1C_132/2022 20.03.2023
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_132/2022  
 
 
Arrêt du 20 mars 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Merz. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
Caisse de prévoyance A.________, 
représentée par Me Boris Lachat, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
C.________, 
tous les deux représentés par Association genevoise des locataires (ASLOCA), 
intimés, 
 
Office cantonal du logement et de la planification foncière de la République et canton de Genève, rue du Stand 26, 1204 Genève. 
 
Objet 
Demande d'accès à des documents, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 18 janvier 2022 (ATA/39/2022 - A/1484/2021-LIPAD). 
 
 
Faits :  
 
A.  
La Caisse de prévoyance A.________ est propriétaire de l'immeuble sis 5, chemin du Centurion, 1227 Carouge (GE). Cet immeuble a été soumis au contrôle étatique jusqu'au 31 décembre 2011. 
Le 22 juin 2020, B.________ et C.________ (locataires) ont pris à bail un appartement de cinq pièces au 3 ème étage de cet immeuble.  
Le 28 août 2020, les locataires ont, par l'intermédiaire de l'association suisse des locataires (ASLOCA), contesté le loyer initial devant la juridiction des baux et loyers; ils concluaient à ce qu'un calcul de rendement soit ordonné et à ce que le Tribunal des baux et loyers (TBL) ordonne la production de divers documents concernant notamment l'acte d'acquisition de l'immeuble litigieux, le détail du financement de l'immeuble, l'état des charges immobilières sur les cinq dernières années et l'état locatif. 
Par requête du même jour, les locataires ont sollicité de l'Office cantonal du logement et de la planification foncière (OCLPF) la remise des pièces utiles à l'établissement d'un calcul de rendement, soit notamment l'arrêté définitif du Conseil d'Etat, les justificatifs des charges courantes des trois exercices précédant la sortie de l'immeuble du contrôle de l'Etat, le compte de réserve pour travaux et le dernier état locatif nominatif. Le 11 novembre 2020, l'OCLPF a informé l'ASLOCA qu'il n'entendait pas procéder à la transmission des documents requis. 
Le 23 novembre 2020, les locataires ont sollicité la mise en place d'une médiation par le Préposé cantonal à la protection des données et de la transparence (préposé cantonal), laquelle est intervenue le 26 janvier 2021, sans qu'un accord ait pu être trouvé. 
Le 11 mars 2021, la Préposée cantonale adjointe à la protection des données et à la transparence (préposée adjointe) a recommandé la remise des documents sollicités. La Caisse de prévoyance A.________ s'y est opposée le 24 mars 2021. 
 
B.  
Par décision du 26 mars 2021, l'OCLPF a constaté l'absence dans son dossier des justificatifs des charges courantes des trois derniers exercices précédant la sortie du contrôle étatique de l'immeuble sis 5, chemin du Centurion et a décidé de: 
 
- communiquer aux locataires l'arrêté rendu le 26 février 2003 par le Conseil d'Etat approuvant le transfert des prestations de l'Etat à la Caisse de prévoyance A.________, sous réserve du caviardage de l'identité des tiers autres que celle de la Caisse de prévoyance A.________ (2); 
- communiquer aux locataires le plan financier définitif du 23 juillet 1998 sous-tendant l'arrêté du 26 février 2003, sous réserve du caviardage de l'identité des tiers y figurant (3); 
- communiquer aux locataires la vérification du calcul des réserves pour entretien au 31 décembre 2008 daté du 18 août 2009 liée aux immeubles sis 3 à 13 chemin du Centurion (4); 
- communiquer aux locataires le dernier état locatif approuvé le 21 septembre 2009 par le service compétent afférent aux immeubles en question, sous réserve du caviardage de l'identité des locataires figurant dans ce document (5); 
- procéder à la transmission des documents visés sous chiffres 2 à 5, une fois la décision devenue définitive et exécutoire (6). 
Cette décision a fait l'objet d'un recours déposé par la Caisse de prévoyance A.________ auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (Chambre administrative), qui l'a rejeté par arrêt du 18 janvier 2022. 
 
