4A_302/2023 01.05.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_302/2023  
 
 
Arrêt du 1er mai 2024  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas. 
Greffière: Mme Fournier. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Aba Neeman, avocat, 
demandeur et recourant, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Jacques Philippoz, avocat, 
défenderesse et intimée. 
 
Objet 
contrat de travail; licenciement abusif (art. 336 ss CO
 
recours contre l'arrêt rendu le 5 mai 2023 par la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais (C1 21 32). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________ SA (ci-après : B.________; l'employeuse) est une société active dans le domaine de la fourniture de services dans le secteur des assurances de la santé.  
La société collabore avec des agents qui négocient pour elle des contrats d'assurance et reçoivent, en contrepartie, une rémunération sous forme de prime. Cette collaboration peut être directe ou indirecte. Ainsi, l'agent peut conclure une convention directement avec B.________, qui est alors débitrice de la prime ("convention directe"). Alternativement, l'agent peut conclure une convention avec une société intermédiaire, elle-même contractuellement liée à B.________. B.________ rémunère alors la société tierce, qui rémunère elle-même l'agent. 
Parmi ces sociétés tierces, sont principalement actives les sociétés concurrentes C.________ AG (désormais : D.________ AG; ci-après : D.________) et E.________ AG (ci-après : E.________). 
Au vu du nombre important d'affaires réalisées par une société tierce, grâce à l'addition de la production de ses courtiers, sa rémunération par B.________ peut être négociée à la hausse et est ainsi plus élevée que celle à laquelle peut prétendre un agent isolé. 
 
A.b. Par contrat du 27 avril 2007, B.________ a engagé A.________ (ci-après : l'employé) en qualité de " cadre-sales manager " pour une durée indéterminée, avec une entrée en fonction le 1er août 2007. Celui-ci a été promu le 1er janvier 2016 au poste de " sales manager senior ". Il avait notamment pour tâche de développer les ventes.  
La rémunération de l'employé se composait d'un salaire de base, de différentes indemnités forfaitaires et d'une prime de performance. Cette dernière était payée sous forme d'acomptes mensuels; son solde était versé en avril de l'année suivante. Il s'ensuit que les certificats de salaire annuels de l'employé incluaient le solde de la prime de performance de l'année précédente. Ainsi, pour l'année 2017, le certificat de salaire de l'employé affichait un montant de 230'451 fr., lequel incluait notamment les acomptes de la prime de performance versés mensuellement en 2017 et le solde de la prime de 2016. 
Dans l'exécution de son travail, l'employé donnait globalement entière satisfaction. Il manquait toutefois de rigueur dans le volet administratif de son activité. Pour cette raison, un avertissement lui avait été signifié. 
Le 22 mars 2018, l'employé, accompagné d'un responsable de la société D.________, a rencontré une potentielle nouvelle agente, dénommée F.________. A la question posée par l'employé, de savoir si cette dernière était déjà contractuellement liée à B.________, celle-ci lui a indiqué que la société G.________ Sàrl (aujourd'hui radiée; ci-après : G.________) dont elle était seule associée et gérante, avait récemment conclu un contrat avec B.________, sans toutefois avoir encore produit d'affaires. Il s'agissait d'une convention directe. F.________ a, en outre, précisé qu'en raison de la mauvaise réputation de G.________, elle avait constitué une nouvelle société sous la raison sociale H.________ Sàrl (actuellement en liquidation; ci-après : H.________) dont elle était l'unique employée, aux côtés de sa secrétaire. 
A cette occasion, l'employé a présenté à l'agente deux options qui auraient mené à faire d'elle, par le biais de H.________, une agente de D.________. Pour B.________, ces options auraient été financièrement désavantageuses par rapport à la même activité, déployée dans le cadre d'une convention directe, sans l'entremise de D.________. Pour D.________, ces options permettaient de recruter une nouvelle agente, par l'entremise de la nouvelle société H.________ créée par celle-ci, sans avoir à résilier la convention existante entre G.________ et B.________. 
Nantie par F.________ du contenu de l'entretien qu'elle avait eu avec l'employé le 22 mars 2018, E.________, concurrente de D.________, a contacté les supérieurs hiérarchiques de l'employé pour se plaindre du comportement de ce dernier. 
 
