2C_114/2023 26.04.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_114/2023  
 
 
Arrêt du 26 avril 2024  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni, Ryter 
et Kradolfer. 
Greffière : Mme Vuadens. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
tous les deux représentés par Me Nicolas Urech, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, 
Eigerstrasse 65, 3003 Berne, 
intimée. 
 
Objet 
Assistance administrative (CDI CH-FR), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour VI, du 6 février 2023 (F-1973/2021, F-1975/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 11 mai 2016, la Direction générale des finances publiques française (DGFP; ci-après: l'autorité requérante ou l'autorité française) a adressé une demande d'assistance administrative en matière fiscale à l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale ou l'AFC) fondée sur l'art. 28 de la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales (ci-après: CDI CH-FR, RS 0.672.934.91). L'autorité requérante indiquait qu'une enquête diligentée en Allemagne par le parquet de Bochum et des visites domiciliaires effectuées dans les succursales allemandes de la banque C.________ AG (ci-après: la Banque) avaient abouti à la saisie de données concernant des contribuables français en lien avec des comptes ouverts auprès de ladite banque. La demande d'assistance administrative concernait les années 2010 à 2014 pour l'impôt sur le revenu et les années 2010 à 2015 pour l'impôt de solidarité sur la fortune et se fondait sur des listes contenant des numéros de comptes bancaires liés à des personnes inscrites sous un code "domizil" français. Elle visait l'obtention des nom, prénom, date de naissance et l'adresse la plus actuelle disponible des titulaires, ayants droit économiques selon le formulaire A, et de toute autre personne venant aux droits et obligations de ces derniers auprès de la Banque.  
Déférant à une demande de production du 10 juin 2016, la Banque a transmis à l'Administration fédérale les informations demandées entre juin 2016 et juillet 2017. Informée par la Banque du risque que ces renseignements soient utilisés dans la procédure pénale ouverte contre elle en France, l'Administration fédérale a obtenu des autorités compétentes françaises l'assurance que les informations transmises ne seraient communiquées qu'aux personnes et autorités mentionnées à l'art. 28 par. 2 CDI CH-FR et qu'elles ne seraient utilisées qu'aux fins qui y étaient énumérées. 
Le 9 février 2018, l'Administration fédérale a, dans huit décisions finales rendues à l'encontre de certaines personnes concernées, ainsi qu'à la Banque (dont le Tribunal administratif fédéral avait reconnu la qualité pour recourir dans l'arrêt A-4974/2016 du 25 octobre 2016), accordé l'assistance administrative à l'autorité française. Par arrêt du 30 juillet 2018, le Tribunal administratif fédéral a admis le recours formé par la Banque et annulé les décisions finales du 9 février 2018. Cette décision a été annulée, sur recours de l'Administration fédérale, par le Tribunal fédéral qui, par arrêt du 26 juillet 2019 (cause 2C_653/2018 partiellement publiée in ATF 146 II 150), a confirmé la validité des décisions finales du 9 février 2018. A la suite de cet arrêt, l'Administration fédérale a repris le traitement des procédures, qui avaient été suspendues jusqu'à droit connu sur la position du Tribunal fédéral. 
 
A.b. Par décision finale du 12 mai 2020, l'Administration fédérale a accordé l'assistance administrative à l'autorité requérante concernant les époux D.________ et E.________. Par décision finale du même jour, l'Administration fédérale a accordé l'assistance administrative à l'autorité requérante concernant la société F.________ et E.________.  
Le 27 août 2020, le mandataire de E.________ a informé l'Administration fédérale que son mandant était décédé le 28 septembre 2016. Il ressortait de l'acte de décès produit que feu E.________ était veuf de D.________. 
Le 30 septembre 2020, le mandataire a transmis à l'Administration fédérale les procurations que A.________ et B.________, enfants et successeurs légaux de feu E.________ aux côtés de leur soeur G.________, avaient signées en sa faveur pour qu'il les représente dans la procédure. 
 