C.  
Par acte du 21 février 2022, la Caisse de prévoyance A.________ forme un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral. Principalement, elle conclut notamment à l'annulation des chiffres 2 à 6 de la décision rendue le 26 mars 2021 par l'OCPLF et au rejet intégral de la demande d'accès à des documents formée auprès de l'OCLPF le 28 août 2020 par les locataires B.________ et C.________. Subsidiairement, elle demande l'annulation de la décision attaquée et le renvoi de la cause à la Chambre administrative pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La Chambre administrative s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt, sans formuler d'observations. Il en va de même de l'OCLPF. Les locataires concluent au rejet du recours. Au terme d'un second échange d'écriture, les parties persistent dans leurs conclusions. La recourante maintient les conclusions de son recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'arrêt attaqué, relatif à une demande d'accès à des documents officiels au sens de la loi genevoise du 5 octobre 2001 sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles (LIPAD; rsGE A 2 08), constitue une décision finale rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), de sorte que le recours en matière de droit public est en principe ouvert. 
La recourante, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, soutient que l'accès aux documents en mains de l'OCLPF ne devrait pas être autorisé. Pour justifier de sa qualité pour recourir, la recourante se prévaut de l'art. 89 al. 1 LTF, sans démontrer que les conditions de cette disposition seraient réalisées. Elle n'indique en particulier pas quel est son statut, respectivement n'expose pas sur quelle base elle fonde sa personnalité morale. Elle n'explique pas non plus en quoi consiste son intérêt digne de protection, un intérêt financier à lui seul ou un intérêt à l'application correcte et uniforme du droit n'étant pas suffisant pour accorder à une collectivité publique un droit de recours selon l'art. 89 al. 1 LTF (cf. ATF 141 II 161 consid. 2; 140 I 90 consid. 1.2.2; 134 II 45 consid. 2.2.1; 131 II 58 consid. 1.3 p. 62). Conformément aux exigences de l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, c'est pourtant à la recourante qu'il appartenait de démontrer qu'elle possède la qualité pour recourir. La question de la légitimation de la recourante pour agir par la voie du recours en matière de droit public peut toutefois demeurer indécise, car le recours doit de toute façon être rejeté sur le fond. 
Pour le surplus, le recours a été interjeté dans les formes et le délai utiles contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale. 
 
2.  
Se prévalant de l'interdiction de l'abus de droit (art. 5 al. 3 Cst.) et de l'arbitraire (art. 9 Cst.) ainsi que du principe de la primauté du droit fédéral (art. 49 Cst.), la recourante fait grief à l'instance précédente d'avoir retenu que les documents litigieux pouvaient être transmis en vertu de la LIPAD. Ces griefs se confondent dans la mesure où ils tendent à démontrer que c'est à tort que l'accès aux documents en question a été admis. 
 
3.  
 
