4A_125/2023 21.12.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_125/2023  
 
 
Arrêt du 21 décembre 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jametti, Présidente, Hohl et Rüedi. 
Greffier : M. Botteron. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Pascal Jeannin, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ frères, 
représentée par Me Cyril Kleger, 
intimée. 
 
Objet 
prêt, allégation, appréciation des preuves; 
 
recours contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2023 par la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel 
(CACIV.2022.82/lbb). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. C.________ et ses fils D.________ et E.________ ont été associés de la société en nom collectif "F.________ & fils" depuis le 9 avril 2009. A la suite du départ de C.________, la société a pris le nom de "B.________ frères" le 18 avril 2016. Cette société a pour but l'exploitation d'une communauté d'exploitation agricole, d'un atelier de mécanique agricole, ainsi que d'un commerce de bétail.  
Depuis 2017, les relations entre les associés se sont détériorées et en juillet 2017, D.________ a saisi l'autorité de conciliation d'une requête tendant à l'exclusion de E.________ de la société en nom collectif. 
 
A.b. A.________, épouse de E.________ (ci-après: la prêteuse ou la défenderesse ou la recourante), allègue avoir négocié avec C.________ un prêt en faveur de la société en nom collectif (ci-après: la société ou la demanderesse ou l'intimée), qui était en manque de liquidités, et que son mari s'est borné à rédiger, en allemand, le contrat de prêt, intitulé "Darlehensvertrag", du 24 juillet 2011, qui a été signé par elle et lui. Le prêt de 36'000 fr. devait être remboursé en quatre tranches de 10'000 fr. échelonnées de septembre à décembre 2011.  
Le 26 juillet 2011, A.________ a versé le montant de 36'000 fr. sur un compte ayant pour unique titulaire E.________, et non sur un compte de la société en nom collectif. Tant la prêteuse que E.________ soutiennent toutefois que ce compte personnel était "à disposition" et "propriété" de la société en nom collectif. 
Le 7 septembre 2011, E.________ en a transféré 30'000 fr. sur un compte de la société en nom collectif. 
Dans la comptabilité de la société en nom collectif de l'exercice 2011, un montant de 36'000 fr. a été comptabilisé dans le compte 2080 intitulé "Prêt E.________", dont le solde de 500'000 fr. a ainsi été porté à 536'000 fr. 
Le prêt de 36'000 fr. n'a pas été remboursé à la prêteuse. Celle-ci a déclaré en avoir demandé le remboursement à E.________, puis à C.________. 
 
A.c. Les parties divergent quant à l'identité de l'emprunteur. Pour la prêteuse, c'est la société en nom collectif qui a cette qualité et qui doit donc lui rembourser le prêt; pour celle-ci, c'est le mari de la prêteuse qui a cette qualité et en est donc le débiteur.  
 
A.d. Près de 8 ans plus tard, le 18 avril 2019, A.________ a déposé une réquisition de poursuite contre la société en nom collectif portant sur le montant de 36'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 25 octobre 2011, indiquant comme titre de créance le remboursement du prêt de 2011. La société, par sa fondée de procuration G.________, a fait opposition totale au commandement de payer qui lui a été notifié le 2 mai 2019. La mainlevée provisoire de cette opposition a été accordée par décision du Tribunal civil régional du Littoral et du Val-de-Travers du 12 mars 2020, lequel a considéré que le montant de 36'000 fr. avait été versé sur le compte de la société le 26 juillet 2011 et qu'il l'avait donc été en exécution du contrat de prêt du 24 juillet 2011.  
 
