9C_469/2022 12.07.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_469/2022  
 
 
Arrêt du 12 juillet 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Stadelmann, Juge présidant, Moser-Szeless et Scherrer Reber. 
Greffier : M. Bleicker. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
agissant par sa mère B.________, 
représentée par M e Gilles de Reynier, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350 Saignelégier, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (allocation pour impotent), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 9 septembre 2022 
(AI 2 / 2021, AJ 3 / 2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, né en 2002, présente une infirmité congénitale (trouble du spectre autistique), avec des troubles relationnels et du comportement, des difficultés alimentaires et un retard mental léger. Il bénéficie d'une curatelle de portée générale. L'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura (ci-après: l'office AI) a pris en charge différentes mesures et lui a alloué une allocation pour impotence de degré faible du 1 er mars au 31 juillet 2008, puis de degré moyen depuis le 1 er août 2008 (décision du 12 octobre 2009). Le droit à cette prestation a été maintenu jusqu'au 31 mai 2020 (cf. communication du 30 mai 2017).  
Le 31 janvier 2020, A.________ a présenté une demande d'allocation pour impotent pour majeur. L'office AI a procédé à une enquête à domicile le 23 avril 2020, qui s'est déroulée par téléphone en raison des restrictions liées à la pandémie de Covid-19. Dans un rapport du même jour, l'enquêtrice de l'office AI a constaté que l'intéressé avait besoin d'un accompagnement régulier et durable pour faire face aux nécessités de la vie (vivre de manière indépendante à la maison et accompagnement pour les activités et les contacts hors du domicile). Par décision du 17 novembre 2020, l'office AI a alloué à l'assuré une allocation pour impotence de degré faible dès le 1 er juin 2020. Il lui a également octroyé une rente extraordinaire de l'assurance-invalidité dès le 1 er juin 2020 (décision du 14 octobre 2020).  
 
B.  
A.________ a déféré la décision du 17 novembre 2020 à la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura. Il a produit notamment les avis du docteur C.________, spécialiste en pédiatrie et médecin traitant (du 23 décembre 2020), de D.________, psychologue auprès du Centre jurassien d'orientation scolaire et professionnelle et de psychologie scolaire (du 17 décembre 2020), et de E.________, psychologue (du 19 janvier 2021). Statuant le 9 septembre 2022, le Tribunal cantonal a rejeté le recours. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont il demande la réforme. Il conclut au maintien de son allocation pour impotent de degré moyen au-delà du 31 mai 2020. Subsidiairement, il demande l'annulation de la décision de l'office AI du 17 novembre 2020 et de l'arrêt du 9 septembre 2022 et le renvoi de la cause respectivement à l'office AI ou à l'autorité précédente pour complément d'instruction et nouvelle décision. Il sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire. 
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales renonce à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur la réduction de l'allocation pour impotence de degré moyen, allouée au recourant depuis le 1 er août 2008, à une allocation pour impotent de degré faible à partir du 1 er juin 2020, par voie de la révision (consid. 6.1 infra). A cet égard, l'arrêt attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables à la notion d'impotence (art. 9 LPGA, art. 42 al. 3 LAI et art. 37 al. 2 et 3 RAI) et aux six actes ordinaires de la vie déterminants pour évaluer celle-ci (se vêtir et se dévêtir; se lever, s'asseoir, se coucher; manger; faire sa toilette; aller aux toilettes; se déplacer à l'intérieur ou à l'extérieur, établir des contacts; ATF 133 V 450 consid. 7.2 et les références). Il suffit d'y renvoyer.  
 
2.2. A la suite des premiers juges, on rappellera que la loi distingue trois degrés d'impotence: grave, moyen ou faible (art. 42 al. 2 LAI). L'impotence est moyenne si l'assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin d'une aide régulière et importante d'autrui pour accomplir la plupart des actes ordinaires de la vie (art. 37 al. 2 let. a RAI); d'une aide régulière et importante d'autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, une surveillance personnelle permanente (art. 37 al. 2 let. b RAI), ou d'une aide régulière et importante d'autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l'art. 38 RAI (art. 37 al. 2 let. c RAI).  
 
