4A_218/2023 22.06.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_218/2023  
 
 
Arrêt du 22 juin 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, présidente, Kiss et Rüedi. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Samir Djaziri, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
intimée. 
 
Objet 
contrat d'assurance, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice du canton de Genève (A/3909/2021, ATAS/139/2023). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ (ci-après: l'assuré), né en juillet 1965, a travaillé dès 2006 en tant qu'agent de sécurité pour l'entreprise C.________ SA. A ce titre, il bénéficiait d'une assurance collective d'indemnités journalières en cas de maladie souscrite par son employeuse auprès de la compagnie B.________ SA (ci-après: l'assureur). Selon le contrat d'assurance, soumis à la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1), l'assuré avait droit au versement d'indemnités journalières, à hauteur de 90 % de son salaire effectif, pendant 730 jours, à l'issue d'un délai d'attente de 30 jours.  
 
A.b. Le 30 septembre 2018, l'assuré a été licencié avec effet au 31 décembre 2018, l'employeuse ayant décidé de supprimer tous les postes au sein de l'entreprise en raison du non-renouvellement de son bail commercial.  
 
A.c. Le 10 janvier 2019, l'employeuse a annoncé à l'assureur une incapacité de travail de l'assuré à compter du 24 décembre 2018. Divers certificats d'arrêt de travail, renouvelés de mois en mois, établis par le Dr D.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, ont été transmis à l'assureur.  
Dans un rapport daté du 14 février 2019, le Dr D.________ a diagnostiqué chez l'assuré un trouble de l'adaptation ainsi qu'un trouble panique. S'il a confirmé l'existence d'une incapacité de travail chez son patient dès le 24 décembre 2018, il a répondu par l'affirmative à la question de savoir si l'on pouvait raisonnablement exiger de la part de l'assuré qu'il exerce sa profession auprès d'un autre employeur. 
 
A.d. L'assureur a mandaté le Dr E.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, en vue d'examiner l'assuré. Dans un rapport du 23 mars 2019, le psychiatre en question a retenu le diagnostic non incapacitant de trouble de l'adaptation, réaction dépressive prolongée. Selon lui, la capacité de travail de l'intéressé avait été nulle du 24 décembre 2018 au 24 mars 2019. Depuis le 25 mars 2019, une reprise complète du travail auprès d'un autre employeur était toutefois raisonnablement exigible.  
Sur la base dudit rapport, l'assureur a avisé l'assuré, en date du 26 avril 2019, qu'il mettait fin au versement des indemnités journalières avec effet au 30 avril 2019. 
 
A.e. Par le truchement de son assurance protection juridique, l'assuré a requis, à plusieurs reprises, la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise et la poursuite du versement des indemnités journalières en sa faveur.  
Par lettre du 19 août 2020, l'assureur a maintenu sa position. 
 
B.  
 
B.a. Le 2 octobre 2020, l'assuré a saisi la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice du canton de Genève d'une demande en paiement non chiffrée, dirigée contre l'assureur, laquelle a été déclarée irrecevable le 18 novembre 2021.  
 
B.b. Le 23 juin 2021, l'assuré a assigné une nouvelle fois l'assureur devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice du canton de Genève aux fins d'obtenir le paiement d'un montant total de 183'360 fr., intérêts en sus, à titre d'indemnités journalières jusqu'à épuisement complet des prestations convenues. Il a également requis la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire en vue de déterminer sa capacité de travail à partir du 1er mai 2019.  
Statuant par arrêt du 2 mars 2023, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice du canton de Genève a débouté intégralement l'assuré des fins de sa demande. A titre liminaire, elle a estimé qu'il serait contraire à l'interdiction du formalisme excessif de déclarer la présente demande irrecevable dès lors que celle-ci tendait à remédier au vice affectant la première demande introduite le 2 octobre 2020. Sur le fond, la cour cantonale a considéré, sur la base des preuves disponibles, que le demandeur avait échoué à rendre vraisemblable que son incapacité de travail aurait subsisté au-delà du 24 mars 2019. L'intéressé n'avait pas davantage démontré avoir subi une rechute entre le 25 mars 2019 et le 30 avril 2019, date à laquelle il ne faisait plus partie du cercle des personnes assurées auprès de l'assureur. 
 
