9C_675/2022 29.03.2023
Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_675/2022  
 
 
Arrêt du 29 mars 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Feller. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________ et B.A.________, 
tous les deux représentés par Me Vincent Solari, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève, 
rue Ami-Lullin 4, 1207 Genève. 
 
Objet 
Impôts cantonal et communal du canton de Genève et impôt fédéral direct, périodes fiscales 2001 à 2011 (récusation), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 7 juin 2022 (ATA/605/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 29 octobre 2018, le Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le TAPI) a rejeté le recours déposé par A.A.________ et B.A.________ contre une décision de l'Administration fiscale du canton de Genève. Sur recours de A.A.________ et B.A.________, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a annulé le jugement du TAPI et lui a renvoyé la cause pour instruction complémentaire. 
Le 12 septembre 2019, les parties ont été informées que Sandro Vecchio, avocat associé au sein de l'Étude "Degni & Vecchio", avait remplacé Yves Joliat en tant que juge suppléant pour le TAPI. Par courrier du 28 septembre 2021, A.A.________ et B.A.________ ont requis la récusation du juge suppléant Vecchio au motif que leur avocat, Me Solari, avait été opposé à Me Degni, associé du juge Vecchio, dans le cadre d'une autre procédure opposant d'autres parties que celles en litige dans la présente cause. Ils ont indiqué que Me Degni s'en serait pris à la réputation de Me Solari dans le cadre d'un échange de courriels le 23 septembre 2021 - porté à la connaissance du juge suppléant Vecchio directement par Me Solari - dont la teneur est la suivante: 
 
"[...] Confrère, j'ai bien reçu en retour le courrier ci-joint agrémenté de vos tampons. Je n'ai en revanche pas reçu la copie de votre recours, que j'ai donc dû demander au tribunal fédéral. Je vais saisir la commission du barreau. Dans la mesure où ces circonstances sont de nature à fonder un motif de récusation, j'adresse copie de ce courriel à votre associé, dès lors qu'il intervient en tant que magistrat suppléant dans une procédure dans laquelle je suis constitué. [...] Vincent Solari, avocat". 
 
"Vos intimidations et provocations répétées ne font que nourrir votre triste réputation. Pourquoi ne songeriez-vous pas plutôt à passer une journée teintée de joie et de bonne humeur. [...] Pierluca Degni". 
 
"[...] Je me réjouis pour le surplus de lire votre recours qui me permettra de prendre toute la mesure de vos capacités. [...] Vincent Solari, avocat". 
 
"Mes lignes ne comportent aucune insulte; les vôtres si. C'est la démonstration que mes propos sont pertinents. Je ne donnerai dorénavant plus suite à vos futiles provocations, qui n'émoustillent que vous. [...] Pierluca Degni". 
 
Invité à se déterminer sur la demande de récusation, le juge Vecchio a conclu à son rejet dans la mesure de sa recevabilité par courrier du 11 octobre 2021. Par jugement du 11 novembre 2021 le TAPI a rejeté la demande. 
 
B.  
Saisie d'un recours contre ce jugement, la Cour de justice a, sur le fond, confirmé le rejet de la demande de récusation par arrêt du 7 juin 2022. 
 
C.  
A.A.________ et B.A.________ forment un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Ils concluent principalement à ce que le Tribunal fédéral prononce la récusation du juge Vecchio et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la dernière instance cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. La Cour de justice conclut implicitement au rejet du recours et l'Administration fédérale des contributions a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), ainsi que contre les décisions préjudicielles et incidentes qui sont notifiées séparément et qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation (art. 92 LTF). Une décision porte sur une demande de récusation lorsqu'elle tranche la question de la récusation d'un membre de l'autorité, tel qu'un juge. En l'espèce, l'arrêt attaqué constitue indubitablement une décision préjudicielle ou incidente qui porte sur une demande de récusation en tant qu'il statue sur la question de la récusation d'un juge suppléant. Le recours est donc recevable au regard de l'art. 92 LTF
 
2.  
D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Toutefois, et conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, il n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et motivé de façon claire et détaillée (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 143 IV 500 consid. 1.1; 142 III 364 consid. 2.4). 
Sauf exceptions non réalisées en l'espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF), on ne peut invoquer la violation du droit cantonal en tant que telle devant le Tribunal fédéral. Il est néanmoins possible de faire valoir que son application consacre une violation du droit fédéral, comme l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.) ou la garantie d'autres droits constitutionnels (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 142 III 153 consid. 2.5; 140 III 385 consid. 2.3). Le recourant doit formuler de tels griefs de manière conforme aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF qui viennent d'être exposées (ATF 143 I 321 consid. 6.1; 143 II 283 consid. 1.2.2; 139 I 229 consid. 2.2). 
 
