : Mme Dolivo. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Lorraine Ruf, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
1. B.________, 
2. C.________, 
toutes les deux représentées par Me François Roux, avocat, 
3. D.________, 
intimées, 
 
E.________, 
 
Objet 
mesures provisionnelles (révocation du représentant de la communauté héréditaire), 
 
recours contre l'arrêt de la Juge unique de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 4 septembre 2023 (JP22.028840-231101 354). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par ordonnance du 26 mai 2023, dont la motivation a été adressés aux parties le 31 juillet 2023, la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois (ci-après: la Présidente) a rejeté la requête de mesures provisionnelles introduite le 15 juillet 2022 par A.________, dans laquelle celle-ci concluait à ce que Me E.________ soit révoqué de son mandat de représentant de la communauté héréditaire de feu F.________. La requête était dirigée contre Me E.________ et contre les trois soeurs de A.________, à savoir B.________, C.________ et D.________. 
Le 4 septembre 2023, la Juge unique de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a déclaré irrecevable l'appel formé le 14 août 2023 par A.________ contre cette décision. 
 
B.  
Par acte du 9 octobre 2023, A.________ exerce un recours en matière civile, subsidiairement un "Recours de droit constitutionnel subsidiaire", au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision (I), à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens qu'il est entré en matière sur son appel (II) et à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que son appel est admis et que le représentant de l'hoirie est révoqué (III). 
Il n'a pas été demandé d'observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme requise (art. 42 al. 1 LTF), par une partie qui a participé à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt digne de protection à la modification ou l'annulation de la décision entreprise (art. 76 al. 1 let. a et b LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF), dans une affaire sujette au recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. b ch. 5 LTF). La cause est de nature pécuniaire (arrêts 5A_564/2023 du 26 octobre 2023 consid. 1.2.1; 5A_540/2020 du 29 septembre 2020 consid. 1.1). L'arrêt cantonal ne contient pas d'indication quant à la valeur litigieuse - en dépit de ce que prescrit l'art. 112 al. 1 let. d LTF - et la recourante ne s'exprime pas non plus à ce sujet. Le point de savoir si la valeur litigieuse minimale requise par l'art. 74 al. 1 let. b LTF est atteinte en l'espèce peut toutefois rester indécis, faute de conséquence. En effet, le recours en matière civile et le recours constitutionnel subsidiaire connaissent une limitation identique des griefs pouvant être invoqués contre une décision relative à la révocation d'un représentant de la communauté héréditaire, dès lors qu'il s'agit d'une mesure provisionnelle au sens de l'art. 98 LTF (cf. infra consid. 2; 5A_564/2023 du 26 octobre 2023 consid. 1.2.1; 5A_540/2020 du 29 septembre 2020 consid. 1.1).  
 
1.2. La conclusion III de la recourante, qui tend à la réforme de l'arrêt querellé en ce sens que le représentant de l'hoirie est révoqué, est irrecevable: s'il annule un arrêt d'irrecevabilité, le Tribunal fédéral ne statue pas lui-même sur le fond, mais renvoie la cause à l'autorité précédente, afin que le justiciable ne soit pas privé d'un degré de juridiction (ATF 140 III 234 consid. 3.2.3; 138 III 46 consid. 1.2 et les références).  
 
2.  
L'arrêt entrepris, qui déclare irrecevable un jugement rejetant une action tendant à la révocation du représentant héréditaire selon l'art. 602 al. 3 CC, constitue une décision portant sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (arrêts 5A_529/2023 du 17 janvier 2024 consid. 2.1; 5A_340/2023 du 17 mai 2023 consid. 3; 5A_234/2022 du 13 février 2023 consid. 3.1). La partie recourante ne peut donc dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant (" principe d'allégation "; art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1). Celui-ci doit indiquer quels disposition légale ou principe juridique auraient été arbitrairement interprétés ou appliqués et démontrer, par une argumentation précise, en quoi consiste la violation (ATF 145 I 121 consid. 2.2). Il ne peut se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en procédure d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition, notamment en se contentant d'opposer sa thèse à celle de l'autorité précédente; les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 140 III 264 consid. 2.3 et les références). 
En particulier, une décision ne peut être qualifiée d'arbitraire (art. 9 Cst.) que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 144 I 170 consid. 7.3; 141 III 564 consid. 4.1); il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 148 III 95 consid. 4.1; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; 144 I 113 consid. 7.1, 170 consid. 7.3; 142 II 369 consid. 4.3). 
 
