7B_125/2023 30.11.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_125/2023  
 
 
Arrêt du 30 novembre 2023  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Koch, Kölz, 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Maîtres Christine Magnin et Julien Léchot, avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg, 
 
1. B.________, 
représentée par Me Christophe Sansonnens, 
2. C.________, 
 
Objet 
Procédure pénale; ordonnance de suspension; disjonction des causes, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 20 février 2023 
(502 2023 10 - 502 2023 11). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 24 octobre 2020, la Police cantonale fribourgeoise a établi un rapport à l'attention du Ministère public de l'État de Fribourg en lien avec un accident de la circulation, impliquant des cycles, qui avait eu lieu le 19 août 2020 à U.________ (FR), au chemin V.________. Il en ressortait ce qui suit.  
Entendue par la police, B.________ avait expliqué qu'alors qu'elle faisait le tour du lac de Neuchâtel à vélo, accompagnée de son ami C.________, elle avait vu, arrivée à U.________, qu'un cycliste - identifié comme étant A.________ - les précédait d'environ 10 mètres. A ce moment, ce dernier avait entamé un virage "à 360 degrés" sur le chemin, sans s'arrêter au préalable ni indiquer son changement de direction. B.________ avait alors crié "Attention" à plusieurs reprises, sans toutefois pouvoir éviter une collision avec A.________, qui lui avait causé, dans sa chute, une fracture du tibia et du péroné. Elle a déposé une plainte pénale contre A.________ et s'est constituée partie plaignante. 
Également entendu par la police, A.________ avait relaté que, circulant à vélo, il avait aperçu des amis sur la droite de la chaussée, ce qui l'avait amené à entreprendre une manoeuvre afin d'obliquer à gauche, sans toutefois s'apercevoir que deux cyclistes arrivaient dans son dos pour le dépasser. Alors qu'il venait de commencer sa manoeuvre, une collision a eu lieu. Lors de son audition, A.________ a expliqué ne pas savoir si c'était C.________ ou B.________ qu'il avait percuté, ni se souvenir s'il avait indiqué son changement de direction. 
 
A.b. Le 20 novembre 2020, le Ministère public a ouvert, en raison de ces faits, une instruction pénale contre A.________ pour lésions corporelles par négligence et contre B.________ pour violation des règles de la circulation routière.  
 
B.  
 
B.a. Le 7 novembre 2022, A.________ a requis du Ministère public la mise en prévention de C.________ du chef de violation des règles de la circulation routière. Selon A.________, plusieurs éléments portaient en effet à croire que le dénoncé avait été directement impliqué dans l'accident du 19 août 2020.  
Le 15 novembre 2022, le Ministère public a informé A.________ et B.________ qu'il n'entendait pas ouvrir une instruction pénale contre C.________, faute de soupçons suffisants. 
Le 24 novembre 2022, A.________ a relevé, à l'attention du Ministère public, que son courrier du 7 novembre 2022 devait être compris comme une dénonciation, de sorte que, s'il n'entendait pas y donner suite, il lui appartenait de rendre immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière, en application de l'art. 310 CPP
 
B.b. A cette suite, par ordonnance du 29 décembre 2022, le Ministère public a "suspendu la procédure pénale" visant C.________. Il a en particulier relevé ce qui suit dans les considérants de son ordonnance: "L'instruction ouverte à l'encontre de A.________ et de B.________ est à ce jour encore en cours. Il convient dès lors d'attendre l'issue de ce volet de la procédure pénale avant de statuer sur la dénonciation précitée (art. 314 al. 1 let. b CPP) ".  
 
B.c. Par arrêt du 20 février 2023, la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois a déclaré irrecevable le recours formé par A.________ contre l'ordonnance du 29 décembre 2022.  
 
C.  
 
