6B_121/2023 04.05.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_121/2023  
 
 
Arrêt du 4 mai 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Muschietti et Koch. 
Greffière: Mme Bianchi. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public de l' É tat de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg, 
recourant, 
 
contre  
 
1. A._________, 
représenté par Me Cyrille Piguet, avocat, 
2. B._________, 
intimés. 
 
Objet 
Insoumission à une décision de l'autorité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal 
de l'État de Fribourg, Cour d'appel pénal, 
du 4 janvier 2023 (501 2022 16 et 17). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par ordonnances pénales du 8 mai 2020, le ministère public a reconnu A._________ et B._________ coupables d'insoumission à une décision de l'autorité au sens de l'art. 292 CP. Il a condamné A._________ au paiement d'une amende de 500 fr. et B._________ au paiement d'une amende de 800 francs. 
 
B.  
Statuant le 14 septembre 2021 à la suite des oppositions de A._________ et B._________, la Juge de police de l'arrondissement de la Gruyère les a acquittés du chef de prévention d'insoumission à une décision de l'autorité. 
 
C.  
Par arrêt du 4 janvier 2023, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a rejeté l'appel formé contre le jugement de la juge de police par le ministère public et confirmé le jugement attaqué. 
Il en ressort notamment les faits suivants: 
C.a. Le 19 mai 2017, C._________ Sàrl a déposé une plainte pénale contre A._________ à qui elle reprochait de s'être fait céder à titre gratuit six demandes de brevets déposées entre le 6 juin 2016 et le 5 octobre 2016 auprès de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI). Elle prétendait avoir acquis ses demandes le 1er février 2017. 
Par ordonnance de mise sous séquestre (art. 263 CPP) du 22 mai 2017, rendue dans le cadre de l'enquête dirigée contre A._________ en qualité de prévenu, le ministère public a ordonné la mise sous séquestre de six demandes de brevets dont la titularité était disputée. L'ordonnance indiquait que les objets séquestrés étaient soumis à une interdiction totale de disposer (blocage du registre les concernant) et que toute contravention à cette ordonnance était passible des peines prévues à l'art. 292 CP. Elle a été notifiée à l'IPI, à A._________ et à B._________. 
C.b. A._________ et B._________ ont signé un document intitulé "cession" en faveur de D._________ SA, portant sur les six demandes de brevets litigieuses, daté du 10 novembre 2018. Le 4 février 2019, ils ont adressé un courrier à E._________ SA intitulé "Cession de brevets de MM. A._________ & B._________ à E._________ SA". 
 
D.  
Le ministère public forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 4 janvier 2023. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens que A._________ est condamné pour insoumission à une décision de l'autorité à une amende de 800 fr. et que B._________ est condamné pour la même infraction à une amende de 500 francs. Subsidiairement, le ministère public conclut à la réforme de l'arrêt en ce sens que l'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Cour d'appel pénal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recourant se plaint d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits.  
 
1.2.  
 
1.2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s.; 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503; sur la notion d'arbitraire v. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2 p. 81; 145 IV 154 consid. 1.1 p. 156).  
 
1.2.2. Lorsque, comme en l'espèce, le recours en matière pénale est dirigé contre une décision d'une autorité de dernière instance cantonale dont le pouvoir d'examen est limité à l'arbitraire en matière de constatation des faits (cf. art. 398 al. 4 CPP), l'examen du Tribunal fédéral porte concrètement sur l'arbitraire du jugement de l'autorité inférieure, à la lumière des griefs soulevés dans l'acte de recours. Pour se conformer aux exigences de motivation rappelées ci-dessus, le recourant doit exposer pourquoi l'autorité cantonale aurait à tort admis ou nié l'arbitraire dans l'appréciation des preuves faite par l'autorité de première instance. Le Tribunal fédéral se prononce librement sur cette question (arrêts 6B_903/2022 du 3 mars 2023 consid. 3.1; 6B_644/2022 9 février 2023 consid. 1.1.2; 6B_1441/2020 du 8 octobre 2021 consid. 1.3 et les références citées; cf. ATF 125 I 492 consid. 1a/cc et 1b p. 494).  
 
1.3.  
 
1.3.1. L'instance précédente a considéré que l'autorité de première instance avait établi, en lien avec l'existence d'un contrat nécessaire au transfert des demandes de brevets, que l'intention des intimés n'était pas de céder les six demandes à la société D._________ SA. Selon l'autorité de première instance, il n'était pas établi que les intimés avaient conclu un contrat avec D._________ SA les obligeant à céder à celle-ci la titularité des demandes de brevets. L'instance précédente a retenu qu'il n'existait aucun acte générateur d'obligation par lequel la titularité des demandes de brevets serait passée des intimés à la société.  
 
