5A_29/2024 22.05.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_29/2024  
 
 
Arrêt du 22 mai 2024  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Bovey et Hartmann. 
Greffier : M. Piccinin. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Mes Nicolas Kuonen et Dejan Simeunovic, 
recourante, 
 
contre  
 
Office des poursuites du district de Nyon, avenue Reverdil 2, 1260 Nyon, 
 
1. B.________, 
2. C.________, 
3. D.________, 
tous les trois représentés par Me Philippe Cottier, avocat, 
 
Objet 
encaissement de créances séquestrées (art. 100 LP), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 19 décembre 2023 (FA23.014112-231235 / FA23.014115-231236 37). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 15 juillet 2021, à la requête de B.________, C.________ et D.________ (ci-après: les créanciers séquestrants ou les intimés), la Juge de paix du district de Nyon (ci-après: la juge de paix) a ordonné le séquestre de quatre créances détenues par E.________ SA envers la société A.________ SA, totalisant la somme de 34'536'119 fr. 80, avec intérêt à 5,83% l'an dès le 14 juillet 2021.  
Le jour même, l'Office des poursuites du district de Nyon (ci-après: l'Office) a enregistré l'ordonnance sous n° xxx et a adressé à A.________ SA l'avis concernant le séquestre des quatre créances en cause, " jusqu'à concurrence de Fr. 55'000'000.00 ". Par cet avis, la tierce débitrice était en outre invitée à verser immédiatement à l'Office le montant échu de la créance, ou à déclarer sans délai si elle reconnaissait sa dette ou, éventuellement, pour quels motifs elle la contestait. 
Le 2 septembre 2021, l'Office a dressé le procès-verbal du séquestre. Il y a notamment mentionné que, par lettre du 10 août 2021, A.________ SA avait indiqué que la créance n° 1 de USD 5'957'120.-- avait été intégralement soldée le 29 juillet 2020, que la créance n° 2 de USD 42'210'000.-- ne serait pas exigible avant le 31 mai 2023, que la créance n° 3 de USD 87'660'000.--, partiellement soldée, se montait désormais à USD 80'789'465.-- et ne serait pas exigible avant le 31 décembre 2022, et que la créance n° 4 de USD 57'404'831.20, partiellement soldée, se montait désormais à USD 1'739'391.-- et ne serait pas exigible avant le 31 décembre 2022. Tenant compte de ces indications, l'Office a déclaré le séquestre sur la créance n° 1 infructueux et a estimé la valeur des trois autres créances séquestrées à 50% de leur valeur en francs suisses, au taux de conversion du jour de la délivrance du procès-verbal, soit 0.92, "compte tenu des risques et de la solvabilité douteuse de la société A.________ SA", celle-ci faisant l'objet d'une poursuite pour un montant de 26'549'500 fr. à laquelle elle avait formé opposition. Il a ainsi estimé la créance n° 2 de USD 42'210'000.--, soit 38'686'600 fr., à 19'000'000 fr., la créance n° 3 de USD 80'789'465.--, soit 74'326'307 fr. 80, à 37'000'000 fr., et la créance n° 4 de USD 1'739'391.--, soit 1'600'239 fr. 72, à 800'000 fr. 
La plainte déposée par E.________ SA contre ce procès-verbal de séquestre a été rejetée par décision du 20 juin 2022, confirmée par arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Cour des poursuites et faillites) du 7 novembre 2022. 
 
A.b. Le 27 septembre 2021, E.________ SA a formé opposition à l'ordonnance de séquestre du 15 juillet 2021. Par prononcé du 13 janvier 2022, la juge de paix a révoqué partiellement l'ordonnance litigieuse, laquelle tendait désormais à garantir une créance d'un montant de 34'453'101 fr. 71, avec intérêt à 5,83% l'an dès le 14 juillet 2021.  
 
