9C_648/2022 09.01.2024
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_648/2022  
 
 
Arrêt du 9 janvier 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Stadelmann, Moser-Szeless, Beusch et Scherrer Reber. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Maîtres David Raedler et 
Marie-Laure Percassi, avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
Service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir, rue du Stand 26, 1204 Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Taxe d'exemption de l'obligation de servir, période fiscale 2019, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 18 octobre 2022 (ATA/1056/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ est né en 1988 et a été naturalisé suisse en 2017, à l'âge de 29 ans. Il a été exempté de la taxe d'exemption militaire (ci-après: TEO) en 2017 (en raison de sa naturalisation) et s'est acquitté de celle relative à l'année 2018. 
Par décision du 25 septembre 2020, confirmée sur réclamation le 24 novembre 2020, le Service genevois de la taxe d'exemption de servir (ci-après: STEO) a assujetti A.________ à la TEO pour l'année 2019. 
 
B.  
Statuant par arrêt du 18 octobre 2022, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative (ci-après: la Cour de justice), a rejeté le recours de A.________ contre la décision sur réclamation. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ conclut à la réforme de l'arrêt cantonal, en ce sens qu'il n'est pas soumis à la taxe d'exemption de l'obligation de servir pour l'année 2019. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et à ce que la Cour de justice statue à nouveau dans le sens des considérants. 
Après que l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale) et l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'AFC) ont conclu au rejet du recours, A.________ s'est encore déterminé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF; cf. art. 22 al. 3 et 31 al. 3 de la loi fédérale du 12 juin 1959 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir [LTEO; RS 661]; voir aussi art. 2 de la loi genevoise du 14 janvier 1961 d'application des dispositions fédérales sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir [LaTE; rs/GE G 1 05]), dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF, étant précisé que l'art. 83 let. i LTF ne s'applique pas aux décisions en matière de taxe d'exemption de l'obligation de servir (arrêts 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 1.1; 2C_1005/2021 du 26 avril 2022 consid. 1). La voie du recours en matière de droit public est ainsi ouverte.  
 
1.2. Selon l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. En instance fédérale, l'AFC produit plusieurs pièces (dont un échange de courriel au sujet de l'absence de demande du recourant d'effectuer un recrutement ultérieur, un échange de courriel entre l'AFC et l'Armée suisse au sujet de l'interprétation des textes légaux pertinents, ainsi que deux extraits d'une base de donnée informatique relatifs à l'admission au recrutement de citoyens âgés respectivement de 35 et 36 ans). Le point de savoir si ces pièces produites à l'appui des observations de l'AFC, qui n'a pas elle-même recouru mais a été invitée à se déterminer, sont recevables (dans ce sens 1C_356/2019 du 4 novembre 2020 consid. 2.1 non publié in ATF 147 II 164) peut rester indécis, vu ce qui suit (cf. consid. 8.2 infra).  
 
2.  
Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral examine librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), alors qu'il n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant, conformément au principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF). Dans ce cas, l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des droits fondamentaux violés et préciser en quoi consiste la violation (cf. ATF 145 I 121 consid. 2.1). 
 
3.  
Le présent litige porte sur la confirmation, par la Cour de justice, de l'assujettissement du recourant à la taxe d'exemption de l'obligation de servir pour l'année 2019. 
 
3.1. Cette taxe trouve son fondement à l'art. 59 Cst. Selon cette disposition, tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire ou au service civil de remplacement (art. 59 al. 1 Cst.; cf. aussi art. 2 al. 1 de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire [LAAM; RS 510.10]). Celui qui n'accomplit pas son service militaire ou son service de remplacement s'acquitte d'une taxe (art. 59 al. 3 Cst.), laquelle est régie par le droit fédéral, en particulier par LTEO et par l'ordonnance du 30 août 1995 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir (OTEO; RS 661.1). De jurisprudence constante, cette taxe, qui constitue une contribution de remplacement, a pour but de garantir une égalité de traitement entre les personnes soumises à l'obligation de servir qui effectuent le service militaire ou le service civil et celles qui en sont exonérées (arrêt 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 3.1 et les références).  
 
