8C_343/2022 11.10.2022
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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_343/2022  
 
 
Arrêt du 11 octobre 2022  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Heine et Abrecht. 
Greffière : Mme Elmiger-Necipoglu. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, représenté par Me Thomas Büchli, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (lien de causalité), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 11 avril 2022 (A/1456/2021 ATAS/350/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1970, travaillait comme manoeuvre pour l'entreprise de maçonnerie B.________ et était à ce titre assuré de manière obligatoire contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après: la CNA). Le 19 décembre 1996, il a reçu une pierre sur la jambe droite, ce qui a entraîné une fracture, traitée chirurgicalement. Une suspicion d'ostéomyélite n'ayant pas pu être confirmée, c'est le diagnostic de douleurs chroniques de la jambe droite d'origine multifonctionnelle qui a été retenu. Par décision du 29 juin 2012, confirmée sur opposition le 23 juillet 2013, la CNA a mis fin au versement des prestations d'assurance.  
 
A.b. Le 13 décembre 2017, l'assuré a glissé sur du carrelage et s'est blessé à la jambe droite. Une probable ostéomyélite chronique a été diagnostiquée et a donné lieu à une cure d'ostéomyélite au niveau du tibia droit le 18 novembre 2018. La CNA a pris en charge le cas comme étant une résurgence de l'accident du 19 décembre 1996.  
Après avoir recueilli l'avis de son médecin d'arrondissement, le docteur C.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, la CNA a rendu le 21 décembre 2020 une décision, confirmée sur opposition le 18 mars 2021, par laquelle elle a mis un terme au remboursement des frais de traitement avec effet immédiat et au versement des indemnités journalières à partir du 3 janvier 2021, faute de lien de causalité entre l'accident du 19 décembre 1996 et le syndrome douloureux chronique que l'assuré présentait actuellement. 
 
B.  
Par arrêt du 11 avril 2022, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a partiellement admis le recours interjeté par l'assuré contre la décision du 18 mars 2021, qu'elle a annulée. Elle a renvoyé la cause à la CNA pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants, en précisant au considérant 8.1 que l'assuré avait droit au versement de l'indemnité journalière et au remboursement de ses frais de traitement au-delà du 3 janvier 2021. 
 
 
C.  
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens qu'il soit constaté que l'intimé n'a pas droit au versement de l'indemnité journalière et au remboursement des frais de traitement au-delà du 3 janvier 2021. Elle sollicite en outre l'octroi de l'effet suspensif à son recours. 
L'intimé conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours est recevable contre les décisions finales, soit celles qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), et contre les décisions partielles, soit celles qui statuent sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (art. 91 let. a LTF) ou qui mettent fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (art. 91 let. b LTF). Les décisions préjudicielles et incidentes autres que celles concernant la compétence ou les demandes de récusation (cf. art. 92 LTF) ne peuvent faire l'objet d'un recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).  
 
1.2. Au vu des conclusions (cf. let. C supra) et des motifs du recours, la recourante entreprend l'arrêt attaqué uniquement en tant qu'il constate que l'intimé a droit au versement de l'indemnité journalière et au remboursement de ses frais de traitement au-delà du 3 janvier 2021. En effet, dans son écriture, elle précise que "seule cette partie de l'arrêt est concrètement attaquée dans le présent recours", à l'exclusion donc du renvoi de la cause pour instruction complémentaire. Sur le point contesté, l'arrêt attaqué ne laisse aucune latitude de jugement à l'autorité administrative, si bien qu'il doit être assimilé à une décision finale (cf. art. 90 LTF) pouvant faire l'objet d'un recours en matière de droit public (cf. ATF 144 V 280 consid. 1.2; 140 V 321 consid. 3.2; 135 V 141 consid. 1.1).  
 
1.3. En tant que la CNA fait toutefois valoir, plus loin dans son écriture, qu'elle n'aurait pas violé son obligation de procéder à une instruction complète du dossier (art. 43 al. 1 LPGA), il ne peut pas être entré en matière sur cette argumentation, au vu des conclusions du recours, qui lient le Tribunal fédéral (art. 107 al. 1 LTF) et excluent ainsi l'examen de ce point.  
 
2.  
 
2.1. Le litige porte donc uniquement sur le point de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en constatant que la recourante devait verser des prestations d'assurance au-delà du 3 janvier 2021.  
 
2.2. Si la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction précédente (art. 97 al. 2 et art. 105 al. 3 LTF). Aussi, lorsque sont en jeu des prestations en espèces et en nature, comme c'est le cas en l'espèce, le Tribunal fédéral dispose-t-il d'un pouvoir d'examen étendu en ce qui concerne les faits communs aux deux types de prestations (arrêt 8C_711/2020 du 2 juillet 2021 consid. 2.2 et l'arrêt cité, in: SVR 2022 UV n° 18 p. 75).  
 