C.a. A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 20 février 2023 (cause initialement ouverte sous la référence 1B_154/2023). Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que l'ordonnance du 29 décembre 2022 soit annulée et que le Ministère public soit invité à poursuivre, conjointement et dans une même procédure, les agissements de A.________, C.________ et B.________ relativement à l'accident de la circulation du 19 août 2020. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'arrêt du 20 février 2023 et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.  
Invités à se déterminer sur le recours, le Ministère public et la Chambre pénale renoncent à formuler des observations. C.________ indique se rallier en tous points à l'arrêt attaqué, alors que, pour sa part, B.________ conclut expressément au rejet du recours. 
 
C.b. Par ordonnance du 12 avril 2023, le Juge présidant la Ire Cour de droit public a admis la requête de mesures provisionnelles que A.________ avait assortie à son recours, en ce sens que la procédure pénale dirigée contre lui était suspendue jusqu'à droit connu sur son recours en matière pénale.  
 
C.c. Par avis du 3 juillet 2023, les parties ont été informées qu'en raison d'une réorganisation interne du Tribunal fédéral, la cause est désormais traitée par la IIe Cour de droit pénal, sous la référence 7B_125/2023.  
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 146 IV 185 consid. 2). 
 
1.1. Le recours en matière pénale au Tribunal fédéral est dirigé en l'espèce contre une décision d'irrecevabilité prise par une autorité cantonale statuant en tant que dernière instance (cf. art. 80 LTF). Dans une telle configuration et malgré la nature incidente du prononcé attaqué, le recours auprès du Tribunal fédéral est en principe recevable indépendamment de l'exigence d'un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 143 I 344 consid. 1.2). Seule peut cependant être portée devant le Tribunal fédéral la question de la recevabilité du recours cantonal (arrêt 1B_233/2022 du 4 octobre 2022 consid. 1.1), à l'exclusion de conclusions et arguments portant sur le fond.  
 
1.2. Selon l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires de recours au Tribunal fédéral doivent indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signés. En particulier, le recourant doit motiver son recours en exposant succinctement en quoi la décision attaquée viole le droit (cf. art. 42 al. 2 LTF). Pour satisfaire à cette exigence, il appartient au recourant de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse (ATF 140 III 86 consid. 2 et  
115 consid. 2); en particulier, la motivation doit être topique, c'est-à-dire se rapporter à la question juridique tranchée par l'autorité cantonale (ATF 123 V 335). 
Lorsque la décision querellée repose sur une double motivation dont chaque pan est indépendant et suffit à sceller l'issue de la procédure cantonale, il importe, sous peine d'irrecevabilité, de discuter chacune de ces deux motivations (cf. ATF 133 IV 119 consid. 6.3). 
Le Tribunal fédéral ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 143 IV 500 consid. 1.1). 
 
1.3. La cour cantonale a estimé qu'un doute subsistait en l'espèce sur la portée et sur la nature exacte de l'ordonnance du 29 décembre 2022. En effet, la teneur de celle-ci et l'absence d'ouverture formelle d'une instruction (cf. art. 309 CPP) contre C.________ étaient susceptibles de porter à confusion quant à la suite que le Ministère public avait donnée, ou entendait donner, à la dénonciation que le recourant lui avait adressée le 7 novembre 2022. Il convenait ainsi de distinguer deux hypothèses.  
 
1.3.1. Il était en premier lieu envisageable que, par cette ordonnance, le Ministère public avait entendu simplement informer les parties qu'à la suite de la dénonciation émise par le recourant, il différait le moment de son choix définitif consistant soit à ouvrir une instruction au sens de l'art. 309 CPP, soit à rendre une ordonnance de non-entrée en matière au sens de l'art. 310 CPP (première hypothèse; cf. arrêt attaqué, consid. 3.1 p. 4).  
Dans cette éventualité, il était fort douteux, selon la cour cantonale, que l'ordonnance fût un acte attaquable par un recours; au reste, même à supposer que ce fût le cas, il n'apparaissait pas que le recourant, en sa qualité de dénonciateur, disposât d'un intérêt juridiquement protégé (cf. art. 382 al. 1 CPP) à attaquer une telle ordonnance rendue contre un tiers, en l'occurrence non (encore) prévenu (cf. arrêt attaqué, consid. 3.1.3 p. 5). 
 