3.2. Selon l'art. 1 LTEO, les citoyens suisses qui n'accomplissent pas ou n'accomplissent qu'en partie leur obligation de servir sous forme de service personnel (service militaire ou service civil) doivent fournir une compensation pécuniaire. Cette taxe est fixée chaque année (cf. art. 25 al. 1 LTEO).  
Aux termes de l'art. 2 al. 1 let. a LTEO, sont assujettis à la taxe les hommes astreints au service qui sont domiciliés en Suisse ou à l'étranger et qui, au cours d'une année civile (année d'assujettissement), ne sont, pendant plus de six mois, ni incorporés dans une formation de l'armée ni astreints au service civil. 
 
3.3. L'art. 3 aLTEO (en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018; RO 2010 6032) prévoyait ce qui suit:  
 
" Art. 3 - Durée de l'assujettissement à la taxe  
1 L'assujettissement à la taxe commence au début de l'année au cours de laquelle la personne astreinte atteint l'âge de 20 ans. 
2 Il se termine: 
a. pour les personnes qui ne sont pas incorporées dans une formation de l'armée et qui ne sont pas astreintes au service civil, à la fin de l'année au cours de laquelle elles atteignent l'âge de 30 ans; 
-..]" 
 
La teneur de l'art. 3 LTEO entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2019 (modification du 16 mars 2018; RO 2018 3269) est la suivante: 
 
" Art. 3 - Début et durée de l'assujettissement à la taxe  
1 L'assujettissement à la taxe commence au plus tôt au début de l'année au cours de laquelle l'homme astreint atteint l'âge de 19 ans. Il se termine au plus tard à la fin de l'année au cours de laquelle il atteint l'âge de 37 ans. 
2 Pour les assujettis visés à l'art. 2 al. 1 let. a, qui n'effectuent pas de service de protection civile, l'assujettissement à la taxe commence l'année qui suit le recrutement. Il dure onze ans. 
-..]" 
 
4.  
 
4.1. La Cour de justice a considéré en substance que le recourant avait été naturalisé en 2017, à l'âge de 29 ans et qu'en raison de cette naturalisation, il avait été exempté du paiement de la taxe pour cette année-là sur la base du droit alors en vigueur. Pour l'année 2018 et compte tenu de son âge, il ne pouvait plus satisfaire à ses obligations militaires sous forme de service militaire puisqu'il avait dépassé l'âge auquel il pouvait accomplir l'école de recrues, soit en principe 24 ans. Toutefois, il restait tenu à des obligations militaires jusqu'à l'âge de 37 ans (selon l'art. 13 al. 1 let. a LAAM), car, à défaut d'effectuer un service militaire ou civil pendant au moins onze ans, son obligation de servir était remplacée par la TEO. Pour les premiers juges, il en allait de même pour l'année 2019, puisque les conditions de l'astreinte au service militaire n'avaient pas subi de modification pour cette année-là. Partant, c'était à bon droit que le STEO avait assujetti le recourant à la taxe d'exemption de servir pour l'année 2019.  
 
4.2. A l'encontre de ce raisonnement, le recourant fait notamment valoir qu'au vu de son âge, il ne pouvait plus participer au recrutement (et donc être intégré dans l'armée ou dans le service civil) et ne pouvait plus effectuer la prestation, dont le remplacement était spécifiquement prévu par le droit de la taxe d'exemption de servir. De plus, le Tribunal administratif fédéral, dans un arrêt du 3 décembre 2018 (A-3102/2017 consid. 4.4.2), avait considéré que l'armée n'avait pas besoin de volontaires, de sorte que la deuxième condition de l'art. 12 al. 2 de l'ordonnance du 22 novembre 2017 sur les obligations militaires (OMi; RS 512.21), lui permettant de déposer une demande pour effectuer un recrutement "tardif", n'était pas remplie. Partant, et à défaut de pouvoir effectuer le service militaire ou un service de remplacement, ainsi que de participer à un recrutement "tardif" lui permettant d'être incorporé, le recourant ne pouvait pas être assujetti à la taxe d'exemption de servir pour la période litigieuse; toute autre solution aboutirait à une discrimination au sens des art. 8 Cst., 8 CEDH et 14 CEDH, ainsi que des art. 17 et 26 du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (RS 0.103.2; Pacte ONU II). En outre, comme il avait atteint l'âge de 30 ans en 2018, il découlait des dispositions de l'ancien droit (art. 3 aLTEO) que cette année-là constituait sa dernière année d'assujettissement à la taxe d'exemption de servir. Or si on lui appliquait les nouvelles dispositions de la LTEO pour l'année 2019, celles-ci feraient renaître pour lui une obligation qui s'était pourtant éteinte en 2018. Il en découlait un effet rétroactif inadmissible de la loi au regard des art. 5, 8 et 9 Cst., sur lequel la Cour de justice ne s'était toutefois pas prononcé en violation de l'art. 29 Cst., alors même qu'un grief correspondant avait été invoqué devant elle.  
 