B.  
La société en nom collectif a ouvert action en libération de dette contre A.________ devant le Tribunal civil le 22 avril 2020, concluant à ce qu'il soit dit qu'elle n'est pas la débitrice du montant de 36'000 fr., ni des frais de poursuite. 
La défenderesse a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement, au prononcé de la mainlevée définitive à concurrence du montant de 36'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 25 octobre 2011 et des frais de poursuite et de mainlevée. 
Les parties ont encore répliqué et dupliqué. 
Par jugement du 4 octobre 2022, le Tribunal civil a rejeté la demande et déclaré irrecevable la demande reconventionnelle. En bref, il a considéré que le contrat de prêt avait été conclu avec la société en nom collectif. 
Statuant le 23 janvier 2023, la Cour d'appel civile a admis l'appel de la société en nom collectif et réformé le jugement en ce sens que la demanderesse ne doit pas à la défenderesse le montant de 36'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 25 octobre 2011. En bref, elle a considéré que la défenderesse avait conclu le contrat de prêt avec son mari, qui avait, lui, prêté tout ou partie de cet argent à la société en nom collectif. 
 
C.  
Contre cet arrêt, qui lui a été notifié le 27 janvier 2023, la défenderesse a interjeté un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral le 27 février 2023. Principalement, elle conclut à l'admission de son recours en matière civile, concluant à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que l'action en libération de dette de la société en nom collectif est rejetée et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Plus subsidiairement, elle conclut à l'admission de son recours constitutionnel subsidiaire, à l'annulation de l'arrêt cantonal et au rejet de l'action en libération de dette et, plus subsidiairement encore, à l'annulation de celui-ci et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle invoque, premièrement, la violation des art. 55 et 317 CPC, ainsi que de l'art. 8 CC et subsidiairement de l'art. 153 al. 2 CPC, deuxièmement, la violation des art. 168 al. 1 let. f, 191 et 192 CPC et, troisièmement l'appréciation arbitraire des faits en violation de l'art. 9 Cst. 
La demanderesse intimée conclut au rejet du recours. 
La recourante a encore déposé des observations. L'intimée y a renoncé. La cour cantonale s'est référée à son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par un tribunal cantonal supérieur (art. 75 LTF), par la partie défenderesse, qui a succombé dans ses conclusions dans l'action en libération de dette que lui a intentée la demanderesse (art. 83 al. 2 LP; art. 76 al. 1 LTF), dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. Le recours constitutionnel subsidiaire est donc irrecevable. 
 
2.  
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Relèvent de ces faits tant les constatations relatives aux circonstances touchant l'objet du litige que celles concernant le déroulement de la procédure conduite devant l'instance précédente et en première instance, c'est-à-dire les constatations ayant trait aux faits procéduraux (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Le Tribunal fédéral ne peut rectifier les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5) ou ont été établies en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
Une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 144 III 145 consid. 2; 132 I 13 consid. 5.1; 131 I 217 consid. 2.1, 57 consid. 2; 129 I 173 consid. 3.1). 
Le Tribunal fédéral se montre réservé en matière de constatations de fait et d'appréciation des preuves, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en ce domaine aux autorités cantonales. Il n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Pour chaque constatation de fait incriminée, elle doit démontrer comment les preuves administrées auraient dû, selon elle, être correctement appréciées et en quoi leur appréciation par l'autorité cantonale est insoutenable (arrêt 5A_621/2013 du 20 novembre 2014 consid. 2.1, non publié aux ATF 141 III 53). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
 
3.  
Est litigieuse la question de savoir si la prêteuse a prêté le montant de 36'000 fr. à son mari, qui l'a ensuite prêté en tout ou en partie à la société en nom collectif, comme l'a retenu la cour cantonale, ou si la prêteuse l'a prêté directement à la société en nom collectif, comme elle le soutient. 
 
3.1. Le prêt de consommation est un contrat par lequel le prêteur s'oblige à transférer la propriété d'une somme d'argent ou d'autres choses fongibles à l'emprunteur, à charge pour ce dernier de lui en rendre autant de même espèce et qualité (art. 312 CO) (ATF 144 III 93 consid. 5.1.1). Savoir si un contrat de prêt a été conclu et quels en sont le prêteur, respectivement l'emprunteur ressortit à l'interprétation de la volonté des parties conformément aux principes généraux applicables à l'interprétation des contrats (ATF 144 III 93 consid. 5.2).  
Le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; arrêt 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4). L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. Si le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises ou, au contraire, qu'elles ne se sont pas comprises, il s'agit de constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles ne soient manifestement inexactes (art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; arrêt 4A_643/2020 précité consid. 4). 
Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, qu'il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt 4A_643/2020 précité consid. 4). 
 
