1B_140/2023 29.03.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_140/2023  
 
 
Arrêt du 29 mars 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Merz et Kölz. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me David Parisod, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD. 
 
Objet 
Détention pour des motifs de sûreté, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 15 février 2023 (118 - PE16.019592-VPT). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 10 février 2023, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a condamné A.________, ressortissant suisse né au Kosovo, à une peine privative de liberté de 54 mois et lui a interdit d'exercer toute profession durant 5 ans auprès d'une société et/ou association, ainsi que dans une fonction exigeant l'inscription auprès du registre du commerce et/ou du registre professionnel. Il a été reconnu coupable d'abus de confiance, d'escroquerie par métier, de diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers, de faux dans les titres et de blanchiment d'argent. Le Tribunal correctionnel a par ailleurs ordonné la détention du condamné pour des motifs de sûreté, en raison du risque de fuite. 
En parallèle à la présente procédure, A.________ fait l'objet d'une autre enquête instruite par le Ministère public central, division criminalité économique, pour escroquerie, gestion fautive, faux dans les titres et emploi répété d'étrangers sans autorisation (procédure PE16_1). Dans le cadre de cette autre procédure, A.________ a été placé en détention provisoire du 25 avril 2017 au 31 mai 2018, puis du 5 au 6 octobre 2018, soit durant 404 jours. Des mesures de substitution ont en outre été prononcées le 23 novembre 2018, puis levées le 23 mai 2019. 
A teneur du casier judiciaire, A.________ a été condamné à cinq reprises: le 2 mai 2013, pour emploi d'étrangers sans autorisation et abus de confiance, à une peine pécuniaire de 165 jours-amende à 20 fr.; le 1 er septembre 2014, pour emploi d'étrangers sans autorisation, emploi répété d'étrangers sans autorisation et faux dans les titres, à une peine pécuniaire de 240 jours-amende à 20 fr. (peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 2 mai 2013); le 2 juillet 2015, pour délit contre la LPP à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 50 fr. (complémentaire à celle du 2 mai 2013); le 20 avril 2018, pour rixe et emploi d'étrangers sans autorisation, à une peine pécuniaire de 200 jours-amende à 10 fr. (partiellement complémentaire à celles des 2 mai 2013, 1 er septembre 2014 et 2 juillet 2015); enfin, le 17 décembre 2018, pour délit contre la LPP et délit contre la LAVS, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à 50 fr. (complémentaire à celles des 2 mai 2013 et 1 er septembre 2014).  
 
B.  
Le 15 février 2023, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: la cour pénale) a rejeté la demande de mise en liberté immédiate de A.________. Il a retenu l'existence d'un risque de fuite, qu'aucune mesure de substitution ne pouvait pallier. 
 
C.  
Par acte du 13 mars 2023, A.________ a formé un recours en matière pénale avec une demande d'assistance judiciaire, par lequel il demande la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que sa mise en liberté immédiate soit ordonnée. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La cour cantonale et le Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois renoncent à se déterminer et se réfèrent aux considérants de l'arrêt attaqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable. 
 
2.  
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir retenu l'existence d'un risque de fuite. Il soutient avoir des liens extrêmement forts et durables avec sa famille en Suisse, notamment sa femme et ses trois enfants qui sont parfaitement intégrés. Il affirme n'avoir jamais envisagé fuir, nonobstant le risque d'une importante condamnation puisque le ministère public avait requis une peine privative de liberté de 60 mois dans son acte d'accusation. 
 
2.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention pour des motifs de sûreté peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier le placement ou le maintien en détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 145 IV 503 consid. 2.2; 143 IV 160 consid. 4.3).  
 
