1C_407/2022 16.11.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_407/2022  
 
 
Arrêt du 16 novembre 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Haag et Merz. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Département du territoire de la République et canton de Genève, Office des autorisations de construire, Service des affaires juridiques, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Amende administrative, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre administrative, du 7 juin 2022 
(ATA/604/2022 - A/3187/2020-LCI). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 26 août 2005, B.________ SA - par l'intermédiaire de A.________ (architecte de profession) en qualité de mandataire et de propriétaire - a déposé auprès du département des constructions et des technologies de l'information, devenu depuis le département du territoire (ci-après: le département), une demande d'autorisation de construire portant sur la "création de deux appartements dans les combles" d'un immeuble d'habitation ayant valeur d'ensemble de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle, situé sur la parcelle n° 526 de la commune de Genève-Plainpalais. 
 
B.  
Dans le cadre d'un contrôle effectué sur place le 27 novembre 2008, le département a constaté que les travaux réalisés n'étaient pas entièrement conformes à cette autorisation de construire (réalisation d'une cheminée en façade; modification de l'emplacement des portes palières de ces deux logements; création de deux terrasses privées en toiture dont l'accès se faisait par l'usage de deux trappes d'accès situées dans ces appartements). Cette situation a donné lieu à l'ouverture d'une procédure d'infraction. 
Par décision du 28 novembre 2008, prise en application des art. 129 ss de la loi cantonale sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI; RS/GE L 5 05), le département a ordonné à A.________ d'arrêter immédiatement le chantier, jusqu'à la régularisation du dossier. Suite aux explications transmises par le prénommé, le département a ordonné à celui-ci de déposer une demande complémentaire d'autorisation de construire pour les travaux relatifs au conduit de cheminée, au déplacement des portes palières et à la création d'un accès à la toiture. 
Le 27 mars 2009, B.________ SA, par l'intermédiaire de A.________, a déposé une demande complémentaire visant à régulariser ces travaux. Considérant que cette demande était lacunaire, le département a requis des compléments le 15 juillet 2009, demande qu'il a renouvelée le 27 avril 2010 vu que les compléments n'avaient pas été transmis. 
 
C.  
Le 30 juillet 2009, le département, se fondant sur un rapport d'enquête du 26 juin 2009, a attiré l'attention de A.________ sur le fait que, par rapport à l'état précédemment existant de l'immeuble, les plans de façades déposés dans le cadre de sa demande complémentaire ne reflétaient pas la réalité au niveau des combles et des toitures. Cette situation a donné lieu à l'ouverture d'une nouvelle procédure d'infraction. 
 
D.  
Le 28 février 2017, constatant que A.________ n'avait pas donné suite à ses demandes des 15 juillet 2009 et 27 avril 2010, le département lui a imparti un délai de dix jours pour lui faire savoir la suite qu'il entendait donner à cette affaire. Le 2 mars 2017, A.________ a répondu au département qu'il considérait que les travaux entrepris dans l'immeuble en cause étaient en parfaite conformité avec l'autorisation de construire. 
Par décision du 18 mars 2019, le département a refusé de délivrer à A.________ l'autorisation complémentaire visant à la régularisation des travaux effectués dans le cadre de l'aménagement des deux appartements dans les combles, lesquels n'avaient pas été réalisés conformément à l'autorisation de construire initiale délivrée le 14 juin 2006, et à la création des deux terrasses en toiture non autorisées. 
Par décision du même jour, le département a ordonné à A.________ de faire déposer par un mandataire professionnellement qualifié (ci-après: MPQ) "un dossier de plans-coupes-élévations strictement conformes à la réalité" dans les trente jours, une sanction portant sur les faits incriminés demeurant réservée. 
Ces deux décisions ont fait l'objet de recours séparés formés par A.________ devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après: TAPI), qui les a déclarés irrecevables, par jugement du 2 juillet 2019, en raison du défaut de paiement de l'avance de frais qui avait été requise. 
 
E.  
Dans l'intervalle et parallèlement aux deux recours qu'il avait formés devant le TAPI contre les décisions du département du 18 mars 2019, A.________ a, le 18 juin 2019, sollicité dudit département la reconsidération de ces deux décisions attaquées devant le TAPI. 
Le 8 juillet 2019, un entretien s'est tenu dans les locaux du département entre A.________, son conseil et C.________, chef de service au sein de la direction de l'inspectorat de la construction. Le 15 juillet 2019, le conseil de A.________ a remercié C.________ de cet entretien et a notamment expliqué que son client confirmait que les travaux exécutés sur l'immeuble en question étaient strictement conformes aux plans déposés le 23 mars 2009 pour la demande complémentaire. 
 
F.  
Par décision du 26 juin 2020, le département a, au vu de la décision d'irrecevabilité prononcée par le TAPI le 2 juillet 2019, ordonné à nouveau à A.________ de déposer un dossier de plans-coupes-élévations strictement conformes à la réalité, par le biais d'un MPQ. 
Le 14 juillet 2020, A.________ a renvoyé le département à son courrier du 15 juillet 2019, relevant qu'aucune décision n'avait été prise quant à sa demande de reconsidération. 
Par décision du 11 septembre 2020, constatant que le courrier du 14 juillet 2020 de A.________ ne répondait pas à ses attentes, le département lui a infligé une amende administrative de 2'000 fr., tenant compte de l'attitude du prénommé à ne pas se conformer à son ordre du 26 juin 2020, et lui a imparti un nouveau délai de quinze jours pour donner suite à celui-ci. 
A.________ a recouru contre cette décision auprès du TAPI, lequel a confirmé ladite décision du département, par jugement du 20 octobre 2021. 
Par arrêt du 7 juin 2022, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice ou la cour cantonale) a rejeté le recours intenté par A.________ contre le jugement du TAPI. 
 