A.c. Les créanciers séquestrants ayant requis la poursuite en validation de ce séquestre, un commandement de payer a été notifié à E.________ SA, par voie diplomatique, dans la poursuite ordinaire n° yyy. La poursuivie a formé opposition totale, le 24 septembre 2021.  
Par prononcé du 14 septembre 2022, dont les motifs ont été adressés aux parties le 29 juin 2023, la juge de paix a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition à concurrence de 34'536'119 fr. 80 plus intérêt au taux de 5,83% l'an dès le 14 juillet 2021, sous déduction des sommes de 35'162 fr. plus intérêt au taux de 5,83% l'an dès le 14 juillet 2021 et de 47'856 fr. 09 plus intérêt au taux de 5,83% l'an dès le 14 juillet 2021. Le recours formé par E.________ SA contre ce prononcé a été rejeté par arrêt de la Cour des poursuites et faillites du 19 octobre 2023. 
 
B.  
 
B.a. Par lettre du 21 décembre 2022, le conseil des créanciers séquestrants a informé l'Office que le rapport annuel de E.________ SA, présenté à son assemblée générale du 20 décembre 2022, indiquait une nouvelle date d'exigibilité des créances séquestrées nos 3 et 4 au "23" [recte: 31] décembre 2023 et que la créance séquestrée n° 2 avait été augmentée de USD 42'210'000.-- à USD 71'923'478.84.  
Le 22 décembre 2022, l'Office a invité A.________ SA à verser le montant de USD 59'322'450.-- (soit 55'000'000 fr. au taux du jour) dans un délai au 6 janvier 2023, au vu de l'exigibilité des créances nos 3 et 4 au 31 décembre 2022. 
Le 9 janvier 2023, E.________ SA a informé l'Office que, lors du renouvellement annuel des contrats de financement intragroupe entre elle et A.________ SA, elle avait signé par inadvertance des avenants modifiant les dates d'exigibilité des créances séquestrées; ayant pris conscience de cette erreur, elle avait entrepris les démarches nécessaires pour rétablir la situation antérieure auxdits avenants, qui avaient en conséquence été annulés par déclarations mutuelles des deux parties, et elle avait rappelé à A.________ SA la date d'exigibilité de sa créance au 31 décembre 2022. 
Le 20 janvier 2023, constatant que A.________ SA n'avait pas versé le montant de USD 59'322'450.-- dans le délai imparti, l'Office lui a imparti un nouveau délai au 30 janvier suivant pour s'exécuter. 
Le 6 février 2023, l'Office a établi une réquisition de poursuite contre A.________ SA pour la créancière séquestrée E.________ SA, représentée par l'Office, pour un montant de 55'000'000 fr., plus intérêt à 5% l'an dès le 31 janvier 2023, en indiquant comme cause de l'obligation: " Créance initiale de USD 87'660'000.00 due selon contrat de prêt du 17 octobre 2019 et créance initiale de USD 57'404'3'831.20 [recte: 57'404'831.20] due selon contrat de prêt du 1er février 2017, exigibles au 31.12.2022, dont le recouvrement est limité à la somme de USD 59'782'608.70 convertie au taux du jour (06.02.2023) de 0.92%, soit la somme de CHF 55'000'000.00, montant objet du séquestre n° xxx ". Le commandement de payer subséquent n° zzz a été notifié le 20 mars 2023 à A.________ SA, qui a formé opposition totale. 
 
B.b. Le 30 mars 2023, A.________ SA a déposé une plainte auprès de l'autorité inférieure de surveillance à l'encontre du commandement de payer précité, concluant à son annulation. Elle a notamment allégué avoir informé E.________ SA, par courrier du 27 janvier 2023, qu'elle n'avait pas remboursé les prêts en raison de la guerre en Ukraine et de la nécessité de maintenir des réserves pour pallier les risques inhérents à ladite guerre, étant donné que ses activités et celles du groupe auquel elle appartient sont principalement exercées en Ukraine et qu'elle n'a plus accès à de nouveaux financements en raison du conflit armé. Elle en déduisait qu'elle avait ainsi " contesté son obligation de payer les montants requis par l'Office en raison de la guerre en Ukraine et de l'absence de fonds disponibles pour le paiement ", que, partant, les créances séquestrées étaient contestées et devaient dès lors être réalisées sur réquisition du créancier poursuivant " selon l'un des modes prévus pour les créances ".  
Le 30 mars 2023, E.________ SA a également déposé une plainte auprès de l'autorité inférieure de surveillance à l'encontre du commandement de payer n° zzz, concluant à son annulation. Invoquant une violation de l'art. 33 CO, elle a contesté que l'Office soit autorisé à se présenter comme son représentant alors qu'elle ne lui avait jamais donné mandat d'engager des poursuites à l'encontre de A.________ SA. 
 