1.3.2. S'agissant d'une éventuelle cession des demandes de brevets à E._________ SA, l'instance précédente a considéré que l'autorité de première instance avait établi la volonté des parties de céder les demandes de brevet, mais que ce transfert était soumis à la condition que le registre soit débloqué. L'instance précédente a en effet retenu que les parties avaient soumis leur accord à la condition suspensive que le séquestre sur les demandes de brevets soit levé, ce qui aurait exclu l'infraction à l'art. 292 CP.  
 
1.4. Le recourant oppose aux motifs précités de l'instance précédente l'existence du document intitulé "cession" daté du 10 novembre 2018. L'acte de disposition en la forme écrite est la seconde condition posée pour le transfert du droit à la délivrance du brevet. Celui-ci présuppose d'abord la conclusion d'un acte générateur d'obligations (cf. JACQUES DE WERRA, in de Werra/Gilliéron [édit.], Commentaire romand, Propriété intellectuelle, 2013, n° 20 ss ad art. 33 LBI; PETER HEINRICH, Kommentar PatG/EPÜ, 3e éd. 2018, n° 27 ad art. 33 al. 2bis LBI). Comme l'a retenu l'instance précédente, le recourant n'apporte aucun élément de fait autre que l'acte intitulé "cession" pour établir l'existence d'un contrat entre les parties. Il ne peut pas être reproché à l'autorité précédente d'avoir considéré qu'il n'était pas arbitraire de retenir qu'un acte de cession ne suffisait pas, à lui seul, à démontrer l'existence d'un accord contractuel préalable. Le recourant invoque dans ce contexte le jugement du Tribunal fédéral des brevets du 19 avril 2020, déposé devant l'instance précédente le 17 août 2022. Conformément à l'art. 398 al. 4 i. f. CPP, aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite, lorsque, comme en l'espèce, seules des contraventions ont fait l'objet de la procédure de première instance. Le jugement du Tribunal fédéral des brevets constitue une pièce postérieure au jugement de la première instance. En tant que pièce nouvelle, l'instance précédente ne l'a pas prise en compte. Le recourant n'explique pas en quoi l'instance précédente aurait violé le droit fédéral. Ainsi, son argumentation ne répond pas aux exigences de motivation de l'art. 42 al. 2 LTF.  
 
1.5. Le recourant fait également grief à la cour cantonale d'avoir retenu que l'acte générateur d'obligation entre les intimés et E._________ SA avait été soumis à une condition suspensive. Il invoque le courrier du 4 février 2019 des intimés adressé à E._________ SA. Or, il ressort du jugement de l'instance précédente que l'autorité de première instance s'est également basée sur le courrier du 6 juin 2019 de l'administrateur et président de la société E._________ SA relatif aux demandes de brevets listées dans le courrier du 4 février 2019, ainsi que sur les déclarations de l'intimé 1 faites devant l'autorité de première instance pour démontrer qu'il n'y avait pas d'accord dans le sens où l'avait retenu le recourant. Pour fonder son grief selon lequel l'instance précédente aurait nié à tort l'arbitraire, le recourant doit également se confronter avec les considérants de l'autorité de première instance (arrêts 6B_1282/2022 du 9 février 2023 consid. 4; 6B_1478/2022 du 1er février 2023 consid. 2). En l'espèce, le recourant n'explique pas en quoi l'appréciation faite par l'autorité de première instance du courrier du 6 juin 2019 de l'administrateur et président de la société E._________ SA et des déclarations de l'intimé 1 concernant les intentions des parties serait manifestement insoutenable. Au vu de la pluralité d'éléments sur lesquels reposait le jugement de l'autorité de première instance, il ne suffit pas uniquement d'invoquer le courrier du 4 février 2019 pour démontrer que c'est à tort que l'instance précédente a retenu que l'autorité de première instance ne s'était pas livrée à une analyse arbitraire.  
 
1.6. En conclusion, le recourant ne démontre pas en quoi la cour cantonale aurait à tort nié l'arbitraire dans l'appréciation des preuves à laquelle a procédé l'autorité de première instance. Le grief du recourant doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.  
 
2.  
Lorsque le recourant fait valoir une violation de l'art. 292 CP, il s'écarte de l'état de fait cantonal, établi sans arbitraire (cf. consid. 1), de sorte que son argumentation est irrecevable. 
 
3.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Il est statué sans frais (art. 66 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Cour d'appel pénal. 
 
 
Lausanne, le 4 mai 2023 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Bianchi