3.1. Dans le canton de Genève, à teneur de l'art. 9 al. 3 de la Constitution du 14 octobre 2012 de la République et canton de Genève (Cst-GE; A 2 00), l'activité publique s'exerce de manière transparente, conformément aux règles de la bonne foi, dans le respect du droit fédéral et du droit international. Selon l'art. 28 al. 2 Cst-GE, toute personne a le droit de prendre connaissance des informations et d'accéder aux documents officiels, à moins qu'un intérêt prépondérant ne s'y oppose.  
La LIPAD régit l'information relative aux activités des institutions (art. 5 ss LIPAD) et la protection des données personnelles (art. 35 ss LIPAD; art. 1 al. 1 LIPAD). La loi s'applique notamment aux pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire cantonaux ainsi que leurs administrations et les commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. a LIPAD) de même qu'aux institutions, établissements et corporations de droit public cantonaux et communaux, ainsi que leurs administrations et les commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. c LIPAD). Selon l'art. 3 al. 3 let. b LIPAD, le traitement de données personnelles par les institutions publiques n'est pas soumis à la LIPAD lorsqu'il est effectué par le Conseil supérieur de la magistrature, les juridictions et les autres autorités judiciaires en application notamment des lois de procédure pénale, civile ou administrative aux fins de trancher les causes dont ils sont ou ont été saisis ou de remplir les tâches de surveillance dont ils sont ou ont été investis, sous réserve de l'art. 39 al. 3 LIPAD. 
Selon l'art. 24 al. 1 LIPAD, toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions publiques, sauf exception prévue ou réservée par la loi. Ces documents sont tous les supports d'informations détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique (art. 25 al. 1 LIPAD). L'art. 25 al. 2 LIPAD énumère à titre d'exemples les messages, rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions. Les notes à usage personnel, les brouillons ou autres textes inachevés ainsi que les procès-verbaux non encore approuvés ne constituent pas des documents au sens de la loi (art. 25 al. 4 LIPAD). 
En édictant cette loi, le législateur genevois a voulu passer d'un régime du secret assorti d'exception, prévalant jusqu'alors pour l'administration genevoise, à celui de la transparence sous réserve de dérogation. Cette évolution législative est propre à renforcer tant la démocratie que le contrôle de l'administration, ainsi qu'à valoriser l'activité étatique et à favoriser la mise en oeuvre des politiques publiques. L'instauration d'un droit individuel d'accès aux documents représente l'innovation majeure propre à conférer sa pleine dimension au changement de culture qu'implique l'abandon du principe du secret (ATF 148 II 16 consid. 3.1; cf. également arrêts 1C_25/2017 du 28 août 2017 consid. 3.1; 1C_277/2016 du 29 novembre 2016 consid. 3.2). 
Toutefois, l'application de la LIPAD n'est pas inconditionnelle. L'art. 26 LIPAD fixe en effet des exceptions au droit d'accès. Sont ainsi soustraits au droit d'accès les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s'oppose (art. 26 al. 1 LIPAD). Tel est le cas notamment lorsque l'accès aux documents est propre à mettre en péril les intérêts patrimoniaux légitimes ou les droits immatériels d'une institution (al. 2 let. b), à entraver notablement le processus décisionnel ou la position de négociation d'une institution (al. 2 let. c), à rendre inopérantes les restrictions au droit d'accès à des dossiers qu'apportent les lois régissant les procédures judiciaires et administratives (al. 2 let. e), à rendre inopérantes les restrictions légales à la communication de données personnelles à des tiers (al. 2 let. f), à révéler des informations couvertes par des secrets professionnels, de fabrication ou d'affaires, le secret fiscal, le secret bancaire ou le secret statistique (al. 2 let. i), ou à révéler d'autres faits dont la communication donnerait à des tiers un avantage indu, notamment en mettant un concurrent en possession d'informations auxquelles il n'aurait pas accès dans le cours ordinaire des choses (al. 2 let. j). Sont également exclus du droit d'accès les documents à la communication desquels le droit fédéral ou une loi cantonale fait obstacle (art. 26 al. 4 LIPAD). L'art. 26 LIPAD est une disposition générale et l'énumération qu'elle contient n'est qu'exemplative. 
 
3.2. Lorsqu'il est appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale infra-constitutionnelle (cf. art. 95 let. c LTF; la recourante n'invoque pas l'art. 28 al. 2 Cst-GE), le Tribunal fédéral limite son examen à l'arbitraire; il ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 144 I 113 consid. 7.1; 141 I 49 consid. 3.4).  
 