B.  
Par décision finale du 24 mars 2021 notifiée à A.________, B.________ et G.________, l'Administration fédérale a accordé l'assistance administrative à l'autorité requérante concernant D.________ et E.________. Par décision finale du même jour notifiée à A.________, B.________ et G.________, elle a accordé l'assistance administrative à l'autorité requérante concernant la société F.________ et E.________. 
Le 26 avril 2021, A.________ et B.________ ont recouru contre les décisions finales du 24 mars 2021 auprès du Tribunal administratif fédéral, concluant à leur annulation, subsidiairement au constat de leur nullité, ainsi qu'au rejet de l'assistance administrative, subsidiairement au renvoi des causes à l'Administration fédérale pour nouvelles décisions. A titre préalable, ils ont demandé que le Tribunal administratif fédéral ordonne à l'Administration fédérale ou à la Banque de produire, d'une part, une traduction dans une langue officielle des documents bancaires en anglais et, d'autre part, le formulaire A ou tout autre document propre à identifier l'ayant droit économique dans la procédure visant la société F.________ et feu E.________. 
Après avoir joint les causes (décision incidente du 19 mai 2021), le Tribunal administratif fédéral a, par arrêt du 6 février 2023, rejeté les requêtes d'instruction et les recours, dans la mesure de leur recevabilité. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral, principalement, de réformer l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 6 février 2023 en ce sens que leur recours sont admis, que l'Administration fédérale rejette la demande d'assistance administrative en tant qu'elle concerne la société F.________, ainsi que feus E.________ et D.________, d'autre part, et qu'elle refuse de transmettre les informations annexées aux décisions finales entreprises; subsidiairement, ils demandent l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal administratif fédéral s'en tient à son arrêt. L'Administration fédérale conclut au rejet du recours. Les recourants ont déposé des observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Selon l'art. 83 let. h LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière d'entraide administrative internationale, à l'exception de l'assistance administrative en matière fiscale. Il découle de l'art. 84a LTF que, dans ce dernier domaine, le recours n'est recevable que lorsqu'une question juridique de principe se pose ou lorsqu'il s'agit, pour d'autres motifs, d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF
 
1.1. D'après la jurisprudence, la présence d'une question juridique de principe suppose que la décision en cause soit importante pour la pratique; cette condition est en particulier réalisée lorsque les instances inférieures doivent traiter de nombreuses causes analogues ou lorsqu'il est nécessaire de trancher une question juridique qui se pose pour la première fois et qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral (ATF 139 II 404 consid. 1.3; arrêt 2C_289/2015 du 5 avril 2016 consid. 1.2.1 non publié in ATF 142 II 218). Le Tribunal fédéral entre aussi en matière lorsqu'une cause qui soulève une question juridique de principe en vertu de l'art. 84a LTF était encore ouverte au moment du dépôt du recours (arrêts 2C_79/2022 du 9 août 2023 consid. 1.1.1; 2C_216/2015 du 8 novembre 2015 consid. 1.3.2).  
 
1.2. Les recourants font valoir que la présente cause soulève notamment la question juridique de principe de l'application dans le temps de l'art. 18a LAAF, qui prévoit que l'assistance administrative peut être exécutée concernant des personnes décédées. Il s'agit de savoir si cette disposition s'applique également aux demandes d'assistance administrative qui étaient pendantes à la date de son entrée en vigueur le 1er novembre 2019,  
Le Tribunal fédéral a déjà tranché la question juridique de principe de l'application dans le temps de l'art. 18a LAAF dans l'arrêt 2C_795/2022 du 15 mars 2024. Comme cette question était encore ouverte lors du dépôt du recours dans la présente cause, le recours remplit néanmoins la condition de recevabilité de l'art. 84a LTF (supra consid. 1.1 in fine). 
 
1.3. Au surplus, les recourants, qui ont qualité pour agir (cf. art. 89 al. 1 LTF), ont recouru en temps utile (art. 100 al. 2 let. b LTF) et dans les formes prévues (art. 42 LTF).  
 
1.4. Il convient donc d'entrer en matière.  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, il n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 149 III 81 consid. 1.3; 148 I 127 consid. 4.3; 145 V 304 consid. 1.2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des situations visées à l'art. 105 al. 2 LTF.  
 
