1C_582/2021 21.02.2023
Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_582/2021  
 
 
Arrêt du 21 février 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Haag et Merz. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représentée par Me Joël Chevallaz, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Ordre de démolition et de remise en état, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 24 août 2021 (ATA/859/2021 - A/2069/2019-LCI). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ est copropriétaire, avec son frère B.________, de la parcelle n° 1637, feuilles 4 et 6, de la commune de Meinier, d'une surface de 80'004 m2, sise en zone agricole. 
Le 11 juin 2003, le département cantonal genevois de l'aménagement, de l'équipement et du logement, devenu depuis le département du territoire (DT) a délivré à A.________ une autorisation de construire un hangar agricole et six serres-tunnels sur cette parcelle. A teneur de l'avis d'ouverture de chantier, les travaux en lien avec cette autorisation ont débuté le 5 juin 2007. Par décision du 1er juin 2010, le département cantonal a octroyé à la propriétaire un permis de construire portant sur le déplacement des serres-tunnels et du bassin de rétention et autorisant des modifications du hangar agricole. Les travaux en lien avec ces deux autorisations n'ont pas été achevés. 
Par décision du 4 décembre 2014, le département a refusé la requête d'autorisation de construire complémentaire déposée le 27 juin 2014 par la propriétaire visant la modification du hangar agricole. Cette décision a été confirmée par arrêt du 21 juin 2016 de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
B.  
Par décision du 6 mars 2019 (adressée à nouveau le 17 avril 2019 à chacun des copropriétaires), le département a ordonné le rétablissement d'une situation conforme au droit, dans les trente jours à compter de la notification, en procédant à la démolition du bâtiment inachevé, à la remise en état des lieux, à l'évacuation des déchets de chantier, ainsi qu'à la dépose de la roulotte stationnée sur la parcelle et des divers éléments alentours. Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devait être produit dans le même délai. 
Cette décision a été confirmée par jugement du Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève du 22 février 2021. 
Saisie à son tour d'un recours de A.________, la Chambre administrative de la Cour de justice a confirmé ce jugement par arrêt du 24 août 2021. 
 
C.  
Agissant en un seul acte par la voie du recours en matière de droit public et du recours constitutionnel subsidiaire, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice, le jugement du TAPI, ainsi que la décision du Département du territoire. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice et au renvoi de la cause à cette autorité pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La Cour de justice n'a pas d'observations à formuler et se réfère aux considérants et au dispositif de son arrêt. Le Département du territoire se détermine et conclut au rejet du recours. La recourante réplique et persiste dans ses conclusions. Dans un courrier qu'elle rédige personnellement, la recourante revient sur la procédure ayant donné lieu à l'arrêt du 21 juin 2016 de la Cour de justice, entré en force, et produit plusieurs pièces nouvelles en lien avec ce dossier; elle apporte en outre quelques compléments d'opinion en se référant aux pièces du dossier de la présente procédure. 
Par ordonnance du 14 octobre 2021, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif présentée par la recourante. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est formé contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale, dans une cause de droit public. Il est recevable au regard des art. 82 let. a, 86 al. 1 let. d et 90 LTF. La recourante, copropriétaire de la parcelle et des constructions litigieuses, est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué et à un intérêt digne de protection à l'annulation ou la modification de celui-ci. 
Les autres conditions de recevabilité sont réunies si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. 
Le recours en matière de droit public étant recevable, le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
L'arrêt de la Cour de justice du 21 juin 2016 est entré en force et les éléments jugés à cette occasion, sur lesquels la recourante revient à plusieurs reprises, ne sauraient faire l'objet du présent litige. Quant aux pièces nouvelles produites par la recourante, elles sont irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). 
 
3.  
La recourante fait valoir une violation de son droit d'être entendue en raison d'une motivation insuffisante de l'arrêt attaqué. Elle considère que la subsomption de la Cour de justice se limite à un "quasi copier-coller" de la partie en droit du jugement du TAPI et que la décision attaquée est pour le surplus "inexplicablement silencieuse" s'agissant de la majorité des arguments soulevés dans le recours cantonal. 
 