4.  
L'arrêt attaqué relève que la LIPAD s'applique à l'OCLPF qui détient les documents sollicités par les intimés (cf. art. 3 al. 1 let. c LIPAD), ce qui n'est pas contesté. La recourante objecte en revanche, sous couvert de la violation de l'interdiction de l'abus de droit, que les locataires tenteraient d'obtenir, par le biais du droit d'accès au sens de la LIPAD, des documents qui contiendraient des données confidentielles pour servir leurs propres intérêts privés, soit un avantage financier par une baisse de loyer sollicitée auprès du TBL, et non dans le but de transparence voulu par cette loi. Elle soutient ensuite que les règles régissant de manière exhaustive les litiges en matière de baux et loyers empêcheraient la transmission des documents litigieux, en vertu du principe de primauté du droit fédéral. Elle invoque enfin une application arbitraire de l'art. 26 al. 2 let. e et j et al. 4 LIPAD. 
 
4.1. En droit public, le principe de la bonne foi est explicitement consacré par l'art. 5 al. 3 Cst., en vertu duquel les organes de l'Etat et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Il y a fraude à la loi - forme particulière d'abus de droit - lorsqu'un justiciable évite l'application d'une norme imposant ou interdisant un certain résultat par le biais d'une autre norme permettant d'aboutir à ce résultat de manière apparemment conforme au droit (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.3). La norme éludée doit alors être appliquée nonobstant la construction juridique destinée à la contourner (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.3; 134 I 65 consid. 5.1). Pour être sanctionné, un abus de droit doit apparaître manifeste. L'autorité qui entend faire appliquer la norme éludée doit établir l'existence d'une fraude à la loi, ou du moins démontrer l'existence de soupçons sérieux dans ce sens. Cette appréciation doit se faire au cas par cas, en fonction des circonstances d'espèce (ATF 144 II 49 consid. 2.2; 142 II 206 consid. 2.5 et la jurisprudence citée). Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire (ATF 143 III 279 consid. 3.1; 140 III 583 consid. 3.2.4).  
A l'instar de tous les griefs d'ordre constitutionnel, celui-ci est soumis aux conditions de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF: la partie recourante doit donc exposer, de manière claire et détaillée, en quoi consiste la violation du droit constitutionnel invoqué. 
 
4.2. Selon l'art. 49 al. 1 Cst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Ce principe de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 147 III 351 consid. 6.1.1; 143 I 109 consid. 4.2.2).  
Le principe de la force dérogatoire du droit fédéral au sens de l'art. 49 al. 1 Cst. peut être invoqué en tant que droit individuel constitutionnel (ATF 144 IV 240 consid. 2.3.2; 144 I 113 consid. 6.2). Le Tribunal fédéral examine ainsi librement la conformité d'une règle de droit cantonal au droit fédéral lorsqu'il est appelé à examiner cette question au regard du grief de violation de l'art. 49 al. 1 Cst. (ATF 147 III 351 consid. 6.1.1; 143 I 352 consid. 2.2; 131 I 394 consid. 3.2). 
 
4.3. En ce qui concerne le grief d'abus de droit soulevé par la recourante, il a déjà été jugé que les dispositions de la LIPAD - qu'elles régissent l'accès à des documents ou à des données personnelles - ne font pas dépendre cet accès d'un intérêt ou d'un but particulier (cf. arrêts 1C_642/2017 du 28 mai 2018 consid. 2.4; 1C_604/2015 du 13 juin 2016 consid. 5.4). Le même principe prévaut en droit fédéral (ATF 142 II 340 consid 2.2). A cela s'ajoute qu'une demande d'accès n'a pas à être motivée selon l'art. 28 al. 1 LIPAD.  
Certes, les documents litigieux ont déjà été sollicités par les locataires dans le cadre de la procédure civile qu'ils ont intentée à l'encontre de la recourante en parallèle devant le TBL. On ignore toutefois si il a été statué sur cette demande. Quoi qu'il en soit, une décision rejetant une demande de production de pièces en main d'un tiers concerne l'administration des preuves et ne peut être assimilée à une restriction d'accès au dossier de la procédure civile, les pièces requises n'en faisant d'ailleurs pas encore partie (cf. arrêt 1C_642/2017 du 28 mai 2018 consid. 2.3). Pour le surplus, comme l'a relevé la Chambre administrative, on ne distingue pas quelles règles de procédure civile ou administrative serait en l'espèce éludées et la recourante ne le dit pas expressément. On ne voit ainsi pas en quoi l'accès aux documents litigieux donné en application de la LIPAD "court-circuiterait" la bonne application des règles de procédure civile comme le fait valoir la recourante. Au demeurant, cette dernière n'indique pas quel intérêt prépondérant, public ou privé lié à la procédure civile en cours, s'opposerait à ce que les intimés aient accès aux documents litigieux. La recourante évoque son intérêt à ne pas se voir opposer au terme de la procédure civile un loyer initial moindre que celui dont elle a initialement convenu avec les locataires. Cette question relève toutefois de la procédure civile en cours, étant précisé, comme l'a relevé la Chambre administrative, que le loyer en question sera fixé conformément au Code des obligations (CO). 
Dans ces conditions, la recourante ne peut pas non plus soutenir que les locataires bénéficieraient d'un avantage indu, respectivement que l'accès aux documents en cause entraverait la bonne marche de la procédure judiciaire en cours. 
 