A.c. Le 27 mars 2018, l'employé a été convoqué à un entretien avec son chef de vente et le directeur des ventes de B.________. A cette occasion, il s'est vu signifier son licenciement pour le 30 septembre 2018 et communiquer le motif de celui-ci, sans pouvoir exposer sa version des faits. B.________ lui a remis pour signature un courrier de résiliation établi d'avance, lequel indiquait que l'employé était libéré de son obligation de travailler durant le délai de congé. La lettre indiquait encore que l'employé avait "non seulement enfreint les règles de travail mais [...] également incité activement des tiers à contourner les règles en place, et ce au détriment des intérêts, notamment financiers du B.________". Sur cette base, l'employeuse retenait une violation grave des obligations de l'employé, qui avait mené à rompre définitivement leur relation de confiance.  
Par pli du 4 avril 2018, l'employé a contesté le motif invoqué à l'appui de son licenciement, qu'il qualifiait d'abusif. 
Dans sa réponse du 30 avril 2018, B.________ a précisé la raison du congé, en indiquant que l'employé avait, en mars 2018, expliqué à un agent comment "contourner le système" de B.________ en lui conseillant de ne plus déployer d'activité sur la base d'une convention directe, mais à travers une société tierce. Selon B.________, ce procédé avait pour but "d'augmenter les chiffres d'affaires de cette société, engendrant de facto pour B.________, le paiement d'affaires produites globalement nettement plus cher", ce dont l'employé aurait profité dans sa prime de performance.  
Contrairement à ce que prétendait l'employeuse, il n'est pas démontré que l'employé aurait tiré un avantage financier des options présentées à F.________. 
 
B.  
 
B.a. Après une tentative de conciliation infructueuse, l'employé, par demande du 23 août 2019, a assigné B.________ devant le Tribunal des districts de Martigny et St-Maurice en vue d'obtenir le paiement d'un montant de 115'225 fr. 50 à titre d'indemnité pour congé abusif, 57'047 fr. 80 à titre de solde de salaire pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2018 et 20'000 fr. à titre de solde de prime de performance pour 2017, intérêts en sus.  
Par jugement du 4 janvier 2021, le tribunal de première instance a partiellement admis la demande en condamnant B.________ à verser à l'employé la somme de 57'047 fr. 80 avec intérêts, à titre de solde de salaire pour la période de janvier à septembre 2018. Il l'a rejetée pour le surplus. 
 
B.b. Statuant le 5 mai 2023, la Cour civile II du Tribunal cantonal du Valais a rejeté l'appel de l'employé et confirmé le jugement de première instance. Ses motifs seront évoqués dans les considérants en droit du présent arrêt.  
 
C.  
Le 7 juin 2023, A.________ a formé un recours en matière civile à l'encontre de cet arrêt. A titre principal, il conclut à sa réforme, en ce sens que l'employeuse et intimée est condamnée à lui verser 115'225 fr. 50 à titre d'indemnité pour congé abusif et 19'015 fr. 66 à titre de solde de prime de performance pour 2017, avec les intérêts correspondants. Subsidiairement, il requiert l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Dans sa réponse, l'employeuse a conclu au rejet du recours, suscitant le dépôt d'une réplique par le recourant. 
La cour cantonale s'est, dans sa réponse, référée aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la partie qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu sur appel par un tribunal cantonal supérieur (art. 75 LTF) dans une affaire civile de droit du travail (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. requis en la matière (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. Demeure réservée, à ce stade, la recevabilité des griefs soulevés par le recourant. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 117; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références citées). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 262). 
Le complètement de l'état de fait ne relève pas de l'arbitraire; un fait non constaté ne peut pas être arbitraire, c'est-à-dire constaté de manière insoutenable. En revanche, si un fait omis est juridiquement pertinent, le recourant peut obtenir qu'il soit constaté s'il démontre qu'en vertu des règles de la procédure civile, l'autorité précédente aurait objectivement pu en tenir compte et s'il désigne précisément les allégués et les offres de preuves qu'il lui avait présentés, avec référence aux pièces du dossier (art. 106 al. 2 LTF; ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). 
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2 p. 234; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3). 
Les éléments du mémoire de recours qui divergent de ceux retenus par la cour cantonale, sans que l'arbitraire ou le complètement de l'état de fait ne soit invoqué dans les formes prescrites, ne seront pas pris en considération. 
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4).  
 