3.2. Il résulte de l'arrêt attaqué que la cour cantonale a constaté, par appréciation des preuves, la volonté subjective des parties: elle a retenu que la prêteuse avait eu l'intention d'accorder un prêt à son mari E.________, et non à la société en nom collectif, et que celui-ci avait accepté ce prêt à titre personnel, pour son propre compte, et non pour celui de la société. Elle est parvenue à cette conviction en se basant sur deux éléments de fait: premièrement, la prêteuse a versé le montant de 36'000 fr. sur un compte dont son mari était l'unique titulaire, alors même que la société disposait de son propre compte; deuxièmement, dans la comptabilité de la société, aucune créance de prêt de la prêteuse n'a été comptabilisée, avec pièce justificative à l'appui, mais y figure, dans le compte 2080 intitulé "Prêt E.________", un montant de 36'000 fr., qui a fait passer le solde de ce compte de 500'000 fr. à 536'000 fr.  
La cour cantonale en a déduit que l'épouse a, dans un premier temps, prêté 36'000 fr. à son mari à titre personnel et que, dans un second temps, celui-ci a prêté en tout ou en partie ce montant à la société. Elle a estimé que cette conclusion se justifiait d'autant plus que le mari E.________ est expert-comptable diplômé et qu'il a signé et approuvé les comptes de l'exercice 2011 de la société en nom collectif. Au vu de ces constatations, la cour cantonale en a déduit que, selon toute vraisemblance, le contrat écrit du 24 juillet 2011 a été créé pour les besoins de la cause, pour permettre à la prêteuse de réclamer le remboursement du prêt directement à la société en nom collectif. 
Puis, la cour cantonale a écarté les déclarations faites en audience par la prêteuse et par son mari: elle a jugé que leurs déclarations selon lesquelles ce prêt avait été accepté par le père des associés, C.________, n'étaient pas crédibles, car, si tel avait été le cas, c'est lui qui aurait signé le contrat de prêt. Leurs déclarations ne sont d'ailleurs pas constantes et la prêteuse a renoncé à l'audition du père. 
 
3.3. Pour la bonne compréhension de la motivation qui suit, il s'impose d'examiner en premier lieu le troisième grief de la recourante, soit l'appréciation arbitraire de la volonté subjective des parties, le sort des deux autres griefs de la recourante étant réservé à ce stade.  
 
3.3.1. La cour cantonale s'est basée sur les deux éléments objectifs que sont le versement du montant par la prêteuse sur le compte personnel de son mari et l'écriture comptable, qui a été passée dans les comptes de la société, d'un prêt du mari à la société.  
 
3.3.2. La recourante ne parvient pas à démontrer l'arbitraire des deux éléments objectifs susmentionnés.  
Dans la mesure où la recourante soutient que, même si elle a versé l'argent sur un compte dont son mari était titulaire, son intention était de faire un prêt à la société, elle ne démontre pas que l'appréciation de la cour cantonale serait arbitraire. Certes, une déclaration de partie est un moyen de preuve (art. 168 al. 1 let. f et 191 CPC), contrairement à ce qu'a écrit la cour cantonale, mais ce moyen est soumis à la libre appréciation du tribunal (art. 157 CPC). Or, en l'occurrence, la cour cantonale a considéré que, vu le litige existant entre les associés, les déclarations de la défenderesse et de son mari n'étaient pas crédibles. 
En tant qu'elle soutient que la façon dont son prêt a été comptabilisé dans les comptes de la société est sans importance puisque l'argent a finalement été mis à disposition de la société et que son intention était bien de le prêter à la société, la recourante ne démontre aucun arbitraire. Elle ne fournit aucune explication plausible au fait que le contrat ne se trouvait pas comme pièce justificative dans la comptabilité de la société, ni pourquoi son mari, expert-comptable, aurait signé et approuvé les comptes de l'exercice 2011 indiquant que le prêt était le sien propre. Sa thèse est en contradiction avec ce qui a été réellement fait. Il ne lui suffit pas d'invoquer son intention pour démontrer que son prêt aurait été fait directement à la société. 
 
