9C_357/2023 17.08.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_357/2023  
 
 
Arrêt du 17 août 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffière : Mme Perrenoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par M e Jean-Daniel Kramer, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg de l'Hôpital 28, 2000 Neuchâtel, 
intimée. 
 
Objet 
Prestation complémentaire à l'AVS/AI, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 20 avril 2023 (CDP.2022.133-PC/ia). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, né en 1972, marié et père de trois enfants (nés en 1996, 2002 et 2004), est au bénéfice d'une rente entière de l'assurance-invalidité, assortie de rentes pour enfants, depuis le 1er décembre 2010 (décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel [ci-après: l'office AI] du 3 novembre 2011). Par décision du 7 janvier 2013, la Caisse cantonale neuchâteloise de compensation (ci-après: la caisse de compensation ou la CCNC) lui a alloué des prestations complémentaires à compter du 1er mai 2012. La CCNC a ensuite procédé à un nouveau calcul des prestations complémentaires servies à partir du 1er mars 2017, en prenant en compte un revenu hypothétique pour l'épouse de l'assuré, qu'elle a fixé à 13'283 fr. par année en se fondant sur le salaire moyen pour une personne employée comme aide de ménage à 50%, sans fonction de cadre et sans formation (décision du 6 février 2017). 
Dans le cadre d'une révision périodique du droit aux prestations de l'assuré, la CCNC a en particulier constaté que les prestations de la prévoyance professionnelle dont il bénéficiait avaient augmenté dès le 1er septembre 2015 et que les cotisations au premier pilier avaient été déduites de manière erronée des revenus réalisés par sa fille. Considérant qu'il s'agissait d'un cas de reconsidération, la caisse de compensation a exigé de A.________ la restitution de 20'923 fr., correspondant aux prestations complémentaires indûment perçues du 1er novembre 2015 au 30 novembre 2020 (décision du 19 novembre 2020). L'assuré s'est opposé à cette décision en indiquant qu'il contestait notamment la prise en compte d'un revenu hypothétique pour son épouse dans le calcul de son droit à des prestations complémentaires à compter de 2017 (opposition du 21 décembre 2020). Par décision sur opposition du 24 mars 2022, la caisse de compensation a confirmé sa décision, en exposant, en particulier, que l'intéressé n'avait apporté aucun élément rendant vraisemblable que sans l'aide et les soins apportés par son épouse, il dût être placé dans une institution spécialisée. 
 
B.  
A.________ a formé recours contre cette décision devant la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel. Il a produit un courriel du docteur B.________, spécialiste en maladies infectieuses et en médecine interne générale, du 5 juillet 2022. Statuant le 20 avril 2023, la juridiction cantonale a rejeté le recours. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont il demande l'annulation. Il conclut à ce qu'il soit dit qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération un revenu hypothétique pour son épouse. Subsidiairement, l'assuré requiert le renvoi de la cause pour instruction complémentaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
La Troisième Cour de droit public du Tribunal fédéral (jusqu'à fin décembre 2022: Deuxième Cour de droit social du Tribunal fédéral) est compétente pour connaître des recours concernant les prestations complémentaires interjetés jusqu'au 30 juin 2023 (cf. art. 82 let. a LTF et art. 31 let. g du Règlement sur le Tribunal fédéral du 20 novembre 2006 [RTF; RS 173.110.131], dans sa teneur en vigueur du 1 er janvier au 30 juin 2023 [RO 2023 65]). Cette compétence est maintenue, même si les recours concernant les prestations complémentaires interjetés après le 1er juillet 2023 sont traités par la Quatrième Cour de droit public (cf. l'art. 32 let. i RTF dans sa teneur en vigueur à partir du 1er juillet 2023).  
 
2.  
 
2.1. Selon un principe général de procédure, les conclusions en constatation de droit ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues. Sauf situations particulières, les conclusions constatatoires ont donc un caractère subsidiaire (ATF 141 II 113 consid. 1.7). Dans la mesure où le recourant conclut, parallèlement à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause pour instruction complémentaire, à ce qu'il soit dit qu'"il n'y a pas lieu de prendre en considération un revenu hypothétique de [son] épouse", il formule une conclusion "préparatoire" puisqu'elle porte sur une question qui doit être tranchée en vue d'examiner les conclusions condamnatoires. Une telle conclusion constatatoire est irrecevable (cf. arrêt 2C_988/2017 du 19 septembre 2018 consid. 1.2, non publié in ATF 144 II 473). La conclusion en renvoi n'étant pas purement cassatoire, il convient cependant d'entrer en matière sur le recours (cf. arrêt 2C_597/2015 du 2 février 2016 consid. 1.2).  
 