3.1. Le droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. implique notamment le devoir pour l'autorité de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; 143 III 65 consid. 5.2; 141 IV 244 consid. 1.2.1). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel lorsqu'elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).  
Devant le Tribunal fédéral, les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit alors mentionner les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés; de même, elle doit citer les dispositions du droit cantonal ou communal dont elle se prévaut et démontrer en quoi ces dispositions auraient été appliquées arbitrairement ou d'une autre manière contraire au droit (ATF 136 II 489 consid. 2.8). 
 
3.2. L'analyse de la subsomption de l'arrêt attaqué étant nécessaire à l'examen d'une éventuelle application arbitraire du droit cantonal, la mesure dans laquelle cette subsomption répond aux griefs de la recourante et respecte ainsi son droit d'être entendue sera contrôlée à cette occasion (consid. 5.2).  
 
4.  
La recourante se plaint d'un établissement inexact des faits à plusieurs titres. 
 
4.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, la partie recourante ne peut critiquer la constatation de faits que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte - en particulier en violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire - et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause. Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire (ATF 145 I 26 consid. 1.3; 142 III 364 consid. 2.4; 139 II 404 consid. 10.1).  
 
4.2. La recourante fait valoir que la cour cantonale aurait retenu de façon inexacte que la roulotte sise sur la parcelle litigieuse serait habitée, alors que tel ne serait en réalité pas le cas. Elle n'expose toutefois pas en quoi ce fait serait décisif pour l'issue de la cause et il n'apparaît pas que tel soit le cas, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner plus avant ce qu'il en est.  
De même, alors que la recourante fait valoir que le hangar et le chantier ne contiennent plus aucun déchet, elle n'explique pas en quoi cet élément serait pertinent pour le sort du litige. 
La recourante considère encore que la cour cantonale aurait constaté à tort que le hangar n'était pas nécessaire à son activité. Ses explications à ce sujet sont toutefois purement appellatoires. En effet, elle affirme qu'elle a dû se résoudre à utiliser la grange, vétuste, de l'exploitation, en attendant que le hangar soit terminé. Ce faisant, elle se réfère au litige lié à la demande d'autorisation de construire. Celui-ci a duré de 1998 à 2002 et s'est conclu par la délivrance de l'autorisation de construire. Pour le surplus, la nécessité du hangar pour l'exploitation agricole, respectivement la nécessité du hangar inachevé seront examinées en droit dans le cadre de l'appréciation des différents intérêts en cause (consid. 6.2.2). 
Enfin, la recourante reproche à l'arrêt attaqué de ne pas retenir qu'elle avait apporté "toutes les explications utiles nécessaires" relatives au fait qu'elle n'a pas pu procéder aux actes de valorisation permettant de financer la poursuite du chantier. Or, ainsi qu'on le verra (consid. 5.2), que ces explications aient été jugées non pertinentes par la cour cantonale ne signifie pas que cette instance n'a pas établi les faits qui s'y rapportent, notamment les différentes sources de financement envisagées par la recourante. L'état de fait de l'arrêt attaqué mentionne tous ces éléments. La critique de la recourante est ainsi en réalité dirigée contre l'appréciation que la cour cantonale a fait de la situation en jugeant que l'écoulement du temps démontrait que la recourante n'était pas en mesure de concrétiser le financement espéré pour l'achèvement des travaux.  
Le Tribunal fédéral peut ainsi s'en tenir à l'état de fait de l'arrêt attaqué. 
 
5.  
La recourante se plaint d'une application arbitraire de l'art. 33A al. 2 du règlement genevois d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses (RCI; RS GE L 5 05.01) du 27 février 1978. 
 
5.1.  
 
5.1.1. Le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal (art. 95 LTF). Il examine en revanche sous l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation et l'application des autres règles du droit cantonal ou communal (ATF 141 I 36 consid. 5.4; 138 V 67 consid. 2.2; 134 II 349 consid. 3). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 144 IV 136 consid. 5.8; 144 I 170 consid. 7.3).  
Comme pour les griefs de violation des droits fondamentaux, les griefs de violations de dispositions du droit cantonal sont soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF), la partie recourante devant alors mentionner les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2). 
 
5.1.2. L'art. 33A RCI est ainsi formulé:  
Commencement des travaux 
1 Le commencement des travaux, au sens de l'article 4 de la loi, implique l'ouverture effective du chantier et la poursuite de la construction de l'ouvrage. 
 
Constructions inachevées 
2 Les travaux doivent être exécutés sans interruption notable et menés à bien dans un délai raisonnable. En cas de suspension du chantier excédant une année, le département peut soit ordonner l'achèvement de l'ouvrage, soit exiger la démolition des parties inachevées et la remise en état des lieux. 
 