3.  
En se fondant sur les conclusions de l'enquête à domicile du 23 avril 2020, la juridiction cantonale a retenu en définitive que le recourant avait besoin d'un accompagnement d'une tierce personne pour faire face aux nécessités de la vie. En ce qui concerne les actes ordinaires de la vie, elle a d'abord constaté que le recourant avait fait de grands progrès dans l'habillement. Sa mère lui avait appris à choisir ses vêtements, à s'habiller en fonction du temps et à gérer l'état de propreté. Elle devait en revanche lui rappeler occasionnellement quelle veste porter en hiver ou en été mais rien de plus. De plus, il pouvait mettre ses chaussures sans difficulté. Le contrôle que devait opérer sa mère n'était par conséquent qu'occasionnel, de sorte qu'il ne correspondait pas à une aide indirecte. Quant à l'acte faire sa toilette, le recourant était "autonome pour se doucher", compte tenu des explications figurant sur des pictogrammes, et ne voulait personne dans la salle de bain durant cet acte. Il avait une bonne hygiène et se rendait de façon autonome à la douche. Il se brossait les dents de façon précise, parvenait à se raser et était également autonome pour aller aux toilettes. 
Aussi, selon la juridiction cantonale, si le recourant n'avait certes par l'autonomie nécessaire pour vivre seul, dans le sens où sa mère devait quittancer chaque activité et que ce "coaching" était nécessaire au quotidien, il s'agissait là d'une approbation dont il avait besoin pour être conforté dans l'action qu'il avait à accomplir et qu'il était capable de mener seul de manière satisfaisante. Cela requérait néanmoins de l'entraînement, un environnement structuré et une anticipation maximale des événements à venir ainsi que, parfois, la présence de pictogrammes. L'aide de sa mère ne relevait par conséquent pas d'une aide indirecte, mais d'un accompagnement, d'une "présence qui rassure" et qui lui garantit un recours en cas du moindre imprévu. La mère du recourant anticipait et expliquait les activités à venir. Il ne s'agissait cependant pas d'une incitation ou d'une injonction répétée et insistante ni d'une directive prodiguée dans l'acte lui-même ou d'une surveillance de l'acte en question. La juridiction cantonale a enfin laissé ouverte la question de savoir si l'aide apportée par la mère au recourant pour l'acte "se déplacer" à l'extérieur devait être reconnue. 
 
4.  
 
4.1. Dans un grief qu'il convient d'examiner en premier, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), sous l'angle de son droit à obtenir une décision motivée. Il soutient que la juridiction cantonale a omis d'examiner l'un de ses griefs, soit que le rapport d'enquête à domicile était contradictoire, en ce sens que l'on ne comprenait pas pour quelle raison il aurait besoin de sa mère pour choisir un vêtement, lors d'un achat en magasin, mais qu'il deviendrait "subitement autonome" pour s'habiller une fois rentré chez lui.  
 
4.2. Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 142 II 154 consid. 4.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt 1B_409/2021 du 3 janvier 2022 consid. 3).  
 
4.3. En l'occurrence, l'autorité précédente a exposé les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision. Elle a en particulier exposé les raisons pour lesquelles elle considérait que l'aide apportée par la mère du recourant ne remplissait pas les conditions d'une aide indirecte concernant les actes ordinaires de la vie. Aussi, l'arrêt attaqué permet de comprendre les motifs pour lesquels les premiers juges ont suivi intégralement les conclusions de l'enquête à domicile. On ne saurait par conséquent considérer que le recourant s'est trouvé en situation d'être empêché de saisir la portée de l'arrêt querellé et de l'attaquer utilement. Le seul fait que la motivation de l'arrêt entrepris ne réponde pas en détail à chaque grief du recours ne constitue pas une violation de son droit d'être entendu. Le grief de violation de l'art. 29 al. 2 Cst. doit par conséquent être rejeté.  
 
5.  
 
5.1. Le recourant reproche ensuite à la juridiction cantonale d'avoir constaté les faits de manière manifestement inexacte en ce qui concerne le besoin d'une aide régulière et importante d'autrui pour accomplir au moins trois actes ordinaires de la vie. Il soutient que l'aide apportée par sa mère est une aide indirecte aux actes ordinaires de la vie "se déplacer", "se vêtir, se dévêtir" et "faire sa toilette". Cette aide irait de plus au-delà de simples injonctions ou indications. En particulier, le docteur C.________ avait relevé dans sa prise de position que ses progrès ne devaient pas cacher sa totale dépendance à la stimulation de son entourage.  
 
5.2. Dans sa réponse, l'office AI soutient, entre autres arguments, que le recourant ne démontre pas en quoi les faits constatés par la juridiction cantonale seraient manifestement inexacts. En particulier, les différents documents produits en instance cantonale ne contrediraient pas les conclusions de l'enquête à domicile. En ce qui concerne l'acte "se déplacer", celui-ci n'aurait en outre aucune incidence sur l'issue du litige.  
 
6.  
 