2.2. Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.  
 
3.  
 
3.1. La juridiction cantonale a d'abord constaté que la question de la restitution, fondée exclusivement sur l'augmentation du montant des prestations de la prévoyance professionnelle dès le 1er septembre 2015 et la correction des montants retenus à titre de revenus de la fille de l'assuré, n'était en réalité pas litigieuse, puisque le recourant ne contestait pas le bien-fondé de ces deux éléments, ni les calculs opérés à cet égard par la CCNC. Aussi, a-t-elle circonscrit l'objet du litige au point de savoir si la caisse de compensation était en droit de continuer à prendre en compte un revenu hypothétique pour l'épouse de l'assuré, compte tenu des éléments recueillis lors de la nouvelle instruction menée à la suite de l'opposition formée par le recourant le 21 décembre 2020. En se fondant sur les avis médicaux versés au dossier (rapports du docteur B.________ des 4 juin 2021 et 5 juillet 2022, et de la doctoresse C.________, spécialiste en médecine interne générale et médecin-conseil de l'intimée, du 30 août 2021), les premiers juges ont ensuite considéré que les circonstances du cas d'espèce ne faisaient pas obstacle à un travail à mi-temps de l'épouse du recourant. Partant, ils ont confirmé la décision administrative litigieuse.  
 
3.2. On rappellera que lorsque, comme en l'occurrence, l'administration admet que les conditions de la reconsidération de la décision d'octroi des prestations complémentaires sont réalisées (art. 53 al. 2 LPGA) et requiert la restitution de celles-ci (cf. décision du 19 novembre 2020), elle est tenue d'examiner le rapport juridique sous tous ses aspects lorsque l'ayant droit fait valoir qu'un autre élément de fait ou de droit que celui justifiant, de l'avis de l'organe d'exécution, la reconsidération conduirait à un résultat différent (arrêt 9C_454/2022 du 15 juin 2023 consid. 3.2). Pour cette raison, c'est à bon droit que la juridiction cantonale a inclus dans son examen le point de savoir s'il se justifiait de prendre en compte un revenu hypothétique pour l'épouse de l'assuré, même si la décision de restitution du 19 novembre 2020 ne portait pas sur cet aspect.  
 
4.  
 
4.1. A l'appui de son recours, l'assuré reproche à la CCNC et, à sa suite, à l'instance précédente, d'avoir pris en compte, "[d]u jour au lendemain", un revenu hypothétique pour son épouse dans le calcul des prestations complémentaires auxquelles il a droit. Il fait en substance valoir qu'il a besoin d'une assistance très importante dans ses activités de tous les jours et que la présence de son épouse est nécessaire pour tous les besoins quotidiens, en se prévalant également du fait que son épouse ne serait pas en mesure de trouver facilement un emploi. Par ailleurs, dans une argumentation subsidiaire, le recourant soutient, en se référant à l'ATF 142 V 12, qu'un revenu hypothétique ne pouvait pas être pris en considération, sans au préalable avoir accordé un délai de transition d'une certaine importance à son épouse.  
 
4.2. Contrairement à ce que soutient le recourant, l'appréciation des preuves à laquelle la juridiction cantonale a procédé pour parvenir à la conclusion que l'intimée était fondée à continuer de tenir compte d'un revenu hypothétique pour son épouse n'est pas arbitraire, pour les raisons qui suivent.  
 