G.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt du 7 juin 2022 et de dire qu'aucune amende n'est infligée, le tout avec suite de frais et dépens. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants, et encore plus subsidiairement à la réduction du montant de l'amende à 100 fr. 
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le département s'est déterminé et conclut au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. 
Le recourant a pris part à la procédure devant la Cour de justice. En tant que destinataire du prononcé d'amende administrative, le recourant est particulièrement touché par l'arrêt attaqué et peut ainsi se prévaloir d'un intérêt digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué. Il a dès lors qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant conteste l'amende dans son principe, invoquant une application arbitraire de l'art. 137 al. 1 let. c LCI. Il soutient en outre que le montant de l'amende (2'000 fr.) violerait le principe de la proportionnalité. 
 
2.1. Aux termes de l'art. 137 al. 1 let. c LCI, est passible d'une amende administrative de 100 fr. à 150'000 fr. tout contrevenant aux ordres donnés par le département dans les limites de la LCI et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci.  
Le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 147 I 433 consid. 4.2; 146 II 367 consid. 3.1.5). Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable. Par conséquent, si celle-ci ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation cantonale en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable. De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 170 consid. 7.3; arrêt 1C_452/2020 du 23 mars 2021 consid. 4.1). 
Dans ce contexte, le recours est soumis aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 149 III 81 consid. 1.3; 146 I 62 consid. 3). 
 
2.2. En l'occurrence, la Cour de justice a considéré que, compte tenu de la faute commise par le recourant qui ne s'était pas conformé à l'ordre donné le 26 juin 2020 par le département, ce dernier n'avait pas abusé de son large pouvoir d'appréciation en fixant l'amende à 2'000 fr.  
 
2.3. Le recourant critique cette appréciation. Il soutient qu'aucune faute ne peut être retenue à son encontre. Le recourant ne démontre toutefois pas, de manière conforme aux exigences de motivation accrues (cf. consid. 2.1 ci-dessus), en quoi l'application de cette disposition par l'instance précédente serait arbitraire. Quoi qu'il en soit, l'appréciation de la Cour de justice n'apparaît pas insoutenable. En effet, par décisions séparées du 18 mars 2019, entrées en force, le département a refusé au recourant l'autorisation complémentaire visant à la régularisation des travaux effectués sans autorisation et lui a ordonné de produire, par l'intermédiaire d'un MPQ, un dossier de plans-coupes-élévations strictement conformes à la réalité. Le 26 juin 2020, le département a renouvelé cet ordre de production d'un dossier de plans-coupes-élévations strictement conformes à la réalité, ordre auquel le recourant n'a pas donné suite. Dans ces conditions, la cour cantonale pouvait, sans verser dans l'arbitraire, considérer que le recourant avait contrevenu à un ordre du département et que l'amende était ainsi fondée dans son principe. Le recourant ne peut rien déduire de sa demande de reconsidération du 18 juin 2019 dès lors qu'il ne pouvait ignorer que le département avait refusé d'entrer en matière sur cette demande. En effet, l'ordre imparti au recourant, en date du 26 juin 2020, de déposer un nouveau dossier, était signé par le collaborateur qui l'avait reçu le 8 juillet 2019. Cela étant, sa demande de reconsidération ne l'exemptait pas de réagir à l'ordre du 26 juin 2020.  
Par ailleurs, le montant de 2'000 fr. n'apparaît pas non plus disproportionné, au vu des éléments mis en évidence par la Cour de justice et qui pouvaient être pris en considération, tels que la mesure de protection patrimoniale dont bénéficie l'immeuble en cause, la qualité de MPQ du recourant et les deux constats d'infractions portant sur des travaux (non couverts par l'autorisation initiale, dont notamment la création de deux terrasses en toiture) qui paraissent, au vu des photographies présentes au dossier, revêtir une certaine envergure. Comme retenu par l'instance précédente, le quantum de l'amende se situe dans le bas de la fourchette autorisée par la loi cantonale, à savoir dans le cas présent un plafond de 150'000 fr. Le recourant n'invoque pas d'éléments particuliers qui mettraient en évidence que le montant de l'amende serait inadapté. Contrairement à ce qu'affirme le recourant, la cour cantonale a tenu compte de toutes les circonstances de l'affaire. 
Par conséquent, les griefs du recourant doivent être rejetés, dans la mesure où ils sont recevables. 
 
3.  
Enfin, le recourant fait valoir une violation du principe de la bonne foi. 
 
3.1. Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de celles-ci. Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée et que l'intérêt à l'application correcte du droit n'apparaisse pas prépondérant (ATF 143 V 95 consid. 3.6).  
Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrues. La partie recourante doit alors indiquer les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés (cf. ATF 136 II 489 consid. 2.8; 133 IV 286 consid. 1.4). 
 
3.2. Le recourant invoque le principe de la protection de la bonne foi, sans toutefois exposer ni motiver précisément en quoi toutes les conditions cumulatives développées par la jurisprudence et exposées ci-dessus seraient remplies in casu. Le grief du recourant ne répond ainsi manifestement pas aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF et n'a pas à être traité. Par ailleurs, vu les décisions claires du département des 18 mars 2019 et 26 juin 2020 auxquelles le recourant n'a pas donné suite, ce dernier ne peut pas prétendre qu'il avait cru de bonne foi ne plus avoir d'obligation à remplir.  
 
4.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant, qui succombe. Il n'est pas alloué de dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Département du territoire de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 16 novembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Arn