6B_158/2023 07.07.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_158/2023  
 
 
Arrêt du 7 juillet 2023  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Muschietti et van de Graaf. 
Greffier : M. Vallat. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Germain Porret, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. B.________, 
représentée par Me Baptiste Allimann, avocat, 
2. Ministère public de la République 
et canton du Jura, 
Le Château, 2900 Porrentruy, 
intimés. 
 
Objet 
Lésions corporelles graves par négligence, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal 
de la République et canton du Jura, Cour pénale, 
du 16 décembre 2022 (CP 9/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Un accident de la circulation s'est produit le 4 juillet 2019. B.________, au volant d'une voiture, circulait sur la route de U.________. Elle s'est engagée sur la route principale (H18) après avoir franchi la ligne du "Cédez-le-passage", en tournant à gauche en direction de V.________. Ce faisant, elle a coupé la trajectoire de A.________, qui circulait au guidon de sa moto en direction de W.________ et qui avait entrepris une manoeuvre de dépassement d'un véhicule gris. Une violente collision s'en est suivie. Le motard a été sévèrement blessé (polytraumatisme). 
En cours de procédure, soit ensuite de l'opposition formulée par B.________ le 30 avril 2020 à une ordonnance pénale du 27 avril 2020, le ministère public a confié un mandat d'expertise au Dynamic Test Center DTC à Vauffelin, afin de déterminer les circonstances de l'accident. Cet organisme a rendu un rapport le 31 juillet 2020, complété le 30 octobre suivant. 
Par jugement du 17 août 2021, rendu sur opposition à l'ordonnance pénale précitée reconnaissant l'automobiliste coupable de lésions corporelles graves par négligence, le Tribunal de première instance du canton du Jura a reconnu B.________ coupable de lésions corporelles graves par négligence et l'a condamnée à 60 jours-amende à 90 fr. le jour, avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu'à s'acquitter d'une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure de 7'500 fr. en faveur de A.________. Ce dernier, renvoyé à agir par la voie civile quant à ses prétentions en réparation, a été reconnu coupable d'infraction à la loi fédérale sur la circulation routière et condamné à 240 fr. d'amende (peine de substitution de 3 jours de privation de liberté). Les frais ont été mis à charge des deux condamnés par moitiés. 
 
B.  
Saisie d'appel par B.________ et d'un appel-joint par A.________, par jugement du 16 décembre 2022, la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien a admis le premier, libérant l'appelante de la prévention de lésions corporelles graves par négligence, et rejeté le second, A.________ étant reconnu coupable d'infraction à la loi fédérale sur la circulation routière pour avoir circulé à 98 km/h (dépassement de 18 km/h) et condamné à 240 fr. d'amende (peine de substitution de 3 jours de privation de liberté). La cour cantonale a alloué à l'appelante la somme de 13'680 fr. 35 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure dans les deux instances, A.________ étant renvoyé à agir au civil s'agissant de ses prétentions en réparation. Les frais judiciaires de première instance ont été mis à la charge de A.________ pour moitié (6'718 fr.) et ceux de seconde instance pour le tout (4'604 fr. 70). 
 
C.  
Par acte du 1er février 2023, A.________ recourt en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement rendu sur appel. Il conclut avec suite de frais et dépens des instances cantonales et fédérale, principalement, à la réforme du jugement querellé en ce sens que B.________ soit reconnue coupable de lésions corporelles graves par négligence et condamnée à 60 jours-amende à 90 fr. le jour avec sursis pendant 2 ans, lui-même étant reconnu coupable d'infraction à la loi fédérale sur la circulation routière pour avoir roulé à 98 km/h (dépassement de 18 km/h). Il requiert par ailleurs la restitution de l'effet suspensif. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office (art. 29 al. 1 LTF) et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2). 
 
1.1. Le recourant affirme avoir un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision querellée en sa qualité de prévenu et de partie plaignante.  
 
1.2. Au pénal, le recourant ne remet pas en cause sa condamnation pour excès de vitesse. Il ne peut donc rien déduire en sa faveur de sa qualité de prévenu condamné. Seule doit être examinée sa qualité pour recourir contre l'acquittement de l'intimée et sur les frais de la procédure cantonale, dont il critique expressément la mise à sa charge.  
 