2.2. Le recourant conteste en vain l'existence d'un risque de fuite. Il est vrai que le recourant, ressortissant suisse âgé de 43 ans, originaire du Kosovo, a des attaches importantes avec la Suisse dès lors qu'il y réside depuis 1997 environ (soit depuis l'âge de 17 ans environ) et qu'il y a fondé une famille. Il y vit en effet avec son épouse et leurs trois enfants nés en 2004, 2009 et 2012. Toutefois, comme relevé par l'instance précédente, le recourant a été condamné par jugement du 10 février 2023 du Tribunal correctionnel à une peine privative de liberté ferme de 54 mois, alors qu'il plaidait l'acquittement. Même si elle n'est pas définitive, sa condamnation en première instance a rendu plus concrète pour lui la probabilité de devoir purger une longue peine privative de liberté. A cet égard, c'est en vain que le recourant se prévaut du fait qu'il n'a pas tenté de fuir et qu'il s'est présenté à la lecture du jugement de première instance. En effet, s'il espérait un acquittement avant ce prononcé, il sait désormais que cela sera plus difficile à obtenir après que l'autorité de jugement a procédé à l'appréciation des preuves conduisant à l'établissement des faits. Comme relevé par l'instance précédente, la condamnation à une peine de prison d'une durée de 54 mois peut lui paraître extrêmement lourde, vu qu'il plaidait l'acquittement. De plus, le recourant fait l'objet d'une autre enquête pour escroquerie, gestion fautive, faux dans les titres et emploi répété d'étrangers sans autorisation et se trouve ainsi exposé au prononcé d'une nouvelle peine privative de liberté. Par ailleurs, le recourant a conservé des liens avec le Kosovo, son pays d'origine où il retourne parfois, dont l'année passée selon ses déclarations; il sied à cet égard de relever que le recourant est pour le moins peu loquace lorsqu'il évoque ses séjours dans son pays d'origine, puisqu'il se contente d'affirmer qu'il croyait y être allé l'année passée pour environ 3 ou 4 jours. La cour cantonale a en outre retenu, sans que cela ne soit contesté par le recourant, que l'insertion de ce dernier dans sa communauté d'origine était importante; la cour cantonale a d'ailleurs souligné que le recourant avait, lors d'une audience ayant donné lieu au jugement du 1 er septembre 2014, déclaré avoir de la peine à ne pas engager ses compatriotes du Kosovo et confiait que s'il refusait sa famille ne lui parlait plus. Quant aux contacts du recourant avec son épouse et ses enfants, ils seraient de toute manière limités par la longue période de détention qu'il encourt (cf. arrêts 1B_11/2018 du 29 janvier 2018 consid. 3.2; 1B_304/2007 du 21 janvier 2008 consid. 3.2.2). Enfin, l'intégration professionnelle et financière du recourant en Suisse est faible, dès lors qu'il ne travaille qu'à 20 % en qualité de livreur dans l'entreprise de son frère, lequel lui prête en outre 1'500 à 2'000 fr. par mois, et qu'un autre de ses frères - qui habite l'Italie - l'aide parfois financièrement; le recourant affirme de plus avoir des dettes à hauteur de 500'000 ou 600'000 fr.  
Pour le reste, le recourant ne remet pas en cause l'appréciation du Tribunal cantonal selon lequel le passeport kosovar n'est pas nécessaire pour se rendre au Kosovo et que rien ne l'empêche à présent de demander un tel passeport. 
Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, le Tribunal cantonal pouvait à juste titre considérer qu'il est à craindre, au vu notamment de la quotité de la peine prononcée ainsi que de celle encourue dans le de la procédure PE16_1, que le recourant ne tente de se soustraire à la procédure pénale, en quittant la Suisse ou en disparaissant dans la clandestinité. 
 
2.3. Pour le reste, aucune mesure de substitution (cf. art. 237 ss CPP) - le recourant n'en propose d'ailleurs pas - n'apparaît propre à pallier le risque que ce dernier ne se soustraie, par la fuite ou une entrée dans la clandestinité, à l'exécution de la peine concrètement encourue.  
 
3.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit lui être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant requiert la désignation de Me David Parisod en qualité d'avocat d'office. Il y a lieu de donner droit à cette requête et de fixer d'office les honoraires de l'avocat, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me David Parisod désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de l'arrondissement du Nord vaudois et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 29 mars 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Arn