3.  
Il est acquis que les parties ont été liées par un contrat de travail auquel l'employeuse a mis fin le 27 mars 2018 pour le 30 septembre 2018. 
A ce stade, le litige ne porte plus que sur deux objets. D'une part le caractère abusif que le recourant prête à son licenciement (art. 336 CO); d'autre part, le solde de prime de performance que l'employeuse lui devrait encore pour 2017. 
 
4.  
 
4.1. Chaque partie peut décider unilatéralement de mettre fin à un contrat de travail de durée indéterminée (art. 335 al. 1 CO). En droit suisse du travail, la liberté de la résiliation prévaut, de sorte que, pour être valable, un congé n'a en principe pas besoin de reposer sur un motif particulier.  
Le droit de chaque cocontractant de mettre unilatéralement fin au contrat est toutefois limité par les dispositions sur le congé abusif (art. 336 ss CO) (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 131 III 535 consid. 4.1 p. 538). 
L'art. 336 al. 1 et 2 CO énumère des cas dans lesquels la résiliation est abusive; cette liste n'est toutefois pas exhaustive et une résiliation abusive peut aussi être admise dans d'autres circonstances. Il faut cependant que ces autres situations apparaissent comparables, par leur gravité, aux cas expressément envisagés par l'art. 336 CO (ATF 136 III 513 consid. 2.3; 132 III 115 consid. 2.1; ATF 131 III 535 consid. 4.2). 
Ainsi, la résiliation ordinaire est abusive lorsque l'employeur la motive en accusant le travailleur d'un comportement contraire à l'honneur, s'il apparaît que l'accusation est infondée et que, de plus, l'employeur l'a élevée sans s'appuyer sur un indice sérieux et sans avoir entrepris de vérification (arrêts 4A_335/2023 du 20 octobre 2023 consid. 4.1.1; 4A_245/2019 du 9 janvier 2020 consid. 4.2; 4A_99/2012 du 30 avril 2012 consid. 2.2.1). L'employeur doit ainsi s'efforcer de vérifier les faits dénoncés. Les démarches à accomplir par l'employeur ne sauraient néanmoins être envisagées de manière abstraite et absolue; elles dépendent au contraire des circonstances concrètes de chaque cas (arrêt 4A_335/2023 précité consid. 4.1.1; 4A_694/2015 du 4 mai 2016 consid. 2.3). 
Pour pouvoir examiner si la résiliation ordinaire est abusive ou non, il faut déterminer quel est le motif de congé invoqué par la partie qui a résilié (ATF 132 III 115 consid. 2 p. 111; 131 III 535 consid. 4; 125 III 70 consid. 2). Le motif de la résiliation relève du fait (ATF 136 III 513 consid. 2.3 p. 515; 131 III 535 consid. 4.3; 130 III 699 consid. 4.1 p. 702) et les constatations de l'arrêt attaqué à ce sujet ne peuvent être attaquées que dans la mesure restreinte permise par l'art. 97 al. 1 LTF, à savoir pour arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves. En revanche, savoir si le motif ainsi établi donne lieu à un congé abusif ou non relève de l'application du droit, que le Tribunal fédéral revoit librement (arrêts 4A_186/2022 du 22 août 2022 consid. 4; 4A_44/2021 du 2 juin 2021 consid. 4.3.2; 4A_126/2020 du 30 octobre 2020 consid. 3). Cela étant, l'instance cantonale dispose à cet égard d'un certain pouvoir d'appréciation dans lequel il n'intervient pas sans nécessité (arrêt 4A_117/2023 du 15 mai 2023 consid. 3.4.5). 
La manière dont le congé est donné peut aussi le faire apparaître comme abusif. Même lorsque le motif de la résiliation est en soi légitime, celui qui exerce son droit de mettre fin au contrat doit agir avec des égards (ATF 132 III 115 consid. 2.2; 131 III 535 consid. 4.2). Si l'employeur porte une grave atteinte aux droits de la personnalité du travailleur dans le contexte d'une résiliation, celle-ci doit être considérée comme abusive; un comportement simplement inconvenant ou indigne des relations commerciales établies ne suffit cependant pas (ATF 132 III 115 consid. 2.2 et 2.3; 131 III 535 consid. 4.2; plus succinctement: ATF 136 III 513 consid. 2.3 p. 515). 
Le droit des obligations ne prévoit pas d'obligation d'entendre l'autre partie avant de prononcer un licenciement ou de la mettre en garde au préalable. En droit privé, il n'existe pas non plus d'obligation générale de soumettre le licenciement envisagé à un contrôle de proportionnalité, dans le sens où des mesures moins incisives devraient toujours être prises avant un licenciement (arrêts 4A_390/2021 du 1er février 2022 consid. 3.1.4; 4A_44/2021 précité consid. 4.3.2; 4C.174/2004 du 5 août 2004 consid. 2.4). 
 