B.c. Par décision rendue le 28 août 2023, l'autorité inférieure de surveillance a joint les deux plaintes et les a rejetées. Elle a considéré qu'au vu des devoirs imposés par l'art. 100 LP à l'Office, il ne pouvait être fait grief à ce dernier d'avoir pris des précautions en notifiant un commandement de payer à la tierce débitrice A.________ SA, après le double refus de celle-ci de procéder au paiement des créances séquestrées, sans que la créancière et poursuivie E.________ SA le requière. L'Office n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en procédant de la sorte.  
 
B.d. A.________ SA et E.________ SA ont toutes deux recouru devant la Cour des poursuites et faillites contre la décision du 28 août 2023, concluant à l'annulation du commandement de payer litigieux.  
Par arrêt du 19 décembre 2023, expédié le 27 suivant, dite autorité a joint les causes, rejeté les recours et confirmé la décision attaquée. 
 
C.  
Par acte posté le 12 janvier 2024, A.________ SA exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 19 décembre 2023. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à sa réforme en ce sens que le commandement de payer n° zzz notifié par l'Office des poursuites du district de Nyon est annulé. Subsidiairement, elle sollicite le renvoi de la cause à la Cour des poursuites et faillites pour nouvelle décision au sens des considérants. 
Des déterminations n'ont pas été requises. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le présent recours a été déposé dans le délai légal (art. 100 al. 2 let. a et 46 al. 1 let. c LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité de surveillance statuant en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF). Il est ouvert indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF). La plaignante, qui a succombé devant la juridiction précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués ou le rejeter en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.2; 145 IV 228 consid. 2.1; 144 III 462 consid. 3.2.3). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4). En outre, lorsqu'une décision attaquée se fonde sur plusieurs motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires, toutes suffisantes pour sceller le sort de la cause, la partie recourante doit, sous peine d'irrecevabilité, démontrer que chacune d'entre elles est contraire au droit en se conformant aux exigences de motivation requises (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 138 I 97 consid. 4.1.4; 138 III 728 consid. 3.4). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2; 146 IV 114 consid. 2.1).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 147 I 73 consid. 2.2; 144 III 93 consid. 5.2.2), doit, sous peine d'irrecevabilité, satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.1; ATF 147 I 73 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1).  
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 147 V 35 consid. 4.2; 143 IV 500 consid. 1.1; 140 III 264 consid. 2.3). 
 
3.  
La recourante se plaint d'un établissement manifestement inexact des faits et d'une violation de l'art. 100 LP. Elle reproche en substance à l'autorité cantonale d'avoir omis de constater que l'Office n'avait manifestement pas pour intention de recourir à cette disposition conformément à son but, la notification du commandement de payer litigieux ne répondant à aucun des deux " besoins " envisagés par cette disposition. 
 
