6B_416/2023 04.03.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_416/2023  
 
 
Arrêt du 4 mars 2024  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux 
Muschietti, Juge présidant, van de Graaf et von Felten. 
Greffier : M. Dyens. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Damien Revaz, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Conseil communal de U.________, 
représenté par Me Blaise Marmy, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Contravention au droit des constructions; arbitraire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton 
du Valais, Cour de droit public, du 15 février 2023 
(A3 21 17). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par décision du 24 novembre 2020, le Conseil communal de U.________ a infligé à A.________, propriétaire de la parcelle n° xxxx du cadastre municipal, une amende de 4'900 fr., au motif que la maison d'habitation en cours de réalisation sur ce bien-fonds sis en zone constructible différait, " en termes d'implantation et de hauteur ", de l'ouvrage décrit dans les plans qu'approuvait le permis de bâtir délivré le 19 septembre 2017 au prénommé.  
 
B.  
Par prononcé du 7 mai 2021, le Conseil communal de U.________ a rejeté la réclamation formée par A.________ à l'encontre de la décision précitée. 
 
C.  
Par arrêt du 23 février 2023, la Cour de droit public du Tribunal cantonal du Valais a rejeté l'appel de A.________, le reconnaissant coupable de contravention à l'art. 61 lit. a de la loi du 15 décembre 2016 sur les constructions (LC; RS/VS 705.1), en relation avec les art. 40 al. 1 et 2 et 45 de l'ordonnance du 22 mars 2017 sur les constructions (OC: RS/VS 705.100), et le condamnant à une amende de 4'900 francs. 
 
D.  
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à son acquittement et, subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2; ATF 146 IV 185 consid. 2). 
 
1.1. L'arrêt attaqué a trait à une condamnation à une amende prononcée en vertu de la loi valaisanne sur les constructions. La voie du recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ainsi ouverte (cf. arrêts 6B_1263/2022 du 30 juin 2023 consid. 1; 6B_162/2021 du 10 février 2021 consid. 3; 6B_598/2020 du 3 septembre 2020 consid. 1 et les arrêts cités).  
L'arrêt querellé émane en outre d'une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF). Le recourant est dès lors recevable quant à son objet. Le recourant, qui a pris part à la procédure en qualité de prévenu, respectivement d'accusé, a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF). 
Il y a par conséquent lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant se plaint d'une violation, respectivement d'une application arbitraire, de l'art. 61 LC/VS, en contestant avoir agi intentionnellement. Il invoque en outre une violation de la présomption d'innocence. 
 
2.1.  
 
2.1.1. Sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF), l'on ne peut invoquer la violation du droit cantonal ou communal en tant que tel devant le Tribunal fédéral (art. 95 et 96 LTF a contrario). Il est néanmoins possible de faire valoir que son application consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre l'arbitraire (art. 9 Cst.) ou la garantie d'autres droits constitutionnels (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 142 III 153 consid. 2.5; ATF 140 III 385 consid. 2.3; 138 V 67 consid. 2.2).  
Appelé à revoir l'interprétation d'une norme sous l'angle restreint de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. Il peut notamment s'avérer arbitraire d'interpréter une notion juridique de manière contraire à la doctrine et à la jurisprudence dominantes et de s'écarter en même temps, sans motivation objective, d'une jurisprudence cantonale bien établie en relation avec cette notion (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 117 Ia 135 consid. 2). En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 144 IV 136 consid. 5.8; ATF 132 I 175 consid. 1.2). 
 
2.1.2. Selon l'art. 61 al. 1 lit. a LC, est puni d'une amende de 1'000 à 100'000 fr. celui qui en tant que responsable (notamment le propriétaire, le requérant, le responsable du projet, le maître d'ouvrage, l'architecte, l'ingénieur, le chef de chantier, l'entrepreneur) exécute ou fait exécuter des travaux sans autorisation ou avec autorisation non entrée en force, ne signale pas à l'autorité compétente le début et la fin des travaux, ne respecte pas les conditions et charges de l'autorisation octroyée, requiert une autorisation sur la base d'informations inexactes, habite, met en location ou utilise une construction ou installation sans avoir obtenu le permis d'habiter ou d'utiliser, ne se soumet pas à des ordres de police des constructions qui lui ont été adressés. L'amende peut être réduite dans les cas de peu de gravité.  
A teneur de l'art. 71 de la loi valaisanne d'application du code pénal (LACP; RS/VS 311.1), les dispositions générales du CP s'appliquent, à titre de droit cantonal supplétif, à la répression des infractions de droit cantonal ou de droit communal commises par une personne adulte. L'art. 73 LACP précise en outre que, sauf disposition contraire, les contraventions de droit cantonal ou de droit communal ne sont pas punissables lorsqu'elles ont été commises par négligence. 
 