3.  
Est litigieux le point de savoir si la Cour de justice était en droit de confirmer le jugement du 11 novembre 2021, par lequel le TAPI avait rejeté la demande de récusation formulée contre le juge Vecchio. 
 
4.  
L'arrêt attaqué rappelle les dispositions et la jurisprudence nécessaires pour la résolution du litige, singulièrement celles relatives à la garantie du juge indépendant et impartial (art. 30 al. 1 Cst.), aux motifs de récusation (art. 15A de la loi du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative de la République et canton de Genève [LPA, RSG E 5 10]), ainsi qu'à l'apparence de prévention et de partialité en général (ATF 140 I 326 consid. 5.2; 138 IV 142 consid. 2.3), et en particulier dans les cas où des liens professionnels et/ou personnels unissent le juge ou l'avocat exerçant comme juge suppléant et une personne intéressée à la procédure (ATF 139 I 121 consid. 5), ses associés avocats ou ses collègues juges (ATF 145 IV 218 consid. 2.2; 141 I 78 consid. 3.3; 140 III 221 consid. 4.3.2). 
 
5.  
La Cour de justice a confirmé le rejet de la demande de récusation du juge Vecchio prononcé par le TAPI. Elle a considéré que le fait que ce dernier était l'associé d'un avocat qui avait tenu des propos désobligeants au sujet du représentant des recourants dans une procédure n'impliquant pas ces derniers était sans rapport avec la présente cause et qu'ainsi, le juge suppléant n'apparaissait pas comme prévenu. Plus particulièrement, elle a retenu que dans la mesure où le rapport d'inimitié ressortant des courriels du 23 septembre 2021 concernait l'associé du juge suppléant et pas ce dernier, on ne pouvait pas conclure à l'existence d'un motif objectif de récusation. Les juges précédents ont considéré qu'il en allait de même sur le plan subjectif, c'est-à-dire sur le plan des dispositions internes du magistrat à l'égard des parties, dès lors que le juge Vecchio n'avait jamais exprimé une opinion ou eu un comportement propre à démontrer qu'il aurait eu une inimitié directe avec les recourants et leur avocat ou qu'il aurait pris parti pour son associé. La Cour de justice a en outre retenu que le fait que le juge suppléant avait reçu copie des échanges de courriels entre Mes Degni et Solari mais qu'il n'aurait pas pris position sur les remarques contenues dans lesdits courriels ne constituait pas un motif de récusation. Elle a précisé que c'était à l'initiative de Me Solari qu'il avait eu connaissance des courriels et que l'absence de commentaire au sujet de ces derniers ne pouvait être interprétée comme un acquiescement aux propos de son associé. 
 
6.  
D'une manière générale les recourants font grief aux juges précédents d'avoir appliqué le droit cantonal (art. 15A let. f LPA) qui concrétise les garanties ancrées à l'art. 30 al. 1 Cst. de manière arbitraire. En particulier, ils reprochent d'abord à la Cour de justice d'avoir limité ind ûment son analyse de l'impartialité à son aspect subjectif. Ils soutiennent que le rapport d'inimitié entre leur avocat et l'associé du juge suppléant serait un élément objectif et suffisant pour prononcer la récusation du juge Vecchio. A cet égard, les recourants considèrent que le fait qu'un tiers - étroitement lié au juge suppléant qui traite leur cause - nourrissant un sentiment d'inimitié envers leur représentant est objectivement propre à fonder une suspicion de partialité à l'instar du rapport d'inimitié qui lierait l'épouse du juge suppléant aux parties au procès auquel ce dernier prend part. En outre, les recourants font valoir que, contrairement à ce que les juges précédents ont décidé, un conflit de mandat - qui nécessite un lien direct et contractuel entre le juge suppléant ou son associé avec l'une des parties - ne représente pas la seule situation dans laquelle on retiendrait l'existence d'un motif de récusation. Ils soutiennent qu'une étude d'avocat doit être prise comme un tout et que donc le comportement de Me Degni était propre à créer un conflit d'intérêt qui allait au-delà du simple conflit de mandat et suffirait à justifier la récusation du juge Vecchio. Enfin, ils font valoir que l'absence de prise de position du juge suppléant sur les propos de son associé à l'égard de leur représentant, et le fait que le juge Vecchio ne s'en est pas distancié, renforcerait le risque de partialité. 
 