1.3.2. En second lieu, l'ordonnance du 29 décembre 2022 pouvait également être vue comme étant une authentique ordonnance de suspension de l'instruction, rendue en application de l'art. 314 CPP après que le Ministère public avait implicitement ouvert une instruction pénale contre C.________ (seconde hypothèse; arrêt attaqué, consid. 3.2 p. 5).  
Néanmoins, dans ce cas également, et même si l'ordonnance avait par ailleurs pour effet implicite une disjonction des procédures (cf. art. 30 CPP), le recourant devait se voir dénier tout intérêt juridiquement protégé au sens de l'art. 382 al. 1 CPP, ses critiques revenant en définitive uniquement à se plaindre de la manière dont était traité un co-prévenu (cf. arrêt attaqué, consid. 3.2.2 p. 6). Le recourant ne disposait au demeurant que d'une perspective d'un intérêt futur, qui n'était susceptible d'être réalisé qu'en cas de mise en prévention formelle de C.________. Or une telle perspective était insuffisante en l'état pour justifier une qualité pour recourir au sens de l'art. 382 al. 1 CPP (cf. arrêt attaqué, consid. 3.2.3 p. 7). Enfin, même si le recourant devait être considéré comme dénonciateur dans la cause concernant C.________ - et non comme co-prévenu -, il avait échoué à démontrer en quoi, au regard de l'art. 105 al. 2 CPP, il serait directement touché dans ses droits (cf. arrêt attaqué, consid. 4.3 p. 7). 
 
1.4. Dans son mémoire de recours, le recourant présente son argumentaire en tenant pour acquis que le Ministère public avait effectivement ouvert une instruction contre C.________, ce qu'il précise d'ailleurs expressément (cf. mémoire de recours, ch. 6 p. 6).  
 
1.4.1. Ce point n'a toutefois rien d'évident.  
Si la cour cantonale a certes relevé que l'existence d'une "ouverture implicite" d'une instruction contre C.________ constituait l'hypothèse la "plus vraisemblable" (cf. arrêt attaqué, consid. 3.2 p. 5), elle n'a cependant nullement exclu ("il est tout d'abord possible"; cf. arrêt attaqué, consid. 3.1 p. 4) que, par son ordonnance du 29 décembre 2022, le Ministère public entendait en définitive se limiter à communiquer aux parties, de manière formelle, son intention de surseoir - jusqu'à droit connu sur les instructions pénales visant le recourant et B.________ - à déterminer la suite qui devait être donnée à la dénonciation du 7 novembre 2022, à savoir l'ouverture d'une instruction (cf. art. 309 al. 1 CPP), le refus d'entrer en matière (cf. art. 310 al. 1 CPP), voire le prononcé immédiat d'une ordonnance pénale (art. 309 al. 4 CPP). 
 