 
5.2.  
 
5.2.1. La cour cantonale a retenu que le chantier a été abandonné depuis de nombreuses années et que la recourante n'avait jamais mis à profit les autorisations de construire obtenues qui étaient destinées à permettre le développement et la poursuite de son exploitation. Elle a considéré que la recourante avait tardé plusieurs années à commencer la construction pour ensuite la laisser à l'abandon.  
Les juges cantonaux ont ensuite analysé les motifs financiers avancés par la recourante pour expliquer le retard pris dans la réalisation des travaux. Constatant que la recourante faisait valoir un manque temporaire de liquidités, ils ont relevé que celle-ci n'avait pas expliqué pour quelles raisons elle n'avait pas pu concrétiser les rentrées financières prévues depuis l'arrêt du chantier, ni en quoi la solution serait différente aujourd'hui. 
La cour cantonale a encore jugé que l'intérêt allégué par la recourante à utiliser le hangar pour développer son activité n'était pas convaincant dès lors que celle-ci avait laissé la construction à l'abandon depuis 2010, admettait ne pas l'utiliser, et avait pu poursuivre son activité depuis de nombreuses années sans ce hangar. Enfin, l'argument ayant trait au coût de la démolition qui serait supérieur à celui de l'achèvement des travaux était sans pertinence, la jurisprudence n'accordant généralement pas de poids particulier à l'aspect financier dans le cadre de décisions de remise en état (cf. aussi ci-dessous consid. 6.2.2 et les réf. cit.). 
 
5.2.2. A la forme, au contraire de ce que fait valoir la recourante s'agissant de la violation de son droit d'être entendue (cf. consid. 3 ci-dessus), la motivation de l'arrêt attaqué est compréhensible et répond aux griefs soulevés. Le seul élément sur lequel la cour cantonale ne s'est pas véritablement penchée, renvoyant à son arrêt de 2016 en lien avec la demande d'autorisation de modifier le hangar et de réaliser d'autres installations, sont les explications justifiant l'arrêt du chantier. En effet celle-ci a considéré que ces explications n'avaient pas à être réexaminées, dès lors qu'il avait déjà été constaté en 2016 qu'elles étaient infondées, que la recourante n'expliquait pas pourquoi elle n'avait pas pu valoriser ses biens immobiliers et en tirer des revenus, ni en quoi la situation était désormais différente.  
Avec la recourante, on peut admettre qu'il est quelque peu inexact d'affirmer qu'elle n'a pas expliqué en quoi la situation serait différente désormais. Celle-ci consacre en effet une partie de son argumentation à exposer qu'elle projette de vendre sur plan des appartements à réaliser dans le corps de sa ferme pour financer l'achèvement du hangar. Toutefois, ainsi qu'on le verra ci-dessous, que la situation soit désormais différente en ce sens que la recourante a un nouveau projet dont elle espère tirer les liquidités qui lui manquent n'est en réalité pas décisif, dès lors que la recourante échoue à démontrer sa capacité à achever le hangar dans un délai raisonnable. 
La cour cantonale s'étant penchée sur tous les aspects déterminants pour l'issue du litige, il n'y a pas de violation du droit d'être entendue de la recourante. 
 