3.1. Conformément à l'art. 100 LP, l'office doit pourvoir à la conservation des biens saisis et à l'encaissement des créances échues. Cette disposition s'applique en cas de séquestre, par renvoi de l'art. 275 LP (cf. ATF 41 III 129 consid. 3 in fine; arrêt 5A_25/2014 du 28 novembre 2014 consid. 6.2). L'office bénéficie en la matière d'un large pouvoir d'appréciation; il doit cependant veiller au respect des grands principes de l'exécution forcée, en particulier celui visant à concilier les intérêts du débiteur et du créancier (OCHSNER, LES MESURES DE SÛRETÉ À L'ÉGARD DES ACTIFS SAISIS OU SÉQUESTRÉS (ART. 98 À 105 LP), SJ 2019 II p. 147 ss, 148). Si des droits saisis ou séquestrés viennent à être perdus parce que l'office a omis de prendre les mesures que l'on était en droit d'exiger de lui, il répond vis-à-vis des créanciers du dommage qui peut en résulter sur la base de l'art. 5 LP (SCHLEGEL/ZOPFI, in SK-Kommentar, SchKG, 4ème éd. 2017, n° 1 ad art. 100 LP; SIEVI, in Basler Kommentar, SchKG I, 3ème éd. 2021, n° 9 ad art. 100 LP; ZOPFI, in Kurzkommentar, SchKG, 2ème éd. 2014, n° 1 ad art. 100 LP; cf. aussi OCHSNER, op. cit., p. 173).  
La conservation des droits saisis ou séquestrés implique par exemple que l'office produise dans la faillite d'un tiers, présente au paiement les effets de change, entame ou poursuive des actions judiciaires, dépose des actes de poursuite en particulier pour interrompre une prescription, etc. (OCHSNER, op. cit., loc. cit. et la référence; SIEVI, op. cit., n° 5 ss ad art. 100 LP; DE GOTTRAU, in Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 4 ss ad art. 100 LP; GILLIÉRON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, Art. 89-158, vol. II, 2000, n° 11 ad art. 100 LP). 
Dès l'exécution de la saisie ou du séquestre, l'encaissement des créances saisies ou séquestrées qui sont échues et incontestées devra intervenir d'office, sans que les créanciers soient tenus d'en faire la demande (cf. ATF 120 III 131 consid. 1 et la référence; arrêt 5A_252/2019 du 14 mai 2020 consid. 2.6.2, publié in BlSchK 2021 p. 20; DE GOTTRAU, op. cit., n° 7 ad art. 100 LP; SIEVI, op. cit., n° 9 ad art. 100 LP; ZOPFI, op. cit., n° 4 ad art. 100 LP). L'encaissement devra viser toutes les créances, quelle que soit leur nature, même si celles-ci résultent de droits, par exemple de contrats de licence (DE GOTTRAU, op. cit., loc. cit.; SIEVI, op. cit., n° 8 et 9 ad art. 100 LP; OCHSNER, op. cit., p. 176). Une telle mesure n'est pas de nature à porter préjudice au tiers séquestré, qui n'est de toute manière pas libre de disposer des biens séquestrés (CJ GE, 03.05.2018, BlSchK 2019 p. 31, consid. 2.3 et la référence à l'arrêt 5A_25/2014 précité loc. cit.). L'encaissement par l'office des créances saisies (ou séquestrées) libère le débiteur du poursuivi. Quant à la créance, elle est réalisée du fait que l'office en a accepté le paiement, voire l'exécution en nature; elle n'a donc plus besoin d'être vendue aux enchères ou de gré à gré (DE GOTTRAU, op. cit., n° 8 ad art. 100 LP; GILLIÉRON, op. cit., n° 15 ad art. 100 LP; cf. aussi TC VS, 28.04.2014, RVJ 2015 p. 190, consid. 6a). 
Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de relever qu'il ne résultait pas clairement de l'art. 100 LP dans quelle mesure, pour encaisser une créance échue, l'office peut ou doit exercer une poursuite contre le débiteur du poursuivi (tiers débiteur) et, le cas échéant, requérir la mainlevée, surtout lorsque le poursuivi, titulaire de la créance en cause, est disposé à faire le nécessaire (ATF 60 III 191 p. 193; GILLIÉRON, op. cit., n° 16 ad art. 100 LP; cf. aussi DE GOTTRAU, op. cit., n° 7 i.f. ad art. 100 LP). Dans une décision du 28 décembre 1894, le Conseil fédéral a jugé que l'office peut se trouver dans la nécessité d'intenter une poursuite pour une créance saisie lorsqu'il y a lieu par exemple d'interrompre la prescription ou de faire établir si le tiers débiteur reconnaît ou méconnaît la dette (Archives de la poursuite pour dettes et de la faillite [Archives] 1895 n° 50 p. 132, 133 s.; cf. aussi GILLIÉRON, op. cit., loc. cit., qui envisage encore l'éventualité d'une poursuite de l'office dans les cas où il y a lieu de produire la créance saisie ou séquestrée dans la faillite du débiteur du poursuivi). En revanche, dans l'hypothèse où le tiers débiteur "refuse absolument de payer", le Conseil fédéral a considéré que l'office n'était pas tenu de par la loi d'intenter une poursuite que tout indique comme ne devant pas aboutir (Archives 1895, p. 134). Le Tribunal fédéral a quant à lui indiqué que si le tiers débiteur ne s'exécute pas spontanément en mains de l'office, la réalisation aura lieu, comme dans l'hypothèse où la créance n'est pas échue, selon les modes prévus pour les biens meubles (art. 122 al. 1, 125 al. 1, 130, 131 LP; arrêt 5A_630/2018 du 5 novembre 2018 consid. 4.1.2 et la référence), la même solution valant en cas d'un paiement seulement partiel en mains de l'office (cf. arrêt 7B.99/2006 du 1er septembre 2006 consid. 3.2; ZOPFI, op. cit., n° 5 ad art. 100 LP). 
 