4.3. Pour leur part, l'intimé et l'Administration fédérale des contributions font valoir que la législation permettrait "un recrutement exceptionnel très tardif". Toutefois, le recourant n'avait jamais déposé de demande en ce sens - alors même que deux citoyens naturalisés avaient été admis au recrutement à l'âge de 35 et 36 ans -, de sorte qu'il ne pouvait pas se plaindre de l'absence d'alternatives réelles à l'obligation de s'acquitter de la taxe d'exemption. En outre, la LTEO, telle que révisée, n'avait pas créé de nouvelles obligations ou de nouvelles charges, mais avait uniquement réparti différemment une obligation dans le temps en raison d'un accès plus flexible à la possibilité d'accomplir le service militaire. Dès lors, la nouvelle loi ne violait pas le principe de non-rétroactivité des lois.  
 
5.  
En ce qui concerne en premier lieu le grief formel relatif à la violation du droit d'être entendu du recourant par la Cour de justice, on rappellera que ce droit, prévu par l'art. 29 al. 2 Cst., implique l'obligation pour le juge de motiver sa décision afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 et les références). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. lorsqu'elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre. L'autorité ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2; 137 II 266 consid. 3.2; 136 I 229 consid. 5.2). 
En l'espèce, la motivation de l'arrêt attaqué permet de comprendre le raisonnement de la cour cantonale et elle doit être considérée comme suffisante au regard du droit d'être entendu. Certes, la Cour de justice ne s'est pas spécifiquement prononcée sur le grief du recourant en lien avec un effet rétroactif inadmissible de la loi, qui présentait une certaine importance. Vu ce qui suit (consid. 6 à 8 infra), il n'y a toutefois pas lieu de renvoyer la cause à l'instance précédente pour qu'elle se prononce sur cet aspect, qui porte sur une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement, de sorte qu'il peut exceptionnellement réparer une éventuelle violation du droit d'être entendu sur ce point (cf. ATF 146 III 97 consid. 3.5.2). 
 
6.  
Comme le fait valoir le recourant en relation avec l'obligation de s'acquitter de la taxe d'exemption en cause, l'année 2018 représentait, sous l'empire de l'ancien droit (art. 3 al. 1 et 2 aLTEO), la dernière année de son assujettissement à cette taxe puisqu'il a atteint l'âge de 30 ans durant cette année. Il convient donc d'examiner si l'application du nouveau droit à sa situation (prévoyant à nouveau son assujettissement à partir de 2019), constitue un cas d'application rétroactive de la loi. 
 
6.1. Selon un principe général de droit intertemporel, les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci. Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l'interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l'égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne foi (art. 5 et 9 Cst.). L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur, car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause. Une exception à cette règle n'est possible qu'à des conditions strictes, soit en présence d'une base légale suffisamment claire, d'un intérêt public prépondérant, et moyennant le respect de l'égalité de traitement et des droits acquis. La rétroactivité doit en outre être raisonnablement limitée dans le temps (ATF 144 I 81 consid. 4.1; arrêt 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 4.1 et les références; MATTHIAS KRADOLFER, Intertemporales öffentliches Recht, 2020, n. 133 ss).  
Il n'y a toutefois pas de rétroactivité proprement dite lorsque le législateur entend réglementer un état de chose qui, bien qu'ayant pris naissance dans le passé, se prolonge au moment de l'entrée en vigueur du nouveau droit. Cette rétroactivité improprement dite est en principe admise, sous réserve du respect des droits acquis (cf. ATF 146 V 364 consid. 7.1, 144 I 81 consid. 4.1, 138 I 189 consid. 3.4, arrêt 2C_236/2010 du 14 octobre 2010 consid. 1.1 et les références). 
 