1.4.2. Plusieurs éléments plaident en effet en faveur de l'éventualité de l'absence d'ouverture d'une instruction pénale contre C.________. On relèvera ainsi que, s'il ressort du dossier cantonal que des ordonnances d'ouverture d'instruction (cf. art. 309 al. 3 CPP) avaient effectivement été établies concernant le recourant et B.________  
(cf. dossier cantonal, P. 5000 et 5001), le recourant ne prétend pas qu'une telle ordonnance ait été rendue concernant C.________. En tant que la jurisprudence reconnaît certes la possibilité d'une ouverture "implicite" ou "par actes concluants" - sans qu'il soit ordonné, par écrit, l'ouverture formelle d'une instruction en application de l'art. 309 al. 3 CPP -, un tel procédé ne saurait toutefois être admis trop facilement au vu de ses conséquences sur la procédure, notamment sur la défense obligatoire (art. 131 al. 2 CPP) ou le droit de participation des parties (art. 147 CPP) (cf. en ce sens notamment arrêt 1B_183/2012 du 20 novembre 2012 consid. 3.2; GRODECKI/CORNU, Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd., 2019, n° 3c ad art. 309 CPP). Or le recourant ne démontre pas que le Ministère public aurait procédé à un quelconque acte d'enquête dans le cadre d'une instruction qui aurait été dirigée contre C.________ spécifiquement, de sorte qu'il n'est pas possible de retenir qu'une telle instruction aurait été ouverte par actes concluants (cf. ATF 141 IV 20 
consid. 1.1.4). 
Certes l'ordonnance du 29 décembre 2022 fait référence à 
l'art. 314 CPP ("Suspension"), ceci tant dans ses considérants que dans son dispositif. Il apparaît néanmoins que le Ministère public n'a pas signifié, dans le dispositif de l'ordonnance, que la suspension portait sur une instruction - comme le dispose le texte de l'art. 314 CPP -, mais bien sur la procédure pénale, notion qui se rapporte plutôt à celle de procédure préliminaire, laquelle se compose tant de la procédure d'investigation de la police que de l'instruction conduite par le ministère public (cf. art. 299 al. 1 CPP). De même, il peut être compris des considérants de l'ordonnance que la suspension portait sur le "traitement de la dénonciation" du recourant et non sur une hypothétique instruction qui aurait été ouverte de manière implicite (cf. ordonnance du 29 décembre 2022, p. 1: "L'instruction ouverte à l'encontre de A.________ et de B.________ est à ce jour encore en cours. Il convient dès lors d'attendre l'issue de ce volet de la procédure pénale avant de statuer sur la dénonciation précitée").  
L'ordonnance du 29 décembre 2022 peut du reste être lue dans la perspective de l'avis que le Ministère public avait préalablement adressé aux parties le 15 novembre 2022 et par lequel il les avait informées, en référence à l'art. 309 al. 1 let. a CPP, que, selon lui, les éléments au dossier ne laissaient pas apparaître de soupçons suffisants permettant de présumer que C.________ s'était rendu coupable d'infractions à la loi fédérale sur la circulation routière (LCR; RS 741.01; cf. dossier cantonal, P. 9127). 
 
1.4.3. Cela étant, le recourant, qui ne revient pas sur ces aspects, s'abstient de démontrer en quoi il faudrait considérer comme établi le fait qu'une instruction avait été valablement ouverte contre C.________. Il n'explique pas non plus en quoi, dans l'hypothèse de l'absence d'ouverture d'instruction, l'ordonnance du 29 décembre 2022 constituerait un acte attaquable en vertu des art. 393 ss CPP, étant au surplus rappelé que le simple dénonciateur, non lésé ni partie plaignante, ne jouit d'aucun autre droit en procédure que celui d'être informé de la suite donnée à sa dénonciation (cf. art. 301 al. 2 et 3 CPP). Il ne prétend pas plus que le report par le Ministère public du traitement de sa dénonciation consacrait un déni de justice formel (art. 29 al. 1 Cst.), voire une violation du principe de célérité (art. 5 CPP).  
Le recourant concentre en définitive ses critiques sur un seul pan de la motivation présentée par la cour cantonale (cf. consid. 1.3.2), sans revenir sur la motivation alternative également exposée dans l'arrêt attaqué (cf. consid. 1.3.1). 
 
2.  
Il s'ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable, faute d'une motivation suffisante (cf. art. 42 al. 1 LTF). 
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à C.________ et à B.________, ceux-ci n'en ayant pas requis. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de l'Etat de Fribourg, à B.________, à C.________ et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, 
 
 
Lausanne, le 30 novembre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
Le Greffier : Tinguely