4.2. Selon l'arrêt attaqué, le motif avancé par l'employeuse pour justifier le licenciement était réel. L'employé avait proposé à une potentielle nouvelle agente des modalités de collaboration défavorables à son employeuse sur le plan économique, puisqu'elles exposaient cette dernière à verser à cette agente une rémunération plus élevée pour la même production d'affaires, ce dont l'employé avait conscience. Il avait ainsi violé son devoir de fidélité. Le manquement en cause, sans apparaître particulièrement grave, contrastait néanmoins clairement avec la loyauté que l'on pouvait attendre d'un cadre de l'entreprise, si bien qu'il se révélait propre, malgré l'ancienneté et les qualités reconnues de l'employé, à ébranler les rapports de confiance à la base du contrat de travail. De ce point de vue, le licenciement n'avait donc rien d'abusif.  
Selon l'autorité précédente, la manière dont le licenciement avait été signifié ne lui conférait pas non plus ce caractère. Il était douteux que le manquement reproché à l'employé soit grave au point de lui conférer le droit d'être entendu afin de défendre sa position, parce que son honneur serait compromis. Ce manquement, au demeurant non relevant pénalement, ne s'inscrivait pas dans un environnement particulièrement sensible, mais se rapportait au système d'agence d'une grande assurance, où des considérations de concurrence et de stratégie avaient notoirement cours. L'employé ne prétendait pas non plus avoir été stigmatisé par son employeur à l'égard de collègues ou de tiers. Quoi qu'il en soit, la dénonciation sur laquelle s'appuyait l'employeuse apparaissait plutôt crédible, elle était particulièrement détaillée et circonstanciée, les faits relatés étaient globalement exacts et non contestés par l'employé; dans ces conditions, selon la cour cantonale, l'on ne voit pas ce que le travailleur aurait pu dire ou produire comme pièces qui aurait modifié l'appréciation de l'employeuse quant à la rupture des rapports de confiance. Enfin, pour discourtois qu'il était en ceci que l'employé n'avait pas pu s'exprimer, l'entretien de licenciement n'était pas pour autant abusif. 
 