7.  
L'argumentation des recourants n'est pas fondée. En effet, ils ne démontrent pas qu'en confirmant le jugement du TAPI, la Cour de justice aurait appliqué l'art 15A let. f LPA de manière arbitraire et qu'il existerait un motif de récusation découlant des échanges de courriels entre leur avocat et Me Degni, associé du juge suppléant visé par la demande de récusation. 
D'abord, contrairement à ce que soutiennent les recourants, la Cour de justice ne s'est pas limitée à un examen de l'aspect subjectif de la récusation. En effet, elle a retenu que le possible rapport d'inimitié, découlant de l'échange de courriels du 23 septembre 2021, concernait l'associé du juge Vecchio et l'avocat des recourants - ce qui n'est nullement contesté par les parties - et qu'ainsi, objectivement, il n'existait pas de motif de récusation. Ensuite, l'influence que pourrait avoir le rapport d'inimitié entre un tiers et un associé lié personnellement et/ou professionnellement au juge suppléant Vecchio ne permet pas de douter de l'impartialité de ce dernier. Dans la mesure où le rapport d'inimitié concerne l'associé du juge suppléant, l'argumentation des recourants ne peut pas être suivie. En effet, il n'y a pas de lien direct entre Me Solari et le juge Vecchio. A cet égard, la jurisprudence citée par les recourants relative aux conflits d'intérêts ne fait qu'étayer la nécessité d'une relation entre le juge suppléant et les parties pour justifier une apparence de prévention (ATF 147 III 89 consid. 4.2.4). U ne apparence de prévention pourrait résulter du fait que l'avocat associé au sein de la même étude que le juge suppléant aurait était lié par un mandat avec l'une des parties au procès (ATF 147 III 89 consid. 4.2.3). Or, de l'aveu même des recourants, le juge Vecchio et son associé n'ont en l'occurrence jamais été liés à eux par un mandat que cela soit de manière ponctuelle ou durable. Le rapport d'inimitié ne concernait que Me Solari et Me Degni dans le cadre d'une procédure opposant d'autres parties que celles en litige dans la présente cause. 
Enfin, s'agissant du contenu des courriels du 23 septembre 2021, les recourants ne font état d'aucune preuve ou d'élément qui viendrait étayer que le silence du juge suppléant signifierait qu'il approuverait les propos de son associé, de sorte qu'il s'agit uniquement de leur propre point de vue qui ne permet pas de retenir l'existence d'une apparence de prévention. En outre, contrairement à ce que laissent entendre les recourants, le juge Vecchio s'est prononcé sur la demande de récusation déposée à son encontre par courrier du 11 octobre 2021. Il a expliqué qu'il était associé avec Me Degni depuis mars 2012, que lors de l'attribution de la cause en 2018 [recte: 2019], le litige civil dans lequel Me Solari et Me Degni représentaient des parties opposées existait déjà et qu'enfin c'était Me Solari qui avait décidé de le mettre en copie de son échange de courriels avec Me Degni. Même si la prise de position du juge Vecchio ne satisfait pas les recourants, on ne peut suivre ces derniers lorsqu'ils affirment qu'il ne s'est pas déterminé sur le motif de récusation. 
 
8.  
Compte tenu de ce qui précède, le recours entièrement mal fondé doit être rejeté. Les recourants, qui succombent, supportent les frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, et à l'Administration fédérale des contributions. 
 
 
Lucerne, le 29 mars 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Feller