C.  
Le 24 avril 2023, l'assuré (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile à l'encontre de cet arrêt. Il conclut, en substance, à la réforme de la décision attaquée en ce sens que la défenderesse (ci-après: l'intimée) est condamnée à lui payer un montant total de 183'360 fr., intérêts en sus. L'intéressé sollicite sa mise au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale et la désignation de son mandataire en qualité d'avocat d'office. 
Le Tribunal fédéral n'a pas requis le dépôt d'une réponse au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 [LTF; RS 173.110]) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une cour cantonale statuant en instance cantonale unique au sens de l'art. 7 du Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC; RS 272) et de l'art. 75 al. 2 let. a LTF, de sorte que la voie du recours en matière civile est ouverte sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Déposé dans le délai (art. 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, le recours est recevable au regard de ces dispositions. Demeure toutefois réservé l'examen de la recevabilité des différents griefs formulés par le recourant. 
 
2.  
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1); les critiques dites appellatoires, tendant simplement à une nouvelle appréciation des preuves, sont irrecevables (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). 
En matière d'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral se montre réservé, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en ce domaine aux autorités cantonales. Il n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 140 III 26 consid. 2.3). L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2). Pour qu'une décision soit annulée au titre de l'arbitraire, il ne suffit pas qu'elle se fonde sur une motivation insoutenable; encore faut-il qu'elle apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 144 III 145 consid. 2; 136 III 552 consid. 4.2). 
 
3.  
En l'espèce, le litige porte sur le point de savoir si le recourant présentait toujours une incapacité de travail après le 24 mars 2019. 
 
3.1.  
 
3.1.1. Conformément au principe général de l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC; RS 210) qui s'applique aussi dans le domaine du contrat d'assurance, l'ayant droit est tenu de prouver les faits relatifs à la "justification de ses prétentions" (selon la note marginale de l'art. 39 LCA), à savoir l'existence d'un contrat d'assurance, la survenance du cas d'assurance et l'étendue de ses prétentions. Le degré de preuve ordinaire s'applique à l'incapacité de travail alléguée en lien avec la survenance du cas d'assurance. Par conséquent, la preuve est apportée lorsque le tribunal, en se fondant sur des éléments objectifs, est convaincu de l'exactitude d'une allégation de fait. Il suffit qu'il n'y ait plus de doutes sérieux quant à l'existence du fait allégué ou que les doutes qui subsistent éventuellement paraissent légers (ATF 148 III 105 consid. 3.3.1).  
 
3.1.2. En présence de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. Ce qui compte à cet égard, c'est que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et, enfin, que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3a; arrêt 4A_424/2019 du 31 octobre 2019 consid. 3.1 et les références citées). En ce qui concerne les rapports établis par le médecin traitant de l'assuré, le juge doit avoir égard au fait que la relation de confiance unissant un patient à son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci; cela ne justifie cependant pas en soi d'évincer tous les avis émanant des médecins traitants. Il faut effectuer une appréciation globale de la valeur probante du rapport du médecin traitant au regard des autres pièces médicales (arrêt 4A_424/2019, précité, consid. 3.1).  
 
3.2. En l'occurrence, la cour cantonale a examiné en détail le rapport établi le 23 mars 2019 par le Dr E.________. Au terme de son analyse, elle a considéré que ledit rapport remplissait tous les réquisits jurisprudentiels permettant de lui reconnaître une valeur probante. Elle a estimé que les conclusions ressortant de cette expertise privée étaient corroborées par l'avis médical émis le 14 février 2022 par le service médical régional de l'assurance-invalidité (SMR), lequel avait retenu, sur la base de l'ensemble des pièces médicales versées au dossier, une capacité entière de travail de l'intéressé à partir du 25 mars 2019. La cour cantonale a enfin jugé que les critiques émises par le Dr D.________ à propos du rapport établi par son confrère n'étaient pas suffisamment cohérentes et circonstanciées pour mettre en doute les conclusions claires et bien motivées du Dr E.________, que le SMR avait fait siennes dans son avis du 14 février 2022.  
 