3.2. En l'espèce, l'autorité cantonale a constaté que selon le procès-verbal de séquestre du 2 septembre 2021, la recourante avait admis devoir à E.________ SA USD 80'789'465.-- (créance n° 3) et USD 1'739'391.-- (créance n° 4) et indiqué que ces créances ne seraient toutefois pas exigibles avant le 31 décembre 2022. Dès lors qu'il s'agissait de créances non contestées par leur débiteur - le fait de ne pas exécuter le paiement d'une créance n'emportant pas contestation de la créance elle-même - et effectivement exigibles au 31 décembre 2022, ainsi que cela résultait des contrats de prêt et qu'il était admis par les parties, l'Office devait les recouvrer pour le créancier séquestré. C'était ce qu'il avait fait, notamment en déposant le 6 février 2023, après avoir imparti à la recourante deux délais pour s'en acquitter, une réquisition de poursuite se référant à ces créances et demandant un montant inférieur à celui reconnu. La recourante perdait ainsi ici de vue que selon l'art. 100 LP, l'Office doit agir non seulement pour conserver des droits saisis, mais également pour encaisser des créances échues, ce qui pouvait, selon la volonté du débiteur de s'acquitter de son dû, imposer la notification à son encontre d'un commandement de payer. Pour être effectuée, cette dernière opération n'était pas soumise à la condition d'une urgence ou d'un péril ou encore d'une demande du débiteur/créancier séquestré ou du créancier séquestrant. Le commandement de payer litigieux était donc valable pour ce motif déjà et la décision attaquée, en confirmant la validité de cet acte de poursuite, ne prêtait pas le flanc à la critique.  
Dans une argumentation subsidiaire, l'autorité cantonale a relevé que la recourante avait allégué elle-même, d'abord dans sa lettre à E.________ SA du 27 janvier 2023, puis dans sa plainte, qu'elle n'avait pas remboursé les prêts en raison de la guerre en Ukraine et de l'absence de fonds disponibles pour le paiement de ces montants. Il apparaissait dès lors que leur recouvrement était mis en péril, vu notamment la continuation de la guerre, et que la notification sans retard du commandement de payer, indépendamment de la mission d'encaissement donnée à l'Office par l'art. 100 LP, se justifiait également, après deux délais accordés pour payer, pour des motifs conservatoires. Ici encore, dans ces conditions, le rejet de la plainte était fondé. Le fait que les intimés aient obtenu la mainlevée définitive de l'opposition formée par E.________ SA à leur poursuite en validation de séquestre était sans pertinence, ni incidence sur ce raisonnement. 
 