4.3. Le recourant reproche à la cour cantonale de ne point avoir discerné le véritable motif qui avait animé l'employeuse. En réalité, le licenciement ne reposerait pas sur les propos qu'il avait tenus à l'agente potentielle qu'il avait rencontrée, mais sur les "pressions exercées par la société de courtage E.________".  
Le recourant expose à cet égard sa propre version des circonstances pertinentes, distincte de celle retenue par la cour cantonale. Il ne respecte nullement les exigences rappelées ci-dessus en matière de dénonciation d'un hypothétique arbitraire, qu'il n'articule même pas. Ce grief est donc irrecevable. En conséquence de quoi le Tribunal fédéral s'en tiendra au motif de licenciement retenu par la cour cantonale. 
 
4.4. Le recourant dénonce encore une violation de l'art. 336 CO; sans plus de succès. Il ne conteste pas que les suggestions faites à F.________ exposaient l'intimée à verser une rémunération plus élevée pour une même production d'affaires par cette agente. L'arrêt attaqué retient qu'il avait conscience de cette conséquence.  
Ce comportement était donc économiquement préjudiciable à l'intimée, n'en déplaise au recourant qui évoque en pure perte "un marché aussi complexe que concurrentiel", le caractère théorique d'une semblable conclusion ainsi qu'une hypothétique production d'affaires supplémentaire liée à ce procédé. Sur cette base, l'autorité précédente n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en jugeant que l'employé, qui occupait une fonction de cadre, avait violé son devoir de fidélité et que cette violation était propre à entamer la confiance de l'employeuse. Le fait que le recourant était un bon employé, tout comme le fait qu'il n'est pas démontré qu'il aurait tiré profit du procédé suggéré à F.________ n'enlèvent rien à cette violation. Contrairement à ce que le recourant prétend, il n'y a pas non plus de disproportion grossière entre les intérêts en présence. Adossé à ce motif, le licenciement ne peut donc être considéré comme abusif. 
Le fait que l'employeuse n'ait pas permis à l'employé de s'expliquer avant que le congé lui soit notifié ne permet pas non plus de conclure à un licenciement abusif. La jurisprudence l'a encore rappelé récemment (arrêt 4A_117/2023 du 15 mai 2023 consid. 3.4.2). Les arrêts cités par le recourant au soutien de sa thèse concernent des cas bien spécifiques, qui n'ont rien à voir avec la présente espèce. Dans l'arrêt 4A_694/2015 du 4 mai 2016, l'employée était accusée d'un vol au préjudice d'un résident de l'établissement médico-social où elle travaillait. Le Tribunal fédéral a jugé que les investigations menées par l'employeuse quant à ces faits à caractère pénal étaient insuffisantes et que les modalités de son entretien préalable avec l'employée étaient aussi critiquables, en ce sens que celle-ci n'avait pas pu réellement défendre son honneur. Quant à l'ATF 132 III 115, il concernait le cas très particulier d'un employé congédié quelques mois avant qu'il ne prenne sa retraite, après 44 années de bons et loyaux services, alors que le fonctionnement de l'entreprise ne commandait pas une telle mesure et sans que l'employeur n'ait cherché une solution qui soit socialement plus supportable pour l'intéressé. Il n'y a rien dans le cas d'espèce qui présente une quelconque similarité avec ces affaires. 
Le Tribunal fédéral n'a donc nulle raison d'intervenir dans l'exercice du pouvoir d'appréciation dont la cour cantonale a fait usage pour conclure à l'absence de caractère abusif du congé considéré. 
 
5.  
 