3.  
Il ressort de l'arrêt attaqué qu'agissant le 14 août 2023 par l'intermédiaire de son conseil, A.________ a adressé un acte intitulé " appel " à la Cour d'appel civile. L'autorité cantonale a jugé que dans la mesure où le litige concernait la révocation d'un représentant de la communauté héréditaire selon l'art. 602 al. 3 CC, il relevait de la juridiction gracieuse. La voie de droit ouverte à l'encontre de l'ordonnance rendue le 26 mai 2023 par la Présidente était donc le recours au sens de l'art. 109 al. 3 du Code de droit privé judiciaire vaudois du 12 janvier 2010 (CDPJ; RSV 211.02), et non l'appel au sens des art. 308 ss CPC. Certes, la dernière page de l'ordonnance attaquée indiquait de manière erronée la voie de l'appel. Cependant, cette erreur de droit était aisément reconnaissable par l'appelante dès lors qu'elle résultait de la loi et d'une jurisprudence constante, et que l'appelante était en l'occurrence assistée par un mandataire professionnel. Elle était dès lors en mesure de corriger l'erreur en déposant un recours et non un appel. Son acte ne pouvait donc pas être converti en recours et il n'y avait pas lieu de le transmettre à la Chambre des recours civile. 
 
4.  
La recourante fait valoir que la décision querellée viole l'art. 308 CPC et procède d'une " fausse application du droit fédéral ", au sens de l'art. 95 let. a CPC. Elle affirme que la voie de droit de l'appel, indiquée au pied de l'ordonnance de mesures provisionnelles rendue par la Présidente, était correcte, dès lors que sa requête de mesures provisionnelles tendant à la révocation du représentant de l'hoirie a été introduite, à titre provisionnel, dans le cadre d'une action en partage. 
 
Ce faisant, la recourante n'invoque, même implicitement, aucun droit constitutionnel à l'encontre du raisonnement attaqué, se limitant à dénoncer une violation du droit fédéral. Or, un tel grief est irrecevable dans le cadre d'un recours soumis à l'art. 98 LTF (cf. supra consid. 2). 
 
5.  
A titre subsidiaire, la recourante fait valoir que le résultat auquel aboutit l'arrêt querellé est contraire à l'interdiction de l'arbitraire consacrée par l'art. 9 Cst. En effet, dans son acte, elle avait uniquement demandé à l'autorité cantonale de revoir l'appréciation du dossier effectuée par le premier juge - sans produire de pièces nouvelles, ni faire valoir de nouveaux moyens -, de sorte que le pouvoir de cognition de l'autorité cantonale était strictement identique, qu'il s'exerce dans le cadre d'un appel ou d'un recours. Seule l'appellation " technique et formelle " de l'acte changeait. Il suffisait de modifier le titre "A ppel " en "R ecours " sur la page de garde de son écriture pour que l'autorité cantonale doive entrer en matière. Refuser de procéder à cette conversion en se fondant sur une interprétation stricte et littérale de l'art. 109 CDPJ était choquant, puisque cela avait pour conséquence de laisser une décision de première instance entrer en force, alors que deux héritières sur quatre demandaient la révocation du représentant de l'hoirie, et sans qu'il soit examiné si cette décision procédait d'une interprétation correcte de la situation. Or, elle avait fait valoir dans son appel une mauvaise appréciation des preuves, en ce sens que le premier juge avait qualifié de " généralités non démontrées " ses allégués, pourtant appuyés sur plusieurs dizaines de pièces qui n'avaient pas été examinées. Refuser d'entrer en matière sur le fond de son appel en raison d'une prétendue irrégularité de procédure, qui était éminemment contestable, heurtait donc le sentiment de justice. L'arrêt entrepris avait enfin pour conséquence que son droit d'être entendue était une nouvelle fois violé, cette fois-ci par l'autorité de deuxième instance. 
Dans la mesure où la recourante se limite à faire valoir que la cour cantonale a rendu une décision dont le résultat serait entaché d'arbitraire, sans préciser quelle disposition légale ou quel principe juridique aurait été appliqué de manière insoutenable (cf. supra consid. 2), sa critique est irrecevable. Elle est au demeurant insuffisamment motivée, la recourante ne réfutant pas les motifs de l'autorité précédente, en particulier en tant qu'il a été retenu que l'"erreur de droit était aisément reconnaissable" pour elle, étant donné qu'elle était assistée par un avocat et que la voie de droit résultait de la loi et d'une jurisprudence constante; elle se limite à cet égard affirmer que la décision querellée se fonderait sur une "interprétation stricte et littérale de l'article 109 du CDPJ", ce qui ne saurait constituer une motivation conforme à l'art. 106 al. 2 LTF (cf. supra consid. 2). Enfin, la recourante ne peut être suivie lorsqu'elle prétend que le refus de la cour cantonale de traiter le fond du litige violerait son droit d'être entendue. Ce droit constitutionnel ne saurait empêcher la juridiction précédente de refuser d'entrer en matière sur un acte, si celui-ci ne satisfait pas aux exigences procédurales requises. 
La recourante ne soulevant aucun autre grief de nature constitutionnelle, les considérations qui précèdent scellent le sort du présent recours. 
 
6.  
En conclusion, le recours est rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité, aux frais de la recourante (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaire, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux participants à la procédure et à la Juge unique de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 4 juin 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Dolivo