3.  
La demande d'assistance administrative du 11 mai 2016 formée par l'État requérant est régie par l'art. 28 CDI CH-FR et sur le chiffre XI du Protocole additionnel à la CH-FR. Sur le plan interne, c'est la LAAF, applicable en l'espèce (cf. art. 24 LAAF), qui concrétise l'exécution en Suisse de l'assistance administrative en matière d'échange de renseignements sur demande (cf. art. 1 LAAF; ATF 146 II 150 consid. 5.4; 143 II 224 consid. 6.1; 628 consid. 4.3). 
 
4.  
La demande d'assistance administrative du 11 mai 2016 qui est à l'origine des décisions de l'Administration fédérale objets de la présente procédure a fait l'objet d'un arrêt de principe du 26 juillet 2019, qui a été partiellement publié (ATF 146 II 150; supra let. A.a). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a d'abord constaté que cette demande, qui concernait plusieurs dizaines de milliers de personnes, revêtait les caractéristiques d'une demande dite "collective" (ATF 146 II 150 consid. 4). Il a ensuite retenu que l'autorité requérante était fondée à demander l'assistance administrative de la Suisse pour les périodes fiscales 2010 à 2015 en identifiant ces personnes par d'autres moyens que par leur nom et leur adresse (ATF 146 II 150 consid. 5) et que, sur le fond, les conditions de l'assistance administrative à la France étaient remplies; en effet, les renseignements demandés remplissaient la condition de la pertinence vraisemblable au sens de l'art. 28 par. 1 CDI CH-FR et la demande ne constituait pas une pêche aux renseignements inadmissible (ATF 146 II 150 consid. 6). Enfin, le Tribunal fédéral a jugé que l'autorité requérante avait fourni des assurances suffisantes que les informations qu'elle recevrait ne seraient pas transmises aux autorités pénales françaises pour être utilisées dans la procédure pénale qui était alors ouverte en France contre la Banque, en violation du principe de spécialité et de l'obligation de garder le secret prévue à l'art. 28 par. 2 CDI CH-FR (ATF 146 II 150 consid. 7). 
Le Tribunal administratif fédéral s'est largement référé à cet arrêt de principe pour rejeter les recours de A.________ et de B.________. Il a par ailleurs jugé, en substance, que c'était en vain que les recourants se prévalaient de la prescription des créances fiscales en France pour contester la pertinence vraisemblable de renseignements requis (consid. 8) et que l'assistance administrative requise pouvait être exécutée nonobstant le décès de D.________ et de E.________ (consid. 3). 
 
5.  
Les recourants reprochent au Tribunal administratif fédéral d'avoir violé l'art. 28 par. 1 CDI CH-FR en confirmant l'octroi de l'assistance administrative à l'autorité requérante sans avoir réexaminé, le cas échéant en demandant une précision à la France, la pertinence vraisemblable des renseignements requis, au regard du temps écoulé depuis la date de la demande d'assistance administrative et de la prescription des créances fiscales en France, dont ils avaient pourtant démontré qu'elle était désormais acquise. 
 