6.2. En ce qui concerne les normes juridiques qui font dépendre la survenance de la conséquence juridique de plusieurs éléments de fait (état de fait dit composite; "zusammengesetzte Tatbestände"), le Tribunal fédéral a jugé qu'il est déterminant de savoir sous l'empire de quelle norme l'ensemble des faits s'est produit de manière prépondérante (ATF 126 V 134 consid. 4b; 123 V 25 consid. 3a; arrêts 2C_1005/2021 du 26 avril 2022 consid. 4.3; 8C_579/2020 du 6 novembre 2020 consid. 3).  
 
6.3. A l'occasion de la modification de la LTEO du 16 mars 2018, le Parlement n'a adopté aucune disposition transitoire spécifique relative à l'art. 3 LTEO (cf. arrêt 2C_339/2021 du 4 mai 2022 consid. 4.2). Partant, en l'absence d'une disposition transitoire explicite ou qui pourrait se déduire d'une interprétation du texte légal, il convient de se référer aux principes généraux relatifs du droit intertemporel qui viennent d'être rappelés (cf. ATF 148 V 70 consid. 5.3).  
 
7.  
 
7.1. En matière de prélèvement de la LTEO - in casu, pour l'année d'assujettissement 2018 -, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de juger que la taxe d'exemption de servir ne présentait pas les caractéristiques d'un état de fait durable (arrêt 2C_1005/2021 du 26 avril 2022 consid. 5.2). En effet, les éléments de base déterminants servant de fondement à la taxe d'exemption de servir sont: l'incorporation (ou non) dans une formation de l'armée, la soumission (ou non) à l'obligation de servir dans le civil et l'accomplissement (ou non) du service militaire ou civil pendant l'année d'exemption (cf. art. 2 al. 1 LTEO), puis, selon l'art. 3 al. 1 LTEO, l'âge de la personne astreinte à la taxe pendant l'année d'assujettissement et enfin la date du début de l'assujettissement à la taxe selon les art. 3 al. 2, 3, 4 et 5 LTEO. A l'exception du début de l'obligation de remplacement consistant en le paiement d'une taxe, les autres éléments s'apparentent à des faits et des situations qui se produisent ou existent durant l'année d'assujettissement et qui sont limités dans le temps par celle-ci. La circonstance que les faits pertinents existent encore à la fin de l'année d'assujettissement n'est pas déterminante, pas plus que les faits qui ne se produisent qu'après la fin de celle-ci. Selon le Tribunal fédéral, il en découle que les art. 2 et 3 LTEO ne peuvent pas être appliqués à l'année d'assujettissement 2018 en vertu du principe de non-rétroactivité (arrêt 2C_1005/2021 cité consid. 5.1).  
 
7.2. Toujours dans l'arrêt 2C_1005/2021 cité, le Tribunal fédéral a considéré que, bien qu'il existe un lien entre la LTEO et la LAAM du point de vue de la durée de l'obligation de remplacement, la LTEO règle de manière autonome la durée de l'obligation de remplacement par la taxe d'exemption de servir. Partant, c'est uniquement à la lumière de la LTEO qu'il convient de répondre à la question litigieuse. Par conséquent, le raisonnement de la cour cantonale, qui se fonde principalement sur les dispositions de la LAAM pour conclure que la décision administrative litigieuse est conforme au droit en tant que le recourant demeurait soumis à ses obligations militaires en 2018 et en 2019, ne peut être suivi.  
Cela étant, la présente situation se distingue de celle de l'arrêt 2C_1005/2021 cité, dans laquelle le Tribunal fédéral a admis une application rétroactive inadmissible de la LTEO. En l'occurrence, et à l'inverse de la cause précédemment jugée, la nouvelle loi, respectivement la modification de la LTEO applicable à partir du 1er janvier 2019, n'a pas été appliquée à un état de fait antérieur à son entrée en vigueur. En effet, le recourant a été soumis à la TEO pour l'année d'assujettissement 2019, sur la base des éléments de fait survenus cette année-là et en application de la législation entrée en vigueur au 1er janvier 2019. En particulier, les éléments de base déterminants servant de fondement à la TEO ("état de fait dit composite", consid. 6.2 et 7.1 supra) se sont produits ou existaient en 2019, soit sous l'empire de la nouvelle loi: cette année-là, le recourant, alors âgé de 31 ans, n'était ni incorporé dans une formation de l'armée, ni soumis à l'obligation de servir dans le civil, ni n'accomplissait du service militaire ou civil. Le fait que, sous l'ancien droit, l'année 2018 constituait la dernière année de l'assujettissement du recourant à la TEO, parce qu'il avait atteint l'âge de 30 ans fin 2018, et qu'il a été soumis à nouveau, en vertu du nouveau droit, à l'obligation de payer la taxe d'exemption de servir ne constitue pas une application rétroactive de la loi (cf. LOUISE BONADIO, Taxe militaire: les effets et les doutes autour de la loi sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir, in Novità fiscali 7/2021 375, p. 377). L'élévation de la limite d'âge de 30 ans à l'âge de 37 ans se rapporte à l'âge actuel de la personne concernée dans l'année considérée, de sorte qu'il n'y a pas de rétroactivité à cet égard. L'argumentation y relative du recourant est mal fondée. 
 