3.3.3. La recourante ne peut en réalité opposer à ces deux éléments objectifs, constatés sans arbitraire, qu'un autre élément objectif, le contrat écrit du 24 juillet 2011, qui fait état d'un prêt à la société et qui a été signé par son mari en tant que représentant de la société.  
Or, la cour cantonale l'a écarté en considérant que les déclarations de la défenderesse et de son mari, selon lesquelles ce contrat aurait été négocié par le père, C.________, et seulement rédigé (en allemand) et signé par ledit mari, ne la convainquaient pas. En se limitant à opposer, à cette appréciation de la cour cantonale, que le frère de son mari, coassocié, et un tiers connaissaient l'existence de ce contrat depuis 2018, et que la société n'en aurait pas contesté la date d'établissement (cf. également, sur la contestation de ce contrat, le consid. 3.4 ci-dessous), la recourante n'en démontre pas l'arbitraire. 
La cour cantonale n'a pas contesté que le montant de 36'000 fr. a été finalement mis à la disposition de la société et qu'il se retrouve dans ses comptes. La question est toutefois de savoir si la société l'a enregistré et accepté comme étant un prêt de son associé E.________ - ce qui résulte des écritures comptables -, ou comme le prêt d'un tiers, soit de la femme dudit associé. La seule volonté intime de la prêteuse n'est pas déterminante. Les griefs tirés de la taxation de ce montant et les déductions que la recourante en tire, pour peu qu'elles soient compréhensibles, ne changent donc rien à ce qui précède. 
Il sied d'ajouter encore que, puisque la demanderesse a contesté être liée par ce contrat (cf. consid. 3.4 ci-dessous) et que la défenderesse n'est pas parvenue à établir que, comme elle l'affirmait, elle l'aurait négocié avec le père des associés, C.________, également titulaire de la signature individuelle, alors que son mari E.________ n'en aurait été que le rédacteur et traducteur en allemand, la cour cantonale pouvait, sans arbitraire, retenir que les deux éléments objectifs l'emportaient et que la prêteuse avait concédé le prêt à son mari, en versant sur son compte le montant de 36'000 fr., ledit mari en ayant ensuite - environ un mois plus tard - prêté une partie à la société. Si la défenderesse n'est pas parvenue à prouver que le père, comme elle l'affirme, aurait contracté le prêt au nom de la société, elle ne peut être suivie lorsqu'elle soutient ensuite que son mari aurait engagé la société puisqu'il avait la signature individuelle. 
 