5.2.3. Sur le fond, l'autorisation de construire a été délivrée en 2003, soit il y a près de vingt ans. Le chantier - qui a démarré quatre ans après la délivrance de cette autorisation - est en outre interrompu, selon les constatations non contestées de la cour cantonale, depuis 2010, soit depuis treize ans. Cette durée est considérable, au point que, quelles que soient les circonstances, il n'y a a priori rien d'arbitraire dans le fait d'exiger une remise en état en application d'une disposition légale cantonale qui donne faculté à l'autorité d'agir en ce sens après un an seulement d'interruption des travaux.  
Cette appréciation prévaut quoi qu'il en soit même à la lumière des circonstances exposées par la recourante qui sont examinées ci-après. 
La recourante revient sur ses possibilités de financement de l'achèvement du hangar litigieux, savoir la vente sur plans de quatre appartements à construire dans le corps de sa ferme, dont la cour cantonale n'aurait pas suffisamment tenu compte. Elle tient le département pour responsable du blocage de ce projet d'appartements destinés à lui fournir les liquidités suffisantes pour terminer le hangar: le département serait ainsi responsable de l'impossibilité de mener à bien la construction litigieuse. 
A supposer que cet élément soit pertinent - ce qui est douteux vu les nombreuses incertitudes liées à un tel projet -, il ressort en tout état des déclarations de la recourante que la demande de permis de construire dont elle fait état n'a été déposée qu'en 2019 ou 2020 (cf. état de fait de l'arrêt attaqué, ch. 21 à 28), ce qui ne permet pas d'expliquer que le chantier ait été abandonné depuis 2010, moins encore que le financement du hangar - dont la demande d'autorisation de construire a été déposée en 1998 - n'ait pas pu être assuré auparavant. A ce titre, l'argument de la recourante confine ainsi à la mauvaise foi. Quoi qu'il en soit, la recourante se contente à ce sujet d'évoquer ce projet à titre très général sans jamais tenter de démontrer, chiffres à l'appui, qu'il s'agirait d'un moyen réaliste de financer l'achèvement du hangar. Elle ne tente au demeurant pas non plus de rendre ne serait-ce que vraisemblable que le projet en question serait manifestement conforme aux exigences légales de sorte que le "blocage" dont elle fait état serait véritablement chicanier. 
Les explications complémentaires que la recourante donne dans sa réplique, à teneur desquelles elle aurait, depuis 2010, "entrepris de nombreuses démarches et subi un blocage similaire par le DT en 2014/2015 en lien avec le même hangar agricole", sont vaines: on ne voit en effet pas en quoi le refus de délivrer une autorisation de réaliser d'autres installations en lien avec ce hangar ou de réaliser celui-ci différemment aurait empêché la recourante d'achever le hangar initialement autorisé. Ni en quoi ces installations complémentaires ou modifications refusées auraient permis de financer l'achèvement des travaux. 
Se référant au principe de la proportionnalité, la recourante fait valoir qu'une importante partie du hangar litigieux est d'ores et déjà bâtie et en état sain, de sorte que les travaux pourraient être finalisés prochainement. Elle fait également valoir les importants intérêts privé et public à la réalisation du hangar. Ces éléments seront examinés séparément, avec un pouvoir d'examen allant au-delà de celui portant sur la question de l'arbitraire (consid. 6 ci-dessous). 
Pour le reste, la recourante se borne à faire état de considérations générales sur le fait que l'administration et la justice genevoises persisteraient à constater les faits de manière erronée et à entraver l'exercice de son activité. Une telle argumentation, purement appellatoire, n'apporte rien qui puisse affecter l'appréciation juridique de la situation. 
En définitive, la constructrice a disposé d'un délai extrêmement long pour procéder aux travaux, bien plus élevé que le terme d'un an prévu par l'art. 33A al. 2 RCI. Les justifications avancées au cours des quatre dernières années, depuis le début de la présente procédure - au fil de laquelle ces explications ont au demeurant évolué, un accord transac-tionnel devant permettre à la recourante d'obtenir 350'000 francs ayant dans un premier temps été invoqué -, ne permettent pas de considérer, au contraire de ce que celle-ci fait valoir, que l'achèvement du hangar serait réellement à bout touchant. Comme le relève le département, la recourante se prévaut en réalité de circonstances qui ne sont pas réalisées et dont l'avènement est plus qu'incertain pour justifier de l'inachèvement de travaux autorisés il y a maintenant vingt ans. 
Il n'y a ainsi pas d'arbitraire dans l'application que les instances précédentes ont faite de l'art. 33A al. 2 RCI. 
 
6.  
Sans en faire un grief distinct, la recourante se plaint d'une violation du principe de la proportionnalité qu'elle met en lien avec la garantie de l'interdiction de l'arbitraire. Dans la mesure où elle évoque toutefois également la garantie de la propriété et de la liberté économique, ces aspects seront examinés pour eux-mêmes. 
 