5.1. Selon l'art. 28 par. 1 CDI CH-FR, les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des États contractants.  
La condition de la pertinence vraisemblable a pour but d'assurer un échange de renseignements en matière fiscale qui soit le plus large possible, sans qu'il soit pour autant loisible aux États contractants de demander des renseignements au hasard ou qui ne sont pas susceptibles d'apporter un éclairage sur les affaires fiscales d'un contribuable particulier (ch. XI par. 2 du Protocole additionnel à la CDI CH-FR). 
Selon la jurisprudence, la condition de la pertinence vraisemblable est réputée réalisée si, au moment où la demande d'assistance administrative est formulée, il existe une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révéleront pertinents. En revanche, peu importe qu'une fois fournie, il s'avère que l'information demandée soit finalement non pertinente (cf. notamment ATF 145 II 112 consid. 2.1.1; 144 II 29 consid. 4.2.2; 144 II 206 consid. 4.3; 142 II 161 consid. 2.1.1). L'appréciation de la pertinence vraisemblable des informations demandées est en premier lieu du ressort de l'État requérant. L'État requis se limite à examiner si les documents demandés ont un rapport avec l'état de fait présenté dans la demande et s'ils sont potentiellement propres à être utilisés dans la procédure étrangère (cf. ATF 148 II 336 consid. 7.2; 142 II 161 consid. 2.1.1). L'État requis ne peut pas examiner les objections liées au bien-fondé de la procédure fiscale menée à l'étranger, ni déterminer lui-même si d'éventuels obstacles procéduraux du droit interne de l'État requérant empêcheraient l'utilisation des renseignements obtenus (ATF 144 II 206 consid. 4.3 et les arrêts cités). Il n'incombe en particulier pas à l'État requis d'examiner si certaines périodes fiscales concernées par une demande d'assistance administrative pourraient être atteintes par la prescription dans l'État requérant, quand bien même l'existence d'un tel délai serait mentionnée dans la demande d'assistance administrative elle-même (arrêts 2C_795/2022 du 15 mars 2024; 2C_662/2021 du 18 mars 2022 consid. 5.4.1 et 5.4.2). La possibilité que des périodes fiscales puissent être atteintes par la prescription dans l'État requérant n'a donc pas d'incidence sur la pertinence vraisemblable des renseignements demandés concernant ces périodes (cf. aussi arrêt 2C_912/2022 du 26 avril 2024 consid. 6.3). L'objection de la prescription doit être soulevée devant les autorités compétentes de l'État requérant (arrêt 2C_795/2022 du 15 mars 2024 consid. 5.2). 
 
5.2. Au vu de ce qui précède, c'est en vain que les recourants reprochent au Tribunal administratif fédéral d'avoir confirmé la transmission de renseignements sans avoir "réexaminé" leur pertinence vraisemblable au regard du temps écoulé et de la prescription en France.  
 
5.3. Au surplus, les recourants ne soutiennent à juste titre pas que les renseignements ne rempliraient plus la condition de la pertinence vraisemblable en raison du décès de feus D.________ et E.________. Il n'incombe pas à l'État requis de refuser de transmettre des renseignements parce que la personne visée par la demande d'assistance administrative est décédée, au motif que ces renseignements ne seraient de ce fait pas vraisemblablement pertinents, car le point de savoir si les renseignements conservent leur utilité pour l'État requérant dans une telle situation relève aussi du droit interne de l'État requérant, dont la cognition échappe à l'État requis. En d'autres termes, le fait que la personne visée par une demande d'assistance administrative soit décédée n'affecte pas la réalisation de la condition de la pertinence vraisemblable des renseignements qui sont requis à son sujet (arrêt 2C_795/2022 du du 15 mars 2024 consid. 5.3).  
 
5.4. On ne discerne donc aucune violation de l'art. 28 par. 1 CDI CH-FR dans le cas d'espèce.  
 
6.  
Les recourants reprochent également aux juges précédents d'avoir appliqué l'art. 18a LAAF au cas d'espèce et d'avoir, en conséquence, confirmé la transmission des renseignements requis malgré le décès des deux personnes concernées. Ils font valoir que l'art. 18a LAAF, qui permet la transmission de renseignements concernant des personnes décédées, a une portée matérielle en tant qu'elle permet, depuis son entrée en vigueur le 1er novembre 2019, l'échange de renseignements concernant des personnes décédées. En conséquence, elle ne pourrait pas s'appliquer de manière rétroactive aux demandes d'assistance administrative formées avant le 1er novembre 2019 et visant des personnes décédées décédées avant cette date. En outre, comme avant l'entrée en vigueur de l'art. 18a LAAF, l'Administration fédérale devait rejeter des demandes d'assistance visant des personnes dont il s'avérait qu'elles étaient décédées, ils soutiennent que le fait d'appliquer l'art. 18a LAAF aux demandes d'assistance administrative pendantes au 1er novembre 2019 reviendrait à faire dépendre la transmission ou non de renseignements concernant des personnes décédées de la vitesse de traitement des dossiers par l'Administration fédérale, ce qui engendrerait des inégalités de traitement et des situations arbitraires, en violation des art. 8 et 9 Cst.
 