2.1.3. Selon l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait. Le dol éventuel suppose que l'auteur tient pour possible la réalisation de l'infraction mais qu'il agit tout de même, parce qu'il accepte ce résultat pour le cas où il se produirait et s'en accommode, même s'il le juge indésirable et ne le souhaite pas (ATF 147 IV 439 consid. 7.3.1; 137 IV 1 consid. 4.2.3).  
Déterminer ce qu'une personne a su, voulu, envisagé ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir des faits "internes", qui, en tant que faits, lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils n'aient été retenus de manière arbitraire (ATF 142 IV 137 consid. 12; 141 IV 369 consid. 6.3). L'élément subjectif se déduit d'une analyse des circonstances permettant de tirer, sur la base des éléments extérieurs, des déductions sur les dispositions intérieures de l'auteur (ATF 148 IV 234 consid. 3.4). 
 
2.2.  
 
2.2.1. En l'espèce, il ressort de l'arrêt attaqué que le recourant ne s'est pas fait représenter dans la procédure d'obtention du permis de bâtir du 19 septembre 2017. Cette décision lui a été notifiée personnellement. Elle était assortie d'une série de "réserves générales". L'une énonçait que "l'exécution devait être conforme aux plans portant le sceau d'approbation de l'Administration communale" et que les modifications de projet en cours d'exécution ne pouvaient être entreprises avant d'avoir été autorisées, même si elles résultaient d'un événement fortuit.  
Pour la cour cantonale, ces précisions synthétisaient de manière certes sommaire, mais non inexacte, les dispositions topiques du droit des constructions fixant notamment les exigences relatives aux cotes devant figurer sur les plans d'un projet de construction ou encore les formes à respecter en cas de modifications du projet. La cour cantonale a de surcroît souligné que les dispositions en cause astreignent leurs destinataires à s'en tenir aux plans approuvés lors de l'octroi des permis ou lors de la modification de ces autorisations, en respectant, en particulier, les cotes et les altitudes fixées dans lesdits plans (cf. arrêt attaqué consid. 3, avec références aux art. 39, 44 et 67 LC/VS, ainsi que les 28, 29, 39 40, 45 et 46 OC/VS). 
En ce sens, la cour cantonale a retenu que le recourant savait quelles obligations lui incombaient si des circonstances inattendues débouchaient sur des écarts entre les plans du projet autorisé le 19 septembre 2017 et la réalisation effective du projet. 
 
2.2.2. Il ressort en outre de l'arrêt querellé qu'un relevé effectué le 12 juin 2018 par un bureau de géomètre avait établi que le niveau du rez-de-chaussée de la maison alors en construction sur la parcelle n° xxxx était 50 cm plus haut que le niveau ressortant des plans autorisés le 19 septembre 2017, tandis que le dessus de sa panne faîtière était à une altitude dépassant de 39 cm celle décrite dans ces plans. Ces chiffres n'étaient pas contestés devant l'autorité de première instance. La situation avait nécessité une "mise en conformité", soit une procédure de régularisation, dans un contexte où l'autorité de première instance, à savoir le Conseil communal, avait évoqué des "conséquences irréversibles" préjudiciables à l'aspect du quartier concerné. La photographie illustrant le relevé géométrique du 12 juin 2018 permettait de constater que le gros oeuvre de l'enveloppe extérieur du bâtiment alors en construction sur la parcelle en question était achevé.  
Toujours à teneur de l'arrêt entrepris, le recourant et l'autorité intimée s'accordaient sur le fait que les différences de 50 cm et de 39 cm entre les cotes de niveau d'altitude répertoriées sur le cliché susmentionné et celles des plans du projet autorisé le 19 septembre 2017 s'expliquaient assez largement par la hausse du niveau du sol à la suite d'apports de chaille et de tout-venant destinés à pallier les conséquences d'un affleurement d'eau provenant de la nappe phréatique, à la suite des travaux de terrassement. 
Compte tenu de ce qui précède, la cour cantonale a considéré que le recourant avait contrevenu à l'art. 61 al. 1 let. a LC VS en s'accommodant de l'irrégularité relative aux écarts de cotes constatés. Elle a jugé qu'il n'avait pas cherché à y remédier et que cette omission avait persisté jusqu'à l'intervention du Conseil communal sur dénonciation du 16 mai 2018 d'un voisin. Pour la cour cantonale, cette abstention avait subsisté de l'époque du terrassement à celle de la pose de la toiture du bâtiment et était intentionnelle, dans la mesure où le recourant avait été rendu attentif à la nécessité d'obtenir, le cas échéant, la modification du permis de bâtir du 19 septembre 2017, en suspendant les travaux dans l'attente de cette décision. 
 