8.  
Il convient de se pencher ensuite sur le grief du recourant relatif à l'impossibilité d'effectuer un recrutement volontaire prévu à l'art. 12 al. 2 OMi, ce qui aurait pour conséquence l'absence d'alternative au paiement de la taxe et donc une discrimination des personnes ayant été naturalisées après l'âge jusqu'auquel un recrutement "ordinaire" est possible. Pour le recourant, une telle situation serait contraire aux art. 8 Cst. (sur cette disposition, cf. ATF 144 I 113 consid. 5.1.1), 8 CEDH (cf. notamment ATF 149 I 41 consid. 5.1) et 14 CEDH (cf. notamment ATF 139 I 257 consid. 5.2.1), ainsi qu'à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après: CourEDH). 
 
8.1. L'art. 12 al. 2 OMi, qui met notamment en oeuvre l'art. 9 LAAM, a la teneur suivante: A leur demande, le cdmt Instr peut prévoir un recrutement ultérieur pour les Suissesses et les Suisses qui n'ont pas été convoqués au recrutement jusqu'à la fin de l'année au cours de laquelle ils ont atteint l'âge de 24 ans ou qui n'ont pas fait l'objet d'une décision définitive quant à leur aptitude dans ce délai, pour autant que les conditions de l'art. 9, al. 3, LAAM soient remplies et que le besoin de l'armée soit avéré. La demande ne peut être déposée qu'une seule fois.  
Le recourant ne saurait tout d'abord être suivi lorsqu'il prétend qu'en n'ayant pas effectué le recrutement ultérieur au sens de l'art. 12 al. 2 OMi, son cas ne serait pas visé par les art. 2, 3 et 8 LTEO. On rappellera en effet que l'art. 2 al. 1 let. a LTEO soumet à l'obligation de s'acquitter de la taxe tout homme astreint au service domicilié en Suisse, qui n'était pas, pendant plus de six mois, ni incorporé dans une formation de l'armée ni astreint au service civil (consid. 3.3 supra). Or le texte clair de cette disposition ne distingue pas les situations qui ont conduit à l'absence d'incorporation dans une formation de l'armée ou d'astreinte au service civil pendant plus de six mois. Le grief est donc mal fondé. Il en va de même de sa critique quant à la violation de la "qualification de taxe de remplacement de la TEO", fondée essentiellement sur sa prétendue impossibilité de participer à un recrutement (consid. 8.2.3 infra), puisque le motif pour lequel la TEO doit être payée n'est pas déterminant. 
 
8.2.  
 
8.2.1. En relation avec les art. 8 et 14 CEDH, la CourEDH a, dans l'arrêt Glor c. Suisse du 30 avril 2009, notamment jugé que, à la lumière du but et des effets de la taxe litigieuse, la différence opérée par les autorités suisses entre les personnes inaptes au service exemptées de ladite taxe et celles qui étaient néanmoins obligées de la verser, était discriminatoire et violait l'art. 14 CEDH avec l'art. 8 CEDH (arrêt Glor précité, par. 97 s.; cf. aussi arrêt 2C_170/2016 du 23 décembre 2016 consid. 6.1 et les références). Aux yeux de la CourEDH, le fait que le contribuable avait toujours affirmé être disposé à accomplir son service militaire, mais qu'il avait été déclaré inapte audit service par les autorités militaires compétentes, était en l'occurrence essentiel (cf. arrêt Glor précité, par. 94; voir aussi arrêt 2C_170/2016 du 23 décembre 2016 consid. 6.1 et les références). Selon la CourEDH, la discrimination résidait en particulier dans le fait que, contrairement à d'autres personnes qui souffraient d'un handicap plus grave, l'intéressé n'avait pas été exempté de la taxe litigieuse - son handicap n'étant pas assez important - et que, alors qu'il avait clairement exprimé sa volonté de servir, aucune possibilité alternative de service ne lui avait été proposée. A ce sujet, la CourEDH a notamment souligné "l'absence, dans la législation suisse, de formes de service adaptées aux personnes se trouvant dans la situation du requérant" (cf. arrêt Glor précité, par. 96; arrêt 2C_170/2016 du 23 décembre 2016 consid. 6.1 et les références).  
 