3.4. Dans son premier grief, en relation avec la non-prise en considération du contrat de prêt du 24 juillet 2011, la recourante se plaint de la violation des art. 55 et 317 CPC, ainsi que de l'art. 8 CC, puis subsidiairement de l'art. 153 al. 2 CPC. Elle soutient que la demanderesse n'aurait pas contesté l'allégué correspondant de sa réponse, dans lequel elle affirmait que ce contrat avait été rédigé et signé le 24 juillet 2011 et, partant, que faute de contestation, ce fait devait être considéré comme admis.  
Force est toutefois de constater (art. 105 al. 2 LTF) que la demanderesse elle-même a allégué dans sa demande en libération de dette, aux allégués n° 54 et 56, qu'elle conteste qu'un contrat de prêt ait été conclu entre elle et la prêteuse et que même D.________ et C.________ ignorent tout des circonstances dans lesquelles ce document a été établi et qu'ils n'en n'ont pas eu connaissance avant la requête de mainlevée. Dans sa réponse, si elle a contesté ces allégués, la défenderesse a fait valoir en substance qu'elle a obtenu la mainlevée sur cette base et que c'est le père des associés, C.________, qui a négocié le prêt avec elle, prêt que son mari E.________ s'est borné à rédiger en allemand, invoquant à titre de preuve l'interrogatoire du dit père. Il en découle que, par ses propres allégués, la demanderesse a valablement introduit au procès sa contestation du contrat du 24 juillet 2011 et donc que le tribunal pouvait en tenir compte. 
En ce qui concerne l'allégation de "faux", on relève qu'avant l'interrogatoire du père, C.________, qui avait prétendument négocié le contrat avec la prêteuse (l'échange des écritures de première instance s'étant terminé le 25 janvier 2021 et la pièce 28 étant l'interrogatoire de celui-ci le 30 novembre 2021), la demanderesse n'avait aucune raison de soutenir que le contrat du 24 juillet 2011 était un faux. Ce n'est qu'à la suite de la renonciation de la défenderesse au témoignage de celui-ci, le 1er juin 2022, et de la production de la pièce 28 que la demanderesse a interprété cette renonciation comme un élément "laissant penser que le titre est constitutif d'un faux", tout en persistant dans l'audition de ce témoin par courrier du 3 juin 2022. 
Par conséquent, le tribunal était bien saisi de la problématique de la validité du contrat écrit du 24 juillet 2011. Le grief de violation de l'art. 55 al. 1 CPC est donc infondé. Il n'y a pas eu non plus de violation de l'art. 317 CPC, la question de la validité du contrat n'ayant pas été soulevée pour la première fois en appel, mais ayant déjà été soumise au tribunal de première instance. 
La cour cantonale ayant considéré, par appréciation des preuves (art. 157 CPC), que les deux éléments objectifs l'emportaient sur le contrat écrit dont il a été allégué, mais non prouvé qu'il aurait été négocié avec le père, C.________, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la question de savoir s'il est authentique, que ce soit sous l'angle de l'art. 178 CPC ou de l'art. 8 CC (sur la distinction entre l'authenticité relative à l'identité de l'auteur et l'authenticité du contenu du titre, cf. ATF 144 III 453), ni sur le point de savoir si la cour cantonale pouvait en juger au degré de la "toute vraisemblance" (art. 8 CC) et sans plus ample instruction au vu de l'art. 153 al. 2 CPC
 
3.5. Dans son deuxième grief, en relation avec la non-prise en compte de son interrogatoire, la recourante invoque la violation des art. 168 al. 1 let. f, 191 et 192 CPC. Selon elle, la cour aurait dû retenir qu'elle avait voulu accorder le prêt à la société, qui était en manque de liquidités, et qu'elle a versé le montant de 36'000 fr. sur un compte dont son mari était titulaire, mais dont elle savait qu'il était celui de la société en nom collectif.  
 
3.5.1. C'est effectivement à tort que la cour cantonale considère que l'interrogatoire d'une partie n'est pas un moyen de preuve (art. 168 al. 1 let. f CPC, Message relatif au CPC du 28 juin 2006, FF 2006 p. 6841 ss, p. 6934 ad art. 188 à 190).  
 
3.5.2. Toutefois, ce moyen de preuve est soumis à l'appréciation libre du tribunal conformément à l'art. 157 CPC. En principe, le tribunal ne se fie à la déclaration d'une partie en justice que lorsque des circonstances particulières cautionnent la sincérité de cette partie ou, tout au moins, que certains indices objectifs viennent étayer ses déclarations (HOHL, Procédure civile, T. I, Berne 2016, n. 1847 et l'arrêt cantonal cité).  
En l'espèce, la cour cantonale n'a pas fait abstraction des déclarations de la défenderesse en audience, mais a considéré que les déclarations de celle-ci et de son mari devaient être prises en compte avec circonspection vu leur intérêt à l'issue du litige. Au surplus, comme on l'a vu (cf. consid. 3.3.3 in fine), la cour cantonale pouvait, sans arbitraire, retenir que les deux éléments objectifs qu'elle a retenus l'emportaient et que la prêteuse avait accordé le prêt à son mari. La recourante méconnaît que sa seule volonté n'est pas suffisante pour admettre l'existence d'un contrat avec la société, qu'il y faut encore la volonté de la société. Or, aucun élément ne l'établit; et la défenderesse n'a pas invoqué d'éléments propres à établir une volonté objective de celle-ci. 
 
4.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Les frais et dépens seront mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable. 
 
2.  
Le recours en matière civile est rejeté dans la faible mesure où il est recevable. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 21 décembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
Le Greffier : Botteron