1.3. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1).  
En cas d'acquittement du prévenu, la qualité pour recourir de la partie plaignante implique qu'elle ait, autant que cela pouvait raisonnablement être exigé d'elle, exercé l'action civile par adhésion à la procédure pénale (cf. art. 122 al. 1 CPP), en prenant des conclusions chiffrées en réparation de tout ou partie de son dommage matériel ou de son tort moral (ATF 137 IV 246 consid. 1.3.1). La qualité pour recourir doit être déniée lorsque les prétentions civiles ont déjà été résolues d'une autre manière (arrêts 6B_172/2022 du 31 octobre 2022 consid. 1.1; 6B_1280/2020 du 3 février 2021 consid. 1.2; 6B_92/2019 du 21 mars 2019 consid. 3). C'est notamment le cas si l'autorité précédente a acquitté le prévenu et a renvoyé la partie plaignante à faire valoir ses prétentions devant le juge civil et si, dans le cadre de son recours en matière pénale, la partie plaignante a renoncé ou a omis de contester le renvoi à agir devant le juge civil et de requérir à nouveau l'octroi de ses prétentions civiles. Il faut alors considérer que la procédure pénale est liquidée sur le plan civil, le jugement cantonal étant entré en force sur ce point (v. parmi d'autres: arrêts 6B_52/2022 du 16 mars 2023 consid. 2.1 et 6B_172/2022 précité consid. 1.1). 
 
1.4. En l'espèce, il ressort de la décision entreprise que le recourant avait conclu son appel-joint en demandant notamment qu'il soit statué sur le sort de ses conclusions civiles. Il a toutefois été renvoyé à agir devant le juge civil ensuite de l'acquittement de l'intimée. Dans son recours en matière pénale, l'intéressé ne prend aucune conclusion formelle en lien avec ses prétentions civiles ou son renvoi à agir devant le juge civil. Il ne ressort d'aucune manière non plus de la motivation de ce recours qu'il contesterait spécifiquement ce point du jugement rendu sur son appel-joint. Ce silence lie le Tribunal fédéral qui ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Le renvoi du recourant à agir devant le juge civil est ainsi entré en force, ce qui exclut sa qualité pour recourir contre l'acquittement.  
 
2.  
En lien avec les frais judiciaires, le recourant soutient, en bref, qu'une part importante de ces frais, correspondant à 15'000 fr., ont dû être engagés pour l'expertise que l'intimée avait sollicitée et qui aurait exclusivement servi à sa défense, si bien que ces frais auraient, aux yeux du recourant, dû être laissés en bonne partie à la charge de l'État dans l'hypothèse de l'acquittement de l'intimée, respectivement être répartis proportionnellement entre le recourant et l'intimée en cas de double condamnation, conformément à la responsabilité solidaire prévue par l'art. 418 al. 3 CPP
 
2.1. Il est constant que le recourant a entièrement succombé à l'appel de l'intimée ainsi que dans son propre appel-joint (art. 428 al. 1 CPP), la mise à sa charge de l'intégralité des frais de dernière instance cantonale n'est pas critiquable.  
 
2.2. Quant aux frais de première instance, la cour cantonale a indiqué qu'ils devaient être imputés pour moitié au recourant, le solde étant laissé à la charge de l'État. La cour cantonale n'a donc pas méconnu que le recourant n'avait pas à supporter une partie de ces frais nonobstant sa condamnation. Quant à savoir si la part supportée par le recourant serait excessive, celui-ci perd de vue qu'il n'endossait pas uniquement le même rôle de prévenu que l'intimée, mais aussi celui de partie plaignante et que conformément à l'art. 427 al. 1 let. a CPP, les frais de procédure causés par les conclusions civiles de la partie plaignante peuvent être mis à la charge de celle-ci lorsque la procédure est classée ou que le prévenu est acquitté. Un bref examen du mandat d'expertise permet de constater que la détermination de la vitesse de chacun des véhicules (ainsi que de leurs positions respectives) a constitué une part importante de la tâche confiée à l'expert par le ministère public et que les parties ont, chacune, complété ce mandat par une dizaine de questions environ (14 pour la prévenue; 9 pour la partie plaignante), ce qui suggère que chacune espérait pouvoir en déduire des arguments en sa faveur. Le complément d'expertise requis par la cour cantonale le 20 septembre 2022 tendait notamment à déterminer si le recourant aurait eu la possibilité de réagir à temps s'il avait roulé à la vitesse de 80 km/h, respectivement de 90 km/h, questions qui étaient essentiellement pertinentes dans la perspective d'une faute concomitante, respectivement d'une interruption du lien de causalité. Il s'ensuit que si l'expertise s'est, en définitive, révélée favorable à l'intimée, elle a été ordonnée, puis complétée, dans la perspective d'établir, tant à charge qu'à décharge, les responsabilités de chacune des deux parties dans les faits. On ne saurait ainsi reprocher à la cour cantonale d'avoir considéré, ex aequo et bono, qu'il se justifiait d'imputer au recourant la moitié de ces frais.  
Pour le surplus, en tant que le recourant soutient que la responsabilité de l'accident incomberait à l'intimée, il suffit de renvoyer à ce qui vient d'être exposé à propos de la qualité pour recourir. Le grief doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
3.  
Le recourant succombe. Il supporte les frais de la procédure (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). La demande d'effet suspensif est sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour pénale. 
 
 
Lausanne, le 7 juillet 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
Le Greffier : Vallat