8C_428/2022 19.05.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_428/2022  
 
 
Arrêt du 19 mai 2023  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Heine et Abrecht. 
Greffière : Mme von Zwehl. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par M e Sylvain Savolainen, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office cantonal des bâtiments, représenté par l'Office du personnel de l'Etat, Direction générale, boulevard Saint-Georges 16, 1205 Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Droit de la fonction publique (consultation du dossier; intérêt actuel), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 31 mai 2022 (A/1301/2022-FPUBL ATA/574/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, a été engagé en qualité de chef de secteur à l'Office cantonal des bâtiments (OCBA) le 1er mars 2011. Il a été nommé fonctionnaire dès le 1er mars 2013. Son cahier des charges consistait notamment à assurer l'entretien et le bon fonctionnement du groupe d'immeubles dont il avait la charge ainsi que la préservation de la valeur patrimoniale de ces immeubles.  
 
A.b. Le 17 mars 2022, A.________ a été convoqué pour un entretien de service afin d'être entendu au sujet de son inaptitude à remplir les exigences du poste compte tenu des avantages qu'il avait acceptés de fournisseurs de l'OCBA et des mandats qu'il avait attribués à deux sociétés. Cette convocation s'inscrivait dans la suite des faits mis au jour dans la procédure pénale ouverte le 4 juin 2019 sur dénonciation du Conseiller d'Etat en charge du Département des infrastructures - auquel est rattaché l'OCBA - pour corruption passive (art. 322 quater CP) et/ou acceptation d'un avantage (art. 322 sexies CP) et impliquant deux employés de l'OCBA.  
 
A.c. Par courrier du 29 mars 2022 adressé à la directrice générale de l'OCBA, invoquant son droit d'être entendu, A.________ a demandé l'accès à son dossier et, en particulier, à une liste de documents recensés sous dix chiffres, dont notamment l'ensemble des pièces sur lesquelles était fondée la dénonciation pénale.  
 
A.d. Par décision du 1er avril 2022, la directrice générale de l'OCBA a déclaré que le dossier de l'employé était à disposition pour consultation, mais qu'elle refusait de transmettre les documents cités sous les chiffres 2 à 4 et 6 à 9, motif pris que ceux-ci constituaient des documents internes à l'administration et que l'intéressé ne pouvait pas en exiger la consultation. En outre, ce dernier pouvait pleinement exercer son droit d'être entendu au cours de l'entretien de service et faire valoir ses observations après réception du compte-rendu y relatif.  
 
A.e. Le 5 avril 2022, A.________ a fait l'objet d'un entretien de service, lequel s'est tenu sous la forme écrite en raison de son absence pour cause de maladie. A la fin du compte-rendu, il était mentionné que l'employeur envisageait la cessation des rapports de service pour motif fondé. Le même jour, une version caviardée de la dénonciation pénale a été transmise à l'intéressé.  
 
B.  
Saisie d'un recours contre la décision du 1er avril 2022 rendue par l'OCBA, la Chambre administrative de la Cour de Justice de la République et canton de Genève l'a déclaré irrecevable par arrêt du 31 mai 2022. Elle a considéré en substance que la recevabilité d'un recours contre une décision de refus de consultation de dossier était subordonnée à l'existence d'un préjudice irréparable au sens de l'art. 57 let. c de la loi cantonale sur la procédure administrative genevoise du 12 septembre 1985 (LPA/GE; RS/GE E 5 10), qu'elle a niée dans le cas d'espèce. 
 