4.4. C'est donc sans violer le droit que l'autorité précédente a jugé que le grief d'abus de droit était irrelevant, respectivement que l'accès aux documents en cause ne violait pas le principe de primauté de droit fédéral sous cet angle. C'est également sans arbitraire que la Chambre administrative a considéré que les exceptions au droit d'accès figurant à l'art. 26 al. 2 let. e et j LIPAD n'étaient pas réalisées en l'espèce.  
 
4.5. Cela étant, les faits allégués par la recourante, censés justifier l'abus de droit commis par les locataires, sont sans pertinence. Le grief d'arbitraire dans l'établissement des faits soulevés sous cet angle n'a donc pas d'influence sur l'issue de la cause et est, partant, infondé (cf. art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2).  
 
5.  
En tant qu'institution de prévoyance, la recourante fait valoir que les documents litigieux contiendraient des données couvertes par le secret au sens de l'art. 86 LPP, en lien avec l'art. 26 al. 2 let. i et al. 4 LIPAD, soit des données que le droit fédéral interdirait tant à la recourante qu'à l'OCLPF de transmettre. 
 
5.1. L'art. 86 LPP, intitulé "obligation de garder le secret", prévoit que les personnes qui participent à l'application de la LPP, ainsi qu'au contrôle ou à la surveillance de son exécution, sont tenues de garder le secret à l'égard de tiers.  
Partant, les membres du comité de la Caisse de prévoyance A.________ sont soumis à l'obligation de confidentialité de l'art. 86 LPP ainsi qu'à la menace des peines prévues par l'art. 76 LPP en cas de violation de l'obligation de garder le secret. Ils sont aussi soumis au secret de fonction, sous réserve de devoirs de communication et d'information imposés par cette loi ou par la législation fédérale (art. 55 de la loi du 14 septembre 2012 instituant la Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève [LCPEG; rsGE B 5 22]). Se pose en revanche la question de savoir si l'OCPLF respectivement ses employés sont également soumis à cette obligation de confidentialité de l'art. 86 LPP. Cette question peut cependant demeurer indécise au vu de ce qui suit. 
 