8.2.2. Le Tribunal fédéral a jugé à plusieurs reprises qu'il n'était pas possible pour un intéressé de se prévaloir d'une violation des art. 8 et 14 CEDH en lien avec l'arrêt Glor précité, dans l'hypothèse où celui-ci ne s'était pas montré actif pour effectuer un service militaire ou un service civil (cf. arrêts 2C_170/2016 du 23 décembre 2016 consid. 6.3; 2C_924/2012 du 29 avril 2013 consid. 5.1; 2C_396/2012 du 23 novembre 2012 consid. 4.3.1; 2C_285/2011 du 1er décembre 2011 consid. 4.3.2).  
 
8.2.3. La présente affaire diffère sur un point fondamental de l'arrêt Glor précité, sur lequel le recourant fonde en grande partie son argumentation. En effet, il ressort des faits constatés par la cour cantonale - qui ne sont pas remis en cause en instance fédérale - que le recourant n'a pas demandé à être mis au bénéfice d'un recrutement ultérieur au sens de l'art 9 al. 3 LAAM (et concrétisé par l'art. 12 OMi) qui lui aurait permis, le cas échéant, d'accomplir un service militaire ou un service civil. Partant, le recourant n'a pas effectué, du point de vue individuel, toutes les démarches visant à profiter de la possibilité d'effectuer un tel recrutement ultérieur, de sorte qu'il ne peut pas se plaindre d'une discrimination fondée sur les articles 8 et 14 CEDH ou encore sur l'arrêt de la CourEDH Glor précité. Dans ce contexte, les considérations théoriques sur l'absence de besoin de l'armée auxquelles le recourant se réfère (et qui aurait pour conséquence qu'un tel recrutement ultérieur ne serait pas possible) ne changent rien à cette conclusion. Ce qui est déterminant en l'espèce, c'est bien la situation individuelle du recourant et les démarches qu'il a ou non concrètement effectuées. Son argumentation en lien avec sa bonne foi et à l'inexistence d'un comportement abusif de sa part n'est partant pas pertinente.  
 
8.2.4. Le grief du recourant en lien avec l'art. 8 Cst. doit être également écarté. En effet, on rappellera que selon la jurisprudence, la protection de l'art. 14 CEDH en lien avec une autre garantie conventionnelle n'a pas de portée indépendante par rapport à l'art. 8 Cst. (cf. ATF 137 V 334 consid. 6.3; 123 II 472 consid. 4c). Partant, et dans la mesure où le recourant ne peut pas se prévaloir d'une discrimination fondée sur les art. 8 CEDH et 14 CEDH puisqu'il n'a pas effectué de démarches concrètes visant à effectuer un recrutement "ultérieur" (consid. 8.2.3 supra), il ne saurait davantage se plaindre d'une discrimination fondée sur l'art. 8 Cst. Au demeurant, compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'examiner si le recourant se prévaut à juste titre de la similitude de sa situation avec celle d'une personne née suisse, alors qu'il a été naturalisé à un âge postérieur à celui jusqu'auquel un recrutement ordinaire est possible ou si sa situation ne devrait pas être plutôt comparée à celle d'un Suisse de l'étranger revenant s'installer en Suisse à l'âge de 29 ans.  
 
8.2.5. Enfin, le recourant ne démontre pas en quoi les art. 17 et 26 du Pacte ONU II auxquels il se réfère lui offriraient une protection plus étendue que les dispositions constitutionnelle et conventionnelles précitées. Le grief y relatif doit donc également être écarté.  
 
9.  
Vu ce qui précède, le recours est rejeté. 
 
10.  
Les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, et à l'Administration fédérale des contributions. 
 
 
Lucerne, le 9 janvier 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bürgisser