6.1. En l'espèce, comme le fait valoir le recourant, l'objet de la contestation portait en instance cantonale sur son droit à une allocation pour impotent ensuite de son accession à la majorité, alors qu'il bénéficiait déjà d'une allocation pour impotence de degré moyen pendant sa minorité. Selon la jurisprudence, il s'agit d'une situation qui doit être examinée non pas librement et complètement mais sous l'angle de la révision au sens de l'art. 17 al. 2 LPGA. L'accession à l'âge de la majorité ne doit pas être considérée comme la survenance d'un nouveau cas d'assurance (ATF 137 V 424 consid. 3.3). L'administration puis l'autorité précédente n'étaient dès lors pas en droit d'examiner librement le degré d'impotence du recourant, comme si elles étaient saisies d'une demande initiale de prestations, mais devaient déterminer conformément à l'art. 17 al. 2 LPGA s'il y avait eu un changement notable de circonstances depuis le dernier prononcé ayant fait l'objet d'un examen matériel.  
Or l'arrêt attaqué ne contient aucune constatation de fait relative à la situation du recourant qui prévalait avant son accession à la majorité et qui justifiait l'octroi d'une allocation pour impotence de degré moyen. On ignore dès lors si la révision repose sur une nouvelle appréciation d'une situation inchangée ou si les circonstances dont dépendaient l'octroi d'une allocation pour impotence de degré moyen ont notablement changé. A l'inverse de ce que soutient l'office AI dans sa réponse, il n'appartient par ailleurs pas au Tribunal fédéral de compléter d'office les constatations cantonales (art. 105 al. 2 LTF), compte tenu de son pouvoir d'examen restreint (consid. 1 supra). Aussi, pour ce motif déjà, il convient d'annuler l'arrêt attaqué. 
 
6.2. Par économie de procédure, on ajoutera encore que les constatations sur lesquelles s'est fondée l'autorité précédente sont en l'état incomplètes et ne permettent pas de se prononcer sur le besoin du recourant de recourir ou non à l'aide indirecte d'un tiers, de façon régulière et importante, pour les actes ordinaires de la vie "se déplacer", "se vêtir, se dévêtir" et "faire sa toilette". En effet, il y a aide indirecte de tiers lorsque la personne assurée est fonctionnellement en mesure d'accomplir lui-même les actes ordinaires de la vie mais ne le ferait pas, qu'imparfaitement ou à contretemps s'il était livré à lui-même (ATF 133 V 450 consid. 9; ch. 8029 de l'ancienne circulaire de l'OFAS sur l'invalidité et l'impotence dans l'assurance-invalidité [CIIAI], applicable au moment de la décision de l'office AI du 17 novembre 2020; ch. 2016 de la circulaire sur l'impotence [CSI], valable dès le 1 er janvier 2022).  
En l'espèce, dans la situation où le recourant serait livré à lui-même, le rapport d'enquête du 23 avril 2020 ne répond pas à la question de savoir quelle est l'intensité de l'aide nécessaire au recourant pour accomplir les actes ordinaires de la vie en cause. On ignore en particulier comment le recourant se comporterait s'il ne bénéficiait pas d'un environnement structuré et d'une anticipation maximale des événements à venir de la part de ses proches ainsi que des nombreuses stratégies psychoéducatives mises en oeuvre par ceux-ci (cf. prise de position de la psychologue du Centre jurassien d'orientation scolaire et professionnelle et de psychologie scolaire du 17 décembre 2020 et de la psychologue F.________ du 19 janvier 2021). A cet égard, comme le fait valoir le recourant, la juridiction cantonale n'a pas pris en considération les constatations du docteur C.________. Selon le médecin, si le recourant était certes en mesure d'exécuter les gestes adéquats, ceux-ci ne seraient pas - ou que partiellement - réalisés sans la stimulation constante de sa mère, l'intéressé étant totalement dépendant de la stimulation de son entourage (avis du 23 décembre 2020). 
En conséquence, ce n'est que lorsque l'office AI aura défini concrètement l'intensité de l'aide (indirecte) apportée par les membres de la famille du recourant, singulièrement par sa mère, qu'il sera possible de se prononcer sur le droit en cause. En l'état, sans connaître précisément l'intensité de l'aide indirecte dont le recourant a besoin s'il était livré à lui-même, la juridiction cantonale a conclu de manière prématurée que l'aide apportée par sa mère ne remplissait pas les conditions d'une aide indirecte à l'accomplissement des actes ordinaires de la vie. 
 
7.  
Ensuite des considérations qui précèdent, il convient d'admettre partiellement le recours, d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause à l'office AI afin que l'administration mette en oeuvre une nouvelle enquête à domicile, puis rende une nouvelle décision. Dans ces circonstances, il est superflu d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant, en particulier celui portant sur la validité d'une enquête à domicile par téléphone. 
 
8.  
En ce qui concerne la répartition des frais judiciaires et des dépens, le renvoi de la cause pour nouvel examen et décision revient à obtenir gain de cause (ATF 146 V 28 consid. 7). Les frais judiciaires ainsi que les dépens auxquels peut prétendre le recourant sont dès lors mis à la charge de l'office intimé, qui succombe (au sens des art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
La cause sera renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, du 9 septembre 2022 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura du 17 novembre 2020 sont annulés. La cause est renvoyée à cet office pour qu'il complète l'instruction et rende une nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
L'intimé versera à l'avocat du recourant la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 12 juillet 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Stadelmann 
 
Le Greffier : Bleicker