6.1. Il faut d'abord rappeler que l'échange de renseignements fiscaux sur demande instaure une collaboration entre États, laquelle ne prévoit pas la participation des personnes qui en font l'objet (cf. ATF 146 I 172 consid. 6.1; arrêt 2C_795/2022 du 15 mars 2024 consid. 6.1). Il est certes admis que les États parties à une convention qui instaure un échange de renseignements sur demande peuvent prévoir, dans leur droit interne, des droits procéduraux pour les personnes visées. Ces droits ne peuvent toutefois pas entraver ou retarder la correcte exécution de l'échange de renseignements (cf. OCDE, Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune, 2019, Commentaire, n° 14.1 ad art. 26; ATF 146 I 172 consid. 6.2; arrêt 2C_795/2022 du 15 mars 2024 consid. 6.1; dans le contexte de la CDI-FR, cf. aussi le ch. XI par. 5 du Protocole additionnel à la CDI CH-FR, qui concrétise ce principe dans le contexte de l'échange de renseignements fiscaux franco-suisse en prévoyant que les règles de procédure administratives relatives aux droits du contribuable s'appliquent dans l'État requis, sans pour autant que leur application puisse entraver ou retarder indûment les échanges effectifs de renseignements).  
 
6.2. En Suisse, la loi fédérale sur l'assistance administrative fiscale accorde des droits procéduraux à une personne visée par une demande d'assistance administrative. Cela se concrétise notamment par le fait que cette personne doit être informée de l'existence de la procédure (cf. art. 14 et 14a LAAF), qu'elle peut y prendre part (art. 15 LAAF) et que, si elle s'oppose à la transmission de renseignements, l'Administration fédérale doit lui notifier une décision finale, dans laquelle elle justifie l'octroi de l'assistance administrative et précise l'étendue des renseignements à transmettre (art. 17 al. 1 LAAF).  
 
6.3. S'il apparaît, au cours de la procédure devant l'Administration fédérale, que la personne visée par la demande est décédée, aucune décision finale ne peut lui être notifiée. Cet obstacle lié au décès découle du choix de la Suisse de conférer des droits procéduraux aux personnes intéressées. Or, comme le droit de procédure qui s'applique en droit interne ne peut pas entraver la bonne exécution de l'assistance administrative (supra consid. consid. 6.1), cette impossibilité de notifier ne peut pas conduire la Suisse à s'abstenir d'exécuter l'assistance administrative en cas de décès, puisque les renseignements requis conservent leur pertinence vraisemblable (supra consid. 5.3; arrêt 2C_795/2022 du 15 mars 2024 consid. 6.3). C'est pourquoi l'art. 18a LAAF prévoit que l'assistance administrative peut être exécutée concernant des personnes décédées et que leurs successeurs en droit se voient conférer le statut de parties.  
 