5.2. L'obligation de garder le secret prévue à l'art. 86 LPP a été introduite dans le cadre de "l'adaptation et l'harmonisation des bases légales pour le traitement de données personnelles dans les assurances sociales", afin d'adapter la législation sur les assurances sociales aux exigences de la loi fédérale sur la protection des données (Message du 24 novembre 1999 concernant l'adaptation et l'harmonisation des bases légales pour le traitement de données personnelles dans les assurances sociales, FF 2000 219 ss). En soumettant à l'obligation de garder le secret les personnes qui participent à l'application de la LPP, le législateur a souhaité mieux protéger les droits de la personnalité des personnes assurées (KURT PÄRLI, in Commentaire des assurances sociales suisses, LPP et LFLP, 2 e éd. 2020, n o 5 ad art. 86 LPP).  
L'art. 86 LPP, entré en vigueur le 1 er janvier 2001 (RO 2000 2689), est antérieur à la loi fédérale du 17 décembre 2004 sur le principe de la transparence dans l'administration (LTrans; RS 152.3), entrée en vigueur le 1 er juillet 2006. Comme les art. 22 de la loi fédérale du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers; RS 172.220.1) et 44 de la loi fédérale du 13 mars 1964 (LTr; RS 822.11), l'art. 86 LPP est formulé de manière large et ne fait qu'exprimer, sous une forme modifiée, le secret de fonction général. La portée de l'obligation de garder le secret de l'art. 86 LPP doit donc être définie de manière concrète en coordination avec la LTrans: l'obligation de garder le secret ne s'applique plus qu'aux informations qui ne sont pas accessibles aux termes de la loi sur la transparence, par exemple parce qu'elles tombent sous le coup d'une disposition dérogatoire prévue aux art. 7 ou 8 LTrans. Il faut en déduire que l'entrée en vigueur de la LTrans a réduit la portée de l'art. 86 LPP. Tous les documents accessibles en vertu de la LTrans ne sont pas couverts par l'obligation de garder le secret. Cela vaut en particulier pour les documents contenant des données non personnelles, comme par exemple les informations relatives aux processus internes des autorités, aux planifications et à la surveillance des assureurs. En revanche, la communication à des tiers de données personnelles (notamment en lien avec les assurés) demeure en principe refusée (art. 7 al. 2 LTrans et 86a al. 5 let. b LPP; ATF 148 II 16 consid. 3.4.2 et les références citées).  
 
5.3. Par conséquent, sur le plan fédéral, l'art. 86 LPP ne constitue pas une disposition spéciale au sens de l'art. 4 let. a LTrans. Il ne protège plus que les informations couvertes par le secret en application des exceptions prévues aux art. 7 et 8 LTrans. Or, les documents litigieux relatifs au contrôle et à la fixation des loyers ne contiennent a priori pas de données personnelles en lien avec des assurés, respectivement des informations couvertes par le secret au sens des art. 7 et 8 LTrans; ils ne sont ainsi pas couverts par l'obligation de garder le secret. Cela étant, il est précisé que la décision du 26 mars 2021 de l'OCLPF réserve le caviardage de l'identité des tiers autres que celle de la recourante, de sorte que l'obligation de garder le secret demeurerait de toute manière préservé à l'égard de ces tiers.  
On ne saurait dès lors reprocher à l'autorité précédente d'avoir considéré que l'art. 86 LPP - en lien avec l'art. 26 al. 2 let. f et i et al. 4 LIPAD -, ne faisait pas obstacle à l'accès aux documents litigieux. 
 
6.  
La recourante fait enfin valoir une application arbitraire des art. 3 al. 3 let. b, 24 al. 1 et 25 al. 1 LIPAD. Selon elle, les documents détenus par l'OCLPF ne répondraient pas à la définition de l'accomplissement d'une "tâche publique" au sens de l'art. 25 al. 1 LIPAD, respectivement ne pourraient être transmis en application de l'art. 26 al. 2 let. b et c LIPAD. 
 