3.3. Reprochant à l'autorité précédente d'avoir procédé à une constatation manifestement inexacte des faits, le recourant fait grief à la cour cantonale de s'être écartée des constatations médicales opérées par le Dr D.________. En faisant fi de celles-ci et en tenant exclusivement compte de l'expertise privée réalisée par le Dr E.________, la cour cantonale aurait dès lors sombré dans l'arbitraire, retenant ainsi qu'il n'avait pas rendu vraisemblable le fait que son incapacité de travail avait perduré au-delà du 24 mars 2019.  
 
3.4. A la lecture du mémoire de recours, force est de relever que l'intéressé se contente de développer sa propre discussion des preuves médicales figurant au dossier. Son argumentation, présentant un caractère purement appellatoire, ne permet cependant pas de discerner en quoi l'appréciation critiquée serait éventuellement entachée d'une erreur indiscutable. En réalité, l'intéressé se contente de substituer son appréciation personnelle des preuves à celle de la cour cantonale. Sa critique est par conséquent irrecevable au regard de l'art. 97 al. 1 LTF et de la jurisprudence relative à cette disposition.  
En tout état de cause, le recourant ne démontre nullement que le rapport établi par le Dr E.________ serait contradictoire, lacunaire ou aurait ignoré des données essentielles. En outre, contrairement à ce que soutient l'intéressé, la cour cantonale n'a pas uniquement pris en considération le rapport du Dr E.________ pour aboutir à la solution retenue par elle, puisqu'elle a également tenu compte des conclusions ressortant de l'avis émis par le SMR dans son avis du 14 février 2022. Par ailleurs, la cour cantonale a soigneusement exposé les raisons pour lesquelles les critiques formulées par le Dr D.________ à l'encontre de son confrère lui semblaient infondées. En définitive, il n'y avait rien d'insoutenable à retenir, sur la base des différents éléments concordants, une pleine capacité de travail du recourant dès le 25 mars 2019. Il sied du reste de souligner que la cour cantonale a retenu que l'intéressé avait échoué à rendre vraisemblable son incapacité de travail à compter de cette date, alors même que le degré de preuve ordinaire s'appliquait pour établir l'incapacité de travail alléguée. Même à le supposer recevable, le grief considéré devrait dès lors de toute manière être rejeté. 
 
4.  
Dans un autre moyen, le recourant, dénonçant une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), reproche à la cour cantonale d'avoir refusé d'ordonner la mise en oeuvre de l'expertise judiciaire qu'il avait sollicitée. 
 
4.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).  
 
4.2. En l'espèce, la cour cantonale a refusé, sur la base d'une appréciation anticipée des preuves, d'ordonner la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire. Elle a, en effet, jugé que les preuves disponibles lui permettaient de trancher l'affaire. Elle a en outre souligné que l'expertise sollicitée ne pourrait pas modifier le résultat de son appréciation des preuves, étant précisé que, de l'avis même du Dr D.________, le trouble psychique du recourant avait disparu courant 2021, ce qui rendait son examen par un médecin impossible. Le recourant ne prétend pas ni ne démontre que l'instance précédente aurait versé dans l'arbitraire en refusant, sur la base d'une appréciation anticipée des preuves, d'ordonner la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire. Le grief considéré, qui manque à l'évidence sa cible, ne peut dès lors qu'être écarté.  
 
5.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité. 
Comme les conclusions du recours étaient vouées à l'échec, la requête d'assistance judiciaire présentée par le recourant ne peut qu'être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Celui-ci supportera par conséquent les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 22 juin 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : O. Carruzzo