6.4. L'historique de cette disposition montre que l'art. 18a LAAF a été introduit dans la LAAF lors de la révision partielle de la loi entrée en vigueur le 1er novembre 2019 (RO 2019 3161), pour donner suite à une recommandation du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales (ci-après: Forum mondial) d'assurer l'exécution de l'échange de renseignements en cas de décès de la personne visée (arrêt 2C_795/2022 du 15 mars 2024 consid. 6.4). Cette exécution n'était alors pas garantie, en raison d'une jurisprudence initiée en 2010 par le Tribunal administratif fédéral, qui statuait comme unique instance de recours dans le domaine de l'assistance administrative internationale fiscale (la possibilité de recourir au Tribunal fédéral n'est ouverte que depuis le 1er février 2013, avec l'entrée en vigueur de l'art. 84a LTF [RO 2013 231]). Dans l'arrêt A-6711/2010 du 1er décembre 2010, le Tribunal administratif fédéral avait en effet constaté la nullité d'une décision finale que l'Administration fédérale avait notifiée à une personne visée par une demande d'assistance administrative, mais qui était décédée, ce qui avait pour conséquence selon cet arrêt que l'assistance administrative ne pouvait pas être exécutée (cf. consid. 3.4 de l'arrêt; CÉLINE MARTIN/MICHAEL URWYLER, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, Amtshilfe, 2020, § 8 Verfahren vor ESTV, n° 31; arrêt 2C_795/2022 du 15 mars 2024 consid. 6.4). Afin qu'il soit tout de même possible d'exécuter l'assistance administrative en cas de décès de la personne visée par une demande, l'Administration fédérale avait alors développé une pratique consistant à déterminer les éventuels successeurs légaux pouvant servir de destinataires de la décision finale, mais cette pratique supposait que les successeurs légaux disposent de la capacité d'être partie et de la capacité d'ester en justice selon le droit suisse et qu'ils puissent être identifiés, ce qui n'était pas toujours possible (cf. Message du 21 novembre 2018 sur la mise en oeuvre des recommandations du Forum mondial émises dans le rapport de phase 2 de la Suisse, FF 2019 300 ch. 2.3.1.1). C'est la raison pour laquelle, dans son rapport d'examen de la Suisse du 16 juillet 2016 (phase 2), le Forum mondial a recommandé à la Suisse de faire en sorte que "les renseignements sur les personnes décédées puissent être échangés en toutes circonstances" (Message précité, FF 2019 277 ch. 2.3.1; arrêt 2C_795/2022 du 15 mars 2024 consid. 6.4).  
 
6.5. L'art. 18a LAAF permet ainsi à la Suisse d'assurer l'exécution d'une demande d'assistance administrative lorsqu'il apparaît que la personne visée par la demande est décédée. Il ne s'agit donc pas d'une disposition matérielle, mais procédurale, contrairement à ce que soutiennent les recourants (arrêt 2C_795/2022 du 15 mars 2024 consid. 6.5). Cette portée correspond à la vocation de la LAAF, qui consiste à régler l'exécution en Suisse des demandes d'assistance administrative (supra consid. 3). En outre, l'art. 18a LAAF permet de mettre en oeuvre les obligations internationales de la Suisse (supra consid. 5.3). Il s'ensuit que l'art. 18a LAAF ne déroge pas à la nature procédurale de cette loi fédérale. Partant, elle s'applique immédiatement dès son entrée en vigueur et donc aux demandes d'assistance administrative en matière fiscale en cours, indépendamment de la date à laquelle elles ont été formulées, de la date du décès de la personne visée ou des périodes concernées par la demande d'assistance administrative (arrêt 2C_795/2022 du 15 mars 2024 consid. 6.5).  
Enfin, l'application de l'art. 18a LAAF aux demandes concernant des personnes décédées qui étaient pendantes au 1er novembre 2019 ne crée pas d'inégalité de traitement ou de situation arbitraire par rapport à celles qui, traitées avant le 1er novembre 2019, ont abouti à un refus de l'assistance administrative en raison de la pratique qui prévalait jusqu'alors (supra consid. 6.4). En effet, les États requérants qui se seraient vu refuser l'assistance administrative de la Suisse en raison du décès de la personne visée peuvent adresser une nouvelle demande d'assistance administrative à l'Administration fédérale. Les recourants ne peuvent donc pas se prévaloir des art. 8 et 9 Cst. pour obtenir le rejet de la demande d'assistance en tant qu'elle concerne feus D.________ et E.________. 
 
6.6. En conséquence, c'est à juste titre que le Tribunal administratif fédéral a jugé que la demande d'assistance administrative du 11 mai 2016 devait être exécutée concernant feus D.________ et E.________. Le grief de violation de l'art. 18a LAAF en lien avec l'interdiction de la rétroactivité des lois, infondé, est donc rejeté.  
 
7.  
Ce qui précède conduit au rejet du recours. Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 3 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, à l'Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, et au Tribunal administratif fédéral, Cour VI. 
 
 
Lausanne, le 26 avril 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
La Greffière : S. Vuadens