6.1. La Chambre administrative a tout d'abord considéré qu'il n'était en l'espèce pas question de la problématique envisagée par l'art. 3 al. 3 let. b LIPAD. Elle s'est référée aux travaux préparatoires desquels il ressortait que le but visé était d'exclure clairement toute l'activité juridictionnelle du pouvoir judiciaire, seules les activités à caractère non juridictionnel étant soumises à la loi. Cette disposition a ainsi pour objet de soustraire du champ d'application de la LIPAD le traitement des données personnelles - soit les informations se rapportant à une personne physique ou morale de droit privé, identifiée ou identifiable (cf. art. 4 LIPAD) - par les institutions publiques en particulier lorsqu'il est effectué par les juridictions en application des lois de procédure civile aux fins de trancher les causes dont elles sont saisies ou de remplir les tâches de surveillance dont elles sont ou ont été investies. Il n'est dès lors pas insoutenable de considérer que l'art. 3 al. 3 let. b LIPAD ne s'applique pas en l'espèce, dès lors qu'il n'est pas ici question d'accéder au dossier civil en cours devant le TBL, que les documents en cause n'y figurent pas et que tant la Caisse de prévoyance A.________ que l'OCLPF sont des institutions publiques au sens de l'art. 3 al. 1 LIPAD (cf. ATF 147 I 47 consid. 3.4).  
Il n'est pas non plus contesté que l'immeuble concerné par la demande de documents, dont la recourante est la bailleresse, a été soumis au régime de la loi genevoise générale du 4 décembre 1977 sur le logement et la protection des locataires (LGL; rsGE I 4 05) jusqu'au 31 décembre 2011 et que ses locataires avaient un accès à ces pièces en mains de l'OCLPF sur la base desquelles le loyer était fixé (cf. art. 42 al. 8 LGL). Or, le contrôle des loyers instauré par la LGL s'inscrit dans l'accomplissement d'une tâche publique, savoir celle d'encourager la construction de logements d'utilité publique et d'améliorer la qualité de l'habitat (cf. art. 1 al. 1 LGL), notamment en interdisant au propriétaire de louer les logements au bénéfice de la LGL à un loyer supérieur à celui autorisé (cf. art. 42 al. 2 LGL). En l'occurrence, les pièces sollicitées et détenues par l'OCLPF contiennent des renseignements relatifs à la fixation et au contrôle des loyers de l'immeuble soumis au régime de la LGL jusqu'au 31 décembre 2011. C'est donc sans arbitraire que la Chambre administrative a considéré que ces documents se rapportaient à l'accomplissement, jusqu'à cette date, d'une tâche publique au sens de l'art. 25 al. 1 LIPAD, et que les locataires y avaient accès pour cette période, cela même si l'immeuble en cause n'est à ce jour plus soumis au contrôle instauré par la LGL; la nature privée des relations contractuelles entre les locataires et la recourante et le fait que le capital, respectivement l'immeuble de cette dernière se situe hors du patrimoine de l'Etat n'enlèvent rien au fait que ces documents portent sur une tâche publique. 
 
6.2. Enfin, la recourante se prévaut des exceptions à la communication des documents litigieux prévues à l'art. 26 al. 2 let. b et c LIPAD. L'autorité précédente a considéré qu'il était certes possible que les intérêts patrimoniaux de la recourante puissent être mis en péril en raison de l'accès aux documents en main de l'OCLPF, dans la mesure où elle pouvait se voir opposer au terme de la procédure civile un loyer initial moindre que celui dont elle avait initialement convenu avec les locataires; la question de leur légitimité était toutefois douteuse, dès lors que le loyer ainsi fixé le serait conformément au CO. En outre, la position de négociation moindre dans laquelle pourrait se retrouver la recourante au stade de la conciliation ne réalisait pas l'entrave notable au sens de l'art. 26 al. 2 let. c LIPAD.  
La recourante se limite à critiquer le raisonnement tenu par l'autorité précédente qu'elle estime laconique en reprenant ses propres motifs exposés devant elle, sans tenter de démontrer que cette dernière aurait versé dans l'arbitraire en les écartant. Sa démarche est irrecevable. Quoi qu'il en soit, la motivation de la Chambre administrative, outre qu'elle est suffisante sous l'angle du droit d'être entendu de la recourante, ne prête pas le flanc à la critique et demeure exempte d'arbitraire. 
 
7.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). En vertu de l'art. 68 al. 2 LTF, celle-ci versera en outre des dépens aux intimés, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'une mandataire de l'ASLOCA, titulaire du brevet d'avocate. Il n'est pas alloué d'autres dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée aux intimés, à titre de dépens, à la charge de la recourante. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à l'Office cantonal du logement et de la planification foncière de la République et canton de Genève et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 20 mars 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Nasel