2.3. Le recourant objecte qu'il n'a eu de cesse de déclarer qu'il n'avait eu connaissance de l'erreur d'implantation de sa villa que lorsque le contrôle effectué par l'autorité communale lui avait été communiqué, ensuite de la dénonciation de son voisin. Il soutient avoir conclu un contrat d'entreprise prévoyant l'exécution d'une villa "clé en main" et fait valoir que la décision relative à l'apport de chaille était le fait de l'entrepreneur, tout en reprochant à la cour cantonale d'avoir éludé la question de savoir qui avait décidé des travaux ayant conduits à rehausser les fondations de l'ouvrage. Il souligne qu'il s'agissait de questions qui étaient capitales pour déterminer s'il savait ou non que la construction n'était pas conforme aux plans autorités.  
 
2.4. La motivation cantonale n'est toutefois pas insoutenable et ne peut donc pas être qualifiée d'arbitraire.  
Comme relevé, la cour cantonale a expressément souligné que le recourant savait quelles obligations lui incombaient si des circonstances inattendues débouchaient sur des écarts entre les plans du projet autorisé le 19 septembre 2017. On comprend en outre, à la lecture de l'arrêt querellé, que la cour cantonale a, certes de manière implicite mais néanmoins claire, considéré que le recourant avait eu connaissance de telles circonstances inattendues, s'agissant de la nécessité d'avoir à effectuer un apport de chaille et de tout-venant pour pallier les conséquences d'un affleurement d'eau provenant de la nappe phréatique à la suite des travaux de terrassement. Sur cette base, il n'était pas insoutenable, respectivement arbitraire, de retenir qu'il incombait au recourant de s'assurer que ces circonstances, impliquant immanquablement une élévation du niveau du sol, ne conduisent pas à l'édification d'un bâtiment dont la conformité aux plans, respectivement aux cotes concernées, n'était plus assurée. Dès lors que les travaux se sont poursuivis jusqu'à ce que la situation soit dénoncée par un tiers, la cour cantonale était en outre fondée à reprocher au recourant de ne pas être intervenu et de s'être accommodé de la situation. Elle était par conséquent fondée, en d'autres termes, sur le plan objectif, de retenir que le recourant s'était abstenu d'intervenir pour s'assurer que les circonstances inattendues constatées et la façon d'y remédier ne donnent pas lieu aux irrégularités finalement constatées, avec à la clé une construction dont certaines cotes divergeaient de celles figurant sur les plans approuvés par le permis de construire. Il n'était pas non plus insoutenable de considérer, dans ces circonstances, sur le plan subjectif, que le recourant avait conscience de cette situation et qu'il s'en était accommodé, au point qu'un comportement - une omission - par dol éventuelle doit lui être imputé. 
Au vu de ce qui précède, la solution retenue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but des art. 61 LC/VS et 12 al. 2 CP appliqué à titre de droit cantonal supplétif. C'est donc en vain que le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir arbitrairement retenu à son encontre un comportement intentionnel ou d'avoir violé la présomption d'innocence. Ses griefs, mal fondés, doivent par conséquent être rejetés. 
 
3.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public. 
 
 
Lausanne, le 4 mars 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Muschietti 
 
Le Greffier : Dyens