3.3. La recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir omis de constater que l'Office avait expressément indiqué dans ses déterminations qu'il n'allait pas requérir la mainlevée de l'opposition et que ce serait dans le cadre de la poursuite en validation du séquestre menée par le créancier séquestrant (sic; recte: les créanciers séquestrants) et sur requête de celui-ci que les créances seraient réalisées. La décision attaquée ne faisait pas non plus mention du fait que l'Office avait confirmé lors de l'audience de l'autorité inférieure de surveillance que le commandement de payer litigieux avait été notifié " à titre conservatoire afin qu'une inaction de l'Office ne puisse pas leur (sic) être reprochée ". Selon la recourante, ces faits arbitrairement omis étaient susceptibles d'influencer le sort de la cause. En effet, ils contredisaient les conclusions de l'autorité précédente, dès lors que l'Office avait lui-même exposé qu'en notifiant le commandement de payer, il ne poursuivait pas l'objectif d'encaisser les créances séquestrées mais celui de préserver ses propres intérêts, soit de pallier le risque abstrait d'une responsabilité ensuite de son inaction. Ils démontraient également que l'Office n'avait pas non plus agi en vue de conserver les droits du créancier séquestrant (sic) qui auraient été mis en péril. Il n'existait en l'espèce aucun risque lié à la prescription des créances séquestrées compte tenu du délai de prescription de dix ans prévu à l'art. 127 CO. Il n'y avait pas non plus de délai matériel ou relevant de l'exécution forcée à sauvegarder. Le créancier séquestrant (sic) avait par ailleurs entrepris les démarches nécessaires pour valider le séquestre et faire avancer la procédure de recouvrement puisqu'il avait obtenu la mainlevée définitive de l'opposition de E.________ SA au commandement de payer en validation du séquestre. La recourante relève encore que dans ses déterminations, l'Office avait indiqué qu'il avait agi pour " préserver les intérêts du créancier séquestrant ", sans toutefois expliquer lesquels seraient mis en péril et justifieraient son action. Or il n'en existait aucun, puisqu'en notifiant le commandement de payer litigieux, l'Office avait cherché à protéger son propre intérêt et non pas ceux du créancier séquestrant. La recourante ajoute que, contrairement à ce qu'avait retenu l'autorité cantonale, l'existence des créances de E.________ SA à son encontre n'était nullement mise en péril par le guerre en Ukraine. En effet, (in) existence et (in) exécution d'une créance étaient deux choses différentes. On ne pouvait admettre que le risque d'inexécution d'une créance puisse systématiquement autoriser l'Office à prendre des mesures de sauvegarde au titre de l'art. 100 LP. Ainsi, en dehors des situations évoquées par la doctrine comme le risque de prescription - dont aucune n'avait été alléguée ou retenue en l'espèce -, on ne voyait pas en quoi la notification d'un commandement de payer pouvait constituer un moyen apte et nécessaire à la préservation de l'existence des créances séquestrées, étant précisé que l'influence de la situation en Ukraine sur une impossibilité de rembourser les prêts - et non seulement l'inopportunité de le faire - n'avait pas été alléguée ni établie.  
 