C.  
Par acte du 4 juillet 2022, A.________ forme un recours en matière de droit public ainsi qu'un recours constitutionnel subsidiaire contre cet arrêt, dont il requiert l'annulation. A titre provisionnel, il a demandé au Tribunal fédéral de "suspendre la procédure administrative en cours se rapportant à la possible résiliation de ses rapports de service jusqu'à droit jugé quant au droit d'être entendu de A.________ d'accéder aux pièces sollicitées par courrier du 29 mars 2022". Au fond, il a conclu à ce que son recours contre la décision du 1er avril 2022 soit déclaré recevable et à ce que la cause soit renvoyée à l'autorité précédente pour traiter le fond de son recours et pour rendre une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
D.  
Par courrier du 2 septembre 2022, le recourant a informé le Tribunal fédéral que le 25 août 2022, le conseiller d'Etat en charge du Département des infrastructures avait rendu à son égard une décision de résiliation des rapports de services pour motif fondé, avec effet au 30 novembre 2022. 
Par ordonnance du 5 septembre 2022, le Juge instructeur a déclaré irrecevable la requête de mesures provisionnelles. 
Dans sa réponse au recours, l'intimé conclut principalement à ce que les recours soient déclarés sans objet et la cause rayée du rôle, subsidiairement à ce que les recours soient déclarés irrecevables et plus subsidiairement encore à ce qu'ils soient rejetés. Le recourant a renoncé à répliquer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 145 V 57 consid. 1). Pour déterminer si, au moment où il se prononce, les conditions de recevabilité sont réunies, le Tribunal fédéral peut prendre en compte des faits postérieurs à l'arrêt attaqué; il s'agit d'exceptions à l'interdiction des faits nouveaux prévue à l'art. 99 al. 1 LTF (cf. ATF 136 II 497 consid. 3.3; 136 III 123 consid. 4.4.3; arrêts 2C_569/2018 du 27 mai 2019 consid. 1.1 et 2D_19/2018 du 19 février 2019 consid. 1.1). 
 
2.  
 
2.1. L'arrêt entrepris, qui déclare irrecevable le recours formé par le recourant contre la décision de refus de transmission de pièces rendue par l'intimé, a pour toile de fond la procédure administrative ayant pour objet la résiliation des rapports de service, laquelle a entre-temps été prononcée le 25 août 2022 avec effet au 30 novembre 2022.  
 
2.2. En tant qu'il ne met pas un terme à la procédure, cet arrêt revêt un caractère incident. Un recours n'est donc en principe recevable qu'en présence d'un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). Cela étant, lorsque le recours est formé contre une décision d'irrecevabilité - notamment en raison d'un défaut d'un intérêt juridiquement protégé -, cette situation équivaut, sous l'angle de la recevabilité, à un déni de justice formel. Le recours sur cette question particulière est alors ouvert indépendamment d'un préjudice irréparable (ATF 143 I 344 consid. 1.2; arrêt 1C_525/2022 consid. 1.2).  
 
2.3. La voie de recours contre une décision incidente est déterminée par le litige principal (ATF 147 III 451consid. 1.3; 137 III 380 consid. 1.1). La cause au fond concerne une procédure en matière de rapports de travail de droit public de nature pécuniaire, à savoir un domaine sujet au recours en matière de droit public (art. 82 let. a LTF; art. 83 let. g LTF a contrario). Encore faut-il que la valeur litigieuse atteigne le seuil requis de 15'000 fr. (art. 85 al. 1 let. b LTF). A cet égard, le recourant expose, sans être contredit par l'intimé, qu'il atteint l'âge de la retraite le 22 avril 2023 et que la perte de traitement en cas d'éventuelle confirmation de la résiliation de ses rapports de service s'élèverait à 41'542 fr. 35. La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte, de sorte que le recours constitutionnel subsidiaire formé en parallèle par le recourant est irrecevable (art. 113 LTF a contrario). Par ailleurs, la décision a été rendue sur recours par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF) et le mémoire de recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF).  
 
3.  
Reste à examiner la qualité pour recourir du recourant. 
 
3.1. L'art. 89 al. 1 let. c LTF exige que la partie recourante ait un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée. Cet intérêt doit être actuel et exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; 137 II 40 consid. 2.1; 137 I 296 consid. 4.2; 131 II 361 consid. 1.2). Si l'intérêt actuel disparaît avant le dépôt du recours devant le Tribunal fédéral, celui-ci est irrecevable; s'il disparaît au cours de la procédure devant le tribunal de céans, le recours devient sans objet (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; 139 I 206 consid. 1.1; 137 I 296 consid. 4.2). Il est exceptionnellement fait abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.3.1; 140 IV 74 consid. 1.3.3; 139 I 206 consid. 1.1).  
 
3.2. Dans sa réponse au recours, l'intimé fait valoir que le recourant ne disposerait plus d'un intérêt actuel à contester l'arrêt d'irrecevabilité entrepris dès lors que la procédure administrative principale a pris fin avec la remise de la décision de résiliation du 25 août 2022. Par ailleurs, les conditions de la renonciation à l'intérêt actuel au recours ne seraient pas non plus réunies car le recourant est en mesure de faire examiner son grief tiré de la violation du droit d'être entendu à l'appui d'un recours contre la décision de résiliation précitée, ce qu'il a d'ailleurs fait. Enfin, la contestation du recourant porterait essentiellement sur l'application du droit cantonal - soit l'art. 45 al. 4 LPA/GE, à teneur duquel la décision par laquelle la consultation d'une pièce est refusée peut faire l'objet d'un recours immédiat -, question qui ne revêtirait pas une portée de principe.  
Le recourant ne s'est pas déterminé sur cette problématique. 
 
