5A_305/2022 05.07.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_305/2022  
 
 
Arrêt du 5 juillet 2023  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Schöbi et Bovey. 
Greffière : Mme Mairot. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Telmo Vicente, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me João Lopes, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
mesures protectrices de l'union conjugale (entretien du conjoint), 
 
recours contre l'arrêt de la I e Cour d'appel civil 
du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg du 22 mars 2022 (101 2021 360). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, née en 1977, et B.________, né en 1972, se sont mariés en 2007. Un enfant est issu de cette union: C.________, née en 2007. L'épouse est en outre la mère d'une fille majeure née d'une précédente union, qui vit auprès d'elle. 
Les époux sont séparés depuis le 1er février 2020. 
 
B.  
Par jugement de mesures protectrices de l'union conjugale du 1er septembre 2021, la Présidente du Tribunal civil du Lac a notamment confié la garde de l'enfant à la mère et astreint le père à contribuer à l'entretien de sa fille par le versement d'une pension de 725 fr. par mois du 1er février au 31 décembre 2020, puis de 730 fr. par mois dès le 1er janvier 2021. L'épouse s'est vu allouer une pension mensuelle de 250 fr. pour les mois de septembre et octobre 2020 et a été condamnée à verser mensuellement, dès le 25 juin 2021, une contribution à l'entretien du mari d'un montant de 500 fr. 
Par arrêt du 22 mars 2022, la I e Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg a rejeté l'appel de l'épouse. 
 
C.  
Par acte expédié le 25 avril 2022, l'épouse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant principalement à son annulation en ce sens qu'elle ne doit aucune contribution d'entretien au mari. Subsidiairement, elle demande l'annulation de l'arrêt entrepris sur ce point et le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour instruction et nouvelle décision. 
L'intimé propose le rejet du recours. 
L'autorité cantonale n'a pas formulé d'observations. 
Chacune des parties sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
D.  
Par ordonnance du 20 mai 2022, le Président de la Cour de céans a accordé l'effet suspensif au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF), le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF; ATF 133 III 393 consid. 4) rendue sur recours par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale (art. 75 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a, 51 al. 4 et 74 al. 1 let. b LTF). La recourante a en outre qualité pour recourir (art. 76 al. 1 let. a et b LTF). Le recours est donc recevable au regard de ces dispositions. 
 
2.  
 
2.1. Comme la décision attaquée porte sur des mesures provisionnelles (parmi plusieurs: ATF 134 III 667 consid. 1.1), seule peut être dénoncée la violation de droits constitutionnels (art. 98 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés, c'est-à-dire expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée, conformément aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 consid. 2.4; 135 III 232 consid. 1.2 et les références).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte, autrement dit, arbitraire, ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal que s'il démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au principe d'allégation susmentionné  
(cf. supra consid. 2.1). 
 
3.  
La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue sous l'aspect du droit à une décision motivée (art. 29 al. 2 Cst.). Elle reproche à l'autorité cantonale d'avoir omis de traiter ses griefs visant l'absence de constatation de ses revenus, et d'établissement du train de vie des époux, avant la séparation. Il serait dès lors impossible de comprendre et de se déterminer concrètement sur le constat selon lequel l'allocation d'une contribution d'entretien d'un montant de 500 fr. par mois à l'intimé ne permettrait pas à celui-ci de bénéficier d'un niveau de vie supérieur à celui mené durant la vie commune. 
 
 
3.1. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, consacré par l'art. 29 al. 2 Cst., le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse en saisir la portée, l'attaquer utilement s'il y a lieu, et l'autorité de recours, exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision  
(ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 143 III 65 consid. 5.2; 142 I 135 consid. 2.1; arrêt 5A_443/2022 du 3 mars 2023 consid. 6 et les références). Il n'est pas tenu de discuter tous les arguments soulevés par les parties, mais peut se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 146 II 335 consid. 5.1; 143 III 65 consid. 5.2; 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). Comme le droit à une décision motivée participe de la nature formelle du droit d'être entendu (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; 127 V 431 consid. 3d/aa; 126 V 130 consid. 2b), ce moyen doit être examiné en premier lieu et avec une pleine cognition (ATF 124 I 49 consid. 1; arrêts 5A_695/2021 du 18 janvier 2022 consid. 2.4; 8C_119/2020 du 26 novembre 2020 consid. 4.2 et les références). 
 
3.2. L'arrêt attaqué constate qu'en appel, l'épouse a soutenu qu'en bénéficiant d'une pension alimentaire de sa part, le mari se retrouvait dans une situation plus favorable qu'elle, respectivement plus favorable que lorsque les parties faisaient ménage commun. Bien que l'autorité cantonale ait relevé, à juste titre, que le standard de vie des époux durant le ménage commun constituait la limite supérieure du droit à l'entretien, elle s'est cependant bornée à reprendre les revenus et les charges des conjoints tels que retenus dans le jugement de première instance, soit à partir de 2020, plus précisément février 2020 s'agissant de l'épouse, autrement dit après la séparation. Sur la base de ces chiffres, et après déduction de la contribution à l'entretien de l'enfant mise à la charge du mari, elle a constaté que le disponible de celui-ci était de 414 fr. par mois pour 2020 et de 434 fr. pour 2021. Comme, après paiement de ses charges, l'épouse bénéficiait d'un solde mensuel de 2'080 fr., elle était parfaitement en mesure, selon l'autorité cantonale, de contribuer à l'entretien du mari à raison de 500 fr. par mois à compter du 25 juin 2021, "étant en outre relevé qu'il n'est pas établi que la perception de cette somme entraînerait pour ce dernier un niveau de vie supérieur à celui mené durant la vie commune". Faute pour elle d'avoir exposé les motifs de cette conclusion, ni même établi les faits pertinents pour déterminer le standard de vie des parties avant la séparation, la cour cantonale n'a pas respecté son obligation de motiver. Le grief de violation de l'art. 29 al. 2 Cst. doit par conséquent être admis et la cause renvoyée à cette autorité pour qu'elle se prononce sur les critiques soulevées à cet égard par la recourante, en indiquant clairement ses motifs. Ces considérations scellent le sort du recours sans qu'il y ait lieu de l'examiner plus avant.  
 
4.  
En conclusion, le recours, bien fondé, doit par conséquent être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Les frais judiciaires seront mis à la charge de l'intimé qui, bien qu'il ne soit pas responsable du vice de procédure, a conclu au rejet du recours (art. 66 al. 1 LTF). Vu l'issue, prévisible, de la procédure, sa requête d'assistance judiciaire ne peut être agréée (art. 64 LTF). Celui-ci versera en outre des dépens à la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF), dont la requête d'assistance judiciaire devient ainsi en principe sans objet. Il y a cependant lieu de prévoir l'indemnisation de son conseil, pour le cas où les dépens ne pourraient être recouvrés. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est admise, autant qu'elle n'est pas sans objet, et celle de l'intimé est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
4.  
Une indemnité de 1'500 fr., à verser à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimé; au cas où ces dépens ne pourraient être recouvrés, la Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Telmo Vicente, avocat à Fribourg, une indemnité de 1'200 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg. 
 
 
Lausanne, le 5 juillet 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Mairot