3.4. La question qu'il convient de résoudre en l'occurrence n'est pas celle de savoir si l'Office devait notifier un commandement de payer mais s'il le pouvait.  
On ne voit pas que l'Office ait détourné l'art. 100 LP de son but ainsi que le prétend la recourante en procédant à cette démarche. Agir prudemment aux fins d'éviter une action en responsabilité selon l'art. 5 LP n'apparaît pas contraire à cette disposition (cf. supra consid. 3.1 i.i.; cf. aussi spéc. OCHSNER, op. cit., p. 173). Cela étant, le Tribunal de céans n'a pas exclu la possibilité pour les offices d'introduire des poursuites contre le débiteur du poursuivi aux fins d'encaissement de créances échues et incontestées. Il ne l'a implicitement écartée que dans l'hypothèse où le poursuivi titulaire de la créance en cause est disposé à lui-même poursuivre son débiteur. Quant au Conseil fédéral, il l'a expressément écartée dans l'hypothèse où le tiers débiteur " refuse absolument de payer ", le Tribunal fédéral précisant par la suite que le refus total ou partiel de paiement en mains de l'office entraînait la réalisation de la créance selon l'un des modes prévus par la LP pour les biens meubles, soit, notamment, qu'elle est cédée au créancier poursuivant conformément à l'art. 131 LP ou vendue aux enchères. Or, en l'occurrence, E.________ SA n'a fait montre d'aucune velléité de poursuivre la recourante aux fins de recouvrer ses créances. Contestant également par la voie de la plainte et du recours le commandement de payer notifié sur réquisition de l'Office, il n'apparaît nullement, à la lecture de l'arrêt attaqué, qu'elle ait fondé ses griefs sur le fait qu'elle avait elle-même l'intention d'exercer son droit de poursuivre la recourante, tel que réservé par l'ATF 60 III 191 susvisé. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'arrêt attaqué qu'au moment de l'introduction de la poursuite, les créances en cause étaient litigieuses, à savoir, comme le relève à juste titre OCHSNER (op. cit., p. 176), que la recourante ait non seulement refusé de les payer en mains de l'Office mais ait également contesté être la débitrice de la poursuivie, ce qui aurait justifié d'emblée leur réalisation selon les modes susvisés. Il est vrai qu'elle n'a pas donné suite aux invitations de l'Office des 22 décembre 2022 et 20 janvier 2023. Ce n'est toutefois pas parce qu'elle refuse de rembourser E.________ SA mais, selon les termes de l'arrêt attaqué reprenant ceux mêmes de la recourante, " en raison de la guerre en Ukraine et de la nécessité de maintenir des réserves pour pallier les risques inhérents à ladite guerre ", respectivement " de l'absence de fonds disponibles pour le paiement ". L'intéressée ne dit d'ailleurs pas autre chose dans le présent recours. 
Quoi qu'il en soit, la recourante entend limiter la marge de manoeuvre de l'Office aux seuls exemples de mesures de conservation des droits saisis ou séquestrés énoncés en doctrine, sans pour autant faire valoir, et a fortiori démontrer, que la mesure litigieuse serait constitutive d'un excès ou d'un abus du large pouvoir d'appréciation reconnu en la matière que l'autorité cantonale aurait à tort omis de sanctionner. Certes, la recourante expose que l'Office avait admis qu'il n'avait pas l'intention de requérir la mainlevée de l'opposition qu'elle avait formée au commandement de payer litigieux et que la notification de cet acte ne constituait pas un moyen apte et nécessaire à la préservation de l'existence des créances séquestrées, celle-ci n'étant pas mise en péril par la guerre en Ukraine. De tels arguments ne sauraient toutefois encore suffire à considérer que l'autorité cantonale aurait, dans les circonstances particulières de l'espèce, dû intervenir nonobstant la grande liberté d'appréciation reconnue à l'Office lorsque ce dernier procède à la pesée des intérêts en présence pour décider quelle mesure au sens de l'art. 100 LP il convient de prendre. Singulièrement, sauf à reprocher à l'Office de ne pas avoir motivé plus avant le résultat de sa pondération des intérêts en jeu, la recourante ne fait valoir aucun élément décisif qui ferait apparaître que les intérêts des créanciers séquestrants auraient en l'occurrence été pris en considération de manière inadéquate, alors que la jurisprudence admet que l'absence de poursuite immédiate à l'encontre du tiers débiteur est en principe susceptible de causer un préjudice au créancier séquestrant (cf. ATF 60 III 191 p. 193). Par ailleurs, le fait que l'Office ait allégué ne pas vouloir requérir la mainlevée ne rend pas, de ce seul fait, sa démarche abusive. Contrairement à ce que semble soutenir la recourante, on ne saurait appliquer ici la jurisprudence qui qualifie d'abusif le fait de notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition ni la reconnaissance judiciaire de la prétention en cause (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; 115 III 18 consid. 3b). En l'occurrence, la poursuite introduite par l'Office avait uniquement pour but de tenter d'amener le tiers débiteur à s'acquitter en ses mains de la créance séquestrée, ce qui n'apparaît pas contraire à l'art. 100 LP. Cela étant, le fait qu'opposition ait été formée au commandement de payer replace l'Office dans une situation analogue à celle où la créance est d'emblée contestée, respectivement où le tiers débiteur refuse absolument de la payer, et rend désormais une réalisation proprement dite nécessaire selon les modes prévus par la LP (cf. supra consid. 3.1 in fine). 
Au vu de ce qui précède, la critique est infondée et doit être rejetée. 
 
4.  
En définitive, le recours est rejeté, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à l'Office des poursuites du district de Nyon, à B.________, à C.________, à D.________, à E.________ SA, et à la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois. 
 
 
Lausanne, le 22 mai 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
Le Greffier : Piccinin