3.3. En l'occurrence, on doit admettre avec l'intimé qu'à la suite du prononcé de la résiliation des rapports de service, le recourant ne peut plus se prévaloir d'un intérêt juridique actuel au traitement de son recours. Par sa requête du 29 mars 2022, le recourant entendait exercer son droit d'être entendu avant que l'intimé rende une décision à son encontre sur leurs rapports de travail. La procédure incidente a donc perdu son objet avec la prise de décision de l'intimé, étant précisé que le recourant peut se plaindre de la violation de son droit d'être entendu dans le cadre de la procédure principale. On ne voit pas non plus que les conditions pour que le Tribunal fédéral entre exceptionnellement en matière malgré l'absence d'intérêt actuel au recours soient réunies. En effet, on ne se trouve pas dans un cas de figure où il ne serait jamais possible d'invoquer une violation du droit d'être entendu en lien avec le refus de consulter des pièces. Quant au grief, soulevé dans le recours, d'une application arbitraire de l'art. 45 al. 4 LPA/GE par la cour cantonale, il ne présente pas un intérêt public suffisamment important pour être tranché par le Tribunal fédéral alors que le recourant n'y a plus un intérêt actuel. En conséquence, le recours doit être déclaré irrecevable dans la mesure où il n'est pas sans objet (cf. arrêts 4A_287/2019 du 6 janvier 2020 consid. 6; 2C_552/2018 du 19 juillet 2018 consid. 3; 8C_635/2008 du 11 décembre 2008 consid. 4).  
 
4.  
 
4.1. Lorsqu'un procès devient sans objet ou que les parties cessent d'y avoir un intérêt juridique, le Tribunal fédéral statue sur les frais afférents à la procédure engagée par une décision sommairement motivée, en tenant compte de l'état de fait existant avant l'événement mettant fin au litige (art. 72 PCF applicable par renvoi de l'art. 71 LTF) et de l'issue probable de celui-ci (ATF 142 V 551 consid. 8.2).  
 
4.2. Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir soumis la recevabilité de son recours à l'existence d'un préjudice irréparable selon l'art. 57 let. c LPA/GE. Il expose de manière convaincante que l'art. 45 al. 4 LPA/GE prévoit expressément l'ouverture d'un recours immédiat contre une décision de refus de consultation de pièces qui est par nature incidente, si bien que cette voie de droit ne devrait pas être soumise à d'autres conditions non prévues par cette disposition. On pourrait faire ici un parallèle avec la teneur de l'art. 92 LTF, en vertu duquel les décisions incidentes sur la compétence ou la composition de l'autorité peuvent être attaquées immédiatement au Tribunal fédéral sans restriction. Le recourant se réfère également à plusieurs arrêts cantonaux dans lesquels il a justement été rappelé que la voie de droit de l'art. 45 al. 4 LPA/GE a été spécialement instituée par le législateur contre une décision incidente et que, par conséquent, la recevabilité de tels recours n'est pas conditionnée à l'existence d'un préjudice irréparable (ATA/261/2020 du 3 mars 2020 consid. 2c et 2e; ATA/1823/2019 du 17 décembre 2020 consid. 1 et 2b; ATA/987/2018 du 25 septembre 2018 consid. 1 et 4a et 4e). L'arrêt attaqué semble s'inscrire en porte-à-faux avec cette jurisprudence.  
 
4.3. Il apparaît donc prima facie que le recours aurait dû être admis si le Tribunal fédéral avait eu à statuer, de sorte que les frais judiciaires ne seront pas supportés par le recourant et que celui-ci a droit à des dépens.  
 
5.  
En tant qu'employeur, l'intimé ne peut pas être exonéré des frais judiciaires en application de l'art. 66 al. 4 LTF (ATF 136 I 39). Il versera en outre au recourant, représenté par un avocat, une indemnité de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable dans la mesure où il n'est pas sans objet. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
L'intimé versera au recourant la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lucerne, le 19 mai 2023 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : von Zwehl