6.1. La garantie de la propriété et la liberté économique ancrées aux art. 26 al. 1 et 27 al. 1 Cst. ne sont pas absolues. Comme tout droit fondamental, elles peuvent être restreintes aux conditions fixées à l'art. 36 Cst.  
Selon l'art. 36 Cst., toute restriction d'un droit fondamental doit reposer sur une base légale qui doit être de rang législatif en cas de restriction grave (al. 1); elle doit en outre être justifiée par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3), sans violer l'essence du droit en question (al. 4). Pour être conforme au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), la restriction à un droit fondamental doit être apte à atteindre le but visé (règle de l'aptitude), lequel ne peut pas être obtenu par une mesure moins incisive (règle de la nécessité); il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; cf. ATF 146 I 157 consid. 5.4; 146 I 70 consid. 6.4; 143 I 403 consid. 5.6.3). 
Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel; il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (cf. Message du Conseil fédéral du 20 janvier 2010 relatif à une révision partielle de la LAT, FF 2010 964 ch. 1.2.1 et 973 ch. 2.1; ATF 147 II 309 consid. 5.5; arrêts 1C_176/2016 du 10 mai 2017 consid. 7.1; 1C_109/2014 du 4 mars 2015 consid. 6.5; RUDOLF MUGGLI, Commentaire pratique LAT: construire hors zone à bâtir, 2017, n. 1 et 16 ad remarques préliminaires relatives aux art. 24 à 24e et 37a LAT; WALDMANN/HÄNNI, Handkommentar RPG, 2006, n. 14 ad art. 1 LAT; BRAHIER/PERRITAZ, LAT révisée, dézonage et indemnisation des propriétaires, 2015, p. 74; cf. également art. 14 al. 2, 16 al. 1, 22 al. 2 let. a et 24 ss LAT). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte (ATF 132 II 21 consid. 6.4; arrêt 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c publié in ZBl 2002 p. 364). Si des constructions illégales, contraires au droit de l'aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non-bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé (cf. ATF 147 II 309 consid. 5.5; arrêt 1C_143/2015 du 13 novembre 2015 consid. 2.4). S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole (cf. ATF 132 II 21 consid. 6.4; 111 Ib 213 consid. 6b; arrêt 1A.301/2000 du 28 mai 2001 consid. 6c in ZBl 2002 p. 364) ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (arrêts 1C_533/2021 du 19 janvier 2023 consid. 5.1; 1C_276/2016 du 2 juin 2017 consid. 3.3).  
C'est pourquoi, en règle générale, les constructions érigées illégalement en zone agricole doivent être supprimées, à moins que - à titre exceptionnel - l'écart constaté par rapport à ce qu'admet le droit se révèle mineur et qu'une remise en état ne soit pas dans l'intérêt public (ATF 136 II 359 consid. 6; 132 II 21 consid. 6). 
Le Tribunal fédéral examine librement si une restriction de la propriété viole le principe de la proportionnalité. Il s'impose en revanche une certaine retenue quand il convient de tenir compte de circonstances locales dont les autorités cantonales ont une meilleure connaissance que lui (ATF 135 I 176 consid. 6.1). 
 
6.2.  
 
6.2.1. La recourante fait valoir que les exigences permettant d'ordonner la démolition d'une construction autorisée devraient être bien plus strictes encore que celles, déjà élevées, permettant d'ordonner la démolition de constructions réalisées sans droit. Ce faisant, elle fait abstraction du fait que, le hangar inachevé ne correspondant pas à l'objet du permis de construire, on ne saurait le qualifier de construction légalement autorisée. En d'autres termes, un bâtiment inachevé, laissé dans un tel état pendant treize ans, équivaut à une construction illicite puisqu'il n'est pas conforme à ce qui a été autorisé.  
 