4.2.1. En premier lieu, à l'inverse de ce qu'affirme de manière péremptoire le recourant, l'avis du docteur B.________ du 4 juin 2021 a été pris en considération par la juridiction de première instance, qui l'a dûment apprécié. Il ressort à cet égard de ses constatations, fondées sur ledit rapport, que l'assuré est au bénéfice d'une greffe hépatique depuis 2010, qu'il souffre notamment d'une ostéonécrose de la tête fémorale à l'origine d'une coxarthrose sévère, qu'il bénéficie d'une lourde co-médication qui entraîne une fatigabilité très importante et qu'il doit faire preuve d'une adhésion exemplaire à son traitement, sous peine d'un rejet d'organe et donc d'une issue potentiellement fatale à brève échéance (consid. 4a p. 10 de l'arrêt entrepris).  
L'instance précédente a également admis, toujours en se fondant sur le rapport du docteur B.________ du 4 juin 2021, que le recourant présentait un besoin d'aide pour certains actes de la vie quotidienne. Cela étant, elle a considéré que l'appréciation de la doctoresse C.________ du 30 août 2021, selon laquelle les besoins du recourant pouvaient être assurés au travers des aides telles que celles fournies par NOMAD (Neuchâtel Organise le Maintien à Domicile), dont l'intéressé pouvait bénéficier par l'intermédiaire de son allocation pour impotent et de l'assurance obligatoire des soins, ne prêtait pas le flanc à la critique. A cet égard, en ce qu'il se limite à affirmer, en se référant au courriel du docteur B.________ du 5 juillet 2022, que le soutien que lui apporte son épouse ne peut être remplacé par une institution comme NOMAD, au vu de sa situation psychologique, et qu'il n'y aurait guère d'autre solution que le placement dans un home si son épouse devait travailler, ne serait-ce qu'à temps partiel, le recourant ne met pas en évidence le caractère manifestement inexact ou arbitraire de l'appréciation des preuves opérée par la juridiction cantonale. Ce faisant, il ne s'en prend pas à la considération des premiers juges, selon laquelle l'exercice d'une activité lucrative à 50% par son épouse n'est pas de nature à le priver du soutien moral que celle-ci est en mesure de lui apporter, puisque sa présence à la maison peut demeurer fréquente et régulière. Le recourant ne conteste par ailleurs pas les constatations cantonales selon lesquelles aucun besoin de présence permanente n'a été évoqué au dossier. Quant à son grief relatif à un défaut de "validité probante" de l'avis de la doctoresse C.________ pour le motif qu'elle ne connaîtrait pas sa "situation réelle", il est purement appellatoire. Le Tribunal fédéral n'a dès lors pas à entrer en matière sur celui-ci (ATF 140 III 264 consid. 2.3). 
Dans ces circonstances, la juridiction cantonale n'a pas violé le droit d'être entendu du recourant en ne donnant pas suite à ses offres de preuves (à savoir l'audition du docteur B.________ et la mise en oeuvre d'une expertise pour déterminer l'importance de son besoin d'assistance dans la vie de tous les jours). On rappellera à ce propos qu'il appartient à l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui permettent de se forger une conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient plus l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 144 II 427 consid. 3.1.3; 141 I 60 consid. 3.3). 
 
4.2.2. Ensuite, l'argumentation du recourant selon laquelle son épouse ne pourrait pas "avoir, facilement, la possibilité de trouver un emploi" n'est pas non plus fondée. D'une part, l'assuré ne conteste pas les constatations des premiers juges, selon lesquelles les enfants du couple étaient presque tous majeurs au moment de la décision litigieuse et ne nécessitaient dès lors plus de soins directs de la part de son épouse. Quant à l'absence de formation et d'exercice d'une activité lucrative, il ne s'agit pas de motifs empêchant la mise en valeur de la capacité de travail exigible du conjoint de la personne bénéficiaire de prestations complémentaires, conformément à la jurisprudence dûment rappelée par la juridiction cantonale (cf. arrêts 9C_946/2011 du 16 avril 2012 consid. 4.1 et 4.3; 9C_717/2010 du 26 janvier 2011 consid. 5.1).  
 
4.3. C'est également en vain que le recourant se réfère à l'ATF 142 V 12 pour affirmer qu'à supposer qu'un revenu hypothétique pour son épouse dût être pris en considération, il eût fallu prévoir un délai de transition d'une certaine importance. Selon la jurisprudence, un délai de transition réaliste pour la prise exigible d'une activité lucrative (ou l'augmentation du taux d'activité) permettant de tenir compte d'un revenu hypothétique du conjoint (non-invalide) dans le cadre d'une première demande de prestations complémentaires ou lorsque des prestations sont en cours (à ce sujet, cf. ATF 142 V 12 consid. 3.2 et 5.4 et les arrêts cités) doit être accordé lors de la fixation du revenu en cause (arrêt P 28/04 du 30 août 2004 consid. 2.2). Ce délai ne joue pas de rôle dans le cadre d'une éventuelle demande de restitution de prestations - fixées en fonction d'un tel revenu - versées indûment. Or en l'occurrence, la décision initiale tenant compte d'un revenu hypothétique pour l'épouse du recourant (et incluant les calculs opérés à cet égard) a été rendue par l'intimée le 6 février 2017. Pour cette raison déjà, l'argumentation subsidiaire du recourant est mal fondée, tout comme son affirmation selon laquelle la prise en compte d'un revenu hypothétique pour son épouse serait intervenue "[d]u jour au lendemain". Dans la mesure où la décision du 6 février 2017 n'a pas été contestée par l'assuré, elle est entrée en force.  
 
4.4. En définitive, au vu des arguments avancés, le recours est mal fondé.  
 
5.  
Compte tenu de l'issue de la procédure, le recourant doit supporter les frais y afférents (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 17 août 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
La Greffière : Perrenoud