2.3. Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) et n'est limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Cela étant, le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF (ATF 145 V 304 consid. 1.1; 141 V 234 consid. 1).  
 
3.  
 
3.1. La cour cantonale a correctement exposé les dispositions légales régissant le droit aux prestations de l'assurance-accidents (art. 6 al. 1 LAA et art. 4 LPGA), notamment en cas de rechute (art. 11 OLAA [RS 832.202]), les principes jurisprudentiels relatifs aux notions de causalité naturelle et adéquate (ATF 142 V 435 consid. 1; 129 V 177 consid. 3.1), de même que la jurisprudence en matière d'appréciation de rapports médicaux (ATF 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3). Il suffit d'y renvoyer.  
 
3.2. On ajoutera que dans le contexte de la suppression du droit à des prestations d'assurance sociales, le fardeau de la preuve incombe en principe à l'assureur-accidents (cf. ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références; arrêt 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2). A cet égard, est seul décisif le point de savoir si, au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 146 V 271 consid. 4.4), les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus aucun rôle, ne serait-ce même que partiel (cf. ATF 142 V 435 consid. 1), et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt 8C_233/2007 du 25 mars 2008 consid. 2 et les arrêts cités).  
 
4.  
 
4.1. Examinant si la cessation des prestations était conforme au droit, la cour cantonale a constaté que les conclusions du docteur C.________, s'agissant notamment de l' (in) existence d'une ostéomyélite chronique et de la date de stabilisation de l'état de santé, étaient sérieusement mises en doute (cf. ATF 145 V 97 consid. 8.5; 142 V 58 consid. 5.1), d'une part, par les conclusions d'une expertise privée du docteur D.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, et, d'autre part, par le docteur C.________ lui-même. Au vu de ces éléments, elle a considéré qu'une expertise médicale pluridisciplinaire au sens de l'art. 44 LPGA s'avérait nécessaire pour déterminer notamment si l'état de santé de l'intimé était stabilisé et s'il présentait une ostéomyélite chronique. La juridiction cantonale a en outre précisé que la recourante - qui n'avait pas établi que l'état de santé de l'intimé était stabilisé - était tenue de poursuivre le versement de l'indemnité journalière et le remboursement des frais de traitement.  
 
4.2. La recourante soutient qu'en reconnaissant le droit de l'intimé aux indemnités journalières et au traitement médical au-delà du 3 janvier 2021, les premiers juges auraient violé le droit fédéral, en particulier les art. 6 al. 1 et 10 al. 1 LAA en ce qui concerne la notion de causalité, l'art. 19 al. 1 LAA en ce qui concerne la stabilisation de l'état de santé et les art. 16 LAA et art. 6 LPGA en ce qui concerne la capacité de travail. Il serait en particulier contradictoire de prétendre, d'une part, à une instruction médicale incomplète pour déterminer la stabilisation de l'état de santé et la présence d'une ostéomyélite chronique et, d'autre part, de reconnaître parallèlement le droit aux prestations d'assurance en l'absence d'éléments médicaux probants quant à l'état de santé stabilisé.  
 
 
4.3. Ces griefs tombent à faux. En effet, la recourante ne conteste pas avoir pris en charge les suites de l'événement du 13 décembre 2017 et alloué des prestations d'assurance. Elle admet d'ailleurs au considérant 2d de sa décision sur opposition qu'on se trouve dans un contexte de suppression de prestations d'assurance, dans lequel celles-ci doivent être allouées aussi longtemps que l'assureur-accidents n'a pas établi la disparition du lien de causalité entre les troubles subsistants et l'accident (cf. consid. 3.2 supra). Or, au vu des constatations de la juridiction cantonale, la recourante n'a pas apporté la preuve requise (cf. consid. 4.1 supra). Compte tenu de l'absence de preuve quant à la disparition du lien de causalité entre les atteintes subsistantes et l'accident de 1996, il s'ensuit que l'arrêt attaqué ne viole pas le droit fédéral en tant qu'il constate que la recourante doit poursuivre le versement des prestations au-delà du 3 janvier 2021, jusqu'au moment où l'instruction médicale aura été complétée et où une décision sur le droit aux prestations d'assurance pourra être rendue.  
 
5.  
Au vu de ce qui précède, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité (cf. consid. 1.3 supra). La cause étant tranchée au fond, la demande d'effet suspensif est sans objet. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera une indemnité de dépens à l'intimé (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimé la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 11 octobre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Elmiger-Necipoglu