6.2.2. Sous l'angle de la proportionnalité au sens étroit, la recourante met essentiellement en avant l'intérêt qu'elle aurait à pouvoir achever le hangar litigieux, qui serait indispensable à son activité. Elle fait valoir également un intérêt public à la possibilité pour les jeunes agriculteurs de la région de pouvoir utiliser le hangar, ainsi qu'un intérêt public plus général à l'existence de son exploitation agricole pour la région.  
La présente procédure portant sur la démolition du hangar et non sur la délivrance d'une autorisation de le construire, la nécessité du bâtiment pour l'exploitation agricole n'est pas décisive au sens de l'art. 34 al. 4 de l'ordonnance du 28 juin 2000 sur l'aménagement du territoire (OAT; RS 700.1), cet élément représentant un intérêt parmi d'autres dans le cadre de l'examen de la proportionnalité au sens étroit. Or, comme on l'a constaté ci-dessus, la recourante n'a pas été en mesure de démontrer pouvoir terminer la construction à court terme. C'est donc en vain qu'elle fait état d'intérêts en lien avec l'existence d'un hangar terminé. Autrement dit, les seuls intérêts concrets dont elle peut se prévaloir, dans le cadre du présent examen, sont ceux liés à la conservation d'un bâtiment inachevé. 
A cet égard, les premiers juges ont retenu qu'aucune activité agricole n'est envisageable dans le bâtiment laissé à l'abandon depuis 2010. Il n'y a pas lieu de s'écarter de cette appréciation, que la recourante ne conteste pas véritablement, puisqu'elle admet n'avoir jamais utilisé le hangar inachevé en l'état. Elle relève pour la première fois dans sa réplique s'être abstenue de faire usage du hangar par respect pour la règlementation cantonale relative à l'entrée en occupation d'un bâtiment neuf. Outre qu'il est surprenant qu'elle ne se soit pas prévalue d'un tel motif plus tôt, la recourante ne démontre pas, ni même n'allègue avoir tenté de trouver un compromis, durant toutes ces années, lui permettant de faire usage de l'existant, faute de fonds pour achever les travaux. Alors qu'elle insiste dans son recours sur le fait qu'une importante partie du hangar d'ores et déjà bâtie serait saine, la recourante persiste à seulement en inférer que les travaux peuvent être finalisés prochainement. Elle ne propose aucune solution par laquelle elle pourrait, à moindre coûts, rendre le hangar utilisable. 
Il s'ensuit que, comme l'a relevé la cour cantonale, l'intérêt de la recourante est purement financier. Cet intérêt financier est uniquement corrélé aux coûts de démolition et de remise en état des lieux et non, comme la recourante le laisse entendre, à la poursuite de son activité agricole, sur laquelle la décision litigieuse n'a en réalité pas d'incidence, le hangar n'étant pas utilisable en l'état. A cet égard, la recourante se contente d'affirmer sans le démontrer que les conséquences financières sont comparables pour l'achèvement du hangar et pour sa démolition et remise en état, de sorte qu'il serait dénué de sens d'ordonner la démolition alors qu'elle pourrait achever la construction. Or, comme l'a retenu la cour cantonale, la jurisprudence n'accorde généralement que peu de poids à l'intérêt financier s'opposant à une remise en état, qui plus est en zone non constructible (cf. notamment ATF 111 Ib 213 consid. 6b; arrêts 1C_82/2015 du 18 novembre 2015 consid. 4.2, in DEP 2016 p. 239, non publié in ATF 141 II 476; 1C_389/2019 du 27 janvier 2021 consid. 4.2, in DEP 2021 p. 491; 1C_404/2009 du 12 mai 2010 consid. 4.3, in Pra 2011 n. 16 p. 114). Il y va en effet du respect du principe de rang constitutionnel de la séparation des espaces constructible et non-constructible, ainsi que du respect du principe de l'égalité de traitement vis-à-vis des autres administrés (cf. consid. 6.1). 
A ces circonstances s'ajoute le fait que les treize années de "sursis" dont a bénéficié la recourante depuis l'arrêt des travaux concrétisent à elles seules l'application du principe de la proportionnalité. La décision litigieuse intervient au surplus alors que, comme on l'a vu, l'aboutissement des démarches actuelles de la recourante en vue de l'obtention de liquidités demeure hypothétique et que les précédentes démarches qu'elle avait invoquées - vente d'une maison dont elle est propriétaire et/ou obtention d'une importante somme d'argent à raison d'un "accord transactionnel" - ne se sont jusqu'à présent jamais concrétisées. Compte tenu de tout ceci, il n'est pas critiquable de finalement ordonner la démolition du bâtiment inachevé. Aussi l'arrêt attaqué respecte-t-il le principe de la proportionnalité. 
Le Tribunal fédéral constate en définitive que la recourante se bat pour le maintien d'une autorisation de construire qu'elle n'a pas les moyens de concrétiser. Le motif principal d'inachèvement des travaux est son manque de ressources financières - ce depuis 2010 à tout le moins -, ou d'autres éléments d'ordre personnel, et non la décision de remise en état, qui n'a été prononcée "que" seize ans après la délivrance de l'autorisation de construire et neuf ans après la suspension des travaux. 
 
7.  
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, aux frais de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
Le recours en matière de droit public est rejeté. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 francs, sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 21 février 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Sidi-Ali