5.1. Au chapitre du solde de la prime de performance 2017, la cour cantonale a repris, respectivement développé, les considérations des premiers juges qui reposaient sur deux piliers.  
Tout d'abord, l'employé réclamait une somme de 20'000 fr. à ce titre sans donner d'explication sur la manière dont il avait chiffré ce montant; il n'avait pas davantage allégué ni établi le montant que cette prime avait atteint les années antérieures. 
En tout état de cause, la prétention de l'employé en paiement du solde de la prime de performance 2017 était englobée dans le solde de salaire qui lui avait été alloué pour 2018. En effet, les premiers juges avaient fait droit à la prétention en paiement de 57'047 fr. 80 formulée par l'employé pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2018. Pour calculer ce montant, ils étaient partis du montant du salaire, y compris le solde de la prime de performance 2016 et les acomptes de prime de performance 2017, touché par l'employé en 2017 (230'451 fr.). Après déduction des montants effectivement touchés par l'employé de janvier à septembre 2018, il subsistait 57'047 fr. 80 à lui verser pour la période en cause. Selon le jugement cantonal, ce dernier montant engloberait ainsi le solde de la prime de performance pour 2017, présumé équivalent à celui de l'année 2016. 
 
5.2. Le recourant avance que l'autorité précédente aurait versé dans l'arbitraire en retenant que le solde de la prime de performance afférente à 2017 - dont la qualification en tant que salaire n'est pas mise en doute par l'intimée - était compris dans la somme de 57'047 fr. 80 qui lui a été allouée pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2018. Selon lui, un montant de 19'015 fr. 66 serait encore dû à ce titre. Si l'on saisit bien ses explications (cf. recours p. 14), le raisonnement de la cour cantonale serait grevé d'une erreur évidente : le calcul des sommes dues pour 2018 était basé sur les montants touchés en 2017; cela étant, ces montants avaient été rapportés à 9 mois seulement, pour correspondre à la période de janvier à septembre 2018 (date à laquelle le contrat de travail a pris fin). Or, le solde de prime de performance de 2017 ne devrait pas subir de réduction (3/12) puisqu'il visait à compléter les acomptes versés durant l'année 2017, à savoir une période de douze mois. Partant, le recourant aurait encore droit à trois fois le "manco mensuel" de 6'338 fr. 55 (ce résultat correspondrait, selon le calcul qu'il expose, à 57'047 fr. / 9), ce qui ferait, toujours selon ses calculs, 19'015 fr. 66.  
 
5.3. Comme la cour cantonale le souligne fort à propos, le recourant n'a pas allégué en procédure, ni a fortiori démontré les éléments qui permettraient de calculer le solde de cette prime de performance. Dans son recours, il n'élève aucun grief à l'encontre de cette constatation de fait. Il faut bien voir que les décomptes de salaire produits englobaient indistinctement trois montants : le salaire de base, les acomptes sur primes de performance ainsi qu'un solde de primes de performance relatif à l'année précédente, mais versé en avril de l'année suivante; par ailleurs, ils présentaient un total très différent d'année en année. Pour pouvoir calculer un solde de prime à indemniser, indépendamment des deux autres postes, il faudrait au moins disposer d'un élément permettant de les distinguer. La cour cantonale évoque par exemple la fiche de salaire d'avril 2017 - qui concernerait donc le solde de la prime de performance de 2016 - ou la preuve d'un virement reçu de l'employeuse en sus du salaire, le mois en question (cf. arrêt attaqué p. 14 consid. 7.3). Or, celui-ci fait défaut. Le recourant affirme qu'il faudrait retenir un "manco mensuel" de 6'338 fr. 55, multiplié par trois, mais le montant qu'il articule (fondé sur les sommes perçues en 2017, après déduction de celles touchées en 2018) englobe les acomptes de primes de performance 2017 qui sont étrangers au calcul (puisqu'il s'agit de calculer uniquement le solde de la prime de performance à verser, non l'intégralité de celle-ci). En d'autres termes, les chiffres que brandit le recourant sont toujours aussi nébuleux.  
Ce grief est donc, lui aussi, voué au rejet. 
 
6.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
Le recourant, qui succombe, prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 66 LTF). En outre, il versera des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). A cet égard, le montant de 5'494 fr. 85 de la note de frais et honoraires produite par le conseil de l'intimée doit être approuvé car il ne dépasse pas le montant alloué en pratique. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 5'494 fr. 85 à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
 
 
Lausanne, le 1er mai 2024 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Fournier